[TERMINÉ] Discovering the object of the game is the object of the game. | Grace.

Nos lèvres se touchent. Et bien plus encore. C’est intense. Spécial. Incroyable. Déroutant. Je n’arrive pas à savoir si je suis le seul à prendre du plaisir pendant ce baiser. En fait je sens qu’elle ne bouge pas. Elle est là. Et moi je me laisse emporter par mon instinct de mâle. Ce n’était pas calculé. Je n’ai pas vraiment réfléchit avant d’agir. C’est venu comme ça ! Mais… Elle me perturbe. Elle m’attire. J’ai envie de la bloquer contre moi, de la soulever, de l’emmener sur la plage, de l’embrasser encore. C’est disons… Comme fusionnel. Un baiser reste un baiser en soit. Je ne leur accorde pas spécialement d’importance. Mais cette fille est si spéciale. C’est mon inconnue. C’est le reflet de ma personnalité. C’est une montagne de problèmes cachée derrière des apparences. C’est un corps attirant et une mentalité fantastique. Je ne pense pas vraiment à ce que je fais. J’attends juste qu’elle me repousse. Mais ce n’est pas le cas. Elle ne se révèle pas farouche. Ni gourmande… Elle ne bouge pas. C’est comme si j’étais avec une statue. Et je vous jure que ça perturbe. Mes mains veulent remonter le long de sa peau mais je n’ose pas. J’ai l’impression d’être le seul à agir. A l’exception de son visage évidement… C’est ce qui est perturbant. J’ai beau lâcher prise pendant ce moment. Il y a différentes informations venant dans des sens contraires qui me perturbent.

Tout à une fin. Nous nous décrochons l’un de l’autre pour reprendre notre souffle. Un vent de satisfaction résonne en moi. Mon corps vibre, ma respiration est saccadée. J’humecte mes lèvres et observe la belle brune. Nous restons proches. Mes mains sont toujours sur ses reins. Je ne sais pas vraiment quoi dire. Je ne sais pas ce qu’elle compte faire. Il y a encore une sorte de mur entre nous qui nous empêche de comprendre l’autre. Techniquement c’est normal pour deux personnes qui viennent de se rencontrer. Mais sur un autre plan ça me frustre totalement. J’ai envie d’entendre la moindre de ses pensées, de m’immiscer en elle et de savoir quoi faire exactement. Ou justement ce qu’elle veut que je fasse pour ne pas le faire… Vous me suivez ? Ne pas suivre le chemin écrit pour surprendre et ainsi faire plaisir d’une manière différente.
Mais pas le temps de se pencher plus longtemps sur le sujet. La demoiselle me demande si c’est ce que je préfère. Je ne comprends pas très bien de quoi elle veut parler. Elle fait peut-être référence à ce qu’elle disait plus tôt. Ma tête n’est pas encore assez froide pour se souvenir de quoi que ce soit. Tout ce que je vois ce sont ses lèvres. Appétissante. Et cette envie qui me crève le bide. Aah. Calme-toi Jude ! Respire. Tranquillement… Son ton de défi, son regard. Elle sait très bien ce qu’elle sous-entendant. Et j’en fais pareil. Le temps que les souvenirs reviennent à la surface. Le temps d’effacer le nuage qui embrume mon cerveau. Elle m’a dit de choisir ce que je préfère ! Voilà ! C’est ça !

Et maintenant ? On fait quoi, là dans l’eau ? On continue de se regarder droit dans les yeux. Moi mes mains sur ses reins, elle toujours aussi immobile ? Non parce que ce n’est pas que je me sens légèrement con mais quand même ! Il n’y a pas une seule fille qui m’a fait ce coup là avant elle ! On chauffe pour finalement se laisser faire docilement. Elle n’a rien d’une fille qui suit. Alors quoi ? Elle me teste ? Comme si je ne le savais pas déjà ! Moi aussi. Enfin, j’essaye. Là, je dois dire que j’ai arrêté de calculer. Mais je reprends les choses en mains ! Je suis décidé et sûr de moi. Je ne bougerai pas d’un pouce avant qu’elle fasse un pas. Ou qu’elle dise quelque chose. Justement… « ...ta méthode a l'air de fonctionner... » Sa bouche s’est encore une fois ouverte pour faire référence à une citation pre-baiser mais cette fois-ci je la comprends immédiatement. Il faut croire que mon cerveau à retrouver sa capacité de raisonner !

Elle est réchauffée. Moi aussi. Malgré tout, l’eau me glace les membres. Je ne resterai pas des millions d’années ici. Si elle ressent un minimum de chaleur c’est que derrière cette apparence de statue frigide, elle a ressenti quelque chose. Bon point pour moi. Je ne suis pas tout seul ! Et comme pour me répondre, elle se rapproche de moi. Il n’y a pas beaucoup à faire. Elle vient me trouver ! Cette fois c’est elle qui bouge. Sa main vient se poser contre ma nuque. Je sens un frisson parcourir mon corps entier. Je ne sais si c’est parce qu’elle est froide ou pour une toute autre raison. Le désire. Je le sens présent. Je ne peux pas vraiment lutter et encore moins l’effacer définitivement. Il est là. En moi. Je ne peux pas le cacher. Je n’ai nulle part où l’enterrer. Si on peut dire ça comme ça…
Mes mains glissent légèrement. Elles descendent doucement. Dans des conditions normales, je n’aurais imposé ma présence sur ses fesses. Mais nous ne faisons rien comme tout le monde. Je descends encore et la saisit. Je la tiens et de la force de mes bras, je la porte. Je la remonte à mon hauteur. Je la bloque contre moi. Ce geste est venu aussi naturellement que notre baiser passionné. Car il faut l’avouer, ce contact est incroyable. Je me laisse porter par le mouvement. Parfois je prends plus d’initiative. Je m’immisçais dans sa bouche. Nos lèvres se caressent. Les siennes sont douces, sucrées. Elle a bu de l’alcool. Ça se sent. Moi aussi d’ailleurs. Je retourne vers la baie. Progressivement. Nous retournons vers le sable. Mes pas s’enchainent, hésitants. Je ne peux pas me concentrer là-dessus. D’ailleurs, alors que nous n’avons plus que vingt centimètres d’eau à nos pieds, je trébuche et tombe à la renverse. Si je n’avais pas porté la demoiselle, j’aurais plus facilement pu réagir et me rattraper. Seulement, me voilà dos contre le sol, une fille sur moi. Je souris. Mes mains viennent caresser son dos mouillé puis remontent jusqu’à ses longs cheveux bruns. « Notre jeu prend une allure inattendue, belle inconnue. » Nos visages sont près l’un de l’autre. Je souris avant de l’embrasser à nouveau. « Nous jouons encore ? » La question qui tue…

Elle me répond qu’elle connait les nages que j’ai énumérées. Je feins un air soulagé. Je garde au maximum mon air sérieux et je repousse au maximum mes désirs. Savoir se contrôler. C’est le truc le plus important dans le jeu. Savoir ce faire du mal sans laisser paraître la moindre douleur. Mais là… Ce soir, avec l’alcool que j’ai dans le sang et sa provocation… C’est plutôt difficile de repousser dans sa prison l’homme que je suis. J’ai pourtant construit une coquille solide. Je n’arrive simplement pas à fermer correctement la porte. Comme si c’était bloqué de l’intérieur. Ou alors j’ai perdu les clés. Ou plus précisément, j’ai balancé ces fichues clés par-dessus mon épaule au moment où je me suis collé à elle dans ces toilettes.

Mais il faut que je tienne le fil jusqu’au bout. Je me suis lancé alors poursuivons ! Je peux sans doute y arriver. La tester. Voir sur son visage la déception, l’attente, la frustration… Ce qui peut être intéressant. Un fois que je les aurais bien analysé alors je pourrais en déduire quand est-ce qu’elle dit ou non quelque chose qui lui tient vraiment à cœur ou si elle ment. Enfin, c’est ce que je pense. Mais en ai-je vraiment besoin ? Jusqu’ici j’ai réussi à faire sans. Jusqu’ici je n’en ai pas profité. Et si je lisais la surprise, le plaisir, l’envie sur son visage… Ce pourrait être tout aussi instructif. Beaucoup moins drôle certes. Parce que personnellement jouer le mec fan de natation ça m’amuse beaucoup. Mais d’un autre côté, je n’en éprouve pas une satisfaction. Enfin, si. Mais… Vous voyez où je veux en venir ? La chaire est faible… Ça n’a jamais été une chose primordiale à mes yeux. Au contraire, je favorise le mental, la psychologie… Cependant, il faut savoir lâcher prise. S’amuser, profiter de sa jeunesse…

« Ça tombe bien, j'aime bien ce qui est... physique... » L’inconnue joue parfaitement avec les intonations de sa voix. Elle me fait presque sourire. La belle brune est juste là. Proche de mon oreille. J’ai l’impression d’être l’arroseur arrosé. Me teste-t-elle au final ? Essaye-t-elle de voir jusqu’où je peux aller ? Voir si je suis faible ou non… J’ai bien vu qu’elle était aussi calculatrice que moi. Alors je ne sais plus vraiment quoi penser.
La demoiselle vient me faire face. Elle m’observe. Je me retiens donc pour ne pas répondre à sa dernière phrase. Ses yeux sont ancrés dans mes yeux malgré la noirceur de la nuit. Y cherche-t-elle un truc particulier ? Certainement. Du désir ? Probablement. De l’amusant ? Je ne sais pas. Dans tous les cas, j’essaye de rester impassible. Au bout d’un petit moment elle se recule. Je me demande pourquoi. Elle se place à une distance suffisante pour que son insistance s’évapore. C’est définitivement bizarre ce qui se passe entre nous. Un jeu qui en est faussement un. Pour qui compte-t-il plus ? Qui est prêt à le lâcher en premier pour faire tout autre chose ? Qui n’a pas les mêmes intentions que l’autre ? Je ne sais pas où me placer. Et je sais encore moins ce que pense l’inconnue.

«... Alors si on passait un peu de bon temps?... Choisis ce que tu préfères... Tu n'as qu'à commencer, et je te suivrai... » Elle est comme ça elle ? Elle laisse aux autres le soin de choisir à sa place… Je n’aurais jamais deviné. Mais il ne faut pas me le répéter deux fois. J’envoie valser mes pensées. Je m’en fous complètement de ce qu’il est plus stratège ou non de faire. Ça fait un moment qu’elle me provoque. Elle veut me trouver ? Peut-être pas. Mais il fallait que je le fasse… Je vais peut-être tout ruiner. Tant pis. Je ne connais même pas son nom. Ce n’est pas une grande perte ! Juste une adversaire de jeu à qui je dis au revoir suite à une mauvaise stratégie.

Je m’approche rapidement. J’ai retrouvé le sol. Il est donc plus facile pour moi de faire un grand pas pour me retrouver tout près d’elle. Ma main vient se glisser contre ses reins. Je l’attire vers moi. Fermement. Nos corps se retrouvent subitement collés l’un à l’autre. Je penche mon visage sur le sien. Mon regard en profite pour scanner le sien. J’essaye d’y voir quelque chose. Comme elle tout à l’heure. Nos nez se touchent. Sa peau est froide. Autant que la mienne. Même si intérieurement, une chaleur monte progressivement. Mes lèvres effleurent les siennes. Ma soudaine brutalité de tout à l’heure a disparu. Seulement, une lourde et solitaire vague s’abat sur nous. J’en profite pour l’embrasser. Vraiment. Je ne pense à rien à part son corps juste là. Je la tiens. Je la goute. Je la sens. Je profite. Tout pourrait bientôt s’arrêter. Je vais me faire passer pour un pervers… Elle m’a cherché !

En fait, si mes deux phrases sont associées l’une avec l’autre, on peut se poser des questions. Encore pire si on y sème une pincée de mes pensées. Mais je veux qu’elle se plonge dans des réflexions. Je l’observe un peu plus à chaque pas qui me rapproche d’elle. L’eau dégouline sur mon torse. Je gèle. Mais je ne claque pas des dents, c’est quand même le minimum ! La lumière parvient faiblement jusqu’à nous. A vrai dire, nous sommes quasiment noyés par l’obscurité. Il y a quelques reflets par-ci par-là. Comme celui de la lune ou des réverbères. On arrive à distinguer nos deux corps qui se fraient un chemin dans l’eau. Celle-ci glisse le long de nos peaux, tel un serpent. Nos yeux s’habituent rapidement à cette faible quantité de lumière. Enfin, les miens en tout cas. Je ne peux définitivement pas parler au nom de l’inconnue ! Qui le restera. Inconnue. Je ne pense pas que la brunette va me balancer son prénom. Je le chercherai. Ou pas. Je ne sais plus. Il y a deux minutes à peine, j’étais convaincu que je ferais des recherches sur elle. Maintenant, je me dis que ce n’est peut-être pas utile. Je raisonne assez mal. Je ne suis pas constant dans mes idées. En fait, je suis partagé en deux. Il y a mon en envie de fouiner. Toujours plus forte et coriace. Et puis celle qui veut jouer le jeu jusqu’au bout. A fond. Sans tricher. Je ne sais laquelle écouter. Je ne contrôle rien. Je dois juste attendre sa réponse. Voir ce qu’elle en pense. Je ressens un peu de peur au fond de moi. J’angoisse sur le fait qu’elle puisse tout envoyer en l’air. Des petites lettres assemblées. A quoi cela pourrait-il ressembler ? Je n’arrive pas à lui coller d’étiquette. C’est mon inconnue, voilà tout. Je veux qu’elle le reste. Et je veux en savoir plus sur son passé.

Je sens que ma belle brune va parler. Sa tête se relève et d’un ton si particulier, elle me dit : « Ça c'est à nous en décider... » Et alors d’un coup, sans prévenir, elle plonge dans l’eau. Comme ça. Je dois prendre ça comme un signe ? Une fuite ? Un refus d’obtempérer ? Une minute de réflexion ? Un « Je n’ai pas le temps de répondre chéri, repasse la semaine prochaine j’ai actuellement mieux à faire, j’ai piscine. » Oui, c’est mon excuse régulièrement. Ça ne fait sans doute rire que moi. De toute façon, on m’a assez souvent répété que mon sens de l’humour était particulier. Je m’y suis habitué depuis !
Mes yeux ne la quittent pas des yeux. Enfin, j’essaye. Une fois qu’elle est sous l’eau, je perds le contact visuel avec son corps. Plus rien. Elle a disparu sous un grand miroir tourné vers le ciel étoilé.
J’attends donc de voir sa tête ressortir. C’est rapidement le cas. Ses cheveux partent en arrière de façon magistral. Un peu théâtrale, comme dans les publicités, mais ça fait son petit effet ! Mais ce que j’apprécie le plus, c’est le minuscule juron qui sort de sa bouche. Quoi ? Elle ne savait pas qu’elle était froide ? Ça me fait légèrement sourire. On va mourir dans nos lits demain. De la fièvre, un nez énorme, des mouchoirs, plus de voix… La totale ! Mais personnellement, je m’en moque ! Au contraire, du moment que je m’amuse, ça me va. Et puis, ce n’est pas comme si les cours allaient me manquer. Je m’y fais incroyablement chier en ce moment. Si ce n’est pas pour dire tout le temps. Je n’approuve pas la façon d’apprendre. Je clous le bec au prof. Je me fais virer. Je reviens calmé. Je me fais discret. On oublie mon nom. On me rend un A. On joue les étonnés. On revérifie la copie. Puis on ne me demande plus rien de l’année. En plus, les programmes ne sont pas bien faits. Je ne suis peut-être pas un bon juge mais la femme de ménage de la maison a réussi à m’apprendre à parler correctement une langue étrangère. Ce que l’école et son personnel payé pour, ont du mal à faire. Je suis obligé de faire des voyages pour en apprendre plus. Enfin, bref. Ne nous éternisons pas là-dessus. Nous sommes américains. On se croit maitres du monde… Alors autant mal éduquer la génération future.

Focalisons-nous sur la charmante sirène complètement congelée que j’ai en face de moi. Ou plutôt autour de moi. Elle tourne en rond. Et moi je bouge les jambes et les bras à peu près dans tous les sens. Resté immobile serait du suicide. Mon visage suit le sien. Je ne la perds pas de vue. Je lui rends son sourire. Ça fait toujours plaisir de voir quelqu’un ainsi. Surtout que c’est un peu grâce à moi qu’elle est aussi radieuse à ce moment même. Non ? Parce qu’il n’y a personne d’autre depuis de longues minutes déjà…
Elle se stoppe. Je la fixe. Dans les yeux. Rien que les yeux. Toujours les yeux. De très beaux yeux. Magnifiques yeux ! Un regard… Une po… Un REGARD à couper le souffle. « Alors? Tu voulais qu'on bouge? ...Je t'écoute... Tu connais peut-être des mouvements qui réchauffent plus rapidement? » Ahah. Elle a des paroles avec autant de sous-entendus que les miennes. Si ce n’est pas pire ! Venant d’une fille c’est plutôt… Ça change dirons-nous ! Je ne vais jamais vers des filles qui prennent autant le devant. « Alors il y a la brasse, le crawl, la nage papillon, la danse aquatique… » J’ai pris un air sérieux en énumérant le nom des nages comme un passionné. « Tu les connais toutes ? Il est assez simple de les pratiquer à deux. Il suffit d’être bien synchronisés et le tour et joué ! On peut avoir du bon temps en les pratiquants… Même si ça reste physique.»
J’essaye de continuer à fixer son regard. Je fais du surplace depuis le début. J’essaye de toucher le sol pour venir au plus près d’elle. Une envie de l’embrasser me prend. Mais comme tout à l’heure je suis partagé en deux. J’ai également très envie de partir en nageant, en la laissant dans une situation de frustration. Mais son « regard » m’attire un peu plus. Elle a des arguments. Alors que moi, non. Je suis un mec. J’ai une fille en face de moi. Elle fait des insinuations plutôt limites. Elle est quasiment nue étant donné que ses sous-vêtements sont trempés.

Spoiler:

Spoiler:

J’attends avec impatience sa réponse. Je suis curieux. Elle a piqué cette partie de ma personnalité avec une petite aiguille. Un tout petit truc qui m’a fait frissonner. Je veux savoir. Je saurais. Elle m’a emmené loin avec mes tatouages. Je l’emmènerai tout aussi loin. Je l’observe. Je veux savoir mais ça je l’ai déjà dit. Je pense que je ne le dirais pas assez de fois ! J’ai bien remarqué que le mot famille a attiré particulièrement son attention. J’ai vu son dos se redresser automatiquement. Comme lors d’un sursaut. Mais celui-ci était bien plus contrôlé. C’était comme si j’avais dit le mot interdit. Celui qui mènera à l’Apocalypse. Je ne peux donc pas me défaire de ses lèvres. J’attends de voir percer entre ses deux lèvres un flot de mots que j’analyserai du début à la fin. Mais si pour cela, il me faut quelques minutes de réflexion. Je prépare mon cerveau à intercepter chaque phrase, chaque mot, chaque virgule, chaque ondulation du son de sa voix. Tout. Absolument tout. Je suis doué à ce jeu-là. Si on peut appeler cela un jeu… Disons que ça a même fini par m’en apprendre sur mes professeurs. Je ne me concentre pas directement sur le sens de la phrase. Je décrypte pour tout rassembler au final. C’est comme un tableau géant dans ma tête. Je vois les mots. Je les additionne pour en trouver le sens cacher. C’est un peu mathématique en fait. Il suffit d’arriver à lire sur le visage et à enregistrer chaque tique pour chaque syllabe et d’avoir une bibliothèque assez importante pour réussir à les comprendre. Je ne me dis pas comportementaliste ou quoi que ce soit. Loin de là ! Disons simplement que je suis observateur. Terriblement même.

Cependant, je ne m’attendais pas du tout à cette réponse. L’inconnue me retourne la question. Elle l’a très bien comprise mais elle joue l’étonnée. Ses yeux se posent sur moi, ils me disent que j’ai marqué un point. Le sujet sensible ! Mais ça je le savais déjà, pas la peine de me le rappeler. On pourrait croire qu’elle veut forcer mon égo à tripler de volume ! Là, la brunette décroche ses yeux sombres des miens pour aller effleurer la bouteille. Je suppose un instant qu’elle fait comme moi. Elle me trompe pour me faire croire qu’elle va baisser les bras et éviter la question. J’espère vraiment qu’elle joue au même jeu que moi. Sinon, je risquerai d’être déçu. La soirée perdrait tout son sens. Je finirai même par partir sans dire un mot. Oui, si je suis encore là c’est parce que nous avons joué. Et une fois la partie terminée par cet abandon… Eh bien, il n’y aura plus aucun intérêt ! Je sais pertinemment que je ne lui aurais jamais autant parlé dans d’autres circonstances. Je n’aime pas les demoiselles trop propres sur elles et qui veulent attirer tous les regards. Le complexe d’infériorité transpire de chacun de leurs pores ! Ça peut être amusant de temps en temps. De parfaites cibles à manipuler. Mais je n’aurais jamais troqué une soirée avec les jumeaux pour ce genre de gamines. Sauf que là… Elle, elle était différente. Elle avait un truc en plus. Encore une fois, ça cache un problème mais elle m’intrigue tellement plus. S’en devient presque perturbant par moment.
En fait, durant tout mon moment de peur injustifiée, la demoiselle a reposé la bouteille entre ses pieds nus. Elle n’a fait que la regarder une demi-seconde. Et moi, je me suis fait un film. Bravo Jude ! Je ne suis définitivement pas fier de moi !

Elle me regarde et j’en fais autant. Je suis toujours suspendu à ses lèvres. « Je n'ai pas de famille. » QUOI ? Mon bouche s’entrouvre. Mais je me reprends vite. Son ton a été impitoyable. Elle n’a pas répondu à ma question mais m’a mis sur le carreau. Elle a balancé sa de manière si froide, si détachée. Je me sens trahi. J’avais prié pour une réponse plus consistante qu’un simple oui. Et là… Tout le monde a une famille, biologiquement parlant. Du coup, je suppose qu’elle veut parler du sens spirituel. Celui qui nous donne envie de mettre des majuscules à tout bout de champ ! Comme pour l’amour. Mais je me demande tout de même si elle est sincère. Oui, dès le début j’ai vu qu’elle manquait d’affection. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle attire par tous les moyens les regards et qu’elle doit se jeter dans les bras de tous les hommes. En fait, ça m’attriste. Je n’ai pas de pitié pour elle. Je pense que je ne suis pas capable de ça. Mais je trouve ça dommage qu’une demoiselle avec tant de potentiel se laisse guider par un manque. Elle n’arrive pas à le combler. Et son caractère joueur, détaché, froid par moment et son côté sexy ne l’aideront jamais. Changer n’ait pas toujours la bonne solution. Par exemple, je ne changerai pas. Je sais que je m’autodétruirai ! Mais elle… Je ne sais pas. Je ne la connais pas assez.
Désormais je veux en savoir plus. Je veux tout connaître. Peut-être qu’elle ne me dira rien de plus. C’est même certain. Mais je pourrais faire des recherches. Je suis un très bon détective. J’ai mes données personnelles. Il suffira d’entrer dans le bureau du principal, chercher le dossier de la demoiselle… Bon, avant ça, il faut que je connaisse son nom et prénom. Avec des petites questions, j’y arriverai sûrement. J’ai bon espoir.

« On va se baigner? » Quel joli changement de sujet ! Mes yeux pivotent vers l’océan Atlantique qui s’écrase à nos pieds. L’inconnue veut définitivement changer de sujet. Très bien. Je me suis résolu à ne pas en attendre plus. Je saurais découvrir tout ça par moi-même.
Je n’ai pas le temps de dire oui ou non qu’elle retire encore une fois sa jupe. Puis elle commence à avancer. Je regarde un instant le spectacle. Elle se sort de l’impasse dans laquelle je l’ai mise en me montrant son corps. Ça doit être son seul échappatoire ! Intéressant… Je me demande comment la mettre dans une position qui lui empêche d’agir ainsi. J’ai définitivement envie de passer plus de temps avec elle. Pas seulement parce qu’elle m’intrigue, mais elle me fait penser à moi. Enfin, mes problèmes… J’ai envie de l’aider. Je ne sais pas si lui construire une carapace plus forte encore serait une solution. Mais pourquoi pas ? Peut-être qu’ainsi je serais le seul à voir ce qu’il y a à l’intérieur. Tout ça grâce à un peu de confiance…

La jeune femme se retourne. Elle est entièrement en sous-vêtements, au bord de l’eau. L’obscurité l’entoure. La nuit est tombée il y a bien longtemps. L’eau doit être glacée. Mais je m’en fous. C’est un peu comme les Cap ou Pas Cap que l’on faisait Joshua, Marissa et moi… Et puis je ne vais pas rester planté là ! Je commence ainsi à bouger. Je défais rapidement les boutons de ma chemise. Comme si je n’avais pas assez galéré pour les mettre ! Je passe ensuite à ma ceinture, puis mon jean. C’était définitivement plus compliqué pour moi ! Merci pour ce spectacle ridicule…
Avant de la rejoindre au bord de l’eau, je commence à courir. Je ne préfère pas m’arrêter. Je cours donc jusqu’à pouvoir plonger la tête la premier. Glacée. Je reviens à la surface et passe une main dans mes cheveux pour les enlever de devant mes yeux.

« C’est revigorant au moins ! Il va falloir qu’on bouge... »
Non, non. Je ne dis ça sans aucune arrière-pensée ! Que croyez-vous ? Que j’ai une envie de me réchauffer plutôt particulière ? Je parle de minutes de brasse, voyons ! Je n’ai jamais voulu de telles choses ! Je suis un homme. Un homme ne pense pas comme ça…
Je me rapproche donc de la demoiselle en lui souriant.

« Nous serons définitivement des inconnus jusqu’au bout de la nuit ? » Dans ce cas, on peut se permettre encore plus de folies, non ? Je ne dis pas cette fin de phrase. Car j'ai un peu peur que ce soit mal pris.

L’inconnue me dit que ma réponse lui convient. Tant mieux, je ne me voyais pas continuer de toute façon. Et j’ai même eu le droit à un sourire. Je pense que ça l’a un minimum intéressée et j’en suis content. Au moins elle n’a pas baillé à plusieurs reprises. Ça aurait été plutôt gênant d’ailleurs. En fait, la brunette aurait totalement pu être désintéressée par ce sujet, elle aurait pu détester les tatouages ou en être un fétichiste. Je n’en sais absolument rien. Je ne connais même pas son prénom, c’est pour dire ! Et puis, je ne sais même pas si je veux l’entendre… Oui, il y a cette curiosité. Mais qu’est-ce que ça nous apporterait ? Nous n’aurions plus cette atmosphère. Nous ne pourrions plus nous cacher derrière de belles paroles, nous pourrions alors nous retrouver à l’aide d’une description physique et justement de ce prénom. Alors, non. Je ne veux pas le connaître. Ou pas tout de suite. J’aime être avec cette inconnue et ne rien savoir d’elle. J’aime essayer de déduire ces gestes, ces mots, ces actes. J’adore me faire des films sur elle, essayer de l’imaginer dans une situation ou dans une autre. C’est mon inconnue. Elle peut-être Beverly pour un tel, Mary pour un autre. Elle restera mon inconnue de la boîte de nuit.

La demoiselle revient sur mes mots. Elle trouve que c’est une bonne chose que mes tatouages n’est aucune valeur et d’un autre côté elle trouve ça mal. Tout le monde peut découvrir ce qui m’est de plus précieux en un regard. Ça me fait sourire. Tout d’abord parce que personne ne sait exactement ce qu’ils veulent dire, elle venait justement de me poser la question. De plus, si je les ai mis c’est pour qu’ils soient vus et partagés. Un tatouage n’est pas fait pour être planqué dans son coin sombre ! Non. Ils font partis de moi, ils m’ont construits, ils ont vus mon évolution. Ne pas tout cacher derrière son apparence. Laisser des petits éléments miroiter à la surface, voilà ce que je fais. Après, je comprends qu’elle n’accepte pas cette notion. Mais comme je l’ai déjà dit, tout le monde ne les comprend pas du premier regard. Ils ne savent pas que c’est ce qu’il y a dessous la coquille. Il suffit parfois d’en montrer beaucoup pour en cacher encore plus sans que personne ne s’y intéresse.
Sa phrase repasse en boucle dans ma tête. Moi seul comprends mes tatouages. Elle n’apprécierait tout de même pas… J’essaye de trouver le sens cacher. De la pudeur ? Possible. Enfin, pas au sens propre du terme, vu qu’elle s’est déshabillée devant moi. Mais plutôt la peur de se révéler aux autres. Elle joue de son physique, c’est ça sa carapace à elle. On est différents sur ce point-là. Elle cache tout derrière une apparence. Comme un champignon vénéneux qui vous attire l’œil mais qui peut vous tuer si vous touchez à ce qu’il renferme. En fait… C’est un peu comme moi. Mais c’est l’opposé en même temps. Je ne sais pas vraiment comment expliquer. C’est trop complexe pour être exprimé avec des mots. Et trop récent pour l’instant. Il m’aurait fallu quelques temps de réflexion. Ce que je n’ai pas pour l’instant.

La demoiselle se plonge alors sur le sujet de mes amis. Elle parle de meute. Je savais que je n’aurais pas dû me plonger sur cette explication. Son ton à l’air différent tout d’un coup. Elle semblait se souvenir de moments difficiles. De la tristesse, de la haine peut-être ? La jeune femme avait dû connaître pas mal de passage difficile. Ce qui peut facilement expliquer le fait qu’elle ait une carapace si dure ! Ça attire ma curiosité. Je commence à retirer l’une de mes chaussures alors qu’elle enchaîne en disant qu’ils ne me ramèneront pas mon frère. Je penche la tête sur le côté. Ai-je dit ça ? Oh… Je sais ! J’ai dit « tristesse de voir mon frère partir loin » mais je ne signifiais aucunement que je cherchais un remède. Mon frère c’est… Mon frère ! Et ma bande… En fait je suis proche des deux. J’ai renforcé dernièrement avec mes potes. Mais ce n’est pas spécialement parce que Joshua part. La raison serait plus dans une optique de préparer notre arriver à l’université comme il se doit. Nous croire invincibles… Je sais très bien que Joshua me manquera. C’est mon petit frère, mon confident, mon élève, mon fils, mon bouc émissaire, mon soldat, mon ennemi, mon meilleur ami, mon adversaire, mon acolyte. Bref, un gamin qui prend une place dans mon cœur pour toutes les fois où je l’ai gardé avec Marissa. Je sais qu’il s’en sortira, même à New-York. Il va vivre son rêve. Et surtout, il s’éloigne des parents. Ce qui est une bonne chose. Je m’inquiète plus pour Marissa. Je me demande ce qu’elle va devenir sans son jumeau. Seul l’avenir nous le dira… Au moins, ce soir, ils pourront passer un dernier moment rien que tous les deux. C’est un beau cadeau que je leur ai fait, non ? Bon, ce n’était pas prémédité je l’avoue. Mais c’est déjà ça !

« Je sais très bien qu’ils ne me ramèneront pas Joshua. Et je ne veux pas que ça soit le cas. Mon frère doit partir, il mérite de vivre son rêve… Et je l’ai très bien accepté mais bon c’est mon petit frère. Ça fait toujours un peu mal de savoir qu’on ne le verra plus que durant les vacances. Et puis j’ai plus de temps libre maintenant, je me rapproche de mes deux meilleurs amis et profite de ma… mon année. On est jeunes !»
J’ai failli révéler que je suis en dernière année de lycée. Et ce n’est pas forcément bon. Tout d’abord parce que ça indiquerait mon âge. Ensuite, parce que si elle est plus vieille, elle pourrait ne pas apprécier d’être avec un soit disant gamin. Et enfin parce que si elle est plus jeune, je pourrais aller en prison pour ce que j’ai fait dans les toilettes. Quoi que… Au fond je n’ai pas 21 ans… C’est bien la première fois que je suis heureux de ne pas avoir ma maturité !

« Ta famille compte beaucoup pour toi ? » Je prie pour qu’elle ne me réponde pas simplement un : oui. Je lui ai bien donné pas mal de renseignement sur mes tatouages. D’accord, elle ne m’y a pas forcé mais quand même !
Si j’ai posé cette question c’est bien parce qu’elle avait parlé de mon frère. L’intonation qu’a prise sa voix à ce moment précis m’a fait tiquer. Alors j’aimerai suivre mon flaire et voir ce qui se cache là-dessous.

L’inconnue semble prendre un instant de réflexion. Comme pour se résumer la situation mentalement. Elle fait le bilan. J’attends sa réponse qui ne tarde pas à venir. Elle n’a pas oublié l’épisode qui nous a conduits aux toilettes. Moi non plus. En même temps qui aurait pu ? Ok, il était facile d’effacer le but premier de notre venue dans ce lieu. Mais ce n’est pas nous qui allons oublier ça ! Nous sommes des joueurs, nous n’oublions pas nos petits jeux !
La brunette me lance donc que c’est à mon tour. Je crains le pire. Enfin, peut-être que l’on a déjà été dans la limite du raisonnable et que nous ne pourrions pas aller plus loin. Quoi que… J’en doute fortement. Je n’arrive même pas à m’en convaincre. Je sais que je vais tout faire pour aller plus loin encore. Ce petit aperçu me donne une impression de vide désormais. J’en veux plus. Et j’ai bien peur que la demoiselle me ressemble sur certains points. Sur ce point. Elle est déjà tout aussi déterminée que moi. Elle raffole des défis et est prête à tout. Nous sommes vraiment mal barrés ! Pour notre bien, on aurait peut-être mieux fait de ne jamais se rencontrer. Pour notre sécurité. J’ai l’impression que c’est le début de la fin. Ou bien le début d’une lente destruction. On va se faire du mal, se tester, s’énerver…

Je serre un peu plus le goulot de la bouteille de champagne lorsqu’elle commence sa phrase. Je pivote légèrement la tête pour la regarder.
« ...Tous ces tatouages... Tu ne les as pas fait par hasard j'imagine... Qu'est-ce qu'ils signifient? » Bien joué ! Elle a trouvé le moyen de me pousser dans mes retranchements. Mes tatouages sont personnels mais bizarrement ce n’est pas la première à me poser la question. Il y avait eu Isabelle et même Kaylee. Des filles. Toujours ! Je ferais mieux de porter des cols roulés en permanence ! Enfin, nous sommes à Miami c’est plutôt difficile… Et si je les ai faits c’est aussi pour qu’ils soient vus. Même si en premier temps, ils ne sont là que pour moi. J’hésite. Je pourrais boire, se serait tellement plus simple ! Je n’aurais pas à réfléchir, je n’aurais pas à choisir mes mots. Mais ce serait bien trop simple. Pas à ma hauteur. Pas digne de ce que j’ai pu lui montrer.

Je prends une grande respiration, approche lentement la bouteille de ma bouche avant de la redescendre en souriant. Oui, j’avais envie de le faire croire, ne serait-ce que pendant quelques secondes, que j’allais détourner sa question.
« En général, mes tatouages représente les moments de ma vie que je ne voudrais jamais oublier. Que ce soit des erreurs ou simplement des passages importants. Mon derniers c’est Sature. Cette planète, c’est la vie, les changements, les édifices. C’est aussi la tristesse, le froid, la morosité. Disons que je suis en froid avec mes parents, que j’ai décidé de prendre ma vie en main en bâtissant un groupe d’ami plus soudé que jamais. J’combats ainsi la tristesse de voir mon frère partir loin…» Je fais une petite pause et repense à Leelah. Je l’ai rencontré lorsque je me suis fait ce tatouage. Elle avait inscrit à l’encre indélébile le mot destin sur sa nuque, le tout en grec. Je n’y crois pas. Au destin je veux dire. Pour moi rien n’est écrit sur un papier, on est pas fait pour croiser tel ou tel chemin comme je l’ai dit lors de ma rencontre avec la brunette. C’est à nous d’agir et de forcer les choses à venir à nous, si nous les voulons vraiment. Mais ça… C’est ma façon de penser, voilà tout.

« Je suppose que tu ne contenteras pas de ça ! Pour mes flingues, chacun à sa signification. Enfin, l’un ne va pas s’en l’autre. Côté gauche, c’est la protection. Je sais me défendre, mon cœur et protéger ainsi que tous ceux qui y ont une place. Et de l’autre c’est vraiment les nuisances de ma vie. La plus grosse erreur. » Je ne veux pas en dire plus. Je pense que c’est suffisant. Je passe à un autre. « Pour le loup… Généralement on pense que c’est la férocité de mon caractère. Je fais peur généralement. Mais au fond, il est là pour montrer mon appartenance à une meute. J’ai un groupe d’ami et je ne peux pas m’y détacher. C’est ainsi. C’pas vraiment une meute… Quoi que.» J’ai pas envie de dire que je suis le membre Alpha. Mais ça pourrait être mal pris, je ne suis pas quelqu’un qui aime me mettre en avant.

«Ça te va ?» Je n’ai pas parlé de tout. J’aurais fait un long monologue et ce n’est pas ma tasse de thé préféré. On est bientôt arrivé à la plage. Le temps est passé vite, ou bien j’ai marché plus rapidement… Je ne sais pas.

Un léger coup de vent vient me faire frémir. J’aime. Ça me fait du bien. La brune vient vers moi. Je ne sais pas trop ce qu’elle veut faire. Ses mains s’approchent de mon corps. Je regarde, j’analyse, je me questionne. Finalement, elle rattache mon bouton. Dieu soit loué ! J’ai réussi ! Enfin, elle a réussi ! Je suis habillé ! Miracle ! Enfin… Elle reprend la parole en me disant que dans ce cas, son aide n’était pas si précieuse. Qui a dit que si on allait à l’internat, on ferait forcément quelque chose nus ? Certainement pas moi ! Oui, je l’ai peut-être vaguement pensé mais je n’ai rien dit de tel ! Voyons ! Son regard en dit long. Je souris. Elle ne fait rien. Je veux dire par là, qu’elle ne me déboutonne pas. Au contraire, elle enlève ses mains et frotte le tissu de ma chemise pour qu’il se remette correctement. Merci, c’est gentil. Presque attentionné. Un jeu venant de sa part ? Ou un geste naturel sortit machinalement ? Je ne sais pas… Je n’arrive pas à y voir clair. Je n’arrive pas à lire dans ses pensées à ce moment précis. Bon, je n’y suis jamais réellement parvenu. Mais bon… J’avais mes petites idées.

Elle se pince les lèvres. Comme pour empêcher une réponse de sortir tout de suite. J’attends. Un suspens ? Oui, il y en avait un. Il s’installait à chaque minute de silence. Et plus le temps passe entre nous, plus les suspens s’intensifient. L’inconnue finit par me répondre. Elle préfèrerait la plage. C’est peut-être mieux ainsi… En même temps, je ne me voyais pas montrer ma chambre à une inconnue. Enfin, pas à une fille aussi calculatrice qu’elle ! Elle aurait sans doute déduit certaines choses de certains objets. La brune en aurait appris plus sur moi et aurait eu ainsi une longueur d’avance. Je n’aurais pas pu le supporter. Elle a fait le bon choix en détournant l’invitation.

Elle reprend ma phrase. Ça me fait sourire. « Ça mérite réflexion. A moins que tu sois une sirène qui veuille m’emmener dans l’océan… Je suis sûr que je peux encore m’en sortir.» Un gars qui veut s’en sortir. Ce n’est pas courant. Je m’imagine en train de courir en hurlant qu’on a voulu abuser de moi. C’est plutôt comique comme scène. Bon, c’est déjà arriver à certains… Ce n’est donc pas réellement drôle. Mais je vois mal Mademoiselle l’Inconnue me maintenir. Je sais me battre, je suis plus musclé, plus lourd et plus grand qu’elle. Je ne risque rien. Si ?

Je commence à prendre la direction de la plage. Ce n’est pas très loin. On y sera en à peine cinq minutes. Pas de quoi se perdre en route, quoi ! « On en était où ? » Je veux voir si elle veut recommencer dans les paris. Si c’est le cas, c’est à son tour. En effet nous nous sommes arrêtés au moment où je lui ai dit de faire également un strip-tease. Et si elle veut commencer à parler plus sérieusement je la laisse également faire. Elle aime prendre les rennes, non ?

L’inconnue ramasse son soutien-gorge. Je prends ça comme l’acquiescement à ma décision de partir. Elle le remit agilement. Il serait peut-être temps que je fasse la même chose. Je regarde tout de même mon portable. C’est mon frère. Je crois. J’ai peut-être mal lu, car j’entends un bruit derrière moi. Un mouvement qui attire mon attention. Une voix. Quelqu’un s’excuse. Mes yeux s’écarquillent. On est grillés. Quand je pivote pour voir qui est l’intruse, celle-ci a déjà disparue. Elle laisse derrière elle un petit rire. Un peu comme une gamine. Je me remets dans ma position initiale. Un peu surpris. Même carrément. La brunette se tourne vers moi. Elle me dit de partir. Pas de soucis. Et là….

C’est la précipitation. Elle a de la chance, elle ! Sa tenue est globalement simple à enfiler. Moi et mon jean, mes chaussures, ma ceinture, ma chemise et ses boutons… Y a bien trop de mouvements à faire et ce en peu de temps. Je sens que l’on va avoir des curieuses dans pas longtemps. Ou même des filles qui écoutent ou qui attendent à la sortie. Bref. Je tente de me dépêcher.
J’ai mis mon pantalon. Pas mes chaussures. J’enfile ma chemise tandis que la jeune femme parle. Je n’attache pas les boutons. Je prends mes chaussures dans une main, la même que celle où il y a mon portable. Il finit par tomber dans l’un de mes deux souliers d’ailleurs.

Ma main est saisie et on m’entraine ailleurs. La situation était inversée. Je ne suis plus le guide qui part se cacher dans les toilettes mais celui qui suit pour les fuir. Plutôt intéressant comme situation ! Je fais un sourire exagéré aux fouines. Pestes ! Elles nous ont coupées en pleine action. Bouh les vilaines ! Quoi que c’était peut-être mieux ainsi… J’en sais rien.
On fuit réellement. Mon regard passe dans la foule à la recherche des jumeaux. Je ne les aperçois pas. Je me demande pourquoi mon frère m’a envoyé des messages. Je me demande aussi ce qu’il avait de si important à me dire. Peut-être me cherchent-ils ? Peut-être sont-ils partis. Je ne saurais pas tant que je n’aurais pas lu. Et pour lire ces messages, il me faut un instant de répit. Ce qui n’est pas donné dans cette course effrénée. J’ai l’impression qu’on me regarde. Nous. Mon torse est découvert, ma ceinture est défaite négligemment. Devant l’endroit où nous étions assis précédemment, la jeune femme récupère ma bouteille. J’essaye dans faire de même. Heureusement que le goulot n’a pas une forme lisse sinon mes deux doigts qui réussirent à se libérer n’auraient pu le saisir correctement. J’essaye de ne faire rien tomber. La bouteille, mes chaussures et mon portable par conséquent. Ça fait du poids pour une seule main ! Mais j’ai connu pire.

«Pfff… Quelle histoire !» Dit-elle une fois que l’on est dehors. Son rire est communicatif. Je sens la pression partir définitivement. Mes épaules s’abaissent et mes yeux se ferment. Il fait bon ce soir. Ni trop chaud, ni trop frai. Mais assez pour me rafraichir les idées. Je pose le champagne au sol, ainsi que mes chaussures. Je respire l’air plein d’ozone de notre ville. Miami. Je lève les yeux au ciel. Il est tard. Ce plafond noir est rempli d’étoile et d’avion. Des gens qui partent dans toutes les directions. Des centaines de personnes qui vivent leur vie. Qui ont quitté le sol pour une raison ou une autre. Et moi je suis là. Les deux pieds ancrés sur le béton. Les chaussettes ne me protégeant pas de la douleur que procure ce minuscule caillou pointu. Ma main vient frotter ma nuque doucement. Je frissonne. Je ferais mieux de me rhabiller.
« C’est sûr que c’pas commun tout ça…» Je m’énerver sur un bouton. Shit. J’abandonne et passe au chaussure. Je les enfile et regarde mon portable. C’était bien mon frère. Ils étaient partis. Ils s’étaient sentis mal à l’aise. Il m’attendait à la voiture… Mmh… « Ça te dérange si j’appelle les deux personnes qui m’accompagnaient tout à l’heure ? Histoire de ne pas les inquiéter.» Je suis gentil. Ça fait bonne impression, non ?
Je fais apparaître le petit téléphone vert. J’attends. « Oué, Josh ? Rentrez sans moi, ok ? On se fera un truc plus tard… Vous allez à la maison et tu parles du film. J’te fais confiance ? Fais un bisou à Marissa de ma part et dis-lui que je me rattraperai.» Ma sœur est déçue. Elle ne s’était sans doute pas sentie à l’aise dans cette boîte. Ce n’est pas une fêtarde. Elle est jeune, je comprends ça. Je ne lui en veux pas. Par contre, je sais que elle aura une petite rancœur pour le coup que je viens de leur faire. Tant pis. Je leur expliquerai. Je leur dis quasiment tout, alors ça aussi… Je les aime les jumeaux ! Et même si j’arrangerai la vérité, ce sera une vraie justification. Bref.

Je replonge mon regard sur la belle inconnue. « Je t’aurais bien emmenée chez moi mais tu vas croire que je suis un vieux vicieux… Enfin si on oublie ce que nous faisions il y a quelques minutes. » Je lui souris. J’essaye de détendre l’atmosphère. Ok, mon humour laisse sérieusement à désirer. Mais je suis comme ça. J’essaye ! Un peu… Ça ne marche pas forcément. Tout en parlant, je recommence à m’énerver sur les boutons de ma chemise qui ne veulent pas rentrer si facilement. «Je suis en interna… A quelques minutes d'ici.»

Toujours rester connecter avec le monde extérieur. Règle primordiale ! C’est une des choses que j’ai appris à force d’espionner ceux qui m’entoure. Il faut savoir être à fond dans sa mission tout en pouvant s’en déconnecter au possible. Pour rester à l’abri de toutes éventualités. Et pouvoir ainsi ne pas être vu, observer tout et remarquer si l’on nous observe. Bref. J’ai entendu le bruit. J’ai réussi à me calmer. Et c’est sans doute ce qui a été le plus dur pour moi ! Si vous saviez… J’étais emporté. Elle m’a piégée. Elle m’embrassait sans doute avec autant de passion que moi. J’aurais pu continuer. Mais je n’avais pas envie que l’on nous repère. Pourquoi ? Aucune idée… La peur que ce soit Marissa qui pose ses yeux sur moi ? Peut-être… Je ne serais pas venu avec les jumeaux, tout aurait été différent. Enfin je pense. Bon, si je serais venu avec Cassie. Là… Ça aurait été aussi compliqué. Bref. Je ne fais plus un seul bruit. Je tente de retrouver ma respiration. J’ai le souffle un peu coupé à cause de la précipitation des évènements. A cause de notre baiser fougueux. Mon torse monte et descend rapidement. Il en est de même pour la poitrine de la jeune femme. Je la sens. Je la veux. Je désire cette fille !
Mon doigt la presse délicatement. J’ai presque envie de caresser du bout de l’index le contour appétissant de ses lèvres. Je ne fais rien. J’écoute tout en la regardant droit dans les yeux. Une fois qu’elle comprend, nous tournons en même temps nos têtes vers la source du bruit. Nous ne bougeons plus. Nous essayons presque de nous fondre dans la masse. Nous sommes comme deux caméléons. Ou plutôt je suis le caméléon et elle une sorte de bien que je protège. Que je recouvre. Que je cache.

Je sens qu’elle pointe son visage vers le mien. J’en fais de même. Son regard en dit long. Elle semble anxieuse. Ce n’est plus la même. Elle n’est plus envieuse, elle ne me défi pas. Elle attend simplement que j’agisse. Je ne sais pas vraiment comment agir. Une chose est sûre : nous allons attendre que le groupe de filles partent. Et après… On avisera. Je ne suis plus du tout dans le feu de l’action. Disons que cette nouvelle pression fait oublier le reste. Ça fait tomber une autre pression en quelque sorte…

Je respire un grand coup. Je me penche légèrement sur le côté pour voir ce qui se passait. Les filles sont toujours là. Elles se remaquillent et d’autres doivent être en train de faire leurs besoins. Je me sens comme un intrus ici. Elles discutent. Avec le bruit lointain de la musique, je me dis qu’elles ne nous entendrons pas parler. Cependant même si nous chuchotons, nous ne pouvons pas bouger. Le moindre mouvement attirerait l’attention. Et… Et j’allais me demander pour qui nous passerions. Mais l’inconnue s’en fout. N’a-t-elle pas dit qu’elle voulait se sentir libre et vivre ? Elle n’a peut-être rien à faire du regard des autres… Enfin… Je ne vais pas m’attarder sur ça.
Mon index glisse lentement pour laisser enfin la bouge de la demoiselle libre. Elle peut s’exprimer. Cependant je prends les devants en m’approchant de son oreille. « On attend qu’elles partent et on va dan… ailleurs ? » J’ai failli dire « dans un endroit plus calme ». Cette phrase aurait fait vraiment perverse ! Je ne sais pas si elle le veut ou non. Je ne sais même pas si elle veut continuer ce que l’on faisait. J’en ai toujours envie même si je ne suis actuellement indisponible. Je suis certain que je pourrais dériver à n’importe quel moment. Je ne sais pas non plus où nous pourront aller par lui suite.

Et là… Mon portable, dans la poche de mon jean qui est lui-même au sol, se met à vibrer. Un bruit plutôt… Fort ? Mes yeux s’écarquillent. Ils cherchent rapidement l’objet en question. Mon pied se pose dessus tandis que je reviens dans ma position initiale. C’était juste un message. Rien de grave. Enfin… Non. Ça recommença à vibrer. Là. Je me baisse et prend mon téléphone. Je le garde dans ma main, je le sers. Je clique dessus. Je regards pas vraiment qui m’harcèle de message. Une idée stupide me passe par la tête. Je me dis qu’un bruit de vibration résonne dans des toilettes. Et que le propriétaire de l’objet est nu, ou presque. Avec une fille aussi habillée que lui. Quoi que, elle a moins de tissus au final ! Et qu’ils sont l’un contre l’autre. J’espère vraiment qu’on n’a pas été repérés. Même si là, tout de suite, j’ai envie d’exploser de rire. J’imagine le visage d’une gamine de seize ans qui fait sa première sortie en boite et qui tombe sur nous, parce qu’elle a eu le malheur d’être attirée par le bruit. Un sourire se dessine sur mon visage. Je suis obligé de me mordre les lèvres pour ne pas exploser.

Spoiler:

Diabolique. La magnifique brune ne répond pas directement à ma question. Elle aurait pu me reprendre sur mes mots, se justifier ou même rectifier. Non. Elle préfère me laisser croire que j’ai raison. Si c’est comme ça que je la vois… Douée. Elle en révèle bien moins que moi sur son jeu. C’était comme si j’avais fait un tapis en abaissant mes cartes. Et elle, au lieu de me laisser gagner ou perdre la partie. Elle part avec ses cartes. Sans jamais me donner de réponses. Tout en me donnant cette impression d’avoir réussi. J’aime le poker. Mais sur ce coup là, je me sens totalement délaissé. Comme un vulgaire chien abandonné sur une aire d’autoroute. En même temps, j’aurais été capable d’en dire autant. Faire croire. Un jeu de faux semblants dans les toilettes d’une boîte à moitié nus. Deux jeunes adultes complètement normaux ! Nous avons sans doute tous les deux un problème. Pas forcément mental. Mais je sais très bien que mon comportement vient de mon passé. Je ne serais pas celui qui prend tous les paris si je n’avais pas grandis d’une certaine manière. Et elle aussi, j’en suis certain. Encore une fois, elle est loin d’être une fille simple. Je le sens dans son regard. Ça m’attire. Elle m’attire. Une attraction à laquelle je dois résister. Je suis un garçon. Je vis dans un campus et croise tous les jours des filles magnifiques. Je fais la fête, me promène sur la plage et vois des corps dénudés. J’aime les femmes. Mes nuits sont mouvementées. Enfin je n’ai pas toujours quelqu’un avec moi. Disons juste que mes rêves ont tendance à me réveiller. Ma main droite est généralement une très bonne amie. Et je ne parle pas de prendre en note des cours… Je ne peux pas effacer la présence de ce corps devant moi. Je peux penser à n’importe quoi pour me dégoûter. Je le fais à merveille. Pourquoi ? Pourquoi ne pas prendre un peu de bon temps ? Pourquoi ne pas se détendre et se sentir libérer, bien ? Pourquoi ? Eh bien, je ne peux rien cacher à ma meilleure amie. Je lui fais des rapports de chacune de mes soirées. Je lui dis tout. Je ne peux pas lui mentir, pas sur ma vie. Elle sait tout et puis voilà. Mais quand j’approche de trop près une fille, j’ai le droit à une sorte de crise de jalousie. Rien de bien méchant. Si je lui dis que j’ai fait ça avec une inconnue rencontrée dix minutes plus tôt dans des toilettes alors que je ne connais pas son nom… Je suis juste mort. J’aurais le droit à la critique sur le respect des femmes. Je ne peux pas ! Je dois me retenir. Je dois prouver que je suis fort. C’est possible ça, non ? Non… Merde. Je recommence à avoir des images de l’inconnue qui viennent brouiller mon esprit. Je secoue la tête. Ça m’aidera peut-être à effacer le tout. Elle va croire que je suis gay à force ! Combien de mecs se sont comportés comme ça avec elle ? Ce doit être perturbant… Cette idée parvient à me remettre sur le bon chemin. Le droit chemin. Droit… Droit. Ne restons pas coincés sur ce mot. Donc, je disais. Elle ne doit pas être habituée. Moi non plus d’ailleurs. Mais ça donne un côté assez intéressant à cette situation insupportable.

« Pour me sentir vivante. » Un sourire vient se nicher sur le coin de mes lèvres. J’aime cette réponse. Je pense généralement la même chose. Etre libre. Pouvoir courir à poils dans la rue sans penser aux conséquences. Embrasser sa meilleure amie pour perturber un mec qui la drague. Pouvoir crier haut et fort ce que l’on pense. Dire non à toutes les règles imposer. Tester de nouvelles choses. Vivre des aventures incroyables. Faire ce qui est impensable. Énerver. Chercher. Fouiner. Tester. Vivre. Crier. Chanter. Danser. Boire. S’amuser. Se blesser. Souffrir. Ne pas dormir. Jouer. Titiller. Embrasser. Embrasser. Embrasser. Non, Jude… Calme-toi ! Ok, parler de toutes ses libertés me donne envie de profiter d’elle. Je veux voir une vraie expression sortir de son visage. Un truc qu’elle ne peut contrôler.

L’inconnue continue. Dieu merci ! Elle reprend sur mon choix. Je suis ça proie. Alors comme ça, c’est moi qui l’ai choisi ? C’est faux. Je pense qu’on s’est mutuellement voulu. Un truc que l’on n’a pas vraiment prémédité. Je sais qu’elle me regardait. Mais je ne me rappelle plus de qui a commencé avec ce jeu de regard. Peut-être que c’était moi. Ou bien elle… En même temps ? Peu probable… Tout a commencé avec ces coups d’œil. Je voulais la voir puis j’y ai renoncé et là… Là, je lui ai marché dessus. Juste avant ça, elle avait disparu. Et si c’était elle qui était venue à lui ? Si elle avait fait exprès de se mettre derrière pour qu’il la bouscule ? Dans ce cas, elle avait un talent d’actrice indéniable ! Puisqu’elle avait semblé énervée lorsqu’il l’avait écrasée. Mais qu’avait-elle dit déjà ? Un truc méchant… Il ne se souvenait plus… C’était comme si son esprit s’embrouillait dans tous les sens. Et puis si elle avait provoqué tout ça, pourquoi attendait-elle son avis ? Pourquoi ne profitait-elle pas de sa faiblesse ? Quoi que… Elle l’avait déjà un peu fait. Elle lui avait demandé ce strip-tease, elle lui avait également demandé qui il était. C’était la belle inconnue qui avait lancé les grandes problématiques de la soirée ! Cruelle. Les femmes sont mesquines ! Et celle-ci beaucoup plus que les autres. Elle a quelque chose en plus. J’en suis persuadé. Et c’est ce truc qui me rend dingue. C’est ce point qui m’attire à penser des choses peu catholique et qui en même temps me force à me contrôler pour arriver à percer son secret.

Et là… La jeune femme passa les mains dans son dos. Ses doigts experts dégrafèrent son soutien-gorge. Je reste paralysé à la regarder faire. Elle prend les devants. J’imagine la douceur de sa peau. La caresse que ses doigts ont provoquée en passant sur sa peau mise à nu. J’avale ma salive. Je sais ce qui m’attend. Je visualise avant même que cela arrive. Mon boxer devient imperceptiblement trop serré pour moi. Oh merde ! Pourquoi me pousse-t-elle au bout de mes limites ? Est-ce fait exprès ? Je n’ai même pas le temps de me demander si elle veut me réduire à l’état de mâle faible pour une raison. Je ne réfléchis même pas que ce peut être un coup monté ou je ne sais quoi d’autre. Je ne peux pas me poser ces questions puisque son précieux sous-vêtement tombe au sol. Sans faire de bruit. Comme ça. Selon la loi de l’apesanteur. Newton, sa pomme à Cambridge. Même penser à lui ne peut me retirer de la vision que s’offre à moi. J’humecte mes lèvres. Je la veux. Putain ! C’est une sorcière ! Elle m’a ensorcelée. Shit !

« Et maintenant ?» Son regard en dit long. Il est bouillant. Tout comme mon corps. Je suis en train de me consumer. De la braise. Non plus que ça, je suis en feu. Je ne peux pas refuser ce genre d’invitation ! Mais si je fais ça, je prouve que je suis faible. Je ne veux pas revenir sur mes idées. Et pourtant… Pourtant j’en meurs d’envie ! Mon corps ne répond plus. Je ne veux pas que ses yeux glissent sur ma peau. Pas avant que je me reprenne. Même si je pense que c’est impossible. Je me trahis moi-même. Elle me fait de l’effet et pourtant… Si on pouvait avoir un bouton pour contrôler tout ça !

Alors très rapidement, ma main droite vient se place sur les reins de la demoiselle. Je m’attire ainsi vers moi. Rapidement. Je la colle presque à moi d’un coup sec. Mon visage se penche sur le sien. Je ne l’embrasse pas. Non. Je scrute les traits de son visage pour finalement plonger mes yeux dans les siens. Ils sont verts. «Maintenant je suis forcé d’avouer que tu m’attires irrésistiblement.» Ma voix n’est qu’un souffle. Je n’ai pas besoin d’utiliser toute la puissance de ma voix. Nous ne sommes que tous les deux, et si près. Ma main ne bouge pas. Elle reste dans le bas du dos de la belle jeune femme. « C’est un terrain glissant…» Mes lèvres viennent frôler les siennes tandis que je parle. J’arrive à percevoir le goût sucré de son rouge à lèvre, ou bien est-ce du gloss ou un autre truc de fille. Son parfum enivre mes narines. Nos souffles se mêlent. Je tourne autour de sa bouche. Je la fais attendre. Si elle savait comme je pouvais me montrer brusque parfois. Quand on me pousse à bout. Mais l’odeur des toilettes n’arrête pas de venir surpasser celle de la demoiselle. Je déteste cet endroit. J’ai envie de partir tout en restant bloqué ici. C’est elle qui est proche de la sortie. Elle est sur mon passage.
Nos deux bouches se rencontrent, doucement. Quelques secondes. J’observe sa réaction et y va plus franco. Mon corps se déconnecte, je l’avais dit ! « Putain, mais qui es-tu pour m’faire ça !» Je déteste ne pas pouvoir agir comme bon me semble. Mon esprit est divisé en deux. D’un côté on a le bon vieux manipulateur curieux qui veut fouiner et montrer sa puissance. Et de l’autre le gars de 18 ans qui a un affreux besoin de se laisser aller dans les bras d’une fille. La voir prendre du plaisir. Pas avoir du plaisir. Mais savoir qu’elle en a me suffirait amplement. J’aimerai vraiment que la première partie de mon cerveau prenne les commandes. Seulement il est démuni. Une partie de mon corps est alliée avec mon côté homme. Je n’y peux rien ! Si j’avais été attiré par les hommes, ça aurait été beaucoup plus simple ce soir…

Nos deux corps sont proches, je la bouscule pour que l’on prenne appuie sur un mur. Quelqu’un arrive près de nous. J’entends des voix. Je m’arrête et pose doucement mon index sur les lèvres de l’inconnue.

Spoiler:

La belle me pose une question rhétorique. Qu’est-ce que je faisais là ? Heureusement qu’elle n’attend pas réellement de réponse car je n’en ai pas. Et je pense qu’elle non plus. Je ne sais plus ce que je fais. J’essaye de combattre mes envies tout en me disant que je risque d’être frustré ce soir. Quand je rentrerai dans ma chambre à l’internat... Seul. A moins que je retrouve mon frère et ma sœur. Je ne sais même plus où ils sont. Ils doivent se poser la même question. Même si j’avais lancé un regard à Joshua pour lui faire comprendre. J’avais bien fait ça, non ? Je ne me souviens même plus de ce que je disais il y a quinze minutes. Tout a basculé. Je suis dans un univers parallèle. Vous avez déjà entendu parler de ces jeux de rôles incompréhensibles ? J’ai l’impression d’en faire partie sans pour autant comprendre les règles. Je me suis lancé. Je regrette. Non. Je n’ai aucun remord en fait. J’ai juste l’impression qu’il va se passer des choses encore pire que tout ça. Parce que si nous avions glissé sur cette pente huileuse, nous ne remonterons pas facilement. A moins de tout briser d’un coup. Je ne le veux pas. Je ne désire balancer notre univers au sol pour qu’il explose en mille morceaux.

« Qui es-tu ? » Sa question me surprend légèrement. Je lâche enfin mon emprise sur elle. Mes bras tombent le long de mon corps. Mes mains serrent son haut qui était juste à portée de main. Mes doigts s’enfoncent dans le tissu tandis que je cherche une réponse compréhensible et pas trop flippante. Et surtout des mots qui ne perceront pas notre petite bulle. Même si au fond, j’ai l’impression que c’est trop tard. Que tout est fini. Mais je n’ai pas l’intention d’abandonner comme ça. Je suis un mec fort. Je suis têtu et chiant. Une fois qu’on m’a sur le dos, on ne se débarrasse pas de moi !

« Je suis juste un mec pas ordinaire qui a accepté un défi fou d’une totale inconnue qui l’observait depuis la piste de danse. Un gars qui aime habituellement utiliser les personnes selon ses envies. Et qui a beau avoir terriblement envie de te voir nue, ça ne sera pas ici. Mon imagination débordante m’a déjà mis en bouche. Ma vue aussi... Je ne suis pas ce genre de personnes. J’ai des besoins mais ne les fais pas dans des toilettes dégueulasses d’une boîte. Et si tel était ton désire, je suis désolé. Ne te méprends pas, je ne suis pas un grand romantique. J’accorde juste une importance à la mentalité de mes proies. Si on peut appeler ça comme ça… »

Je fais un tel effort pour me contrôler ! C’est horrible ! Je n’ai pas la moindre idée de la manière dont elle va interpréter mon message. Je ne la connais pas et ce paramètre est terriblement énervant. J’aurais très bien pu me présenter : nom, prénom, âge, orientation sexuelle, expériences, classe, études, familles… Mais à quoi bon ? Est-ce vraiment important ? A part l’histoire de sexe… Mais arrêtons de revenir sur ce sujet. Je ne suis pas comme tout le monde. A quoi bon me présenter ainsi ?

« Et toi ? Tu es celle qui suit un fou dans des toilettes ? Qui lui lance des défis ? Qui aime être regardée et prendre le contrôle ? Tu penses pouvoir me sonder avec ton regard, tout comme j’essaye de te sonder. Tu as de l’expérience, tu sais plaire aux hommes et comment s’y prendre. Tu n’as peur de rien et aime t’aventurer dans des terrains dangereux. La question est : pourquoi faire tout ça ? Et pourquoi avoir choisi un type comme moi ? Je ne suis pas le bon choix. Définitivement.»

Je pense ce que je dis. J'expose toute ma réflexion au grand jour. Tant pis. C'est une carte à jouer. Du bluff ? Peut-être... Je n'ai pas encore tellement d'idée sur cette stratégie. J'aurais adoré goûter à ses lèvres. J'aurais pu le faire. J'aurais pu profiter d'elle, de son corps. Mais je pense qu'il faut savoir respecter les autres à un moment. Je ne veux pas que ça se termine comme ça entre moi et l'inconnue. Elle m'attire, comme un aimant. Comme un objet de convoitises. Comme un trésor. J'ai envie de l'ouvrir pour voir ce qu'il est à l'intérieur. Je ne veux pas partir en courant, mon trésor sous le bras. Il faut constater avant de profiter. Je ne suis pas un coureur de jupons. Je ne suis pas comme tous les autres mecs de mon âge. Je suis différent. Ils ne veulent pas rien dire mes tatouages !

Elle comprend vite. C’est rapidement qu’elle me demande si c’est mon défi. Bien sûr ! Mais je ne dis rien. Je me contente d’un regard qui veut en dire beaucoup. Elle accepte. Sans attendre ma réponse. Voilà. En silence, sans rien dire. On n’a rien à dire. C’est magique. Et terriblement amusant.
Elle commence par les chaussures. Elle se penche de manière calculée. Évidemment je devine tout. Je vois la plus grande partie de sa poitrine. Je ne veux pas que ça se passez comme ça ! Je ne suis pas un mâle qui saute sur tout ce qui bouge. Mais là… Là… C’est plus que tentant ! Mes idées partent rapidement en sucette. Il faut que je me calme. Je suis en caleçon, merde ! Je ne peux rien cacher ! Si vous voyez un minimum de quoi je veux parler… Je n’arrête pas de penser à son corps. Je le vois là. S’offrant à moi. Ce n’est pas ce que je veux ! Enfin… Je n’avais pas imaginé ça comme ça. Pas ici. Pas avec l’inconnue qui accapare la piste de danse. Avec les jumeaux dans la boîte. Merde ! Hamburger. Grand-mère. Voiture. Dérapage. Grand-mère. Rides. Orphelins. Meurtres. Ça fonctionne. Je souffle. Je garde mon sang froid. Je suis un homme mais j’ai du self-control !

Elle continue. Elle empire la situation. Elle a peut-être mal compris mes intentions… Mademoiselle me provoque. C’est encore pire ! Puah ! J’ai l’impression d’être dans un spectacle burlesque ou un truc comme ça. Elle semble expérimentée. La belle en fait souvent ? Un truc courant qui ne lui fait pas peur. Elle s’amuse. Elle joue avec moi. C’est facile de comprendre ça. Elle fait tout pour augmenter mon désire. Son corps m’attire. Je ne peux pas le lier. Sa bouche près de la mienne. Son regard… Ce dernier finit par changer. Je comprends définitivement. Elle ne s’offre pas. Non. Je ne l’aurais pas comme ça !

La brunette me jette haut. Son parfum remonte à moi. Il sent terriblement bon. C’est envoutant. Puis ce fut au tour de sa jupe de partir. Ça va définitivement trop loin pour moi. Je ne pensais pas qu’elle le ferait. Quel genre de fille peut accepter de se mettre à nu devant un garçon ? Et puis qu’est-ce qui m’a pris d’accepter ? Je deviens définitivement fou ce soir ! Je ne regrette pas pour autant. Mais je respecte les femmes. Et j’ai l’impression de la réduire à une moins que rien à force de faire ça. Si Cassie était là, elle me frapperait et m’engueulerait. Déjà qu’elle avait eu du mal à se déshabiller pour la soirée des Eta Iota. D’accord, cette fois-ci, on n’est que deux et sans public. Mais quand même !

Bon. Que faire ? C’est à moi d’entrer dans la danse. On est en sous-vêtements. Je réfléchis. Je m’approche doucement d’elle. Mes mains se posent sur le mur derrière elle. Ou plutôt la porte ? Bref. Je ne sais même plus vraiment ce qui nous entoure. La seule chose qui me préoccupe sont ses yeux. Je ne la lâche pas du regard. Je la bloque avec la barrière que forment mes bras. A droite. A gauche. Elle ne pourrait pas fuir.
« Tu es vraiment sûre de vouloir faire ça ? On a tous les deux prouvé que nous étions capables d’aller en dehors des normes fixés par les gens. »
Je ne veux pas qu’elle le prenne mal ou pour un lâcheur. Ce n’est pas mon cas. Je suis prêt à tout. Tout. Je ne veux pas être pris pour le mauvais garçon.
« Je suis un garçon sage. Je suis sûr que tu en étais convaincue. La vertu c’est moi. »
Pourquoi quand je dis ça j’ai envie de faire quelque chose de largement moins sage ? Je ne suis pas la vertu personnifiée. Au contraire. C’est de l’ironie. C’était perceptible dans le son de ma voix. Et aussi sur mon sourire. Mes yeux veulent glisser sur son corps. A mon tour de m’amuser. Je me rapproche encore un peu. Je lâche ses yeux, je tombe sur sa bouche… Ma canine vient mordre ma lèvre inférieure. Mes mains se resserre contre elle, jusqu’à ce que mes bras viennent l’enserrer.

Ahah. Elle me dit qu’elle va me trouver un petit défi. Bien sûr ! Je ne suis pas pressé. Un peu quand même. Je suis un joueur. On ne peut pas me stopper une fois que j’ai commencé. Accro ? Peut-être… La tentation, le vice, le mensonge, l’action, le défi, la séduction au sens mental du mot. Je ne suis pas un Dom Juan. Si je dois plaire à une femme, se sera en ayant une conversation. Le pouvoir des mots. Pas celui du physique ! Par pitié ! Le cerveau est tellement plus intelligent ! L’apparence n’a qu’à suivre. Si jamais c’est possible. Enfin bref. Je l’écoute. Je suis tenté de lui répondre qu’elle peut prendre son temps et que je comprendrais que l’idée ne vient pas du premier coup. Mais je me retiens. Je risquerai de la piquer au vif. Et une femme irritée est toujours plus dangereuse. Surtout dans un jeu ! Je reste attentif. Je capte ces moindres gestes. J’essaye de trouver une manie qu’elle pourrait avoir. Pour l’instant rien.
«… Que dirais tu de me faire un strip-tease ? ... intégral bien sûr.» a-t-elle lancé.
Son regard en dit long. Elle me lance une perche. Elle veut que je la saisisse. Et je pense sincèrement le faire. Mais ici ? Y a ma sœur et mon frère à cinq mètres. Encore, ce ne serait que des inconnus… Mais ma petites sœur, quoi ! Et je ne suis pas encore dans un état second. Une chose est certaine, je ne fais pas ça en public. Pudeur ? Un peu. C’est surtout qu’à partir de l’instant où je le ferais des vigiles viendront me virer de la boîte. J’ai moyennement envie de me retrouver à poils dans la rue. Et ce, en pleine nuit. Vous comprenez ? Chacun ses délires mais celui-ci n’est pas le mien. Ça me rappelle le kilomètre à poils chez les Eta Iota. Un truc réservé aux personnes ayant un degré d’alcool dans le sang assez élevé. Ou bien aux tarés. Ou aux exhibitionnistes. Je ne fais partis d’aucune de ses catégories. Quoi ? Vous pensez que je vais abandonner aussi rapidement ? Je ne capitule pas ! Surtout pas face à une fille ! Combien même celle-ci est coriace ! Je prends son verre de champagne et le boit d’une traite. Surprise ? Attend de voir la suite ! Je me lève automatiquement. Prend sa main et commence à m’éloigner de nos fauteuils. Je ne lui laisse pas le temps de réagir. Je sens bien qu’elle voudrait s’arrêter pour me donner une contrainte de plus ou même me poser une question. Mais j’ignore tout ça. Je continue à avancer vers une direction connue. Les toilettes. Hommes ou femmes ? Femmes ! L’odeur est bien plus supportable. J’entre. Je regarde s’il y a des gens. Oui. Bon. Je ne ferais pas ça au milieu. J’ouvre une des portes et entre. « Mademoiselle. Préparez vos billets !» J’ai un grand sourire. Je ne suis pas bâti comme un joueur de foot. Je n’ai pas si carré de chocolat dessiné sur le ventre. Je suis musclé comme il le faut, où il le faut. Sans rien d’extraordinaire. Sans extravagances. Je commence par retirer mes deux chaussures, d’un geste simple avec les pieds. Puis je m’attaque à ma chemise. Un bouton après l’autre. Je commence à fredonner l’air d’une chanson que tout le monde connait. Ma chemise tombe à terre. La porte s’ouvre. Une nouvelle fille entre dans les toilettes. Je suis un peu à la vue de tous en fait…
Là. Discrètement. Enfin. Je ne sais pas trop si on peut appeler ça de la discrétion, j’attire l’inconnue vers moi. Histoire que le spectacle ne soit que pour elle. Rien que pour elle. Entre deux murs étroits. Je pense qu’elle ne passe pas à côté de mes tatouages. Ils étaient si bien cachés sous ma chemise ! Mes doigts défont la boucle de mon pantalon. On peut entendre le petit bruit de la fermeture. Je me stoppe. « Promets-moi de ne pas t’enfuir avec tout ça !» Je viens peut-être de lui donner une mauvaise idée. Mon jean tombe au sol. J’ai un petit sourire de séducteur et commencer à onduler mon corps. Je me sens complètement idiot. Heureusement que j’ai bu un peu d’alcool pour me donner du courage ! Je ne sais vraiment pas quelle force mystique me pousse à faire tout ça ! Mais c’est trop fort pour que je résiste. Il ne reste plus que mon caleçon et mes chaussettes. J’ai tenté de retarder ce moment jusqu’au bout. Mais là ça devient compliqué. « J’adorerai faire ça. J’en suis capable. Mais pas tout seul…» Une invitation ? Ou clairement. Mon défi est annoncé. La prochaine chose qu’elle aura à faire sera la même que moi. Et elle n’a pas intérêt à refuser. Tout d’abord parce qu’elle n’a plus d’alcool dans son verre. Et ensuite parce que sinon, je ne vais pas plus loin. J’ai déjà bu.