Il était une fois une princesse, son chevalier et leur fidèle destrier.| Kaylee

Nous continuons de danser. J’ai ce corps avec moi qui suit chacun de mes pas. Je trouve que cette phrase à une sonorité intéressante. Un peu comme une musique. On ressent les temps, la pulsation, les variations, le rythme. Nous sommes coordonnés. Et je parviens à ne pas lui écraser les pieds. J’essaye de me faire souple et décontracté. C’est la clé de la réussite, non ? Se détendre, laisser son corps prendre le relais naturellement. Kaylee répond à ma question avec plein d’humour. J’aurais dû m’y attendre. Elle n’allait pas sortir ses papiers d’identité pour justifier son prénom, âge, lieu de naissance… Elle n’est pas du genre à faire directement un topo complet. Elle dit être une diablesse venue pour me charmer. Je laisse échapper un petit rire et secoue la tête négativement. Non, je ne peux croire cette version, ou alors elle est très douée. Car depuis le début, c’est plus moi qui fais tout pour la séduire en jouant les princes. Je veux lui plaire. Je porte des attentions envers ses envies… Alors, à moins qu’elle m’est complètement retourné le cerveau. Ce qui est possible. J’ai déjà fait ça avec une fille. La faire pousser à agir d’une certaine façon, si bien qu’elle pense qu’elle le désire réellement. C’est plutôt compliqué à expliquer et machiavélique. Comme je l’ai dit, je ne suis pas un prince charmant. J’ai fait du mal, j’ai manipulé, j’ai blessé, j’ai fouiné… Je suis un démon.

Ma Princesse me sourit. De toutes ses dents. Elle est vraiment mignonne. Elle parvient à attiser ma curiosité, à me transformer, à m’amadouer, à me faire sourire voir même rire. C’est plutôt incroyable. Cette fille est géniale. Nos pas continuent de s’enchainer en suivant l’allure de la mélodie. Elle vient de m’appeler beau brun. Signe ? Ou juste surnom affectif ? Je ne sais pas ce qui me ferait le plus plaisir. En vérité, la beauté je n’en ai rien à faire. Complètement. Mais savoir que je peux lui plaire est plutôt valorisant. D’un autre côté, le surnom affectif prouverait un attachement. Et par conséquent un lien. Et donc une proximité. Une possible amitié ? Ou plus que ça… Je ne sais encore une fois ce que je préfèrerai.
La musique commence à prendre fin. C’est notable dans le changement de l’allure. Alors, comme dans tous les films romantiques, je bascule Kaylee en arrière. Tout aurait été gâché si je n’avais pas maitrisé ce pas. Surtout si je l’avais faite tomber. Ma main s’est placée un peu plus haut dans son dos. La deuxième est venue déstabiliser la demoiselle en lui attrapant la jambe pour la plaque contre mon corps. Contre ma hanche, ma cuisse… Je ne sais pas trop. En fait, je suis plus occupé à regarder Kaylee. Droit dans les yeux. Une sorte de bleu gris… Indéfinissable. Beau. Profond.

« Et maintenant ? » Maintenant ? Il faudrait que je récupère ma respiration. Que je la fasse revenir sur ses deux pieds. Que je réfléchisse à ce que l’on peut faire. Que j’essaye de ne pas être enivrer par son parfum. Maintenant ? Je ne sais pas ce que l’on peut faire. Je n‘ai rien prévu d’autre. Oui j’avais dit que nous irions manger puis aller en boîte. Mais en ai-je encore envie ? Je ne veux plus courir dans tous les sens. J’ai envie de me poser. Oui ! Voilà ce que je veux faire maintenant. Je ne sais pas si ça va lui plaire.
Je la regarde et lui souris. Délicatement, je relâche sa jambe et me redresse. Ma main toujours dans son dos, accompagne son mouvement pour qu’elle retrouve une position adéquate. Dans les films, après le « Et maintenant ? » Ils se seraient embrassés. Mais ça c’est dans les films. Et si on fait tout ce qu’ils font, dans un premier temps je passerai pour un gros pervers trop pressé. Ensuite je serais ruiné. Et on serait jeune éternellement. Les acteurs jouent pendant longtemps des rôles de vingt ans de moins qu’eux.

Sans dire un mot, je m’assois au sol et finis par me coucher. Mes mains viennent se poser derrière ma tête pour me faire un oreiller. J’invite Kaylee à me rejoindre. Elle peut s’appuyer sur moi. « Maintenant j’ai envie de prendre mon temps. On a couru dans tous les sens depuis la laverie. J’ai envie de regarder les étoiles apparaître. Tu es déjà restée couchée comme ça, à regarder le ciel en silence ? C’est si calme. A des milliards d’années-lumière, il y a ses énormes étoiles et chaque soir on peut observer leur spectacle. Elles sont toujours là, présentes…Bon pour l'instant, j'avoue qu'il est tôt et que tu veux peut-être dîner ou rentrer te reposer...»

J’attends de voir la réaction de Kaylee face au spectacle. Elle me renvoie rapidement l’appareil. Son sourire en dit long de toute façon. J’en ai un moi aussi. Il est plus discret mais bien présent. Je vais m’appuyer au rebord du toit un instant et je fixe l’horizon. C’est dingue comme j’apprécie ces moments- là. Évidemment je préfère le lever du soleil. Ici, à Miami, il se fait au-dessus de l’océan. C’est tellement agréable de rester tranquillement dans le sable. Progressivement la lumière arrive, par différente touche. D’abord la coloration du ciel puis de l’eau et finalement un rayon vient percer l’horizon. C’est très rapide et je pense qu’il faut avoir vécu ça au moins une fois dans sa vie. Ça ne coute rien ! Plutôt que de rester dans son lit à regarder le plafond. C’est tellement plus libérateur. Tellement grisant.
Je suis bien loin dans mes pensées. Comme un oiseau migrateur qui vole encore et encore. Inlassablement. Au-dessus de millions de paysages différents, d’arbres, d’animaux, de fleuves, de vies… Alors que je m’évade et me vide la tête, Kaylee commence à s’agiter. Elle attire mon regard qui finit par se poser sur elle. La demoiselle danse. Une petite princesse qui se défoule au son de la guitare, bien loin, tout en bas de l’immeuble. Je crois d’ailleurs que les musiciens viennent d’opter pour la radio mise à fond. Un CD sans doute d’un musicien connu. On perçoit encore mieux les notes. C’est un concert pour toute la rue mais surtout pour nous. Je ne la lâche pas des yeux. Elle m’offre un beau spectacle. Elle bouge bien, sans être vulgaire. Non, juste gracieuse. Irrésistiblement. Ma Princesse s’approche de moi. Que veut-elle ? Sa main vient se glisser autour de la mienne pour la saisir. « Non, je… Ça ira. » Je refuse poliment l’invitation silencieuse. Comme je l’ai déjà dit, je sais bouger. Je ne suis pas un bâton de bois. Mais je n’apprécie pas forcément bouger. Ce n’est pas un truc que je fais tous les jours pour mon simple plaisir, pour me défouler. Non, je suis plus pour les activités où on nous demande de réfléchir un peu. Pas bouger. Non…
Kaylee semble déterminée à me faire danser avec elle. « Tout à l’heure je t’ai promis de te faire découvrir quelque chose, allez viens pas là ! » Ce n’est pas une découverte. C’est plutôt me faire faire quelque chose que je ne fais pas naturellement. Mais ce n’est pas nouveau pour moi. Juste… Bon ok, danser avec ma Princesse c’est nouveau. Mais dans un sens, c’est logique vu que je ne la connais que d’aujourd’hui. Bref. Je ne peux pas dire non, sans passer pour un gros nul. C’est vrai quoi ! Depuis tout à l’heure je l’emmène un peu partout. Si elle avait dit non pour le kidnapping, rien ne se serait produit. Si elle avait refusé de monter sur la moto, je ne l’aurais emmenée nulle part. Si elle avait dit non au fait que je choisisse moi-même son cocktail, je l’aurais trouvé ennuyante. Si elle avait dit qu’elle ne voulait pas toucher à la nourriture des dauphins ou même les touchés, il n’y aurait eu aucun plaisir à être allés là-bas. Donc en fait, je ne peux qu’accepter cette invitation car elle n’a déclinée aucune des miennes. « Bon, d’accord…» Je viens vers elle. Je garde sa main pour la faire tourner un instant puis quand elle finit son tour qui la rapproche de moi, je pose ma main sur son bassin. Je commence alors à faire le seul pas de salsa que je maitrise. Danse cubaine par excellence ! C’est plutôt simple, alors qu’un pied reste sur place, l’autre part en arrière. Sans bouger les épaules, juste le bassin. Et j’alterne en regardant si Kaylee me suit. Une fois que l’on est synchronisé, je la fais tourner encore une fois et entame d’autres pas. Ces derniers viennent directement de mon esprit tordu qui essaie de me faire gagner des points aux yeux de la belle Kaylee. « Tu m’as transformé en prince charmant et maintenant tu me fais danser. Qui es-tu mademoiselle… ?» Je me rends compte que je ne connais que son prénom. Dommage, ma réplique se serait parfaitement conclue avec son nom de famille. « J’espère qu’un jour tu me feras découvrir des choses. En commençant par toi.» Je lui souris tout en continuant de bouger sur l’air cubain.

♪

J’observe Kaylee pour déceler le moindre signe de déception face à la réponse que je viens de lui donner. Je scrute son visage attentivement. Je n’aperçois pas la grimace attendue ou le rictus incontrôlé. Non, simplement une montée de sang dans ses pommettes. Elle rougit ! J’étais vraiment loin de me douter que c’était ce qui allait se produire. Je ne suis pas fier de moi, juste troublé. Mes paroles n’avaient pas pour but de lui provoquer un quelconque sentiment de gêne. C’est bien pour ça qu’on rougit d’habitude ? Je ne trouve plus mes mots. Elle se colore en rouge. Où sont passés le Roi et la Reine complètement fous qui chevauché un cheval fougueux ? Le carrosse à plusieurs roues n’est définitivement pas fait pour nous.
« Je suis donc une privilégiée ? Cela me fait très plaisir ce que tu me dis là… Sache que c’est réciproque, je ne regrette pas de t’avoir suivi… J’espère que je ne vais pas te décevoir, ou que ce truc, ce qui se passe, te fasse peur. » Privilégiée. C’est pas le mot. Enfin si mais je ne l’avouerai jamais ! Elle est heureuse de m’avoir suivi. C’est… C’est plutôt cool t’entendre ça. J’essaye de rester décontracter. De pas passer pour un gros débile. Non, parce que dans le fond, ce qu’on est en train de se dire c’est comme dans les films. Le garçon regarde la fille. Il lui avoue des sentiments, des impressions. Elle est touchée, elle sourit et fait tomber une mèche devant ses yeux. Elle se rapproche de lui. La demoiselle se décolle de son fauteuil et se penche au-dessus du levier de vitesse. Elle approche une douce et délicate près du visage du gars. Leurs regards ne se quittent pas. On voit différents plans. Les yeux du mec, ceux de la fille, retour sur le mec, puis vu d’ensemble et enfin les doigts de la demoiselle puis ses lèvres qui articulent la fin d’une phrase. Pitié ! C’est kitch ! Sortez nous de là ! Et pourtant je ne fais rien pour arranger la scène. Ce genre de passage me fait tout le temps râler, je me moque des acteurs, je trouve ça ridicule. Et maintenant que j’y suis… C’est différent. Je suis le spectacle grotesque. Et j’apprécie. Je replace une mèche de cheveux de Kaylee derrière son oreille. Je ne pense pas qu’elle la dérangeait particulièrement mais c’est juste une excuse pour la toucher. Pour sentir sa présence. « Je suis pas le genre de personne qui a peur d’un petit truc. Tu as dit ce que tu avais sur le cœur, j’ai balbutié comme un débutant et tout ça m’a donné une idée pour la suite. Et je tiens à dire que tu n’es pas une privilégiée ! Si tu commences à penser ça, tu vas prendre la grosse tête ! » Ma main droite vient appuyer sur le bouton qui retient sa ceinture. J’en fais de même pour la mienne. « Viens Princesse, j’ai encore des choses à te faire vivre ! » Je lui fais un signe de la tête et sort. Je cours pour faire le tour du capot et lui ouvre sa portière. « Héhé, je ne suis peut-être pas un gentleman en vrai, et j’ai cassé tout le truc en te dévoilant la vérité, mais avant que tu découvres mon côté sombre, je continue de jouer le jeu à fond. »Je la fais sortir en lui prenant la main. Je referme la porte d’un coup de pied en arrière et ferme manuellement. Oui, je ne suis pas à la pointe de la technologie. Ma voiture et sa porte qui grince a quelque peu du mal à assimiler ce concept.

Je marche dans la rue avec ma veste de costume et cette splendide déesse à mon bras. On fait un peu tâche. On dirait des snobs qui sont tombés en panne sur le chemin de leur soirée VIP. Il y a un immeuble dans l’angle d’une rue. Je le connais bien. Il appartient entièrement à mon père, il loue les appartements. Il n’a jamais mis les pieds ici. Il pense même à revendre l’immeuble. Bien qu’il soit le boss d’une chaine connue mondialement pour ses barres chocolatées, mon père a investi dans l’immobilier. Cet immeuble était l’un de ses premiers. Maintenant il vise plus le Miami Beach et des appartements de luxe. Mais bon… Je trouve qu’ici ça a du charme. Je suis sûr que je pourrais loué un appartement sans que mon père sans rende compte ! Dans la rue d’en face il y a un bar et trois musiciens grattent les cordes de leurs guitares. « Attends-moi là. » Ce n’est pas vraiment une demande dans les règles de l’art. Plus un ordre. Tant pis. « Vous pouvez jouer des petits morceaux pour la charmante demoiselle là-bas ? S'il vous plait...» « Bien sûr les fiancés ! On est toujours prêts à voir des cœur s’enflammer sur de la musique cubaine ! » « Ce n’est pas…» Ma fiancée… « Merci. » Je me retourne et trottine pour retourner vers Kaylee. J’entends la mélodie se lancer dans mon dos. Arrivé à sa hauteur, je lui prends la main et la fait tourner sur elle-même. « Viens. » Je garde sa main avec moi et entre dans l’immeuble de mon père. Je grimpe les marches rapidement. On va vite. Presque deux par deux. Je souris. Une fois tous les étages montés, nous atteignons le toit. Il n’est pas fermé à clé. De toute façon, l’ascenseur ne marche plus et personne ne viendrait se plaindre d’un toit offrant une vie incroyable. D’ici le ciel semble à portée de main. Les gratte-ciels du centre-ville se dessinent en ombre chinoise, le soleil se couche doucement. Tout n’est qu’orange, rose. La musique des gars en bas vient doucement jusqu’à nos oreilles. Heureusement qu’il n’y a que 5 étages ! « Alors ? »

J’apprends de nouvelles informations sur le frère de la belle. Tout d’abord il est en France et puis, elle a l’air de vraiment tenir à lui. On dire un peu moi et Marissa. Quand on est séparés, on parle de l’autre sans arrêt. Je me moquerai également de ma petite sœur, si elle était chez les Sigma Mu ! Et Kaylee est aussi rebelle que ma sœur. Enfin… Après je ne connais pas l’intégralité de ses facettes. Je ne vois que la folie qui peut l’habiter, le sourire, la joie de vivre… Elle me fait bien rire quand elle fait sa princesse. Même si sur le coup je reste perplexe. L’explication est nécessaire.

Ma Princesse accepte ma proposition. Direction Little Havana ! Je pense que si on monte sur une terrasse, on pourra admirer la vue du coucher de soleil. De plus la musique cubaine va nous mettre dans une ambiance différente. Je ne dis pas que je vais danser parce que je ne suis pas vraiment doué pour ça. J’ai des bases mais je ne suis pas un incroyable danseur. Je sais dans quel ordre bouger mes pieds par contre je n’ai pas le déhanché des cubains.
J’actionne alors le contact et démarre. Je respecte docilement les vitesses indiquées. Je joue le rôle du gentil garçon bien sage. Je ne sais pas pourquoi. Mais c’est ce qui vient automatiquement. Je repasse devant le bâtiment de la confrérie de la jeune fille. Mes yeux se détournent de la route pour apercevoir ma moto. J’espère qu’il ne lui arrivera rien ! J’ai confiance en Kaylee mais pas en les autres élèves.

« Je peux te poser une question? Pourquoi fais-tu tout cela ? Je veux dire avec moi, aujourd’hui… Pas que je m’en plaigne, loin de là. C’est juste que je … Non rien laisse tomber. » Quoi ? Mes yeux se détournent de l’asphalte. Je l’observe un moment. Pas longtemps. Juste quelques secondes. Cette question a le don de me perturber un peu. Je pensais que c’était clair ! Enfin… Quoi que… Le truc le plus difficile c’est qu’elle se rétracte automatiquement. Comme si ça question était honteuse. « Non, je… J’vais pas laisser tomber pour ça. » Je pivote la tête vers elle et lui souris tendrement. « Tu sais, j’ai pas calculé tout ça. Tu m’as demandé de te kidnapper. T’as choisi ce choix-là et moi, je fais en sorte qui se réalise.» C’est pitoyable ce que je dis. Je veux simplement qu’elle détourne les yeux du paysage et qu’elle me regarde. Nous arrivons. Je cherche un endroit où me garer. Une fois une place trouvée, j’arrête la voiture. Je ne sors pas tout de suite. Il faut que je trouve une meilleure explication. « Je… C’est nul ce que je t’ai dit ! Tu sais habituellement je ne suis pas ce genre de mec. Je suis loin d’être le gentil gentleman qui fait tout pour rendre une inconnue joyeuse. Mais… Je ne sais pas, dans la laverie tout s’est passé différemment. Tu dois avoir un effet positif sur moi ! Je n’ai jamais fait autant de choses… Je… Je sais pas, c’est plutôt bizarre. Mais je dois t’avouer que je suis content d’être avec toi. Je suis naturel… » Un peu mieux ? Confus. Ça ne me ressemble pas. Ce n’est vraiment pas moi. Le mec qui ne trouve pas ses mots et qui ne construit pas une phrase convenablement. Merde ! Elle efface définitivement le Jude calculateur et manipulateur.

Kaylee me défie automatiquement de courir avec des talons aiguilles. Mais yeux se baissent sur ses chaussures. J’y avais pas pensé à ça non plus… Définitivement mon idée d’être bien habillés pour cette soirée n’était pas bonne. Je suis trop con. J’ai choisi le truc le plus inutile et le plus compliqué. Et puis c’est quoi cette mode de mettre des échasses aux pieds des demoiselles ? Bon, ok. D’un côté j’apprécie fortement parce les jambes de Kaylee sont infinies. La chose que j’aime le moins, c’est que j’ai tout de suite l’air moins grand. Mon instinct de supériorité ena prend un coup !
Sa robe est vraiment courte. Très sexy par ailleurs. Mais je ne peux pas la prendre sur mon épaule sans risquer d’offrir son corps à tous les étudiants que nous pourrions croiser. La pauvre. « Allons-y. Tu peux laisser notre destrier là, cela ne risque rien, nous ne sommes pas beaucoup à vivre ici. Et puis bizarrement notre bâtiment est celui qui est le plus surveillé… » Je souris. Une rebelle. Je ne m’y ferais jamais ! « Je fais ça ! » Je m’exécute alors et pousse ma moto pour la garer à l’abri. Je glisse les clés dans ma poche puis retourne vers ma Princesse. Nous prenons la route vers le bâtiment des Nu Zêta devant lequel je suis garé. Nous marchons côte-côte et j’ai irrésistiblement envie de prendre son bras. Je ne sais pas vraiment pourquoi, une histoire de proximité peut-être. Et puis, avec ses talons Kaylee ne peut pas marcher rapidement. Ce calme me détend. J’ai envie de prendre mon temps avec elle. J’ai un léger sourire qui flotte sur mes lèvres. Finalement c’est la demoiselle qui fait le premier pas. Elle avait sans doute la même envie que moi, puisque ses doigts viennent toucher mon bras.

« Alors, tu sais déjà dans quel bâtiment je t’emmène ? » Nous voyons progressivement la forme du bâtiment qui se dessine. Il n’est plus très loin. Ma voiture est garée sur le côté. Je ne suis pas sur le parking devant le lycée parce que… Je ne sais pas. C’est plus simple ici et puis si j’ai envie de partir acheter quelque chose, je peux directement le faire. « Techniquement, je suis entré chez les Nu Zêta simplement pour énerver mon père. J’ai réussi. Mais d’un autre côté j’y suis bien… Nous ne sommes pas beaucoup, on est une petite famille…» Je souris en repensant aux membres présents dans la confrérie. Le visage de Marissa apparaît à mes yeux. « Et je ne dis pas ça parce qu’il y a ma sœur avec moi ! » Je rigole légèrement et m’approche de ma jeep. « Ce n’est pas une décapotable, pas vraiment sexy désolé !» Le problème de la jeep était son côté plus baroudeur que romantique. Les éclaboussures de boue sur les portes, les sièges très peu confortables et le manque d’air conditionné. La moto avait pour avantage de rapprocher. La demoiselle est obligée d’entourer le corps du jeune homme, elle peut lui dire des mots à l’oreille. Alors que là… Rien ! Je vais ouvrir le coffre et y dépose les deux casques et ma veste en cuir. Ensuite, je vais chercher Kaylee. Je lui prends délicatement sa main et l’emmène devant la porte du passager que je finis par ouvrir. « Je vous en prie belle Princesse.» Une fois installée dans la voiture, je fais le tour et je vais m’installer à ma place. « T’as de la chance, c’est à peu près rangé aujourd’hui ! » Oui, parce que d’habitude, il y a toujours un truc qui traine par terre. Que ce soit des bouteilles vides, des paquets de gâteaux, des chaussures, des papiers en tout genre… « Que penses-tu de Little Havana ? Je sais que je n’ai techniquement pas à te demander ton avis mais bon… »

Mon tee-shirt mouillé à peine remit, nous revoilà sur la moto. Une nouvelle aventure ? Pas vraiment. Juste retour à la case départ. On retourne sur nos pas pour faire un trajet encore plus incroyable. A coup de six, les dés vont être en notre faveur ! C’est moi qui vous le dis. Je joue peut-être plus souvent aux échecs qu’au jeu de l’oie mais je m’y connais dans ses trucs là. Pas de case prison et pour ça pas d’excès de vitesse. Pas de… Euh… Y a quoi comme autres cases intéressantes ? Aucune idée. Je vous avais bien dit que je n’y connaissais rien. Les palmiers qui défilent. Le bitume sous mes pneus. Le soleil qui tangue à l’horizon. Tout ça je connais bien. Ça m’est familier. Je sais comment contrôler. Bon, je n’ai pas des supers pouvoirs qui peuvent m’aider à faire ralentir ou avancer le temps. Juste une connaissance de la ville dans laquelle j’habite depuis tout petit. Mon grand-père a été sénateur de la Floride, ce n’est pas comme si les alligators et leurs dents bien pointues étaient des êtres totalement inconnus à ma personne. Vous en avez déjà vu ? C’est plutôt drôle à regarder. Même si à chaque fois que je me remémore mes visites dans les marécages, je repense automatiquement aux sacs à main de ma mère. Un truc qui valait des centaines de dollars. Je n’ai jamais compris pourquoi on s’offrait ce genre de choses. Exposer au monde entier à quel point la cruauté gratuite nous plait. Enfin je ne sais pas si on peut dire que c’est gratuit… Bon évidement je porte du cuir, je mange de la viande, j’écrase des araignées, je marche sur l’herbe. Ben ouais… Si on part du principe qu’il faut faire de mal à aucun organisme vivant, l’herbe en fait partie. Donc ok. Je ne suis pas le plus gentil des gentils. D’ailleurs celui-ci ne vivra pas longtemps sans manger et sans respirer. Histoire de ne pas tuer et ne pas rejeter du gaz carbonique. Mais de là à utiliser la peau d’un animal que des braconniers ont capturé pour faire joli dans la voiture cabriolée… Par pitié tuez-moi ! Assassinez-moi à coup de fourchette en plastique ! Lapidez-moi avec des crayons de couleurs, c’est plus sympa. Mais faites quelque chose !
Pourquoi j’en suis arrivé là, moi ? Je suis sur ma bécane avec une jolie fille serrée contre moi. Une fille trempée. Par malheur elle n’avait pas mis un tee-shirt blanc mais avait gardé son maillot de bain pour aller dans l’eau. Quoi que, quand je revois l’image, je n’en suis pas du tout déçu. Moi qui n’aime pas trop les blondes… Je ne sais pas pourquoi en plus. C’est comme ça. C’est physique. Peut-être une gamine à la maternelle qui m’a traumatisé. Aucune idée… Ou bien la coloration de ma mère à une époque. En fait, ma mère a définitivement laissé une empreinte dans ma vie. Entre mon envie de protéger les animaux et rejeter les blondes. Bon. Ma Princesse, je ne la repousse pas. C’est bizarre avec elle. C’est fusionnel. Elle parvient à faire ressortir le bien qui est en moi sans que j’en ai réellement le choix. Je suis meilleur à ses côtés. Je n’ai aucune arrière-pensée. Ou presque.

Nous roulons en direction du bâtiment de confrérie de la demoiselle. Je suis ses instructions. Je me demande vraiment à quel clan elle peut appartenir. Pas chez les Nu Zêta déjà. On est peu et on se connait tous. C’est l’avantage de notre confrérie, une véritable petite famille. Mais jusque-là, je ne me suis pas posé la question pour Kaylee. Son grain de folie pourrait très bien cacher un esprit d’artiste. Son beau sourire ne dissimule pas l’addiction au shopping d’une Eta Iota. Elle n’a pas l’air extrêmement sportive… Ma réponse finit par venir. Les rebelles. Ma bouche s’entrouvre. Je suis légèrement sous le choc. Je n’aurais jamais pensé à ça. En fait, je n’avais pas la moindre idée. Même pas un petit soupçon. Ma Princesse une rebelle… Vous y croyez-vous ? Moi non. « Bon je te propose de faire cela rapidement, Je monte me changer pendant que toi tu fais de même et nous nous retrouvons ici dans 15/20 minutes ? Ne me fait pas faux bond ! » Je regarde ma montre. Merde, j’en ai pas. Je regarde plutôt mon portable et me rend compte qu’il a pris l’eau. Je l’ai complètement oublié tout à l’heure. Par chance, il a l’air d’être encore en vie. Il respire ! Il est vivant ! Alléluia seigneur ! C’est un rescapé de la noyade ! Un combattant. Tous les appareils électroniques devraient dès à présent exemple sur lui. Bon. Une minute de perdue, déjà ! Et un baiser volant. Rien que pour ça j’ai bien fait de rester là. Est-ce que j’en aurais un vrai un jour ? Est-ce le début d’une nouvelle amitié. Vous savez les trucs qui tombent d’un coup et qui apparaissent comme une évidence. Ou bien c’est plus fort encore. Parce que j’ai réellement envie qu’elle ait envie de me faire un véritable baiser. Cette phrase était d’une complexité à couper le souffle. Oublions. Démarrons.

J’arrive au bâtiment. En vitesse je vais dans ma chambre. J’ouvre le placard. Une tenue chic. Pourquoi j’ai lancé cette idée. En plus je vais paraitre ridicule en pingouin sur ma moto. Surtout qu’elle n’est pas super classe ma bécane. C’est un truc de mecs. Je m’en séparerai pour rien au monde. Ou presque. Si j’ai besoin de fric, c’est la première chose que je vendrais. Parce que j’ai ma voiture et que Marissa je peux l’emmener n’importe où en auto sans lui causer des frayeurs.
Je me déshabille en vitesse et enfile un jean noir, le tout avec une chemise blanche et une veste de costard. Sobriété. Et j’ai l’air un peu présentable. Je passe ma main dans mes cheveux. Cauchemar ! Je secoue ma tête dans tous les sens en essayant de donner un peu d’aide. J’envoie un sms à mon pote pour le remercier de nous avoir laissé entrer et voir les dauphins.

J’ai alors un flash. Je vais faire monter une fille, probablement en robe sur ma moto. Comme ça, sans casque, sans protection. Je m’active pour trouver un truc. Mon casque est juste là, par terre, dans la chambre. Celui de Marissa. Elle en a un, j’en suis sûr. Où l’a-t-elle rangé ? Allez… Viens à moi ! Pitié ! Je me résous à donner le mien à la belle Princesse quand je trouve enfin celui de ma sœur. Voilà qui est parfait ! Une veste en cuir. Ça par contre c’est plus difficile dans trouver en modèle pour femme… Bon. Je prends le mien et l’enfile. Il me fait toujours des épaules très carrées. C’est drôle. Enfin, non. C’est juste… Ça change quoi ! Ça fait très viril. J’imagine que c’est ce que ressentent les joueurs de foot avec leurs multiples protections. Les mâles. Aah ! Je les hais c’est types ! Ils se croient populaires et intouchables parce qu’ils ont une veste aux couleurs de l’équipe. C’est totalement ridicule.

Je ressors et sens mon portable vibrer. C’est mon pote, il me dit que je lui en dois une car il m’a permis de conclure avec la « jolie blonde ». Conclure. Je ne compte pas conclure. Vous pensez que c’est possible ? Non… Kaylee c’est une gentille fille. Complètement folle, certes. Mais elle ne va pas se jeter dans les bras d’un inconnu comme moi. Je la trouve adorable. Et j’aime tout faire pour la faire sourire. Je ne veux pas conclure, si c’est définitivement le mot que l’on doit employer. Non, je veux lier une relation, je veux apprendre à la connaitre. Je désire pouvoir rester sincère avec elle et m’amuser encore.
Je démarre ma moto, un casque sur la tête et j’ai passé le bras dans l’autre. Je reprends le chemin inverse que celui que j’ai emprunté il y a peu. Je ne roule pas extrêmement vite ce qui me permet de distinguer la forme de son corps. Elle attend sagement sur le perron de son bâtiment. Kaylee est resplendissante. Avec cette tenue, je peux admirer ses jambes. Plutôt fines. Sa robe n’est pas très longue. Un truc me vient directement à l’esprit. Comment voulez-vous qu’elle monte sur une moto comme ça ? Elle ne doit même pas pouvoir écarter les jambes sans que l’on ne voit tout. J’ai beau être un mec, je ne veux pas que ma nouvelle amie voit son intégrité atteinte.

« J’ai beau t’avoir pris un casque, tu vas pas pouvoir monter comme ça, Princesse ! J’aurais dû y penser… Tu m’attends encore cinq minutes, je vais chercher ma voiture… A moins qu’on y aille à pieds ou que mettes un pantalon ou encore que tu montes de côté comme ce que les princesses faisaient avec leurs chevaux. Même si je te déconseille cette solution. » En parlant, j’ai retiré mon casque et suis descendu de la moto. Je lui fais un léger baisemain, le tout accompagné d’un sourire.
« Je réfléchis pas à tout. On court jusqu’à ma voiture ? »

Kaylee nage vers moi. Elle s’accroche à mon dos. Nos corps étaient proches. Cette proximité me faisait frissonner. Il est difficile de se dire que nous étions de parfaits inconnus il y a de cela quoi ? Une heure ? Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il est. Trop difficile de discerner les minutes. J’apprécie être comme cela avec elle. Si proches. Si complices. Je la considère presque comme une amie après ce peu de temps. J’aurais agi de la même manière avec Cassie ou Angie. Alors que Kaylee… Cette demoiselle était si nouvelle dans ma vie. Je n’ai aucune méfiance envers elle. Peut-être est-ce à cause de son sourire. Comme gravé dans la pierre. Il ne la quitte plus. Et il est contagieux. Il fait travailler mes zygomatiques. Je ne vois pas directement son visage, mais je sais pertinemment que son sourire est là. Il avait été là pendant un bon moment alors pourquoi devrait-il disparaître ? J’ai envie de caresser sa peau et déposer des petits baisers sur ses bras. Mais oublions. Je ne dois pas penser à ça. Ni aller plus loin dans mes pensées. Pitié. Je vais me faire repérer.
Kaylee me dit à l’oreille qu’elle ne pourra jamais oublier cette fin de journée. Moi non plus. C’est plutôt incroyable ! Je n’aurais jamais su que je pouvais être capable de tant de choses. Des trucs qui font rêver les filles… Comme si j’étais un véritable homme à femme ! Un gars qui les fait voyager et rêver. Moi ? Vous y croyez, vous ? C’est plutôt étrange. Je ne me suis même pas donné du mal. Tout s’est fait si naturellement. La moto, le bar, la laverie, le ballon, les dauphins… Tous les trucs qui me sont passés par la tête. Je ne sais même pas si j’ai emmené ici une de mes meilleures amies ! Kaylee est spéciale. Elle agit sur moi. Elle est incroyable. Une vraie perle. Un petit trésor. Je suis heureux. Bizarrement heureux. Un peu trop peut-être… Et évidemment pour accompagner ce genre de pensées, la belle vient déposer un petit bisou dans mon cou.

Je me concentre et sort du bassin. Je dégouline d’eau. Il suffit de quelques minutes et d’une bonne position pour sortir Kaylee également. Le tout sans tomber ! La demoiselle explose de rire. Je l’accompagne. On a l’air de deux chiens mouillés ! Comme si nous nous étions fait surprendre par un orage. L’eau à coller nos cheveux le long de nos visages. J’ai d’ailleurs une mèche qui vient brouiller ma vue. Mes vêtements épousent mon corps. Un peu trop moulant pour le coup ! Mon jean est lourd, mon tee-shirt se colle à mon torse et finalement mes chaussures son complètement trempés. Enfin… Je le suis de la tête aux pieds. Chacun de mes mouvements s’accompagnent d’un petit *splash splash*. Nous sommes ridicules. Enfin, moi particulièrement. Kaylee est en haut de maillot de bain. Il n’y a que son pantalon qui a absorbé l’eau. Le reste est naturel et plutôt agréable à regarder. Voilà que je recommence à imaginer sa peau proche de la mienne dans un contact fusionnel. Je suis définitivement un mec, adolescent qui plus est et par conséquent aux idées qui se tournent souvent vers le même point. Incorrigible.

Tandis que l’étudiante lance des poissons aux dauphins, je retire mon haut et je le tords dans tous les sens pour l’essorer. « Je t’aurais bien proposé de faire sécher nos vêtements à part et d’attendre que le soleil fasse son travail. Mais ça risque d’être mal vu ! Enfin… Si les propriétaires débarquent. » J’ai attiré son attention et je souris. Je pense que le plus simple aurait été d’avoir une nouvelle tenue. Chose que l’on pouvait trouver en retournant à Wynwood. Je n’en ai pas réellement envie. Mais plus j’y réfléchis plus c’est la seule solution que je trouve. Je ne vais pas me déshabiller et faire passer le temps, nu. Même si, encore une fois, j’ai ma petite idée sur la question. Une activité agréable, autant que… J’ai pas d’exemple comparable pour l’instant. Passons. J’ai dû attirer le regard de la jolie demoiselle qui n’a non sans mal dû voir mes autres tatouages. Quoi ? Elle pensait vraiment que je n’avais que ma phrase en français. Et bien non ! Surprise ! tadaaa ! Je suis un homme plein de surprises ! « On retourne à la moto, ok ? »

Je penche la tête vers le sol et tend la main ma Princesse. J’attends qu’elle la prenne et sans lui laisser le temps de poser des questions où quoi que ce soit, nous repartons. « Une fois sur place, je te propose de prendre la plus belle tenue que tu trouves ! Nous serons des roi et reine ce soir ! » J’ai encore une fois une petite idée derrière la tête. Une robe, un costard, des casques de moto, une bouteille de champagne, un toit…

Spoiler:

J’observe Kaylee avec un sourire aux lèvres. Ça se voit bien qu’elle n’a jamais fait ça. On dirait une petite fille qui s’apprête à déballer un cadeau de noël. Il y a de l’excitation et de la curiosité. Tout en gardant cette pointe de délicatesse. C’est une demoiselle après tout. Je me souviens de ma première fois avec ces mammifères marins. Ce fut inoubliable ! J’avais passé un moment instructif et amusant. Je m’étais tenu à l’aileron d’un dauphin, doucement et il m’avait embarqué sous l’eau. Ils avaient tous tourné autour de moi. Comme dans un ballet. J’avais beaucoup rit. Mes yeux étaient remplis d’étoiles. Un moment parfait. Loin de mes parents, pendant l’été. Je pense que ce sont les grandes vacances qui m’ont procuré mes meilleurs souvenirs. Enfin, je ne parle pas de tous ces moments avec les jumeaux qui sont généralement imaginatifs, imprévisibles et géniaux. Non. Mais l’été c’était la période où je partais tout le temps en vadrouille. Des petits boulots, des après-midi sur la plage, des soirées sur les bateaux des amis, des heures de bénévolat pour les animaux, le camping dans le jardin. Et puis, comme à chaque fois, papa voulait nous emmener dans une destination. Il la choisissait bien. Il m’énervait à chaque fois. Je prenais un malin plaisir à critiquer chaque point négatif haut et fort. Mais dès que je me retrouvais seul avec Marissa et Joshua dans notre chambre le soir, je retrouvais le sourire. C’était ma source de bonheur. Et ce soir, je souris autant qu’avec eux. Kaylee est incroyable ! Elle me fait sourire. Elle fait ressortir la bonne personne qui est en moi. Sans que je puisse dire non. Ce qui est plutôt énervant. Mais je ne peux pas faire autrement. C’est une magicienne. Ma magicienne. Ce n’était pas une Princesse, avant ? Une Princesse Sorcière. Magie blanche ou noire ? Bonne question… Elle n’a pas l’air de mentir comme elle respire. Je pense que c’est une personne bonne dans le fond. Même si actuellement, je suis en dehors de mes baskets et que j’analyse beaucoup moins bien que d’habitude. Depuis quand j’essaye de savoir si une fille est gentille ou méchante ? Et puis, depuis quand j’embarque une inconnue dans un de mes lieux préférés ? Je ne vais vraiment pas bien… Je deviens un adolescent ordinaire qui profite à fond de sa jeunesse. N’importe quoi !

Kaylee se retourne vers moi et m’incite à la rejoindre. Je refuse dans un premier temps. Comme pour rester en recul, la laisser vivre ce moment seule. Mais j’ai l’impression qu’elle ne lâchera pas l’affaire. Du coup je m’approche en nageant. Je ne suis pas loin mais bon. C’est un peu dérangeant de ne pas avoir pieds ! Au moins, on est obligé de bouger, ce qui réchauffe rapidement ! J’approche ma main et caresse. C’est toujours aussi doux. Le dauphin se laisse docilement faire. Il émet quelques petits bruits qui sont caractéristique à ces animaux. « Il est content. » Cette petite information plaira sans doute à la demoiselle. C’est bien de connaître ce qui se passe. Je ne suis pas un pro mais j’ai quelques notions. Pas grand-chose. Disons, que c’est plus de la déduction. Mais bon, ça fait peut-être prétentieux de faire celui qui sait tout, qui comprend tout, qui va partout… Je me demande encore comment Kaylee réussit à me supporter ! Je m’agace moi-même ! Bon c’est sans doute parce qu’intérieurement je suis bien plus chieur que ce que je laisse paraître… Je vais finir par me tuer !

« T’as pas trop froid ? Tu veux qu’on sorte ? » Et voilà que je suis attentionné maintenant ! Je n’ai pas contrôlé mes mots. Ils sont sortis naturellement, sans que je les retienne. Je réfléchirai un peu plus la prochaine fois. Je joue vraiment le rôle du prince charmant… Un peu trop ? Et pourquoi est-ce que je me pose tant de questions ? Kaylee n’est pas le président à ce que je sache… Ce n’est pas non plus une personnalité qui risquerait de bouleverser ma vie. Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce que j’agis ainsi ? Shit. J’ai l’impression d’être schizo. Y a ce que mon corps fait. Et ce que ma tête pense. Pour l’instant elle turbine un peu trop fort. J’ai peur de la mettre sur pause et de me transformer en bisounours.

Je vais un moment sous l’eau. Histoire de me rafraichir l’esprit. Je tourne avec un dauphin. Une deuxième approche. Mes yeux sont grands ouverts. Ils vont sans doute être rouges ce soir. Tant pis. Je ne suis pas une mauviette ! Mon regard cherche les pieds de Kaylee. J’hésite à les attraper pour les tirer vers le fond. Puis je me dis que nous ne sommes pas dans une piscine. Que je risque de me faire engueuler si je fais n’importe quoi. Et que les dauphins doivent avoir envie de friandises. Bref. Je me dis beaucoup de choses. Si bien que je n’ai plus d’air. En plus de ça, j’ai laissé Kaylee en plan.
« J’espère que tu te souviendras des dauphins… On leur donne des poissons, on se sèche et on file regarder le coucher du soleil ? » Oui, je n’ai pas oublié cette idée depuis que je lui ai dit dans la laverie. Vous vous souvenez ? « ... On irait sur un toit regarder le soleil se coucher au-dessus des buildings. Et au final je t’embarquerai en boîte…» Et elle avait eu l’air alléché par cette proposition.

Mes yeux scrutent intégralement le lieu que j’ai quitté il n’y a que quelques minutes. Je me demande où est passé Kaylee. Elle a peut-être fui après tout ! Elle s’est rendue compte que c’était le dernier moment pour elle de partir avant la fin ! Avant que le grand méchant loup dévoile son visage sous cette apparence de Prince Charmant. Ce n’est qu’un costume. Il est trop grand, ne me va pas, me gratte, me démange, m’insupporte, me terrorisme, me paralyse. Mais d’un autre côté je n’arrive pas à le retirer. C’est comme si j’étais pris à mon propre piège. Kaylee a fermé le zip dans mon dos. Je ne peux pas l’atteindre. Et je suis ainsi coincé à jamais. Je pourrais m’y faire. Je commence même à m’y habituer un peu. Je n’aurais pas dû la prendre comme un sac à patate pour la kidnapper ! C’est comme ça qu’elle a eu accès à la fermeture ! Traite !

J’ouvre la bouche pour l’appeler. Juste prononcer doucement son nom et attendre vainement une réponse. Je n’ai pas envie qu’elle ait pris ses jambes à son cou finalement. Je l’aime bien. Bien plus ce que j’aurais pu prévoir ! C’est peut-être parce qu’elle m’amuse. Elle est si naturelle… Elle fait penser à un petit chaton. Bon, je ne suis pas gaga devant les animaux. Mais j’aime prendre soin d’eux, m’en occuper, les soigner. J’ai fait ça durant toute ma jeunesse avec les jumeaux puis une fois qu’ils étaient assez grands pour se prendre en main – je n’ai pas arrêté – mais je suis passé aux animaux. Je pense que j’avais besoin de donner de ma personne. Derrière ma carapace, il fallait que j’arrive à livrer un peu d’amour. Le tout bien en secret, hein ! Personne ne devait le savoir. Ce n’était que pour moi. Et ça l’est toujours.
Bref. J’ouvre la bouche et avant de prononcer le moindre mot, j’entends ces quelques mots : « C'est pas moi c'est lui ! Il a dû vouloir jouer, mais avec mon sens de l'équilibre, enfin tu vois quoi...» Un rire franc sort de ma bouche. Sans que je puisse le contrôler. C’était plutôt drôle comme situation, non ? Ce n’était pas un rire moqueur. Mais elle était là, en train d’accuser un dauphin taquin puis à se justifier comme une petite fille qui vient de manger tout le pot de chocolat. Bien sûr elle a pas mal de traces marron autour de la bouche et la cuillère dans le dos. Je laisse tomber les deux combinaisons au sol et m’approche du bassin pour aider Kaylee à en sortir. Un coup de main ne serait pas de trop.
« C’est pas très gentil de l’accuser à ta place ! » Je lui lance un clin d’œil avant d’ajouter. « La combinaison est inutile c’est ça ? » Je souris encore une fois. Je fléchis les genoux pour avoir des appuis correctes et tends la main à la jolie demoiselle. J’attends qu’elle l’attrape pour la tirer hors de l’eau. Rien de compliqué, en soi. Seulement quand sa main, trop mouillée, saisit la mienne nous n’avons pas pris nos bons appuis. Tout se passe donc très vite. A la première tentative, sa main s’échappe de la mienne. Sans doute à cause de l’eau. Là, je la vois s’échapper. Alors je fais un pas vers elle et la rattrape à nouveau. A niveau de l’avant-bras cette fois-ci. Seulement elle retombe en arrière un peu trop rapidement pour que ma force la retienne. De plus, mes pieds glissent sur le bord du bassin qu’avait préalablement mouillé le dauphin.

En clair, en trente secondes, Kaylee et moi étions tous les deux dans l’eau. Un rire s’échappe à nouveau de ma gorge. « C’était le destin, Princesse ! » Entre deux rires, je lui envoie un peu d’eau, puis cherche des yeux un des mammifères marins. Justement, un d’entre eux s’approche. Certainement celui qui est le plus social. « Caresse-le ! Il n'attend que ça ! » Comme moi. Ahah. Ok, je sors...

Je suis fier de moi sur ce coup là. Enfin du dauphin… Bon, je suis aussi légèrement mouillé. Mais ça… Ça ce n’est pas le plus grand. Je réprimande un sourire et observe Kaylee en attendant sa réaction. L’eau se reflète sur son visage. Des motifs blancs viennent zigzaguer sur sa peau. On dirait presque qu’elle est baignée de lumières. Les derniers rayons de soleil parviennent à faire quelque chose de joli. Une sirène. J’en ai vraiment de la chance ! Sur tous les lycéens dormant à l’internat et lavant leurs linges à la laverie, je suis tombé sur une perle. Une blondinette drôle, jolie, vivante, souriante et avec ce côté énigmatique. Elle n’est pas comme tout le monde. Qui m’aurait suivit ? Qui m’aurait entraîné dans un délire ? Qui m’aurait poussé à montrer certaines parties de moi ? Ma Princesse est spéciale. Je note tout de même que sa famille a l’air aussi compliquée que la mienne, vu le commentaire de tout à l’heure. Et puis, contrairement à de nombreuses filles du lycée, elle ne montre pas son fric en premier ou encore son physique. Il y a ce grain de folie. Cette particularité.
Je souris définitivement. Je n’ai pas réussi à le retenir plus longtemps. Surtout que sa réaction ne manque pas de m’étonner un peu plus. J’aurais dû m’en douter. Mais je ne m’y fais pas encore. C’est peut-être encore trop tôt pour que je prévoie ses faits et gestes à l’avance. C’est sans doute ce que j’aime en fait… Moi le calculateur, le tacticien, le manipulateur. Je ne peux pas avoir mes plusieurs coups d’avance parce que Kaylee sait toujours les dévier en agissant d’une manière totalement opposée. Là, elle imite la grande actrice faussement émue par une récompense. Un Princesse duchesse actrice sardine sirène… Et quoi d’autre ? Je sens que la liste va pouvoir s’allonger encore au fur et à mesure que le temps passera entre nous.

Kaylee me surprend en passant les mains sous son tee-shirt pour le retirer. Au début je ne comprends pas mais mon cerveau fait rapidement le tour pour comprendre qu’elle a froid. Ou va avoir froid. Ou ne veut pas avoir froid. Parce que le dauphin l’a éclaboussée. Je détourne le regard. Je ne voudrais ni paraître insistant, ni obsédé. Bref, j’essaye d’être un bon garçon. Ça m’arrive parfois… Pas tous les jours ! Mais ce soir je fais un effort. Elle vient bien de dire que j’étais son Prince, et non son vilain kidnapper tout méchant ! Autant me comporter comme tel !
Lorsque mon regard dérive, il constate qu’elle porte un maillot de bain. Je ne vois pas ce que je pouvais craindre après tout… Enfin c’était plus pour elle que pour moi ! Je suis un mec de 18 ans. J’ai parfois des idées qui me passent par la tête. Surtout en face d’une fille comme Kaylee. Comprenez-moi un peu !
La demoiselle part le poser à l’écart pour qu’il sèche. Lorsqu’elle revient elle me lance : «J'espère que ça dérange pas... ? D’ailleurs, je voulais te demander, il est possible d'entrer dans le bassin ici ou c'est interdit ? » Je hausse les épaules. « Non, non ça ne me dérange pas ! Fais comme chez toi… Même si c’est chez aucun de nous !» Un sourire en coin vient faire son apparition sur mon visage. Je connais parfaitement les propriétaires, c’est un peu chez moi aussi. Mais bon…
Je repense à la fin de sa phrase. J’observe ce qui nous entoure. Si elle plonge comme ça, elle pourrait être glacée rapidement. Je cherche visuellement une combinaison de plongée. Au pire pas une intégrale… « C’est pas interdit, je l’ai déjà fait… Faut juste que je demande à Chris s’il n’y a pas de soucis. Histoire de le mettre au courant. Je reviens vite !»
J’attends de voir si ça ne la dérange pas trop avant de tourner les talons et de partir à la recherche de mon ami. Je ne mets pas longtemps à le trouver, il est avec son père et une vétérinaire que je n’avais jamais vu. Une jolie rousse d’une bonne trentaine d’année. Je lui souris. Le père de Chris me salue, on discute rapidement. Évidement il sait pour Kaylee et me tape l’épaule… Il croit que c’est ma petite-amie et que je veux l’impressionner. Je ne sais pas quoi répondre. Je me sens même un peu gêné, c’est bien la première fois ! Il sourit et me montre des combinaisons. « Tu verras, y en a un qui est plus facile à approcher.» Il me demande si nous comptons rester longtemps. Je réponds par la négative. En fait, tout dépendra de ma Princesse mais je lui ai promis un périple et je compte bien lui offrir un coucher de soleil royal ! Alors nous partirons certainement avant que le soleil disparaisse. Il allait falloir que je prenne en compte le temps de séchage. Merde. J’ai peur de ne pas avoir le temps.

Tant pis. Je cours jusqu’au bassin des dauphins. Je ne dois pas avoir mis trop de temps. Je cherche Kaylee des yeux. Elle est quand même pas déjà à l’eau ?

Je tourne la tête vers ma Princesse pour savoir ce qu’elle en pense. J’espère qu’elle n’a pas la phobie de l’eau ou peur de ses mammifères marins. On ne sait jamais ! Je ne suis pas à l’abri d’une mauvaise idée. Tout ne peut pas plaire à cette jeune fille ! Et puis si c’est le cas, je sais quelle activité lui proposer en échange. Déjà, on peut toujours faire une visite. Il y a de nombreux animaux et même si je n’ai pas les clés pour aller les voir, je pense que certains seront visibles. Pas besoin d’aller fouiller dans les bâtiments. Ensuite, si jamais mademoiselle n’est pas nature, on pourra partir. Sa réponse à ma question tout à l’heure m’a éclairé. Kaylee est de Miami mais n’a jamais eu l’occasion de fouiner dans cette grande ville. Déjà, je trouve ça bizarre. Presque louche. Qui n’est jamais partie en découverte ? Quand on nait dans une ville, on finit par la connaître sur le bout des doigts. Mais bon… Je creuserai ce sujet plus tard. Je l’emmènerai dans un coin de Little Havana. On pourra toujours écouter de la musique cubaine ! Je ne suis pas un bon danseur. Il ne faudra pas me forcer ! Quoi que… Je suis en train de me ramollir peu à peu. Kaylee me fait faire des trucs dingues. Et en fait, elle ne m’oblige à rien ! C’est plutôt étrange… C’est comme si elle avait su atteindre le vrai moi sans que je puisse réagir. Elle est où ma carapace ? Où est le méchant Jude suspicieux, méfiant, machiavélique et tricheur ? Aucune idée… J’ai la flemme de partir à sa recherche. Disons que je me plais comme cela. Ce n’est que pour une soirée. Après on verra. J’aurais le temps de m’en vouloir. J’aurais aussi le temps de retrouver tout mon caractère et de m’écarter de cette sorcière qui me rend mignon. Qui fait de moi un gentil prince. Tout ça c’est à cause de ses beaux yeux et de son sourire ! Aah je vous jure ! Je suis bien un mec, moi ! Une fille et le monde en est retourné. Mon monde. Mes envies. Mes besoins. Mon sale caractère.

Bref. Passons. Je peux clairement lire sur son visage qu’elle est heureuse. Alors oublions tous les cas de figure que j’avais imaginé !« J'adore! Je n'en ai vu qu'une fois, toute petite, sur le bateau de mes parents... Mais ma mère avait peur que je tombe par-dessus bord... alors bon… » Elle aussi semble avoir une mère assez spéciale ! Je comprends l’exaspération qui sort du son de sa voix. J’ai connu ça moi aussi ! Je connais bien. Même si ma mère n’a jamais eu peur pour moi. Je n’ai jamais été élevé comme un fils. De toute façon, je considère que je n’ai pas de parents. C’est ainsi et pas autrement. Ils n’ont pas été là pour moi. Je ne les considère même pas comme une partie importante de ma vie. J’efface toutes ses pensées négatives envers mes parents quand ma Princesse vient se jeter dans mes bras. Un sourire vient se dessiner au coin de mes lèvres.

La blondinette s’accroupit au bord du bassin comme pour mieux voir les dauphins. Je reste debout, en retrait. Je vais chercher le seau et finis par me placer à côté de la demoiselle.
« Bon, c’est pas très agréable mais bon c’est ça où je te déguise en sardine. » Je lui fais un petit clin d’œil. C’est sûr que niveau odeur on a fait mieux. Mais au moins c’était naturel. Je ne me suis jamais considéré comme un vrai Nu Zêta. Mais peut-être que j’appartiens vraiment à cette confrérie. Combien d’élèves ont passé des étés à nettoyer des boxes ? A nourrir des animaux ? A nager en mer ? A récurer ? Je suis peut-être plus écolo que je ne le pensais ! Je ne vais pas militer pour la planète dès demain. Mais cette confrérie n’est plus uniquement une raison pour énerver mon père. C’est aussi une partie de moi.

Je prends un poisson dans ma main et le lance au-dessus du bassin. Un des dauphins saute pour l’attraper tandis qu’une femelle vient vers nous. Elle nous lance un peu d’eau du bout de son museau. Je lui lance une sardine dans la gueule. Puis une à son copain et finalement une à tout le monde. «C’est très réglementer pour les dauphins. Ça reste une espèce protégée... Ce n’est pas donner à tout le monde de pouvoir en avoir comme ça en bassin. Mais ici c’est du provisoire généralement. Je suis content que ça te plaise… C’est une idée soudaine !» Je ne sais pas pourquoi je me sens obligé de me justifier.
« Tu veux leur en donner ?» A peine ai-je dis ces mots, nous sommes plus qu’éclaboussés par un petit plaisantin du bassin. Il semble joueur. Je souris et regarde Kaylee. Je lance à l’animal : « Bravo mon pote ! Mission accomplie ! Dommage qu’il n’y ait pas de concurrente pour le concours de Miss Tee-shirt mouillé !»
Je pivote mon visage vers l’étudiante avec un grand sourire presque innoncent.

Je fais tourner le moteur alors que Kaylee monte sur mon destrier. Quelle souplesse ! Non, je rigole. Mais une chose est sûre, ce n’est pas elle qui ralentir la moto ! Petite brindille. Malgré le ronronnement que fait mon engin, j’entends Kaylee supposer que ça ne sert à rien de poser des questions. Un sourire envahit mon visage. En fait, j’ai basé cette nouvelle idée d’endroit sur le fait que Kaylee ne connaisse pas parfaitement Miami. Je me demande si elle est assez curieuse pour aller dans des nouveaux endroits. Puis en pensant à cela une nouvelle idée me vient à l’esprit. Un truc encore plus grandiose. Et ça… Ce n’est pas à la portée de tout le monde. Sauf qu’il faudrait que je passe un coup de fil pour que ce soit possible.

Bon, j’ai quand même démarré ma bécane. Nous roulons vers ma première destination. Je roule assez prudemment. De toute façon, je ne peux pas me permettre de me faire arrêter ! Pas avec ma Princesse ! Vive l’image ! Je sens ses mains qui me tiennent. Au moins elle ne s’est pas envolée ! Je finis par m’arrêter sur un parking. Enfin, plutôt à une station essence. Oui, mon destrier à besoin d’un peu de carburant ! Je ne savais pas que j’allais rouler ce soir ! Enfin bref… Je m’arrête et descends. Tout en remplissant le réservoir, je lance à Kaylee : « Mon cheval est un grand consommateur ! Quelques pas de plus et c’était la grève ! Les destriers… Ce n’est plus ce que c’était ! Au fait… Ça te dérange pas que je passe un appel téléphonique ? C’est assez important…» J’attends son approbation. Évidemment, comme une personne qui a bien écouté son moniteur de conduite, j’attends d’avoir fini mon plein, d’avoir payé puis de mettre éloigné de la pompe pour sortir mon téléphone de ma poche. Je cherche le numéro dans mon répertoire.

«Hey c’est Jude ! […] Comment ça va ? […] Oui très bien. Dis-moi t’es chez ton père, là ? Parce que j’aurais aimé savoir si c’était possible de faire faire une petite visite, si tu vois ce que je veux dire… [...] Ba… j’ai vraiment envie de faire découvrir ça à une personne… [...] Ouais ? Tu penses que ça peut s’faire ? [...] T’es génial, vieux ! Ton père n’est pas contre ? [...] Ok… Non mais t’sais que t’peux avoir confiance en moi donc… [...] Je peux passer quand du coup ? […] Ouais, je sais qu’il est tard. […] Maintenant ? […] C’est vrai ? […] Yeeah ! A tout suite alors ! Merci encore ! »

Je suis content ! Très content même. Je vais pouvoir tenter de faire rêver ma Princesse. Je me place comme il le faut sur la moto et lui demande : « Tu es de Miami ou pas ? Tout pourrait basculer si tu connais bien la ville…» J’ai un petit sourire en coin. En fait, ma prochaine visite ne changera pas si elle connait ou non. Mais c’est pour celle d’après. Celle que j’avais prévue à l’origine.

J’attends sa réponse puis repars à l’aventure. Nous nous dirigeons chez un ami à moi. Il n’est pas à Wynwood, on s’est connu car ses parents habitaient le même quartier que les miens. Depuis, son père a ouvert un hôpital vétérinaire. Je nous dirige là-bas. J’y suis déjà aller, il n’y a pas que des animaux présents pour être soigné. La plupart oui, mais certains sont accueillis car ils sont sans défense et tout et tout… Je n’ai jamais vraiment posé de questions sur ce sujet. Tout ce que je sais, c’est qu’ils ont une sorte d’immense bassin avec cinq dauphins. Enfin, à l’époque il y en avait cinq. On m’avait permis de les nourrir et de les caresser. Ce fut un moment incroyable. Je sais que ça contrastera avec le reste de la soirée mais à cette heure-ci les bars n’étaient pas remplis, le soleil n’était pas encore couché… Il se couche tard en ce moment.
Je prends la route. Jusqu’à arriver à destination. Je descends de la bécane. Je tends la main à Kaylee pour l’aider. « Après vous mademoiselle…» L’endroit ne paye pas de mine, il est classe mais pas forcément rassurant quand on vous y emmène à la première rencontre. Enfin, c’est un bâtiment comme un autre. Une sorte de grande maison moderne avec des tas de petites dépendances. On entend lui bruit des oiseaux. C'est tranquille. La plupart des gens ont arrêtés de travailler à cette heure-ci. Donc bon....
Là, je vois mon pote, Chris. Je me regarde si Kaylee n’est pas trop intimidée par l’endroit. Après tout, on se trouve dans un mini zoo où toute la journée des gens se promènent en blouses blanches et bottes en caoutchouc. « Salut Chris… Je te présente une amie : Kaylee. Kaylee, voici un vieux pote : Chris.» « Ravi de te rencontrer Kaylee ! » Toujours aussi charmeur avec son sourire, ses dents blanches et ses cheveux délavés par l’eau de l’océan. Autant dire que c’est tout mon contraire ! Il est musclé à force de ramasser le crottin des animaux. Dire ça me rassure. Je lui enlève un peu de son charme. Histoire de rester digne ! Et puis, Chris est légèrement plus petit que moi. Et toc ! Prends-toi ça ! Il nous conduite jusqu’au bassin. Il me dit qu’il ne restera pas tout le temps avec nous. Il nous montre un sceaux avec des poissons. C’est pas vraiment appétissant mais bon ! Il nous prévient qu’il doit repartir aider son père qui s’occupe d’une otarie. J’acquiesce. Je sais comment faire. J’ai même déjà bossé ici pendant les vacances d’été. Ça fait toujours de l’argent de poche. Et puis c’est tellement plus cool que ce que mes parents pouvaient me proposer.

Une fois seuls, je regarde Kaylee et lui lance : « Tu aimes les dauphins ?»

Ma Princesse saute de notre trône. Je ne sais pas vraiment ce qu’elle va faire, alors je prépare mentalement toutes sortes de répliques. Des trucs classes à sortir. Mais finalement, je sais que je ne les utiliserai pas. L’improvisation avant tout ! C’est bien plus marrant ! Bien plus risqué ! Et l’imprévu me donne cette impression d’être vivant. Je suis peut-être un peu étrange, mais ne m’en voulez pas ! Je ne changerai pas de sitôt, alors autant si habituer !
Kaylee s’est placée face à moi et à déposer ses mains, légèrement fraiches, sur mes joues. Je suis aveugle. Je suis sensé ne pas voir son visage. Mais heureusement que tout ça n’est qu’un leurre ! Car décrypter les traits de la belle me fait le plus grand bien. Elle est belle. Une vraie princesse. Certes, un peu folle. Mais une princesse quand même !
J’attends de voir ce qu’elle va faire. C’était peut-être un peu trop de lui demander un baiser. Enfin, à la base je n’ai pas eu l’intention de faire ça pour qu’elle m’embrasse ! Non… Enfin peut-être pendant un court instant. Comment ne pas en avoir envie ? Mais, je ne peux pas lui imposer ça. Ok, j’ai dix-huit ans. Je ne pense qu’aux filles et mes rêves sont mouvementés. Mais Kaylee reste une fille que je viens de rencontrer. Je suis sage. Je n’impose rien aux inconnues. Je préfère discuter autour d’un verre et voir ce qui se passe après. Sage. Ouais, c’est drôle de me dire que je suis ainsi. De toute façon, si je commence à ne pas respecter les femmes ; Cassie aura une bonne morale à me donner. De plus je ne peux pas lui mentir, donc je ne peux pas lui cacher cette vérité. Elle sait tout. Vraiment tout. Enfin… Presque tout. Mais si un jour je vais trop loin, ou que je… Pourquoi je pense à ça ? Non. Je ne veux pas que Kaylee m’embrasse sur la bouche. Pas maintenant. Donc je n’ai pas de raison pour m’inventer une excuse. Si ? Je… Je ne sais plus.
La demoiselle rapproche doucement son visage du mien et finit par déposer un baiser sur mon front. Ses doigts passent délicatement sur mes paupières. Je garde ainsi les yeux fermés. Je suis dans le noir. Je sens le vent agiter les cheveux de Kaylee. Ils frottent ma peau. C’est agréable. Je respire également son parfum. Il semble sucré. C’est apetissant.
« C’est mieux comme çà cher prince ? Je pourrais me vanter de t’avoir sauvé.. »

J’ouvre instantanément les yeux. Je dissimule un sourire. J’ai aimé ce moment. C’était plutôt particulier. Des frissons avaient parcouru ma peau quand ses lèvres avaient touché mon front. Mais je garderai ça pour moi. Je n’ai pas vraiment envie de passer pour un grand malade. Même si c’est certainement déjà le cas.
Le moment magique continue encore puisque ma Princesse n’a pas bougée. Elle est toujours là. Ses mains sont toujours contre mes joues. Je me suis habituée à leur présence. Sa voix est douce, presque calme. On aurait dit une scène de mauvais film. Je pourrais très bien enchaîner sur une connerie mais je pense que ça gâcherait tout.
« C’est beaucoup mieux comme ça ! Que diriez-vous d’un petit tour sur notre destrier pour partir à la découverte d’un monde inconnu ?»
Ça faisait longtemps que nous sommes là. Je me lève. Je prends sa main dans la mienne et la fait tourner un instant. Oui ! Voilà un truc que je pourrais lui faire faire. J’attends de savoir si elle est contre ou non. Après tout c’est une demoiselle, elle a son mot à dire. Quoi que. Je suis son kidnappeur.
« J’aurais bien aimé avoir ton avis mais c’était sans compter que je prends toutes les décisions ce soir ! Allez ! Mange ton hot-dog Princesse, je t’embarque pour un autre univers !»

J’attends un instant avant de partir en direction du bar où nous nous sommes arrêtés un peu plus tôt pour un verre de ti-punch. Ma moto n’a pas bougé. Heureusement. Je monte dessus, actionne le moteur et regarde un instant si Kaylee me suit. Elle a peut-être quelque chose à dire. Après quoi, je démarrerai le moteur en direction d’un quartier qu’elle n’a jamais dû visiter. Le genre d’endroit que très peu de monde dans notre lycée connaissent. Et pourtant, il en vaut le détour !

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