Action ou Vérité Party [SM & Guests]

S’incruster à une soirée ? C’est tout à fait possible. Ne rien dire. Ne pas en parler et préparer mentalement un plan diabolique. C’est Kaylee qui a organisé cette petite fête chez sa confrérie. Confrérie que je ne comprendrais sans doute jamais… Comment peut-on se décrire comme rebelles ? Encore, dire que nous sommes en marge du système scolaire, de la société. Cela passe encore. Mais rebelle ! C’est partir avec un poids en plus au lycée. On est directement catalogué. Tous les gestes sont scrutés par le personnel enseignant. Ils savent que si vous vous êtes dans cette confrérie, vous vous comporterez mal et par conséquent que vous êtes des cas désespérés… Ou bien à aider. Ce qui est sans doute pire ! Ce que je hais le plus dans cette confrérie, ce sont tous les membres qui se croient spéciaux. Je réponds à mon papa alors je suis un méchant garçon qui affronte la loi ! Réveillez-vous mes petits ! Je suis sûr que les trois quarts de cette bande de lycéens pubères prendraient fuite dans les situations critiques. Combien sont allés rendre visite à la police pour de véritables raisons ? Combien ont affronté la mort, le sens, la rue ? Combien ont dealé pour se faire un peu de fric ? Combien haïssent cette société et sont prêts à montrer les poings ? Je pense que l’on peut facilement réduire la liste. De toute façon je hais tout ce système stupide de confrérie… Choisissez en fonction de vos intérêts qu’il nous dise ! Ce que c’est stupide ! On se croit artiste, on croit être le plus beau, le plus dragueur, la plus accro au shopping. On prétend être écolo. On crie sur tous les toits que l’on est intello alors que généralement ce n’est pas un intérêt particulier. On se dit sportif alors que dans cinq ans on sera assis devant un bureau avec cinq kilos en trop…Ah ce que j’aime le lycée !

Mais oublions ma mauvaise humeur. Ma haine pour ce classement en confrérie. Ce soir c’est la soirée de Kaylee. C’est mon amie. Et rien que pour relever un peu le niveau d’ambiance, je dois être là-bas. Simplement pour la voir sourire quand elle découvrira que mon empêchement n’est pas vrai, que tout mon beau discours est faux. Non, je ne dois pas refaire mon CV et me lever tôt le lendemain pour un entretien d’embauche. En réalité c’était ce matin… Ça s’est plutôt pas mal passé même si je ne suis pas d’humeur à travailler derrière la caisse d’un magasin de livres, électronique et choses en tout genre. Disons qu’ils ont besoin de main d’œuvre en plus pour cette fin d’année. J’ai besoin d’argent. Le tour est joué.

Kaylee m’a dit que durant la soirée, le jeu « Action ou vérité » allait être lancé. Plutôt pas mal comme idée. De toute façon, on peut faire confiance à cette folle de blondinette pour trouver les idées les plus démentes. Ce n’est pas pour rien que notre rencontre est devenue l’une de journées les plus mémorables de cette année.
Il parait que la soirée doit montrer que le côté provocateur qui sommeille en chacun des étudiants participants. De la provocation ? Vous en voulez vraiment ? Parce que croire que je suis quelqu’un sage et raisonné, c’est mal me connaître. Quand on me dit provocation, je me vois habiller en travestie pour draguer Seyton. Moi, homosexuel ? Il va voir si je le suis. Je serais presque près à débarquer complètement nu et embrasser toutes les filles se trouvant sur mon passage. Ou bien juste embrasser et garder quelques vêtements. Histoire de ne pas me retrouver sur le web ou d’heurter la sensibilité des âmes sensibles. On va faire simple. Je vais rester sobre. Mon esprit critique me servira de provocation. Rien qu’avec lui je pense que je peux être pas mal. Du coup, je me contente de mettre une veste en cuir, un t-shirt noir et un pantalon rouge. Soyons fou ! Mes mains passent dans mes cheveux, histoire de les décoller un peu de ma tête. Je remonte mes manches, glisse un paquet de médicaments dans une poche, au cas où les douleurs reviendraient. Et puis, mon porte trouve sa place dans la poche de mon pantalon. Avant de partir je me souviens brutalement que j’avais acheté des bretelles blanches. C’était il y a un moment mais je me souviens les avoir vu dans mon placard. Quitte à ne pas être comme tout le monde, autant le faire. De toute façon, les gens qui me côtoient savent que je ne m’habille jamais comme tout le monde.

Les mains dans les poches, je me dirige vers le bâtiment. L’air est frai mais largement supportable. La nuit est tombée. Elle est étoilée. La tête levée vers le ciel, je continue ma marche. Je vois au loin plusieurs voitures, des gens dehors, de la musique bien trop forte. Un sourire s’esquisse sur mes lèvres. Il disparaît aussi brutalement que son apparition. Sans prévenir un mal de crâne vient paralyser mes jambes. Une douleur insupportable. Comme si une aiguille venait percer le sommet de mon front. Elle ressort au début de ma colonne vertébrale. Par reflexe, mes mains viennent s’écraser contre ma peau. Mes yeux se ferment. Mes pensées s’embrouillent. Mon corps tremble. La douleur ne passe pas. Je ne contrôle pas les gestes de mes doigts. Mon bras convulse. Sans savoir ce que je fais, je me vois secouer mon tube pour sortir des pilules rondes dans ma paume. Les voir m’apaise quelque peu. Je sais qu’elles atténueront cette douleur insupportable. Les larmes au coin des yeux, j’avale l’un des comprimés. Je reste alors la tête dirigée à nouveau vers le ciel. J’essaye d’oublier. J’essaye de passer au-dessus de la souffrance. Ce n’est pas la première fois que ça me fait ce genre de maux. Je ne sais d’où ça vient. Je ne sais à quoi c’est dû. Tout a commencé en pleine nuit, alors que je n’arrive pas à dormir. Puis une semaine après ça l’a refait. Puis deux jours après… Et aujourd’hui, c’est la troisième crise de la journée.

J’entre dans le bâtiment. La douleur semble disparaître peu à peu. Comme d’habitude… À l’intérieur, la musique est moins forte que je ne l’avais prévu. Tous les regards sont dirigés dans une même direction. J’en fais bêtement autant. Kaylee est montée sur le bar. Voir mon amie me fait sourire. Sa tenue est magnifique dans son genre. Ses cheveux blonds semblent complètement fous. Son pantalon en cuir moule ses jambes. Et pendant quelques secondes je me demande l’aperçu qu’il donne quand on la voit de dos. Elle livre un discours que je n’écoute absolument pas. Je suis trop occupé à l’observer et à m’approcher le plus discrètement possible.
Kaylee lance le jeu. Une action. Elle prépare un cocktail et annonce à l’assemblé que celui qui sera nommé aura pour responsabilité de le boire d’une traite. Elle ferme les yeux et pointe du doigt un type. Je ne crois pas le connaître. Alors que mon amie lui donne quelques consignes je m’approche par derrière et lui murmure. « Fais-moi une faveur, laisse-moi jouer…» Je pense être convaincant car elle s’écarte pour me laisser passer. Je crois même découvrir un léger sourire soulagé sur son visage. Je me poste devant Kaylee. Pas de sourire. Juste mon regard dans le sien. « Action acceptée. » Ma main se tend vers le vers. Je le porte à mes lèvres et avale d’une traite. Le truc c’est de ne pas laisser l’alcool venir stagner contre le palais. Aller vite, ne pas réfléchir. Le goût est infect. À la fin, je sens l’écœurement retourner mon estomac. Ma gorge est irritée et j’ai l’impression de pouvoir retracer le trajet de l’alcool à l’intérieur de mes organes.
Le verre claque contre le verre. « A LA VOTRE ! » Mes bras se lèvent vers le plafond, je fais un tour sur moi-même pour voir l’assemblé. « QU’ELLE EST VOTRE DEVISE ? Ahou ahouu ahouuuuuuuuuu ! » Je reprends avec tout le monde. Un sourire complètement faux s’affiche sur mon visage. Le sourire commercial. Mais ça personne, oui personne, dans cette salle ne peut le reconnaître. Ils n’y verront que du feu. Ma tête tourne, j’attrape le dé, le lance…
Un cercle a commencé à se former autour de nous. Tout le monde est à l’écoute. Mon doigt se pointe vers l’une des personnes, mon regard pivote vers le dé.
Vérité.
« Dis-moi, quelle est ta pire expérience sexuelle ? » Pourquoi rester sage ? Nous sommes dans une soirée provoc, chez les rois des fêtards. Parlons sexe, détendons-nous !