[TERMINÉ] Forever & Always. | Chamberlain

Je rigole. Bon, ok, l’eau n’est pas très chaude. Mais tant pis ! J’en balance sur Marissa tout en rigolant. J’ai l’impression d’être un enfant que ne peut plus s’arrêter. Je fais des petits sauts de cabri à chaque vague. Je souris. Je ris, encore. Au bout de quelques instants je remarque que Mari ne répond pas franchement à mes attaques. De plus elle tremble légèrement. J’aurais dû penser à ça… C’est une fille, elles ont toujours froid dans l’eau. Je la regarde sortir mais n’en fait pas de même. Non, je me sens bien. Un poisson. J’adore cette sensation. Je ferme les yeux un instant et regarde le ciel. Quand ma tête revient vers la plage, je peux constater que Marissa n’a pas perdu le nord. Elle a dans les mains mes affaires et les mouille. Peste ! Je retourne vers elle en grommelant quelques insultes. Rien de réellement méchant. Juste un charabia de gamin qui boude. Œil pour œil. Dent pour dent. J’ai bien compris !

« Calin. »

Ce n’est pas un ordre. C’est un rituel. Une chose qui n’est propre qu’à Marissa. Et qu’elle doit sans doute ne faire qu’à Josh et moi. On lui a offert ce droit. Certainement parce que c’est une fille et qu’on ne pouvait pas la frapper tout le temps. Les filles aiment les contacts physiques. Alors elle nous en réclamer. Et au fur et à mesure, on n’a plus jamais su lui dire non.

Alors je m’exécute. Je viens me coller à elle. Je ne pourrais pas me défaire d’elle tant qu’elle n’en aura pas décidé. Je m’en fous un peu. En fait, je suis heureux de la serrer dans mes bras. Là, tous les deux complètement trempés. Le bruit des vagues qui viennent mourir à quelques mètres de nos pieds me repose. C’est quand la douce mélancolie à la fin d’un film. Mais pour nous deux ce n’est pas fini. Il nous reste encore beaucoup de choses à faire. Enormément même. Je ne dirais pas que j’ai peur, que j’ai besoin de sa tendresse pour être rassuré. Je suis trop fier. Mais je sais qu’elle le sait. C’est stupide. Mais je ne peux pas dire certains mots. C’est peut-être un réflexe de défense… Je ne sais pas. Je ne sais plus.

« On rentre ma belle ? »
Ma phrase n’est qu’un murmure à son oreille. J’attends son approbation pour la lâcher et retourner vers la voiture. On continuera tout ça plus tard. Ensemble. Parce que les Chamberlain forment une équipe incomparable. Parce que le monde est à nous. Parce que nous sommes invincibles. Parce que nous ne reculerons pas devant le danger. Parce que nous, c’est pour toujours et à jamais.

Traitre à son sang!

Jude m'a prise au piège, je ne peux pas me libérer, je dois subir le châtiment qu'il a choisi pour moi. Je secoue les jambes dans tous les sens, essayant de trouver un moyen de m'échapper, alors que mon rire se mêle à sa voix. Je le vois se débattre avec ses chaussures, je lui tire les cheveux et lui mord le cou mais rien n'y fait. Me voilà sous l'eau. Elle est plutôt fraîche en ce début de soirée, je n'ai pas pris suffisamment d'air, j'en manque. Je ne suis pas forcément à l'aise. Deux mains fortes m'aident à remonter à la surface, alors qu'une vague venait de m'en empêcher pour la première fois. L'air frais. Je prends une grande inspiration, je tousse. J'ai avalé de l'eau salée, dégueu'. Beurk.
Je passe mes mains sur mon visage, essayant de plaquer mes cheveux. Je dois ressembler à un poulpe à deux têtes. Jude est mort de rire et commence à me lancer de l'eau au visage. Alors oui, si je l'attrape ! Sauf que je ne peux rien faire. Non, je ne peux rien faire, il a bien plus de force que moi, je ne peux ni le couler, ni me battre, ni lui faire bouffer du sable. Je serai toute ma vie obligé de subir ce qu'il veut, sans jamais rien pouvoir lui imposer en retour, ça me rendrait presque triste tout ça.

Je ne tarde pas à avoir froid, je commence alors à sortir de l'eau, je n'ai pas envie d'y rester. Jude y reste quelques minutes de plus, je retrouve ses chaussures, sa chaussette et son tee shirt, que je me fais un malin plaisir d'aller tremper dans l'eau. Aller hop, ça, c'est fait.

Mon frère grogne et ne tarde pas à venir me rejoindre, je lui souris, morte de froid. Je m'approche alors de lui et je le regarde tendrement avant de lui dire :

« Calin. »

C'est un petit truc entre nous ça, je n'ai peut-être pas la force pour le mettre par terre, pour lui mettre la tête dans l'eau ou quoi, mais j'ai ce pouvoir là. Celui d'avoir un calin quand, où et combien de temps, que je le veux. Ils ne m'enlèveront jamais ça. Mon frère me sourit alors tendrement à son tour et vient passer ses bras autour de moi, me réchauffant alors de sa peau. Je me blottis contre mon frère, ça me fait du bien d'être avec lui. Que l'on se retrouve. Que l'on soit unis. Même avec tout ce qui s'est passé ce soir, nous restons les mêmes. Chamberlain ♥

Gentiment, comme un brave garçon, je m’assois dans le sable. Je sens ses mains se placer sur mes épaules. Au bout d’un instant j’entends sa voix résonner. Can’t only imagine. Je connais bien cette chanson. Ce n’est pas forcément mon style musical mais j’apprécie. Et puis ce n’est pas non plus une chanson qui vous fait saigner les oreilles ! J’adore entendre Marissa chanter. C’est simplement extraordinaire. J’en fais trop ? Peut-être… Je ne sais pas. En fait, je ne suis pas le meilleur juge. J’ai été payé ! Par seize années de câlins, bisous, sourires, bagarres, chatouilles, rires… Je ne peux que la trouver excellente ! Même si pour moi, Mari est douée en chant. En musique aussi soit dit en passant !

Je finis par me laisser aller et pousse la chansonnette avec elle. Pourquoi ? Aucune idée ! Peut-être que son massage me détend tellement que les mots s’échappent sans contrôle… Ou bien j’aime plus cette chanson que je ne le dis. Ou encore parce que je veux faire plaisir à ma sœur. Ou même parce que… Bon. Je m’arrête là !
A partir du moment où j’ai ouvert la bouche, les mains de ma sœur ont arrêté leur travail. Elle s’est stoppée. Et sans vraiment réfléchir je me suis relevé et j’ai commencé à bouger. Bon déjà que je suis pas un chanteur… Alors imaginez-moi en train de bouger ! Je suis le roi des idiots. Et j’accentue ça encore plus ! Je devrais peut-être prendre des cours de danse un jour… A voir. Bref. Je continue de bouger. Mes bras viennent faire un cercle autour de ma tête, mes jambes s’agitent de gauche à droite. C’est magnifique ! Je rigole en voyant Marissa faire approximativement les mêmes choses et j’imagine que nous formons un beau duo. J’essaye de chanter un peu plus fort. Comme un fou. Je fais n’importe quoi. Je ne pense absolument à rien, si ce n’est le moment présent. Je profite de ma sœur, de son visage heureux, de son sourire. Je préfère ça.


Après quelques minutes de spectacle dont je me souviendrais, nous nous arrêtons pour récupérer nos affaires et continuer de marcher sur cette plage. Marissa ouvre alors la bouche pour parler : « Alors ton défi.... Porte moi sur ton dos jusqu'à ce soir. » Elle me regarde avec un sourire qui veut tout dire. Elle est fière de son coup. « A vos ordres ! J’en suis capable ! »
Je tiens à préciser que je n’ai pas remis mon tee-shirt, cette information pourra être cruciale dans la suite des évènements. Je me poste donc devant elle et me baisse un peu. Je la laisse monter. Je suis un peu plié en deux mais c’est normal… Par chance elle ne pèse pas une centaine de kilos ! Ça aurait été beaucoup plus difficile ! « Étant donné que je dois vous porter jusqu’à ce soir, permettez-moi très chère de vous emmener avec moi dans un endroit fort agréable ! » C’est à mon tour d’avoir le sourire sadique. Je laisse mon tee-shirt s’échapper de mes mains pour tomber au sol. Là, je pivote d’un quart de tour pour faire face à l’océan. Mes mains se resserrent pour que Marissa ne puissent pas s’échapper. Et comme je sens qu’elle va trouver un moyen de passer entre les mailles du filet, je me mets à courir. Tant bien que mal. A un mètre de l’eau je retire mes chaussures, juste avec mes pieds. Une chaussette part en même temps. Pas l’autre… Tant pis ! Je me remets en course. Les orteils de mon pied gauche ressentent la fraicheur de l’eau. Je continue d’avancer et là. Je fais demi-tour et bascule en arrière. Plouf !

Hahaha Il voulait jouer à ce jeu là? Nous allions jouer oui. J'acceptais bien évidemment le Cap, je n'en refusais que trop peu. Nous venions de nous relever du sable, j'en avais plein dans les cheveux, dans les vêtements, mon frère était une vraie garce quand il voulait. Haha.
Je lui demandais alors de s'asseoir sur le sable afin de ne pas me tordre dans tous les sens pour atteindre ses épaules. Son défi n'était franchement pas le plus difficile, après tout, combien de fois avais-je massé mes frères? Je ne les comptais plus ! Me plaçant alors derrière lui, je commençais à lui masser les épaules, le dos. Pendant le massage, je me laissais aller à chanter une chanson que j'adorais en ce moment :

« Where you been? Where you been all my life?
Girl you glistening, the way you look in the light
It’s obvious that I want something from you
You know what, what I wanna do, do, do
Every time it would bring me to life
I can only imagine, only imagine
What it’ll be like
Oh, every time, it will bring me to life
I can only imagine, only imagine »

Mon frère reconnu la chanson et commença alors à chanter avec moi, donnant un peu de rythme. Nous arrêtâmes dès lors le massage, nous relevant, lui torse nu, commençant à danser en rythme tandis que nos voix s'unifiaient pour chanter la chanson. J'adorais les moments comme celui-ci avec mon frère. Nous dansions comme deux attardés mentaux en mal de vie. On s'agitait dans tous les sens, plus pour nous faire rire qu'autre chose en fait. On se secouait les puces, oui, c'était ça. On faisait un mélange de hip-hop, d'électro et de classique. C'était magnifique.

« I saw you from afar
Thought I’d say « wassup »
You can tell me your name, when we breaking up
Call me Tunechi, I’m good, I’m Gucci
Now you can kiss your old dude goodbye: smooches
You’re a beast, yo-your a beauty
Man I bet somebody dunn gave Cupid an Uzi: shoot me
You’re a firework, biter in the dark
So lets turn off the lights and give me that spark

Every time it would bring me to life
I can only imagine, only imagine what it’d be like
Oh every time it would bring me to life
I can only imagine, only imagine
What it’d be like
What it’d be like
What it’d be like, like, like
What it’d be like, like, like »

Nous étions à présent au bord de l'eau, le soleil qui se couchait, les gens nous regardaient comme un vrai spectacle, beaucoup d'entre eux rigolaient. Nous, nous ne voyions plus que nous deux, en train de chanter, de danser, d'être à un moment plus lent, après plus rapide, nous nous fichions du monde, qu'il pouvait nous voir. Pour le moment c'était nous deux, dans une bulle, notre bulle et c'était tout. Rien ne pouvait plus nous atteindre. Plus rien.

« I want to let her touch me
One touch will feel free
I want to feel free
She can kiss me
So I can finally be
So I can finally see
So I can finally see »

Après notre petit show, je récupérai mes chaussures, Jude son tee-shirt et en rires, nous continuons notre marche, regardant mon grand-frère, je lui dis, presque essoufflée et morte de rire:

« Alors ton défi.... Porte moi sur ton dos jusqu'à ce soir. »

Je le regardais avec un visage bien sadique. Il allait être épuisé et je savais qu'il accepterait quand même. Haha. J'étais la maître du monde. 8)

Ma sœur c’est la plus intelligente ! Elle m’informe que s’ils nous voient avec nos cocktails, ils se poseront forcément des questions. Pas faux. J’hoche positivement la tête et nous partons, l’un contre l’autre, vers la plage. Mari retire ses chaussures. J’aimerai bien en faire de même mais je n’ai pas envie de me promener avec les baskets dans les mains ainsi que mes chaussettes. C’est un truc de filles ça ! Moi je… Je galèrerai avec du sable. Et comme je suis fort, je ne me plaindrais pas ! Voilà. C’est tout et ce n’est pas autrement.

Marissa se met soudainement à marcher devant moi, à reculons. Elle m’observe et je ne loupe pas une miette. Elle est belle ma sœur ! J’espère qu’elle aura une belle carrière, des enfants aussi beaux et surtout un mari. Je veux pas qu’on lui brise le cœur. Je sais que tout le monde passe par là et que c’est une étape dans la vie. On se fait tous plaquer un jour. On souffre tous d’amour. On tombe tous sur des gros nuls. Mais quand même ! Je ne veux pas que ça lui arrive. Elle a déjà assez souffert avec notre famille. Elle n’a pas besoin qu’on lui rajoute des peines d’amours. Pas ma petite sœur. Pas Marissa. De toute façon, je sais très bien que je pourrais devenir violent. Ce ne serait pas la première fois. Protecteur ? Je le suis et le resterai. A jamais. Que ce soit pour Marissa ou pour Cassie. Et même pour Joshua, dans une mesure différente.

«Bon alors, tu as perdu ton imagination en grandissant grand-frère?» Ahah ! Je n’ai même pas le temps de répondre que Mari’ me saute dessus. Littéralement. Mais je ne suis pas dupe. A partir du moment où elle saute telle un ressort vers moi, je me mets en position. Elle m’attaque à coup de chatouille. Traitre ! En seize ans, elle a fini par trouver mon point faible. Et elle en joue. J’ai beau essayé de me débattre, je ne peux pas résister longtemps. Des rires sortent de ma gorge. Naturellement. Ah il est beau le reporter et son assistante qui veut faire pipi et qui à tous les deux non pas d’argent ! Mais les rires sont universels… On ne remarquera pas que je rigole en anglais !
Il faut réagir ! Je me concentre et fais tomber ma sœur. Voilà qui est beaucoup mieux ! Je n’attends pas une seconde pour l’attaquer. Je sais très bien qu’elle pourra me faire le coup des yeux de chiens tristes. Ça ne marchera pas ! Je continue. Encore et encore. Enfin… Tout à une fin. Je pense qu’elle a eu son compte… Moi aussi. Bizarrement. Je me sens plus léger. Comme si j’avais un poids en moins sur les épaules. Le rire m’a crispé les joues et m’a fait mal au bide. Mais je me sens terriblement bien. Comme détendu. J’aide Marissa à se relever.

« Cap de faire un massage à ton frère ? » Oui je sais ce n’est pas difficile. Mais moi j’aime bien. Utiliser ma sœur en esclave et ce en lui donnant le choix… Enfin, presque. C’est très agréable. Oui oui oui. Moi j’aime bien ! Je m’arrête de marcher et retire mon tee-shirt pour lui offrir mes épaules. « Je sens que regarder ce pari va être terriblement difficile pour mes yeux. Du coup… Je les ferme à l’avance !»
Faut bien que je retrouve la forme pour le prochain cap ! Histoire d'être dans une condition physique époustouflante !

J'ai perdu toute mon imagination ? Autant laisser cette idée s'installer convenablement pour mieux surprendre !

Je me retenais de rire pour ce que venait de faire mon frère, par peur que les gens viennent nous voir en nous demandant notre reste. Après un petit moment, je finis tout de même par dire à Jude:

- Tu ne crois pas qu'on va éveiller les soupçons si on retourne boire tranquillement nos cocktails?

Mon frère acquiesça et c'est comme ça que nous avancions un peu plus sur la plage. Je retirai mes chaussures afin de laisser les grains de sable frotter ma peau. Il était pas trop chaud, en ce début de soirée, c'était vraiment super agréable. J'avais mal au ventre, sans m'en rendre totalement compte, le stresse de cette soirée m'envahissait toujours. Il me tordait le ventre à défaut de me tordre l'esprit, évacué par Jude. Alors après un petit moment, je me tournais vers lui, marchant à reculons, je le regardais, tenant mes cheveux pour ne pas qu'ils me cachent la vue.

- Bon alors, tu as perdu ton imagination en grandissant grand-frère?

Là dessus, je lui sauta dessus pour le saisir à la taille afin de le faire tomber. Avec mes deux frères, nous nous battions souvent par le passé, je n'avais jamais réellement réussi à les mettre par terre, si, une fois, Joshua. Mais là, j'étais avec Jude et il n'était pas du genre à se laisser berner par sa petite soeur. J'avais beau le chatouiller, le griffer, il ne tombait pas. Il s'était mit à rire et ce doux bruit était synonyme pour moi d'une réelle morphine. Après quelques instants, je ne sais pas trop comment d'ailleurs, je me retrouvais à faire une pirouette et à finir sur le sable. Je ne pu m'empêcher de rire aux éclats. Mon frère riait aussi. On était comme deux gamins, se noyant dans leur insouciance pour ne pas voir la réalité en face. Nous étions mal barré, mais nous rigolions. Cherchez l'erreur.
Jude m'aida à me remettre debout et je passais mon bras autour de sa taille afin de marcher à côté de lui, attendant mon premier gage.

A ma proposition, un sourire vient illuminer son visage. J’ai touché le bon point. Marissa se relève immédiatement. Elle a tout de suite la forme. Je suis heureux d’avoir réussi. J’attends avec impatience de savoir quel jeu elle pense. La réponse ne tarde pas de satisfaire ma demande. Cap ou pas cap. Ahah. J’aime entendre ça sortir de sa bouche. J’aurais dû m’en douter. Mais c’est vrai que j’associe généralement ce jeu à Joshua. C’était parti d’une histoire toute bête. J’avais mis des tas de trucs dans son verre. Un mélange peu ragoutant. Je lui avais tendu. Je me souviens de sa grimace quand il avait vu le jus de toutes les couleurs. Je lui avais demandé s’il était cap de boire ça. Je ne pensais pas qu’il le ferait. Mais en réalité, il accepta. Peut-être qu’il avait cherché à trouver l’approbation de son grand-frère, mon admiration. Seulement, quelques heures après il m’apporta un nouveau cocktail tout en me demandant si j’étais cap. A partir de ce moment, ça n’a jamais changé.

Marissa cherche ce qu’elle va me faire faire. Et moi, j’attends patiemment. Je ne refuse jamais un défi. Jamais. Même venant de ma petite sœur toute mignonne. Je suis à cran. Je suis prêt à sauter et à courir dans tous les sens.
«Tu vois les gens assis dans le restaurant là-bas? Cap ou pas cap de t'asseoir à leur table, de boire leur verre et de manger dans leur assiette?»
Son sourire en dit long. Je trouve qu’elle a réussi à faire fort. Je la respecte sur ce coup-là ! Je me lève. Et la regarde en souriant. « Cap. »
Je lui fais une petite tape dans la main et m’écarte d’elle pour prendre la direction de la table qu’elle m’a montrée. Il y avait deux femmes et un homme. Il devait avoir une petite dizaine d’année de plus que nous. Chacun avait une assiette et un verre. Un verre de bière et deux sodas.

Je m’approche doucement. Je tousse légèrement pour attirer leur attention. « Mesdames, monsieur, je suis sincèrement désolé de vous déranger en cette si fabuleuse soirée. Je suis ici pour faire une enquête. Je suis reporter pour une chaîne internationale è per ché parlo italiano, escribo espanol, mais également français. Bref. Je peux vous poser quelques questions ?»
« Euh… C’est que nous sommes occupés.»
«Ce ne sera réellement pas long. J’ai ma charmante collaboratrice là-bas qui veut aller aux toilettes et me demande de faire au plus vite. C’est elle !»
Je montre Marissa du doigt et lui fait un grand sourire tout en tirant une chaise libre à côté. Pour finalement m’asseoir dessus. Comme si j’étais à leur table.
« Voilà, le but de notre reportage est de voyager avec un minimum d’argent, pour voir si la population américaine est si accueillante que ça. Et découvrir des paysages. Des choses qu'on ne voit pas chez nous.»
Depuis le début j’ai pris spécialement un accent. Je sais très bien que les femmes ne peuvent pas résister au charme des français. Et bien que je ne le sois pas, j’ai juste à remonter ma manche pour prouver que je parle une langue étrangère. Mon tatouage est définitivement un atout !
Une des femmes semble un peut agacer tandis que l’autre me regarde avec curiosité. Mes sourires et ma façon de m’exprimer m’aide volontiers. Je sais mentir. Je ne m’en cache pas. Je jouerai ce rôle jusqu’au bout. La seule personne intéressée des trois me demande ce que je souhaite. L’homme finit la phrase en précisant un mot : réellement. Il est bon, lui ! Je le regarde dans les yeux pour prouver ma franchise.
« J’ai réellement besoin d’une gorgée de votre verre. Comprenez que si ça n’avait pas été urgent, je n’aurais jamais osé faire ça ! Mais le problème étant que nous n’avons pas reçu nos subventions cette semaine, nous n’arrivons plus à manger ni boire. Surtout gratuitement… Je… Je comprends que ça vous dérange.»
Une petite moue triste. Un regard de chien battu à celle que j’ai déjà dans mes filets. Bon. Je commence à trouver ça long. Elle me tend son verre en ajoutant un clin d’œil à son geste.
« Je peux vous en offrir un si vous voulez.»
« Non, ça ira. Merci beaucoup !»
Je lui souris le plus gentiment possible. Je n’ai à parement pas l’air d’un truand. Mon charme a réussi à opérer. Je suis plutôt fier de moi. Pas vous ? Je lève les yeux en direction de Marissa. Cap. Bon. Il ne reste plus qu’à manger. Je repose le verre.
« Votre amie à besoin de…» Vieux pervers, va ! Je me doutais que ce mec ne m’aimait pas pour une raison !
« Non ça ira. Muchas Gracias ! Parlerò di vuoi nello mio articolo ! Merci beaucoup. Attention à vous !» Je prends une fritte dans l'assiette de celle qui n’avait pas parlé ! Et hop ! Je lui évite une petite prise de poids. Si c’est pas attentionné ça ! Je repars en leurs faisant de grands signes. Déjà des vieux potes !

« Il est pas trop fort ton grand-frère ? Je suis sûr que ça t’impressionner !
Je ne suis pas en train de me la jouer. Au contraire. J’exagère au maximum, au point de caricaturer ce genre de comportement. De toute façon je ne suis pas imbu de ma personne. Mari le sait très bien.
« Si jamais tu les recroises nous sommes des reporters venus d’Europe qui ne reçoivent plus leur ared et son sur la paille. Je ne sais même pas comment ils ont pu me croire… Enfin. Je fais tellement bien l’accent fran-esp-ita-russe.» Je me mets à rigoler lentement et attrape ma sœur par les épaules. «On finit nos cocktails et on part vivre de nouvelles aventures ?»

Jude avait tout d'abord proposé l'idée d'appeler Joshua, pour le prévenir de notre situation, mais aussi tout simplement pour se retrouver tout les trois. Seulement cette idée fleurissante ne tarda pas à fâner dans son esprit, pour laisser place à Notre jeu.
Oh oui ce jeu.
Au départ, c'était uniquement Jude et Joshua qui y jouaient, me jugeant trop petite pour ça, je comptais les points seulement, sur une feuille ou des dessins étaient représentatifs des instants précis de ce jeu. Et un jour, Joshua me demanda de l'aide pour gagner, c'est ainsi que j'ai commencé à jouer au Cap ou pas Cap?
Dans n'importe quel endroit, n'importe quand, on peut se lancer un Gage. Ca peut être n'importe quoi : offrir une fleur à quelqu'un, embrasser l'arrière train d'un chien, se jeter dans la mer, rouler dans l'herbe jusqu'à ce que nos vêtements soient verts. Ca pouvait être tout, il n'y avait pour limite que notre imagination. Et personnellement, nous n'en manquions pas. Oh que non.
Le pire Cap ou pas cap? Je m'en souviens très bien. C'était quand nous étions encore tout les trois à la maison, il faisait beau, nous étions sortit sur le port. Là, j'avais pour gage de sauter d'un bateau à l'autre, en chaussures et finir par me jeter à l'eau. Il devait y avoir 4 ou 5 bateaux, j'avais du les traverser en courant, sauter par dessus l'eau, éviter les propriétaires en colère pour finir par me jeter dans l'océan. Nous avions tellement rigolé ce jour-là!
Me souvenir de ça me fit sourire et je ne tarda pas à retrouver de mon peps. Je rigolais et me levant alors vers mon frère pour lui dire:

- Oh oui!! Cap ou pas Cap?!

Je porta mes doigts sur mes lèvres alors que mes yeux fouillaient la plage du regard.

- Tu vois les gens assis dans le restaurant là-bas? Cap ou pas cap de t'asseoir à leur table, de boire leur verre et de manger dans leur assiette?

Un sourire sadique illuminait mon visage, je savais qu'il allait le faire et je mourrai d'envie de voir ça. Retourner en enfance dans un moment pareil était le mieux à faire, oui, mon frère était un génie, nous étions forts et soudés.

La politique. Cette idée venue de nulle part comme une providence régresse petit à petit dans mon esprit. C’est idiot. Comme si je pouvais me lancer là-dedans ! Et puis, je risquerai d’être à jamais comparé à mon grand-père. Monsieur le gouverneur de Floride. Non, je ne serais pas le petit fils de. Déjà que je ne veux pas être identifié à mon père ! Par chance mon grand-père ne porte pas le même nom. Enfin… Ça ne change rien. Je n’ai ni le charisme, ni les relations, ni l’assurance, ni les convictions. Enfin, j’essaye de me faire croire que je ne les ai pas. J’essaye de me dévaloriser. Je n’ai pas d’avenir clair. A quoi bon rêver ? Je finirai par devenir misérable ou comme mon père. Dans tous les cas je me détesterai et je n’aurais aucune estime de moi-même. Je n’ai pas grandi. Je ne grandirai plus. Tout est trop tard pour moi. Je ne suis pas un être humain normal. Pourrais-je au moins une fois être classé dans une catégorie ? Je…
Marissa vient poser sa main sur la mienne. Avec douceur. Elle est froide. A-t-elle froid ? Je devrais lui proposer de rentrer… Peut-être qu’elle se sentira mieux à l’abri du vent. Ou bien sous ma veste. Je ne veux pas qu’elle soit malade. Je ne veux pas qu’elle frissonne. Je ne veux plus qu’elle souffre. De n’importe quelle manière ! Je ne veux plus jamais entendre et voir sa douleur. Je me sens désarmé. Et ça me révolte. Je veux lutter pour elle. Jusqu’à la mort. C’est mon bien le plus précieux. Avec Joshua. Mais lui, il pourra lutter contre les requins. Marissa… Elle aussi. Mais c’est différent. J’ai cet instinct qui me crie de l’entourait de mes bras et de la bercer lentement tout en lui murmurant des mots à l’oreille.
Et là… C’est elle qui essaye de me rassurer. Ça me fait doucement sourire. Les expressions de mon visage restent timides, mais elles sont bien présentes dans mon cœur. Je la trouve épatante. Elle fera une bonne mère. C’est une excellente sœur. Une amie. Une confidente. Ma brunette vient poser sa tête sur mon épaule après son petit discours. Je reste silencieux. J’observe les vagues tout en me répétant chacun de ses mots.
« Je sais qu’on y arrivera Mari. On a toujours réussi à survivre et ce n’est pas demain qui changera. On va juste arrêter les frais inutiles. Ça ne me fais pas peur. Du moment que l’on reste soudé, tout se passera comme il le faut. L’union fait la force. On deviendra invisible ! Tu veux qu’on appelle Joshua ? Rien que pour qu’il l’entende de nos voix… Plutôt que par celle du père. Enfin… Si tu ne t’en sens pas capable de suite, je comprends. Tu sais quoi ? On devrait essayer de se vider la tête un maximum ce soir. C’était mouvementé mais je pense qu’on a tous les deux besoins de prendre l’air et de s’amuser un peu. Tu te souviens de ce jeu quand on était gamin ?»
Une bonne partie de rire ne nous ferait pas de mal. Personnellement je pense que c'est en pensant à autre chose que l'on se sentira tous les deux un peu mieux. On soufflera enfin. Nos épaules se décontracteront... Parce qu'honnêtement, là, j'aurais bien besoin d'une masseuse, ou au moins d'un peu de yoga. Mais c'est trop calme pour moi. J'ai spécialement prononcé aucun nom de jeu en particulier. On en avait des tas. Mais je veux que Marissa face le rapprochement avec son préféré. Pas bête la bête ?!

Une larme, une perle d'eau salée qui coule, roule, plonge sur ma peau rosée et fatiguée par autant d'émotions... Une simple larme, non pas douloureuse, mais libératrice. Une perle de peur, mêlée uniquement à l'inquiétude de cette soirée, de cet avenir qui s'annonce alors. Je suis perdue dans mes pensées, je fixe l'océan, laissant mes yeux voguer d'un côté de cette immensité à l'autre. Calmement, lentement. C'était comme si je découvrais tout ça, ce soir. Comme si un cap venait d'être franchi, comme si à partir de ce soir, je ne serai plus jamais la même. Oui, quelque chose venait de changer ce soir. Quelque chose d'effrayant se produisait.

A partir d'aujourd'hui, nous avions une protection en moins. Et c'est lorsque l'on perd quelque chose, qu'on se rend compte à quel point son existence avait un sens. Même s'ils n'avaient rien de parents, au sens affectif du terme, ils nous apportaient une paix. Un équilibre: une sécurité sociale, un avenir, une situation financière qui nous protégeait. Aujourd'hui, nous devrions nous débrouiller seuls. Trouver nos propres ressources. Il fallait qu'on soit aidés car seuls, nous n'y arriverions pas. Ils nous fallait de l'aide pour se lancer. Un soutient, c'était évident.

Jude avait reprit ses petites blagues. Ses petites blagues qui masquaient ses angoisses et rien de moins. Il pouvait faire son gros dur face aux autres, il n'en restait pas moins un adulte qui avait du grandir trop vite. Connaissait-il le rêve? L'espoir? L'innocence? Pas si sûr... Il avait du compter sur lui, sur ses capacités pour souder le peu de famille qu'il nous restait : trois enfants. Il avait donné le meilleur de lui et nous avait offert ce qu'il n'avait pas eu étant enfant : l'innocence. Nous avions eu le temps de grandir, contrairement à lui. Alors oui, il faisait des erreurs, mais pour moi, je lui pardonnerai tout. Absolument tout. Car ce qu'il nous a offert est bien plus beau et grand que ses erreurs.

J'écoutais ce qu'il disait, doutait-il de lui? Manquait-il de confiance en lui? Alors peut-être que c'était là que j'apparaissais, comme un papillon qui attend son envol, était-ce à partir d'aujourd'hui que j'allais grandir, prendre de l'assurance, pour le soulager un peu et surtout, lui apporter une partie de tout ce qu'il nous avait apporté? Je le lui devais au moins ça et ça serait sans doute bénéfique pour nous deux.

Je posais bientôt ma main froide sur la sienne, ma larme avait sauté dans l'abîme qui séparait mon visage du sable frais de cette soirée. La trace d'eau salée restait visible sur ma joue, gardant cet instant poétique. Après quoi, je lançais d'une voix douce:

- C'est une nouvelle page, un nouveau départ. Même si tout va changé, on ne peut pas dire que l'on soit malheureux. Tout va changer, mais il y a pire que nous. On savait que ce jour arriverait, on s'en doutait. Ce n'était qu'une question de temps. On n'est pas seuls, Joshua et même Duncan seront là, Dennis me soutiendra, je le sais bien. On peut y arriver. J'obtiendrai une bourse, j'intégrerai un groupe de musique ou de théâtre qui me permettra d'aller à la Fac. Toi, tu peux prendre le temps de te renseigner pour des écoles, des formations ou même un voyage? Prendre du temps pour toi, après ces années pour nous autres. Tu en aurai besoin. Ca te permettrait d'y voir plus clair, non? Pour le logement, on ira à l'école, la bourse couvrira les frais, avec un petit boulot en plus, comme un mi temps pour toi et moi, on obtiendra l'équivalent d'un salaire entier pour deux, ça devrait couvrir nos frais non?

Je passa ensuite ma main dans sa nuque, lui caressant ses petits cheveux puis passant sur son crâne, je finis par me rapprocher de lui, posant mon verre près du siens, je posais ma tête sur son épaule, alors qu'on fixait l'océan. Je fredonnais une chanson que j'adorais (voir au dessus), doucement. J'aurai pu fermé les yeux, je me serai senti ailleurs, partie, loin. Je lui murmurais alors :

- On y arrivera...

Je bois tranquillement mon verre de cocktail. Mes yeux se sont fixés sur l’horizon. J’adore regarder le plus loin possible. Face à un océan, c’est si différent. Il n’y a rien pour bloquer votre vue. Vous pouvez vous plonger à des kilomètres. Ce n’est pas pareil quand on est entouré de maison. Cette sensation, c’est… La liberté. J’ai l’impression de pouvoir aller dans n’importe quelle direction, aussi loin que je le veux. Ce n’est pas étonnant de me retrouver assis sur la plage, face à cet océan. C’est si lisse à l’horizon et pourtant si perturber, il y a tant de vagues à l’intérieur. C’est un peu comme moi. Une apparence calme quand la tempête remue mes pensées. Paraître et être. Je suis deux personnes différentes. Enfin, en général. Y a certaines personnes qui ont le code pour ne faire de moi qu’un seul être. Je suis humain. J’ai des sentiments. Mais je ne peux pas les montrer. Pas devant Marissa. Pas ceux-là. Je pense aux fêtes alors que je n’ai même pas envie de m’amuser. J’ai peur. Ouais. Et si j’avais ruiné la vie de Marissa ? Elle va sans doute devoir faire des sacrifices. Si on commence à bosser pour payer nos études, on n’en finira jamais. On ne pourra pas économiser, on ne pourra pas partir se divertir, on aura pas le temps pour des heures d’études supplémentaires. Je suis sur la bonne voie pour être diplômé. Mais je fais quoi après ? Je dois rester à Miami pour que Mari finisse sa dernière année. Je vais à l’université ici ? C’est luxueux mais pas reconnu sur toute la Terre. Et puis, je me paye comment des années à l’université ? Et si je vais ici pour rester avec ma sœur, elle ne pourra pas étudier ailleurs non plus et restera pour être avec moi aussi. C’est un cercle vicieux. Je l’ai entraînée dans une mauvaise affaire. Je sais très bien que j’aurais des avocats. Mais je peux tomber si facilement. On va avoir des problèmes. Notre père pourrait même envoyait une assistante sociale justement ! Il pourrait contacter le lycée et même débarquer et faire un scandale. Il racontera n’importe quoi… Je vais me faire virer. Je le sens mal tout ça. Je nous ai mis dans une histoire pas possible. Perdre les trois enfants, ce sera trop dur pour lui. Il va voir son empire s’effondre. Et tout nous seront sous les ruines. Marissa et moi.
Elle me retourne la question. J’avais oublié. Je ne sais pas quoi lui dire. Je ne sais même pas quoi me répondre quand je me pose cette propre question. Je bois une nouvelle gorgée. Je regarde la mer. Liberté. Regarde cette liberté à l’horizon. Le futur. Si loin mais tout de même visible. Je peux réussir à distinguer ce qui se dessine là-bas. Il faut juste que je fronce un peu les yeux. Que je me concentre un instant. « Je sais pas Mari. Je crois que je me suis jamais assez posé la question…» Je la regarde. Je ne suis pas un symbole de stabilité. Je ne suis pas un modèle. L’université ? Je ne sais pas… «En fait, je n’ai pas la moindre idée de ce que je suis capable de faire. Et pourtant la fin de l’année approche. J’ai peur que ce soit trop tard pour envoyer mes lettres de motivations. Enfin, je l’avais déjà fait au mois de mars. Mais… Je n’ai pas eu de répondre. Et sans argent, je ne pourrais pas me les payer. Je ne sais pas de quoi je suis capable. Techniquement à la fin de l’année, les profs demandent aux élèves quels sont leurs rêves et leurs grands espoirs. Mais moi, je ne sais pas. Tout ce que je veux concrètement, c’est que toi et Joshua vous vous en sortez. Je veux vous voir heureux. Voilà. Je ne me vois nul par dans mes projets. A part comme un vieux prof aigri et sans passion.» Je soupire avant de prendre une longue gorgée du jus frais. « C’est pessimiste ce que je dis ! Wow. Je devrais étudier le droit, me lancer dans la politique et bien faire chier papa.» Mon entrain était revenu. Ma voix s’était faite plus distincte. Oui. Voilà ce qui me correspondrait. Mais encore une fois, je n’avais pas les moyens de me payer les études.

Il approuve, il accepte mes choix. Il trouve que ça me correspond bien, il trouve que ça me va bien ce métier là et c'est nul sans doute à cause de mon passé, notre passé, que ce métier m'est venu à l'esprit. J'aurai pu être artiste, j'aurai pu être avocate comme le voulait papa, pour que j'entre dans son entreprise également. Mais non, aujourd'hui, comme le premier jour du reste de ma vie, je prenais cette décision, celle de prendre mon propre tournant, sans demander à qui que ce soit, si j'en avais l'autorisation. Une certaine forme de liberté en somme. La liberté de pouvoir choisir si oui ou non, mon avenir sera contrôlé. Mon père avait choisit une carrière pour moi et Iude, laissant alors à Joshua (au prix d'une guerre) le libre arbitre sur son avenir. Jude aurait du reprendre le travail de papa alors que moi, j'aurai du suivre sa voie tracée. Ni l'un ni l'autre n'avons accordé nos violons avec lui.

Je me souviens du jour où Jude était partit de la maison. Il était partit en colère, après une dernière grosse dispute. Il y en avait tout le temps à une période, puis, Jude est partit. Ca a été très dur pour moi et Joshua, mais avec mon jumeau, ça allait, on aurait pu tenir. Me retrouvant seule, ce n'était plus possible, je n'y arrivais plus. Ce n'était plus possible. Alors quoi? Qu'aurais-je pu faire? Obéir à papa? Rester à la maison, seule à longueur de temps, ne parlant plus à Jude et ne voyant mon jumeau que durant les fêtes? Non... Déjà quelques jours sans lui, je suis perdue, alors une vie entière, je n'aurai jamais pu survivre.

Nous étions encore face à la mer, je bu de nouveau mon cocktail, doucement, le savourant gorgée par gorgée. Je regardais Jude, il avait l'air vraiment éloigné par ses pensées. Perdu dedans, loin de tout, il semblait ailleurs... J'aurai voulu savoir ce qu'il pensait, savoir à qui, quoi, ses pensées étaient? J'aurai voulu entrer à l'intérieur pour savoir ce qui lui donnait cette mine, cette force, cette assurance. Il ne semblait pas avoir peur. Presque jamais. Il semblait au dessus du reste, au dessus du lot, comme s'il connaissait l'avenir pour demain, il ne s'inquiétait jamais du présent. Mais aujourd'hui oui, tout allait changer et ça devait néanmoins lui faire un peu peur non?

- Et toi Iude, qu'est-ce que tu veux faire plus tard? Tu as une idée pour l'Université?

J'avais posé cette question comme ça, regardant les couleurs de mon cocktail. J'aurai pu simplement lui demander : est-ce que tu as peur? Mais non, je n'avais pas posé cette question. Pourquoi? Serait-ce par peur qu'il me dise oui? Mais la peur n'évitera jamais le danger. Jamais.

Le serveur nous dépose nos verres. Parfait. Je vais le déguster. Ça sera sans doute ma dernière boisson dans un bar. Je vais limiter mes sorties et ainsi mes dépenses. Jusqu’à là j’ai continué de vivre et dépensé l’argent de la famille. J’en profitais même. Je me disais que c’était bien la seule façon pour que ce fric me rende heureux, un minimum. Mais maintenant c’est fini. Je dois éviter tout contact avec cet argent. Les ponts sont coupés. Définitivement. Je dois arrêter de m’en servir. Je suis motivé et j’ai tendance à avoir une volonté à toute épreuve. Même si Cassie, Duncan et Angie me demandent de sortir. Je leur répondrais non. Même s’ils se proposent de payer. Je leur dirais que je n’ai pas besoin de ça et que je leur serais redevable. Je sais très bien qu’ils sauraient me dire que j’en fais déjà assez pour eux. Que j’en ai déjà assez fait. Mais bon. Je ne peux pas me permettre de vivre dans mon ancienne vie. Tout change. C’est aujourd’hui l’heure des grands changements. Je me rends enfin compte que ma vie vient de prendre un tout autre sens. Je ne sais pas encore si c’est une bonne chose. Mais demain, rien ne sera comme hier. Tout est changé. Mon univers a basculé.
Marissa me répond alors pour ses idées d’avenir. J’acquiesce à chacun de ses dires. Je la comprends. Elle ne sait pas trop. Elle ne voit pas l’intérêt de l’université sans buts, et veut garder ses passions en tant que telles. Jusqu’à là, je suis son raisonnement. Vivre de sa passion peut-être une des plus belles choses qui soit. Et au contraire, ça peut vous laisser. Vivre de la musique et de l’écriture est un choix risqué. On ne devient pas musicien très facilement ou alors c’est sous payé. On fait des tonnes d’auditions, on vit dans l’ombre d’un chanteur, on enchaine des petits contrats pour telle ou telle personne. Et l’écriture… On peut perdre soudainement l’inspiration. On peut ne pas plaire au public. On peut rester un anonyme longtemps. En fait, pour ces deux métiers on peut vivre seul chez soit, sans jamais avoir de reconnaissance. Parfois, après la mort, notre nom fait parler. Génial !

Assistante sociale. Voilà ce qu’elle veut faire. C’est un choix noble. Je la reconnais bien là-dedans. L’aide aux autres et l’action directe. C’est sans doute un métier qui lui conviendrait. Mais il faut qu’elle n’ait pas peur de se retrouver face à des situations violentes, difficiles. J’ai foi en elle. Je suis sûre qu’elle sait ce qu’elle veut.
« Je sais pas si c’est ce qu'il nous aurait fallut… On aurait pu être retiré de papa et maman, c’est pas mauvais... Mais on aurait sans doute été placés dans un foyer. On aurait pas eu cette force de caractère. On aurait pu être séparés… J'sais pas… Mais une chose est sûre, c’est un beau métier. Et je sais que tu as toutes les qualités qu’il faut pour le faire. Tu es à l’écoute des autres, tu sauras soutenir et accompagner ceux qui en ont besoin. Tu es patiente et même optimiste. Bon on a connu des jours meilleurs pour ça, mais je sais que ton sourire va finir par revenir. Il faut juste que tu arrives à faire face à n’importes quelles situations. Que tu arrives à être neutre et ne pas te laisser influencée par ce qui t’es arrivé. Ce qui nous est arrivé.»
Je lui souris faiblement avant de boire une gorgée du cocktail. C’est aussi bon que ce que j’espérais. Je n’ai pas assez de lui faire peur en lui disant tout ça. Non. J’essaye d’être honnête. Je ne veux pas la bercer d’illusions. Elle peut aussi bien se retrouver dans un problème concernant un grand-père incapable de se gérer financièrement que d’avoir à régler des violences conjugales. Ce n’est pas à un métier si simple. Il n’y a pas de métiers tranquilles. Enfin, pas chez les Chamberlain. Nous, les enfants, voulons faire quelque chose pour notre planète. On veut laisser notre trace dans l’esprit des gens. Pas en mal, au contraire ! Joshua veut distribuer du bonheur en jouant la comédie et en faisant rêver. Marissa veut aider les autres à sortir de situations difficiles. Et moi… Moi. Je ne sais pas. Qu’est-ce que je veux faire ?

«Et puis tu sais l'université, ça peut être intéressant. Tu prends plusieurs cours différents, tu fais face à des personnes qui ont de l'expérience. Qui ont su se spécialiser. Tu peux apprendre des tas de truc. Quand tu n'as pas d'idée précise de ton avenir, c'est parfois une bonne solution. Je dis pas ça parce que j'adore les soirées étudiantes, hein !»
Je lui fais un petit sourire angélique avant de reboire un verre. L'air de rien. Non je n'ai pas envie de faire la fête tous les soirs et de rencontrer des tas de filles. Non mais oh ! Je viens de décider de faire une cure de désintoxication. Je suis déjà en manque de fêtes... C'est grave.

Nous sommes sur le sable, nous sommes sur la plage, nous sommes face à l'océan qui est baigné par une douce odeur marine, un ciel orangé qui commence à s'allumer au fil des instants. Il y a un petit vent frais, quelques nuages, mais il fait bon, il fait chaud. Jude et moi nous sommes installés sur le sable, le Bar que mon frère a choisi a des places sur le sable. On s'installe donc sur deux fauteuils très confortables et on regarde autour de nous. Il y a quelques personnes qui ont eu la même idée que nous, par ce beau temps. Nous sommes là, à les regarder vivre cet instant de leur vie. Peut être un souvenir dont ils se souviendront? Je n'en sais rien. Aujourd'hui le fait est qu'ils sont là, jouant, marchant calmement pour discuter, fumant, buvant un coup, se promenant en famille. Des instants auquel nous n'avions jamais véritablement eu droit et que nous ne vivrons peut-être jamais en étant enfant, adolescent. C'était terminé.
Après un petit moment, le serveur arriva vers nous afin de nous déposer nos deux cocktails sur la table devant nos sièges. Nous le remerciâmes, tandis que Jude le paya. Une fois seuls, je réfléchie à la question que mon frère venait de me poser. Qu'avais-je fais comme plans pour mon avenir? Qu'avais-je prévu? Comment j'avais vu mon avenir? En réalité, je n'avais jamais réellement réfléchie à tout ça, je ne savais pas trop quoi faire de ma vie. J'aimerai écrire oui. C'était certain, j'adorais l'écriture, j'adorais aussi la musique mais est-ce que je pouvais vivre de ça? N'était-ce pas un luxe de vouloir vivre d'une passion? Lorsqu'on a les moyens financiers de ses parents, on peut oui, mais dans notre situation actuelle? En réalité, je ne savais pas trop ce que je voulais faire de ma vie... Je pris néanmoins la parole:

- Je ne sais pas trop. Papa voulait que j'aille à Yale, comme tu le sais. Mais aller à l'Université sans savoir quoi faire, je ne vois pas l'intérêt. Pour l'écriture et la musique, je préfère garder ça pour des passions. Quelque chose dans lequel je trouverai toujours refuge et non que je voudrai finir par fuir, tu comprends?

Je fis une pause en saisissant mon verre, le prenant entre mes mains, je sentais qu'il était glacé, qu'il me gelait les mains. Je me perdais dans ses couleurs acidulées. Après quelques secondes, je le porta à mes lèvres afin d'en savourer le goût sucré. Excellent.

- J'aimerai venir en aide aux autres... Peut être pas au sens médical du terme, ni au sens judiciaire. Caché derrière un bureau ou une blouse, ce n'est pas comme ça qu'on aurait pu nous aider. Non. En fait, je pense surtout à assistante sociale. C'est une personne comme ça qu'il nous aurait fallu non?...

Je tournais le visage vers mon frère afin de le regarder. Afin de chercher dans ses yeux une réponse, une réaction, une fierté?... Mon frère avait l'air perdu dans ses pensées, ce n'était pas évident pour lui, il était vraiment dans une situation délicate, dans une posture inconfortable. Je lui souris faiblement et déposa une main sur la sienne. Sa chaleur humaine...

On descend de la voiture au même moment. Voilà. C’est fait. Je ne sais plus quoi dire. Marissa se dirige vers moi. Elle vient se coller contre moi. J’avais cette envie de la prendre contre moi depuis le début. Mais je n’ai pas osé. Et puis dans la voiture, c’est tout de suite compliqué. Là. Tous les deux. On ne forme qu’un. Je la sers contre moi. Je caresse ses cheveux. Je ferme les yeux et profite de cet instant. J’ai l’impression d’avoir une poupée de chiffon dans mes bras. Elle est fragile. Et c’est comme un miroir. Je suis comme elle en fait. Je suis aussi faible. Enfin pas faible. Mais… J’ai envie de pleurer. Quand j’ai quitté la famille, j’avais le cœur en miette. Ma carapace ne sert qu’à masquer ce manque. Cet horrible besoin d’avoir un père. Une figure a imité. J’ai été là pour les jumeaux. Mais moi qui est-ce que j’avais eu ? Personne. J’ai eu un manque. Je suis bancale. Je ne suis pas un si bon exemple. Et si c’est moi qui a tort ? Si j’ai fait foirer la vie des jumeaux ? Et si Marissa ne s’en sortirait pas avec moi ? Si je faisais une connerie qui nous mettrait dans une situation impossible… J’ai peur. Je… Je ne peux pas montrer mes doutes. Je dois prendre sur moi. C’est difficile. Ma carapace en sera plus solide. Oui. Je dois être fort.

On marche tous les deux. On n’a pas de but précis. C’est un peu notre mot d’ordre. Ne pas savoir ce que l’on fait vraiment. Ce dans quoi on met les pieds.
« Ensemble on est fort Jude. Toujours et à jamais. Chamberlain » Je souris faiblement. On se dirige ensuite un verre bar à ciel ouvert. Il est juste en bord de plage. Je ne veux pas boire de l’alcool. Il est encore trop tôt pour ça. Je nous commande deux cocktails de fruits, bien glacés. Ils nous rafraichiraient. Je dis aux serveurs que nous nous installons sur la plage à quelques mètres. Il me répond qu’il viendra nous les apporter. Je le remercie. J’entraine Marissa et m’enfonce dans le sable.
« Pour toujours et à jamais. On sera même plus forts qu’avant. Bon. Parle-moi de toi. Parlons de ce que tu vas faire après le lycée. Une idée d’université ? Yale ? On a jamais parlé de ça…»
J’essaye de faire en sorte qu’elle oublie tous nos malheurs. Il faut que l’on s’oxygène l’esprit.

Nous venions de nous arrêter sur un trottoir. Iude avait émit plusieurs hypothèses pour notre avenir, sans pour autant qu'on entre dans les détails. Ca allait être dur, on allait devoir se soucier de l'argent, se soucier de ne pas trop dépenser mais même si ça avait quelque chose d'effrayant, c'était quand même cool. Elle ne devrait pas réellement changer de vie, car Marissa n'avait jamais vécu dans le luxe, elle n'avait jamais montré qu'elle possedait de l'argent, qu'elle avait un nom d'héritier. Au contraire, elle s'était toujours montré la plus naturelle possible, elle n'avait jamais vécu dans l'excès, elle n'avait jamais montré une quelconque fortune. Alors non, ça ne changerait rien à sa vie courante, hormis le stress de ne pas avoir assez pour financer l'école ou certains loisirs et notamment rendre visite à Joshua à New York.

Marissa finit par descendre de la voiture, sans rien emmener, elle aurait pu prendre sa carte bancaire et vider son compte, oui, car elle avait des sous dessus, elle avait sans doute encore tous ses droits, mais pour quoi faire? Cet argent provenait de son malheur à elle et à ses frères, il n'en valait pas la peine. Non, cet argent puait leur malheur. La jeune femme claqua la portière de voiture puis attendit que son frère ferme sa voiture afin de le retrouver. Il s'était avancé vers elle, les mains dans ses poches, elle n'attendit rien d'autre pour se coller contre lui. Passant ses bras sur ses épaules, elle colla sa joue en dessous de son visage. Il avait chaud, ça lui fit du bien. Il ne tarda à la serrer contre lui. Comme à chaque épreuve, ils restaient soudés. Ils y arriveraient, oui, ils pouvaient. Duncan ne les laisserait pas dans la merde et Marissa s'entendait bien avec le garçon. Ils auraient très bien débarqué chez lui, leurs sacs sous le bras, qu'ils auraient été accueillit avec plaisir. Tout comme Dennis. L'adolescente savait qu'elle aurait pu venir chez lui, il l'aurait accepté.

Entre amis, on se sert les coudes, on devient plus forts quand les épreuves nous tombent dessus. Après un long calin, ils se sont longtemps regardé puis elle a déposé un baiser sur sa joue avant qu'on ne parte marcher un peu, alors qu'ils étaient en plein centre ville. Elle tenait son frère par le bras. Elle semblait encore sous le stress de l'épisode de ce soir, mais semblait tout de même vraiment rassurée que Jude soit présent. Elle finit alors par lui dire:

- Ensemble on est fort Jude. Toujours et à jamais. Chamberlain.

Après quoi, elle lui sourit faiblement et lui proposa d'aller boire un verre et d'aller s'installer sur la plage, quitte même à appeler Joshua en vidéo conférence? Enfin... il ne répondrait pas. Il ne répondait plus. Et des centaines de kilomètres les séparaient. Maintenant, c'était Jude et Marissa. Toujours ensemble. Le plus beau des duos. ♥

C’est bon. Je vois dans son regard qu’elle est prête. Je lâche Marissa pour redémarrer la voiture. Partir. Il faut qu’on quitte ce quartier au plus vite. Ce qui fut rapidement fait. Je prends la route principale. Je pense nous emmener au lycée. Ou bien je fais une pause ailleurs en attendant. Je veux être seul avec Marissa. Il faut qu’on parle calmement. Et même qu’on reste dans les bras l’un de l’autre sans dire un mot. Oui, j’ai vraiment envie de ça. La serrer contre moi. Profiter de son être. Je n’ai pas peur de notre père. Enfin si, un peu. Mais je ne peux rien montrer. Je ne peux pas montrer une lueur de faiblesse. Pas maintenant. Marissa a besoin de moi. Et puis… J’ai dans l’idée de me trouver un avocat par mes propres moyens. Je sais que mes amies en connaissent. Je les rembourserai avec le temps. Cet aspect judiciaire est enfin réglé pour moi. Je sais que ma clique ne pourra pas me laisser dans le besoin. On s’est toujours supporter. Alors ce n’est pas ça qu’ils me refuseront. Je n’aime pas la charité. Mais j’en ai besoin. Quitte à faire plonger papa pour mauvais traitement sur ces enfants.
J’essaye au mieux de respecter les vitesses. Ce serait con de se faire chopper pour un accès et d’avoir déjà des comptes à régler. Il va falloir que je sois le plus clean possible. Ce qui ne va pas être une mince affaire.
«Qu'est-ce qu'on va faire Iude? Où va-t-on dormir? Comment on va faire pour vivre? Il faudra qu'on travaille, mais pour Joshua? On ne pourra pas le revoir avant longtemps...»
Je sens qu’elle est rongée par des tas de questions. Je n’ai pas toutes les réponses. Je ne suis pas devin. Mais j’ai plusieurs plans. Mon esprit ne s’arrête pas de tourner. Je me fais des films. J’imagine tel cas, tel cas et tel cas. J’évalue nos chances de mieux réussir dans le premier, le deuxième, le troisième. Et si on faisait ça et ça ? Et si on partait ? Et si on restait ? Et si on allait en justice ? Et si on a pas de bourses ?
Elle pense à Joshua. Moi aussi. Je ne veux pas qu’il abandonne ses études pour nous. Je sais qu’il en est capable. Pourtant si il persévère dans cette voie, il pourra devenir le nouveau Chamberlain Junior a avoir une belle carrière. Je ne doute pas que Marissa réussisse à dégoter un superbe emploi plus tard. Et moi… Et bien je resterai la fouine dans mon petit coin sombre. Je deviendrais peut-être professeur. A l’université, je cracherais mon venin sur la politique. Un jour je verrais un visage familier dans les gradins. Ma mère qui vient m’annoncer la mort de papa. Je le vois bien partir à cause d’un cancer. Elle m’annoncera que leur couple était terminé depuis longtemps mais qu’elle restait pour lui promulguer des soins. A l’enterrement, il n’y aurait que nous. Joshua aurait un coup de téléphone pour une grande audition et devrait partir rapidement. Marissa s’occuperait de ces deux bouts de choux. Maman s’enfermerait dans sa chambre. Et moi je serais seul, ruiné, plein de haine envers le monde. Ce n’est pas un avenir réjouissant, je le sais. Je n’ai jamais été pessimiste. Mais j’ai soudainement une baisse de confiance en moi. Je ne me vois pas autrement. Le temps ferait grandir les jumeaux. Et moi je n’aurais plus rien à faire. Voilà tout.
« L’internat abrite pas mal d’étudiant venu de pays du monde, certains ont leurs parents sur un autre continent. Il est donc ouvert pour eux. On a qu’à prévenir l’administration. Ensuite, pour Joshua, je vais l’appeler ce soir. Ou demain peut-être. Il ne faut pas l’inquiéter sinon il serait capable de tout plaquer pour nous. On le reverra. J’en suis sûr. Il faut que l’on essaye d’avoir une bourse. Demain j’achète le journal pour regarder les demandes d’emploi. Je m’en trouve un. Mais toi. Tu te contentes de bosser tes cours. Je vais pas te mettre en péril scolaire à cause de tout ça. J’ai un compte avec de l’argent. Ça nous permettra de tenir un certain temps. Tu sais, nos grands-parents ne me faisait jamais de cadeaux, juste de l’argent. J’ai mis de côté. J’ai épargné. Je ne sais pas si partir de Miami est une bonne idée… Enfin, j’adorerai rejoindre Joshua mais on ne sait pas ce qui nous attend là-bas…»
Je la regarde un instant, prends la rue à droite et me gare le long du trottoir.
«Tu veux qu’on s’arrête un instant, on va au bord de la mer, on regarde le ciel. Ou bien on va au lycée. Je t’installe dans ma chambre et tu te reposes…»

Le courage, la volonté de faire passer ses idées, ses sentiments. J'ai réussi. Je l'ai fais. Pour la première fois de ma vie, j'ai réussi à élever la voix contre lui. Mon frère me rassure, sa voix, ses mots, me touchent en plein coeur. Il a su dire exactement les mots qu'il me fallait pour me donner un peu plus de force, après ce combat acharné. Il est fier de moi... une des plus belles phrase que je n'entendrais jamais. Mes parents ne me l'avaient jamais dis, ni qu'ils m'aimaient d'ailleurs. Pour eux, je n'étais rien, vraiment pas grand chose. Un membre de leur famille fictive, ils croyaient peut être que de porter le même nom suffisait à faire de nous une famille? Non, être une famille ce n'était pas ça, ça n'avait même rien à voir. Jude redémarra la voiture et nous primes un grand axe. J'avais peur de ce que mon père m'avait dit et s'il réussissait vraiment à nous séparer, par le biais de la Justice? Et s'il portait plainte contre Jude? Car oui, il en était capable, il allait le faire, c'était ça qui me faisait le voir comme un monstre. Il avait osé lever la main sur mon frère, d'une façon trop violente, il avait voulu le tuer et ça, jamais je ne pourrai le lui pardonner. Non, il avait été trop loin.

Nous roulions, je ne savais pas trop où nous allions. La peur m'envahissait car même si je n'aimais pas l'argent de mon père, je n'avais jamais eu à me soucier de ma scolarité, ni même d'un toît pour dormir, aujourd'hui, nous devrions vivre au jour le jour, pensant à chaque instant à une solution pour la suite. Il nous faudrait un emploi à tout les deux, nous pourrions sans doute dormir à l'école oui. Mais pour notre sécurité? Que pourrions-nous faire? On devrait vivre avec le danger pour le reste de nos vies? Partirait-on ailleurs? Oui, ça serait préférable. Pourquoi ne pas partir à New York pour rejoindre Joshua? Que fera t-il lui, pour les vacances? Et nous? Où irions-nous à ces périodes là? L'école était fermée! Il nous faudrait donc un appartement, nous allions devoir concilier études et travail pour nous en sortir. Wynwood coûtait cher, j'espérais avoir la bourse, j'en ferai les démarches dès lundi matin.

Mon frère déposait sa main sur la mienne, à chaque fois qu'il le pouvait, il me rassurait, rien que le fait qu'il soit là, m'apaisait, c'était certain, mais pour le reste, qu'allions-nous devenir? Je le regardais alors, séchant mes larmes et je lui dis:

- Qu'est-ce qu'on va faire Iude? Où va t-on dormir? Comment on va faire pour vivre? Il faudra qu'on travaille, mais pour Joshua? On ne pourra pas le revoir avant longtemps...

C'était comme l'abandonner, d'une part, couper les ponts avec mes parents, c'était fermer la porte de la maison et donc, de mon frère. Malgré tout, l'argent de papa nous permettait d'aller le voir sur un coup de tête si on le voulait, là, on ne le pouvait pas. Oui, il faudrait qu'on se débrouille et là, mis à part nous deux, nous n'avions plus rien. Mais dans un sens, avec Iude, tout les deux, on pouvait réussir. On se motiverait à deux, on avancerait à deux, on s'en sortirait tout les deux. Oui, on y arrivera. Je le savais.

- Tu crois qu'on peut demander une chambre à l'école? Et pour ce week-end on fait comment? On va à l'hôtel?

Je n'arrêtais ps de poser des questions, prise de peur quant à nos avenirs communs, à notre avenir à tout les deux car oui, à partir de maintenant, tout allait changer. Tout avait changé ce soir. A jamais.

L’autre la retient. Je m’en rends compte maintenant. Est-ce que j’y vais. Lui prêter main forte ? Elle parle. Je vois ses lèvres bouger. Je n’entends pas tout mais je distingue la plupart des mots. Je comprends ce qui se dit. C’est le principal. A cette allure, on va ameuter tout le quartier. Je m’en tape royalement. Ça aurait dû être fait depuis longtemps. J’ai essayé sans y parvenir. Je n’ai sans doute pas eu assez de poids ? Pas assez de convictions peut-être… Et puis, je n’étais qu’un gamin. Les parents devaient penser que je faisais ma crise d’adolescence et que tout s’arrangerait dans peu d’année. Mais ce qu’ils n’ont pas saisit c’est que je n’ai pas eu ce genre de crise. Non. J’ai grandit trop vite pour avoir l’occasion de la faire. J’avais beaucoup de responsabilité, on comptait sur moi. Je suis devenu un homme. Quand Lisa m’a laissé des responsabilités tout a changé. Quand je lui ai dis la première fois que je m’occupais de calmer les jumeaux. Je m’en souviens. Ils étaient sur le canapé. Joshua tirait les cheveux de Marissa. Je suis entré dans la pièce. Je les ai regardés. Et j’ai dit d’une voix calme et froide qu’il était temps qu’ils arrêtent leur bazar. Mon regard devait être noir… Car immédiatement ils se sont tus. Je ne sais pas si Lisa les avait prévenus. Elle leur avait peut-être dit d’agir ainsi. Parce que ça m’a donné la force pour affronter tout. J’ai su que je pourrais aider à gérer la maison. Et plus tard, à en prendre les rennes. J’avance la voiture quand mon père reprend la parole. Je suis au plus près pour que Marissa s’échappe rapidement. Je lui ouvre la porte en me penchant sur le fauteuil passager. Il la menaçait. Il nous menaçait. Nous trainer en justice. Il veut détruire sa famille. Pour quoi ? Rebâtir sur des ruines ? Inutile. Je préfère vivre dans la misère que dans son ombre. Je pourrais faire une belle vie à Mari’. J’en suis convaincu. L’argent ne fait pas le bonheur. J’en suis convaincu. De toute façon, ce sera mieux qu’ici. Mieux que sous ce toit. J’attends que ma sœur monte, ce qu’elle ne tarde pas à faire. Je suis heureux. Je suis tellement fier d’elle. Je pense que personne ne peu savoir à quel point. Elle est triste, elle fond en larmes. Je la comprends et je ne lui en veux pas. Mais pour la première fois, elle a élevé le son de sa voix. Elle s’est fait entendre. Elle. Ce qu’elle pense réellement. Ses idées. Ses sentiments. Ses problèmes. Sa haine. C’est la véritable Marissa que j’ai à côté de moi. La vraie, celle qui a toujours attendu pour faire son apparition. Elle a fait tomber le masque. Je l’aime. Je veux tellement la prendre dans mes bras.
Soudain ma sœur me coupe dans ma lancée, elle me dit d’arrêter la voiture. Ça semble important. Je jette un coup d’œil dans le rétroviseur avant de freiner. Je veux être sûr que nous ne sommes pas suivis. L’autre aurait pu prendre sa voiture ou bien appeler la police. Ou même des voisins auraient pu contacter les agents de surveillance du quartier. Personne. Je souffle un coup alors que Marissa vomit. La peur. Le stresse. Trop d’évènement d’un coup. Je passe ma main sur son dos, lentement.
« Mari’ écoute-moi, tout va bien se passer, tu m’entends. On va s’en sortir. Tu as été magique. Tu es magique. Je suis fier de toi. Tu viens d’affronter une des choses les plus terrifiantes et tu l’as fait avec brio. Marissa, regarde-moi.» Remarquez, je ne prononce plus le mot : père. Il n’a plus aucune valeur à mes yeux. Je force ma sœur à se relever. Je sais qu’elle va réussir à se calmer. Ma voix sereine et posée aidera sans doute. J’ai peut-être eu une note d’autorité. Juste légèrement. Pour qu’elle pose ses yeux dans les miens. Je place mes deux mains sur ses épaules et la serre. Sans quitter son regard, je lui assure : «On va s’en sortir. » J’attends qu’elle en soit convaincue elle aussi pour redémarrer. J’espère que ce sera rapidement. Un tout petit hochement de tête et je lui déposerai un bisou sur le front. Après quoi, je partirai au plus vite de cette rue cauchemardesque.

Ma mère pleure, elle ne s'arrête pas de pleurer. Par lâcheté d'oser dire ce qu'elle pensait tout haut, elle perd tout. Par amour, par lâcheté d'élever la voix. Jude et papa se disputent encore puis Iude part vers la voiture. Il ne m'a pas attendu pour partir. Alors que je vais pour le rejoindre, mon père m'attrape par le bras, il le retient, il ne veut pas me laisser partir. Il me serre trop fort le bras, je vois Jude qui part, il part sans moi. Il avance vers la voiture. Je lance alors à papa:

- Lâches moi papa! C'est trop tard maintenant. Tu avais 16 ans pour me montrer que tu étais là! Tu ne veux même pas que je reste par amour, oh non, tu ne sais pas ce que c'est que l'amour. Tu me demandes de rester pour faire bonne figure devant tes compagnies. Ca va faire tâche de lire ça dans la presse, non?

J'avais beau avoir des mots durs envers eux, mon coeur pleurait. Ce que je faisais ce soir, serait irreversible et je le savais très bien. Plus jamais je ne viendrai ici après les cours, plus jamais je ne pourrai prendre mon goûter ici, dormir ici, parler avec Lisa, je n'aurai même pas eu le temps de lui dire au revoir. Elle ne va rien comprendre demain matin... Resta t-elle si nous sommes partis? Mon père ne voulait pas me lâcher, il répétait sans cesse que je n'étais pas moi même, que Jude m'avait menti, que tout ce qu'il disait était faux. Il était pitoyable oui, il essayait de me retourner contre mon frère. Non, ça ne marcherait jamais.

- Tu n'y arriveras pas papa. Tu n'arriveras pas à nous monter les uns contre les autres. Nous sommes, Jude, moi et Joshua, la seule famille qui n'est jamais vécu dans cette maison. Tes cris et les larmes de maman n'y changeront rien. C'est trop tard, j'ai trop épuisé mes forces pour vous. J'ai été là, tout le temps, à toujours vouloir être la fille dont vous rêviez, mais ce n'était jamais assez bien pour vous. Jamais. Vous aviez toujours quelque chose à nous repprocher. Cependant, je dois vous avouer quelque chose...

Je fis une pause, reprenant un peu mieux ma couette, je levais enfin les yeux vers mon père, l'affrontant enfin directement, je repris de ma voix brisée par les sanglots:

- Merci. A vous deux. Pour m'avoir offert ce bonheur qu'est d'avoir Jude et Joshua comme frères. Pour les avoir sortit de vos entrailles, de votre union. Pour nous voir permis d'avoir la relation et le lien que l'on a aujourd'hui. Rien ne pourra jamais nous détruire ni nous séparer tous les trois, parce que vous nous avez appris a rester unis pour survivre. Alors oui, merci pour ça et uniquement pour ça. Si j'ai tenu aussi longtemps, c'est grace à eux.

Je retirai alors mon bras que mon père avait tenu si fort il y a encore peu de temps et je m'avançais vers l'extérieur. J'étais en larmes. Mon départ, ce soir, sonnait la fin. Plus rien ne serait plus jamais comme avant. Allaient-ils réagir? Allaient-ils faire des efforts? Allaient-ils nous poursuivre? Car oui, j'étais encore sous leur législation. Ils avaient tous les droits sur moi. Et pour l'école? Allais-je devoir changer d'école? Non, je demanderai une bourse, j'ai des bonnes notes, je devrais pouvoir l'obtenir, non?

- Tu es ma fille Marissa ! Je suis ton responsable légal et je n'hésiterai pas à porter plainte pour enlèvement afin de boucler ce petit connard. Tu m'entends?! Tu ne le reverras plus jamais si tu passes cette porte?! Je ferai tout pour que tu reviennes ici! Tu es ma fille!

Il disait ça, comme si je lui appartenais. Ca me tuait. Il ne comprenait toujours pas. Il ne comprendrait jamais et là, j'en avais la preuve, néanmoins, pouvais-je prendre le risque? Et si ce qu'il disait allait se produire? Et si Jude finissait en prison par ma faute? Il avait déjà un casier et papa le savait très bien, il savait très bien que c'était le point faible de Jude. Allait-il nous entraîner en Justice? Nous n'aurions pas les frais pour ça, nous ne pourrions pas nous défendre, nous ne pourrions pas nous en sortir. Par amour, ne valait-il mieux pas que je reste ici? Que je me sacrifie pour Jude, pour sa sécurité? J'étais en larmes, il m'intimidait, il le faisait exprès. Mais non, je ne cèdera pas, on trouverait une solution, on se battrait, tout les trois, comme toujours, j'aimais mes frères plus que tout, ils étaient tout pour moi. On y arriverait, même si on dormait dans la rue, si j'étais avec eux, ça irait, je n'aurai pas peur.

Je m'avançais alors et tandis que j'avançais vers la voiture, je vis que les voisins sortaient de la maison, alertés par les cris de mon père.

- Préparez-vous à subir des représailles! Je ne me laisserai pas faire!! Tu reviendras Marissa, tu m'entends?!

J'avançais toujours, Jude avait rapproché la voiture, je plaçais ma couette et mon oreiller derrière et j'ouvris la portière de devant, entrant à l'intérieur, je m'attacha. Iude me regarda et me sourit, comme s'il était fier de moi, mais moi, je pleurais toujours. Je me sentais mal, j'avais envie de vomir, j'avais envie de pleurer encore et encore. Je n'avais plus de maison, je n'avais plus d'endroit où aller. Je n'avais plus que Jude et Joshua et l'école. Qu'allais-je devenir? Il était normal d'avoir peur. Oui. Mon père nous insultait et Jude ne tarda pas à appuyer sur l'accélérateur pour démarrer, j'avais les yeux baignés de larmes, je ne voyais plus rien. A peine étions-nous sortis de la rue, je demandais à mon frère de s'arrêter, je devais vomir, tout de suite. J'ouvris la portière à peine fut-il garé et tout en gardant ma ceinture, je vomis, encore et encore, même si je n'avais rien à rejeter. Après ça, je sentais des sueurs froides dans mon dos, j'avais peur. Pouvions-nous mourir de peur? J'avais peur que mon père réussisse à nous séparer, que l'on n'y arrive finalement pas... Je pleurais toujours, ça n'allait pas.

Mari ne bouge pas. Elle tremble. Je le vois. C’est une feuille qui s’accroche tant bien que mal à sa branche alors que le vent la bat. Des larmes inondent son visage. C’est insupportable. Mais je ne peux rien faire. Il faut qu’elle délivre son cœur. C’est un moment important pour elle. Je sais ce qu’elle va faire. J’ai déjà eu ce moment là pour moi. Je ne peux pas lui retirer. Même si pour ça je dois combattre mon instinct protecteur.
Elle est forte ma Marissa. C’est la meilleure. Elle y arrive. Elle leurs cloue le bec. Elle y va peut-être un peu fort, elle ne pense sans doute pas tout. Juste sous l’effet de la colère… Il faudrait qu’ils reparlent tous ensemble dans le calme. Le dialogue ne pouvait pas être rompu. Pas dans une famille. Qu’est-ce qui n’allait pas chez nous ? Qu’est qui cloche ? Tout est fini. Plus de parents. Nos gosses n’iront pas fêter noël chez papy et mamie. Non. Ils n’en auront pas. Autant mentir. Ils sont morts pour nous. Ce que dit Marissa me réveille un peu plus. Je me calme. Et je réfléchis. Demain je casserais chacune de mes cartes de crédit. Mon argent vient de mon père. J’ai un compte rien qu’à moi. Des sommes que j’ai amassées au fur et à mesure. Entre les grands-parents qui ne savent pas quoi faire comme cadeau. Les petits boulots d’entretien chez les voisins. Dans notre quartier ça fait toujours bien d’aider un gosse et c’est surtout bien payé. Nettoyer les piscines et tondre la pelouse, ce n’est pas très compliqué. Ça se rentabilise vite. Surtout quand on travaille sa bouille d’ange. Pour l’école, j’ai payé à l’aide d’un compte à mon père… Mais bon. Je ne pense pas avoir encore assez d’argent pour me permettre de prendre la relève. Je me trouverai un job. Je ne sais pas moi… Je pourrais toujours donner des cours de golf, travailler dans un hôtel. Un truc dans le genre. Ça ne me fait pas peur tout ça. Je peux survivre. Je peux me reconstruire. Je m’inquiète surtout pour Mari. J’ai peur qu’elle déconne à nouveau si elle n’a plus de parents. Elle les hait. Mais quand même… Y a un lien, non ? Non. Il est cassé. Il n’y a même pas de doute à avoir. Pourquoi je doute, moi ? J’suis con.
Ma sœur vient se coller contre moi. Je la serre un instant et jette un regard noir à nos parents. On ne peut pas rester ici. Je fais quelques pas en arrière. Je veux la porter à l’écart de toute réplique. Papa est sans voix. Il est stupéfait. C’est comme si une bombe venait de s’écraser devant lui. Il ne bouge pas vraiment. Je suis fière d’elle. Marissa est incroyable. Elle vient de gagner le match de sa vie. On part dans l’entrée. Je la laisse monter. Il faut tout de même que je dise un mot.
«T’es content ? Tu viens de perdre ton dernière enfant. Il ne faut pas croire que Joshua est parti simplement parce qu’il a eu cette énorme opportunité. Il voulait partir au plus vite. Il voulait s’éloigner. Respirer. Vous l’avez malmené. Il voulait pas partir sans Marissa mais n’a pas trouvé d’excuse assez correcte pour la prendre dans ses bagages. Tu sais quoi ? Il souffre d’être éloigner de nous. Mais pour la première fois il se sent vivre. Vous avez fait vivre un enfer à vos enfants. Et vous ne vous vous en rendez même pas compte. C’est pitoyable. » Ce dernier mot est rempli de haine. Je le regarde de haut en bas. Mon père bafouille des mots tandis que ma mère tente de se calmer. Je secoue la tête et soupire. Ils me font pitié. Mais plus jamais je ne leur prêterai main forte. Ils seraient capables de l’attraper pour la bouffer. Quitte à rester croupir dans leur propre monde. Je monte les escaliers, deux marches par deux marches. «Je t’attends en bas, ma belle.» Je lui glisse un bisou sur le front. Elle ne va pas bien. Elle aura du mal à s’en remettre. Mais Marissa en sortira plus forte que jamais. Papa est prêt à m’attraper quand je redescends. Il a retrouvé ses esprits.
« Tout ça c’est ta faute ! C’est toi qui leur as donné ces idées ! Tu t’es immiscé dans leurs têtes tu as profité d’eux pour te faire des alliés !»
«Pardon ? Mais je rêve là !» Il m’insupporte. Je sens la colère monter à nouveau.
«Non, tu as bien entendu ! Marissa ne pense pas ce qu’elle a dit ! Elle répète juste tes mots ! Tu n’es qu’un petit con malsain et s…» Il n’a pas le temps de finir sa phrase.
«Si j’avais été élevé correctement. Peut-être que j’aurais eu du respect pour vous. Mais je n’en ai pas. Tu peux m’insulter de tous les noms. Cette maison n’est pas la mienne. Vous n’avez rien à faire dans ma vie. Tu n’as jamais rien fait pour moi. Pourquoi cela changerait ?»
«Je n’ai rien fait ? Ah oui ? Et qui t’offre des études ? Et qui t’achète une voiture ? Et qui te nourrit ?»
«Mais tu t’entends parler ? Pour toi, tout se rapporte à l’argent encore et encore ? Dis-moi, combien de repas on a partagé ? Qui est venu choisir ma voiture avec moi ? Et mon école c’est simplement parce que c’était la tienne que j’y suis inscrit !»
Il ouvre la bouche pour parler mais se coupe. Marissa est de nouveau là. Elle a sa couette, son oreiller. Son petit confort. Je prends la valise. Plutôt lourde. Il y a une sorte de long moment sans que personne ne parle. On se regarde tous dans le blanc des yeux. Qui fait quoi ? Qui dit quoi ? Que personne ne bouge. Je suis le premier à faire un mouvement. « On se casse.» Je regarde Marissa pour avoir son approbation et je tourne finalement les talons. Je n’attends pas que mon père réagisse. Il dit plusieurs mots. Je ne l’écoute pas. Je passe la porte et me dirige vers ma voiture. Je l’ouvre, largue la valise dans le coffre. Il est là sur le perron à lancer des insultes. Il parle fort. Tout le quartier pourrait l’entendre. J’imagine déjà que c’est ce que ma mère lui chuchote. Il la pousse légèrement et fait quelques pas en me montrant du doigt. Ou bien était-ce pour Marissa… Il nous lançait un ultimatum. Je ne l’écoute plus depuis longtemps. Je m’installe à ma place et démarre le contact. Je suis prêt à partir. Et Marissa ?

Il a osé mettre ses mains autour du cou du Iude. Non. Avait-il sincèrement la volonté de le tuer? Voulait-il vraiment en arriver là? Il avait voulu tuer son enfant! Son fils!! Je n'arrivais pas à y croire, alors qu'ils étaient tout les deux par terre, j'entendais ma mère pleurer, mais elle ne faisait rien! Il mon père resserait ses mains, je voyais le visage de Jude devenir de plus en plus rouge, non, non, pas lui. Je cherchais des yeux quelque chose avec lequel je pourrai frapper mon père, il y avait un vase, vide, je m'en saisi rapidement, me relevant et me dressant derrière lui, je lui donnais un coup, il lâcha prise. Dès que j'eu fais ça, sans m'en rendre compte, totalement sous le choc, je le jetais sur le canapé et vint me mettre près de mon frère. Mon père ne voulait pas que je parte, Iude me dit de monter faire ma valise. Mais j'avais quelque chose à lui dire avant. IL fallait que je lui dise tout ce que j'avais sur le coeur. Tout. Je pleurais, je tremblais, jamais j'aurai pu penser que notre "famille" même presque inexistante, puisse en arriver à ce point de non retour. Je regardais alors mon père et je lui dis, d'une voix hors de moi:

- Tais toi! Tais toi "papa"! Tu n'as rien à dire! Tu n'as jamais rien su trouver à me dire! Tu n'as jamais cessé de me faire des repproches! Toujours! Tout le temps! Tout ce que je fais n'est jamais assez bien! Tu crois qu'en reniant Jude tu pouvais nous calmer, nous faire peur? Je te hais! Pour tout ce que tu es et ce que tu n'as pas su être! Toi aussi, "maman" vous nous avez appris à vous haïr!

Jude me laissait faire, je faisais exactement la même chose qu'il avait fait quelques temps avant moi. Sauf que de ma part, c'était choquant, car j'étais leur petite fille, leur petite princesse. Enfin, je me posais la question de savoir si je l'avais été ne serait-ce qu'une fois. Une seule fois. Aux yeux de mes frères je l'étais oui et ça, je n'en doutais pas! Mais vis à vis d'eux?

- Vous m'avez appris à me taire mais là, tu as été trop loin papa. J'ai toujours fermé les yeux sur vous deux, je vous ai toujours excusé auprès des garçons, mais tu viens de faire quelque chose d'inadmissible papa. Tu as été trop loin, c'est finit. Je ne veux plus me battre pour vous. Vous me dégoûtez.

A l'entente de ce mot, mon père me gifla. Une claque assez bruyante. Iude voulu lui rendre mais je me mis devant lui, lui tenant les bras. Ma joue était en feu, elle me brulait, c'était la première fois qu'il me frappait. La dernière fois qu'il le ferait. Il essaya de me faire taire, mais je me tournais, mon dos touchant le corps de Jude.

- J'ose parler alors tu me frappes? Tu fais la même chose avec maman hein? Tu crois avoir le pouvoir? Oui tu l'as, mais tu as tout perdu, tes trois enfants!! Tu en es fier de ton entreprise là? De ton pognon de merde?! Garde le ton fric, on y arrivera sans! Je n'en veux pas de ce fric qui pue ma tristesse, qui pue notre malheur, il est maudit!! Vous avez été les pires parents qui soient! Jamais vous n'avez eu un geste tendre, un baiser, une caresse, jamais !! Quand on était malade, quand on avait peur c'était Jude qui s'occupait de nous! Ca a toujours été lui ! Il a tout fait pour nous! IL a joué trois rôles à la fois, le père, la mère et le grand-frère et tu oses prétendre être meilleur que lui? Mais tu ne lui arrive pas à la cheville papa! Ouvre les yeux, tu n'as plus rien! Maman reste par obligation et tu as perdu tes trois enfants! Je vais partir. Maintenant. Et je ne suis pas sûre de revenir un jour. Tu le comprends ça?!

J'étais en larmes, je tremblais. Je me tourna alors vers Jude et colla mon visage rempli de larmes contre son torse. Il recula, m'éloignant d'eux. Je séchais mes larmes et me mis alors à courir loin de cette scène horrible. Je pénétra dans l'entrée afin de monter l'escalier immense qu'il y avait. Je courais dans ma chambre, j'attrapais une valise dans le placard et je pris tout ce qui avait de l'importance, mes livres, mes vêtements, mon ordinateur, mes chargeurs, mes photos, mon doudou, je passais ensuite dans la chambre de Joshua et je pris quelques vêtements à lui, avançant ensuite dans la salle de bain, je pris tout ce qui pourrait me servir. Ma valise ne fermait pas, Jude arriva à ce moment là, je la lui tendis et il me dit qu'il m'attendait en bas des marches, me déposant un baiser sur le front. Je le regardais descendre et je passa dans ma chambre, je pris ma couette, mon oreiller, jetant un dernier coup d'oeil à la pièce. La pièce de mon enfance. Etait-ce vraiment la dernière fois que je la voyais? Je pleurais toujours, je n'arrivais pas à me calmer, j'avais la trouille. Après quoi, je reculais, pleurant sur toutes ces choses que j'aimais, mais que je ne pouvais pas emporter.
Je cherchais mon chat, je n'avais pas le droit de l'emmener à l'école? Ni dans un hôtel.. J'allais devoir l'abandonner ici? Je pleurais déjà. Je la pris contre moi, la serrant aussi fort que je le pouvais, l'embrassant, je finis par lui murmurer:

- Je reviendrai te chercher.

La laissant partir, elle alla se coucher sur le lit de Joshua. Oui, restes là jusqu'à ce que je revienne, un jour. Attends moi. Après ça, je récupéra ma couette et mon oreiller et je descendis les marches, alors que les parents étaient en train de parler avec Iude, fortement.

Marissa vient de me dire qu’ils sont derrière. Je m’arrête net et rebrousse chemin. Il faut que j’agisse rapidement et intelligemment. Mes potes aiment m’avoir à leur côté dans ce genre de moment. Je sais réfléchir et agir avec rapidité. Ce n’est pas toujours la bonne solution mais généralement mes choix fonctionnent. J’arrête de marcher. Je trottine maintenant. Une fois devant la porte, je prie pour que celle-ci ne soit pas fermer. Je ne vois pas de raison pour que ce soit le cas, mais sait-on jamais. Je pousse la lourde porte et me retrouve immédiatement dans le hall d’entrée. C’est peut-être la pièce la plus impressionnante de la maison. Peut-être pas, mais dans tous les cas elle sert à faire bonne impression aux nouveaux arrivants. Pour montrer la puissance du chef de la maison. Le plafond est haut et courbé. Il donne naissance à un puits de lumière fait en vitraux. C’est plutôt pas mal même si c’est loin d’être mon style. Il y a également deux grandes colonnes en marbre entre lesquelles je passe pour me diriger vers le reste de la maison. Je ne sais pas où est Marissa. J’entends simplement la voix de mon père. Je l’ai déjà vu furieux. Ce n’était pas bon. Il semblait au meilleur de sa forme. Mon ventre se sert. J’ai peur pour Marissa. Elle ne peut pas se défendre contre lui. J’ai glissé mon portable dans ma poche. Mon kit main libre est tombé sur le sol. Mais je me fous royalement de le récupérer ou non. Là, maintenant, il faut que j’agisse. Je marche. Je passe d’une pièce à l’autre. Rien n’a changé depuis la dernière fois que je suis passé. Normal. Cette maison est bloquée dans le temps. J’entends un nouveau cri. Plus à droite. Et j’arrive finalement sur la scène du crime. Ma mère pleure, comme une lâche. Elle ne fait rien. Elle n’a jamais rien fait, pourquoi cela changerait-il aujourd’hui. Ma tête tourne et mon regard se fixe sur le canapé. Il y a là mon père et Marissa. Je pense qu’entre le temps où mes yeux se sont posés sur eux et celui où je me suis jeté sur lui, une seule et minuscule seconde s’est écoulée.
Je lui saute dessus. Je le fais basculer au sol de toute ma force. Je ne suis plus le petit Jude de dix ans. Désolé. J’ai des muscles, je sais me battre. J’ai affronté bien pire que toi. Je le frappe. Un coup de poing au visage. Il ne se laisse pas faire. Ses mains viennent attraper mon col. Il tire dessus et me donne un coup de tête. Déstabilisé je ne réagis pas. Il en profite pour prendre le dessus. Il se retourne. C’est moi qui suis au sol. Ses deux mains empoignent mon cou. Il coupe ma respiration. Il me regarde avec rage. Son visage est rouge. Il a cette veine qui ressort sur son front quand il s’énerve. Il y a aussi ce petit filet de bave qui vient humidifier le coin gauche de sa bouche. Je sais que Marissa ne sait comment agir. Je prends les mains de mon père pour les éloigner. «Quoi tu tuerais ton propre fils ?» « Ça fait bien longtemps que tu n’es plus mon fils !» Il gueule. Il hurle. Tous les deux nous essayons d’être plus forts que l’autre. De nous dominer. Il relâche un peu la pression. Il a dû recevoir un coup dans le dos. Ou je ne sais pas trop quoi. Je me dégage et me relève. Je lui donne un coup de pied avant de m’écarter le plus vite. Il ne tarde pas à retrouver sa position d’homme. Il nous regarde tous. «Tu m’fais pitié !» «Tire-toi de ma maison ! » «Ouais ! Mari’. Viens. On se casse !» « Tu ne l’emmèneras pas petit con ! » « Calmez-vous les garçons !»
Cette conversation était inutile. J’étais énervée. Il avait voulu s’en prendre à Marissa. Il ne faisait rien pour elle et en plus de ça il s’apprêtait à la tabasser. Tout mais pas ça. Je suis hors de moi. Je suis passé de l’autre côté du canapé. Il me faut une frontière réelle pour me séparer de lui. Sinon… Je serais capable de le tuer. Ce ne serait pas mon premier. Enfin. Non. Je n’ai pas dit ça. Oubliez ! Il ne veut pas que je prenne Marissa avec moi. Il s’apprête à venir la récupérer. Il s’approche d’elle. «Marissa, cours, vas faire ta valise.» Ma voix est plus calme et certainement plus stricte. Si elle veut rester, elle n’a qu’à ne pas bouger. Comme maman. Moi je vais m’occuper de notre géniteur en attendant.

Il va arriver. Il va arriver. Il va arriver.
Il est là. Il me dit qu'il va passer par derrière. Comme un voleur dans sa propre maison. Mais non, les parents sont partis derrière, il faut qu'il passe par devant. J'éteins le haut parleur et je lui murmure:

- Entre par devant. Ils sont derrière.

L'adolescente s'est laissé tomber le long du centre de cuisine, face au four, ses fesses sur le carrelage, son couteau rempli de beurre de cacahuètes encore dans sa main. Elle les entend encore hurler, se crier dessus. Quelque chose vient de se faire jeter, il se brise au sol dans un bruit affreux, ma mère est en train de crier. Que lui fait-il? Bon sang, mais qu'est-ce qu'il lui fait?! Je ne peux pas faire autrement que de me relever, mes jambes tremblent, mon corps tout entier tremble en fait. Je suis terrorisée. Je finis par passer par l'entrée, afin d'arriver au salon, derrière. Ils sont là, des morceaux de verre sont éclatés partout sur le sol et je n'ai pas de chaussures, il va m'engueuler pour ça aussi. Pourquoi ça se passe ainsi? Ils n'auraient pas du être là ce soir, ils devaient être de sortie toute la soirée mais à cause d'une "erreur" ils étaient là, à se battre sous mes yeux. Mon père était en train de péter les plombs. Il était dans une rage folle, je ne l'avais jamais vu comme ça. Même pas avec Iude. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait?
Ma mère avait peur de lui, elle avait ses mains mises pour se protéger alors qu'elle était debout, à quelques mètres de lui. Elle essayait de lui calmer, elle le pardonnerait ensuite, comme d'habitude. Marissa avait déjà vu son père mettre une gifle à sa mère. Une fois. Elle savait de quoi il était capable, de plus en plus, elle ne l'excusait plus. Au début, elle leur cherchait des excuses oui, mais maintenant c'était finit, ils étaient allé bien trop loin. Marissa tenait toujours son couteau, elle ne s'en servirait peut être pas, mais elle le tenait toujours fermement. Elle s'approcha de son père qui venait à nouveau d'envoyer sa main dans une sculpture de verre. Ca tombait sur le sol dans un bruit effrayant, les morceaux tombaient de toutes parts. Marissa finit alors par dire à son père, simplement:

- Papa calme toi...

Oula. La phrase de trop. La seule phrase qu'il ne voulait pas entendre et encore moins de la bouche de sa fille. Il se tourna alors et là, Marissa commença à avoir encore plus peur. La peur qu'il ne se contrôle plus dans sa rage, la peur qu'il la frappe et que personne ne vienne. Non, si elle avait osé lui dire ça, c'était parce qu'elle savait que Iude allait arriver. Son père avait peur de son fils, car c'était le seul qui avait osé porté la main sur lui. Le seul.

Son père la pointa du doigt et commença à avancer rapidement vers elle, l'adolescente se mit alors à prendre la fuite dans la pièce, courir pour lui échapper, échapper à ses coups qui allaient pleuvoir, c'était évident. Elle marcha sur des bouts de verre mais elle se fichait de ça, elle voulait simplement éviter les coups. Alors qu'elle pensait pouvoir aller dehors, il l'attrapa par les cheveux, prit de rage et la fit tomber sur le canapé. Sa mère pleurait mais ne disait rien, heureuse peut être de ne pas être sa victime cette fois-ci? Marissa croisa ses bras pour se défendre et c'est à cet instant que son père vu le couteau, il le prit et le balança dans la pièce. Loin. Il siffla alors:

- Tu voulais faire quoi avec ce couteau espèce d'ingrate? Hein? Après tout ce que j'ai fais pour t...

Pas le temps de finir sa phrase, cet homme venait de tomber par terre, lourdement. Emporté par Jude. Devant les yeux de Marissa.

Marissa ne me répond pas tout de suite. Et quand j’entends une nouvelle voix, je reste perplexe. Ce n’était plus du tout le même ton. «What the h…» Hell. Je n’ai pas le temps de finir ma phrase. Je comprends vite qu’il faut que je me taise. J’écoute attentivement. La voix que j’avais prise pour celle de Marissa était en réalité celle de ma mère. Au téléphone c’est dur de les différencier. Mais c’est la réponse de mon père qui coupa court à toutes mes réflexions. Les mots étaient vaguement brouillés. Un peu trop lointain pour être retranscrits correctement. Mais je n’ai pas besoin d’en entendre plus pour comprendre qu’ils se disputent. Je continue de rouler. Mais mon attention étant intégralement centrée sur la conversation, j’en oublie l’accélérateur. La voiture reprend une allure plus raisonnable. Marissa demande ce qui se passe. Je ne suis pas étonné de la réponse. L’argent. Mon père me dégoûte. Il serait presque prêt à frapper notre mère pour un simple contrat. C’est habituel. C’est sa seule et unique priorité. Je l’ai déjà vu plusieurs fois dans cet état. Surtout quand il venait payer une garde à vue ou bien quand il apprenait une connerie que j’avais faite. Mais le pire c’était quand je le défiais. Que je critiquais directement ses actions, sa personne. J’en ai eu des baffes et des insultes ! Je le hais. Mais je n’aime pas savoir que Marissa se trouve dans la même pièce que lui, tout de suite. Maintenant qu’il est dans cet état. Il s’en prend à elle. J’entends un bruit qui résonne un peu trop fort dans mes écouteurs. Merde ! Qu’est-ce qui se passe ? Je ne peux ni parler, ni agir. Simplement écouter et roule. Rouler et encore rouler. Il faut que j’arrive rapidement. Pour la protéger de l’autre. Je suis dans notre quartier. Voitures de luxe, portails immenses, jardins gardés. On ne voit absolument aucune maison mais il est facile de les deviner. Je n’ai encore que cinq minutes de route. Si j’appuie un petit peu plus sur l’accélérateur… La police de voisinage rappliquera. Je vais écraser un gamin en vélo. Vélo qui coûte certainement plusieurs milliers de dollars. Fait chier ! Je n’ose pas parler. Le calme est revenu. Je n’entends plus personne au téléphone. Ils se sont tous entretués ? «Bip ?» Quoi ? Je n’ose pas dire un vrai mot. Si jamais mon père ou ma mère est encore là, ils pourraient s’énerver encore plus. Et s’en prendre à Marissa. «J’arrive. Ne bouge pas. »
J’ai l’impression d’être en mission commando. Je sais de toute façon qu’une fois sur place, il ne me restera que deux solutions. Embarquer Marissa, lui faire faire sa valise et partir au plus vite. Ou bien rentrer dans le tas et régler mes comptes avec papa. Cette dernière idée ne fera pas plaisir à Marissa. Je la connais. Elle ne voudra pas me voir insulté notre géniteur. Et encore moins me battre ou casser tout ce qui me tombe entre les mains. Je ralentis. La maison est juste là. J’appuie sur une petite télécommande qui ouvre instantanément le portail. Ma voiture doit apparaître à l’écran de la caméra. Tant pis. Je suppose que personne ne vérifie à cette heure-là. Je me gare sur le côté. Histoire qu’on ne remarque pas trop ma caisse. «Marissa, tu es où ? » Je ne vais certainement pas entrer par la grande porte. A moins que… «Je passa par derrière. Histoire que papa ne me remarque pas. Ok ? » Je ne parle pas trop fort. Si jamais son portable est sur haut parleur.