[TERMINE.]Personne ne peut choisir la voie d'un autre. (Elena)

Je serrai Elena dans mes bras quelques minutes en silence. Elle devait certainement réfléchir. Je ne saurais trop dire à quoi. Je repense à cette journée passée. L'hôpital, Chase, Aidan, les médocs... Tout se mélange. J'avais beaucoup pris sur moi durant cette journée. Elle fut longue, éreintante. J'entendis Elena me répondre un simple "peut-être". Je m'éloignai d'elle, ressentant le besoin d'un peu de solitude intérieure. Bref.

Je la regardais, ses yeux étaient rougis. Je prenais ses mains. Je murmurai, le ton neutre :

« Tu veux encore discuter ? Ou bien tu veux retourner dans ta chambre ? Je peux t'accompagner, si il le faut. »

Je sentais qu'Elena était un peu fatiguée. Apollo devait hanter ses pensées. J'espérais vraiment qu'il saura la rendre heureuse, si jamais ils choisissaient d'élever cet enfant ensemble. Au pire, j'irai moi-même lui casser la gueule si Elena était malheureuse par sa faute.

Les larmes commençaient à affluer les joues d'Elena. Je l'entendis d'ailleurs me souffler qu'elle n'était pas comme moi. Ca, c'était sûr. Autant physiquement que mentalement. On avait beaucoup points de vue différents, une façon de penser différente, des goûts différents. Des principes différents. Des passés différents. Des valeurs différentes. Et pourtant, c'est ce qui nous rapprochaient, inexorablement. Nos oppositions respectives nous liaient. C'est comme ça. Et c'était indescriptible. Inexplicable.

Elle reprit après quelques instants de silence. Me disant, qu'elle ne pouvait pas tout garder pour elle. Ca, par contre, c'était une autre histoire. J'étais faite comme ça. Je n'ai jamais eu quelqu'un à qui me confier lorsque j'étais gamine. J'ai toujours du tout garder pour moi, tout prendre sur moi. Tant et si bien, que sa fait maintenant parti intégralement de ma vie. Bien sûr, au bout d'un moment, j'arrive plus à respirer. Alors je fais une crise d'hyperventilation. A chaque fois. En fait, j'ai une pierre à la place du coeur. Et un seau que je peux remplir indéfiniment des mes soucis, de ceux des autres...

J'allais faire un truc que je faisais que très rarement. Me forçant, un peu à chaque fois. Je prenais Elena dans mes bras tout frêles, légèrement tendue. Je lui caressai les cheveux, lentement. Je lui soufflai :

« C'est pas grave, ça. Il veut mieux ça que ce que je suis, moi. »

Je me demandai si un jour je le reverrai. Et je me demandai si je lui manquai à lui aussi. Il faut dire que nous avions passé beaucoup de temps ensemble... A jouer dans le parc juste en face de la maison, à jouer aux petites voitures, à se battre pour rigoler, à faire des longues après-midi ensemble où, souvent, nous parlions des parents. Oui, parce que Aurélien avait été très affecté par l'overdose de ma mère & le suicide de mon père. Il n'était pas resté longtemps avec moi après ça. J'avais hérité de tout l'argent de la famille Armstrong. C'était une grosse somme. Sachant que mes parents avaient repris l'entreprise familiale à leur propre parents. Enfin, "entreprise"... Ma mère était juste issu d'une grande famille bourgeoise italienne. Mon père par contre, avait repris une grande entreprise. J'ai jamais su quel était le nom de cette entreprise, ni ce qu'il y faisait dedans. Tout ça pour dire que mon frère n'as pas pris un seul dollar avant de fugué. Pas un seul. Peut-être avait-il une réserve ou je sais pas quoi ? M'enfin... Il me manquait, et je n'avais aucune idée de où il était, et avec qui.

Je savais qu'Elsa ne serait nullement touché par mes larmes qui couleraient sur mes joues. Ca ne l'atteindrait pas. Des fois, j'avais vraiment l'impression d'être conne face à elle. Vraiment. Elle essuya une larme qui perlaient sur le coin de mon oeil, et me dit que pleurer aussi n'était pas bon pour "Liliputien". Elle me reprit la photo des mains, la remit dans la boîte, la ferma et la rangea comme si rien n'avait été ouvert.

Je ne suis pas comme toi, Elsa.

J'attendis quelque instant avant de reprendre.

Je n'arrive pas à tout garder pour moi.

Pourquoi je gardais cette foutue photographie ? Moi-même, j'en savais rien. Elle me faisait plus mal qu'autre chose. Peut-être que je la gardais seulement pour ne pas oublier la réalité. Pour me rappeler l'horrible chose que j'ai faite. Parce que, finalement, peut-être que j'ai mérité tout ce qu'il m'est arrivé. Ma mère est morte. Par ma faute. Tout a démarré là. Tout est entièrement de ma faute. Oui, c'est vrai qu'au fond de moi, je garde cette culpabilité là. Je l'ai toujours eu. Elle me ronge. Elle me fait mal.

Je vis Elena être légèrement surprise devant la photographie. Elle me fit la remarque que c'était tout petit. Qu'elle trouvait ça bizarre. Elle me dit que ça lui rappelait une anecdote de son enfance. Son frangin en faisant parti. Je voyais ses yeux se remplir de larmes. Personnellement, ça ne m'atteint pas. Je veux dire, quand Elena ou un de mes rares amis proches se met à pleurer, ça ne me donne pas envie de pleurer ou ne met mal à l'aise. Je m'avance vers Elena et essuie une larme qui allait perler juste au coin de son oeil en disant :

« Pleurer non plus, ce n'est pas bon pour Lilliputien, Elena. »

Je lui prenais le photo des mains et la rangeait dans la boite, que je fermai tout de suite après. Je la remis à sa place, comme si elle n'avait jamais été ouverte.

Un silence de quelques secondes s'installa entre nous. Je voyais Elena m'observer du coin de l'oeil. De son air à la fois énervé et inquiet. Je rapprochai mes genoux contre ma poitrine. Elena me dit que maintenant, c'était moi qui allait lui parler. Et qu'elle déconnait pas.

Lorsque quelqu'un me demande de parler, ça me fait comme une boule dans le ventre. J'ai l'impression qu'on veut m'arracher une partie de mon âme. J'entends dans sa voix qu'elle est énervée, signe indiscutable de son inquiétude. 'Fallait pas qu'elle s'inquiète ou bien s'énerve. Pas bon. Je mettais en face d'elle, à genoux sur le lit et pris ses mains chaudes dans les miennes froides à souhait, lui lançant dans un faux sourire :

« Il ne faut pas que tu t'énerves, Elena. C'est pas bon pour Lilliputien. »

Je savais de quoi je parlai en disant ça. Je me retournai vers ma table de chevet et pris la boite qui était posée dessus. Je revins vers Elena et posai le petit coffret sur mes genoux. Je l'ouvrai et la Fée Clochette de Peter Pan tournai sur elle-même, une musique l'accompagnant. Ma boite à musique. Les petites notes de musique, fébriles, résonnaient dans la pièce. Je sortis une photographie. Je la tendis à Elena. Elle saura ce que c'est en la regardant. Moi, je plongeai mon regard dans la boite. Dedans, il y avait un collier de perle, une photo et celle que je venais de donner à Elena. Je murmurai :

« Pas plus grand que le tien, à ce moment de la photo. »

Elsa, maintenant c'est toi qui va me parler. Et je déconnes pas.

J'aurais voulu m'enfoncer mille pieds sous terre. J'avais beau me dire qu'il fallait que je me calme, que j'avais autre chose à foutre que de faire un crise d'hyperventilation à un moment pareil, ça ne faisait qu'empirer. J'avais tellement mal. Je voyais Elena qui paniquait, s'inquiétait. Je serrai sa main dans la mienne. Je la vis ouvrir le tiroir que j'avais montré quelques secondes auparavant et fouiller dedans. Elle en extirpa un sac en papier et me le donna. Malgré mes tremblements, je la positionnai juste au dessus de ma bouche et de mon nez et me forçai à retrouver une respiration plus régulière. Je serrai toujours la main d'Elena, pour me donner un peu de force.

Respirer. Inspirer. Expirer. Des choses tellement simples. Tellement andines. Mécaniques. A chaque fois que j'arrivais de nouveau à faire tout ça après une crise, j'avais l'impression de les redécouvrir. De renaître. Petit à petit, ma respiration se régula. Elle ne sifflait presque plus. J'avais du faire s'inquiéter Elena. Vraiment beaucoup. Je m'en voulais. Bon, mes larmes ne tombaient plus. Je pouvais reprendre une expression impassible. Toujours allongée, je respirai lentement. Elena se pencha au-dessus de moi et me demanda dans un murmure si j'allai mieux. Ce qu'il s'était passé. Elle me fit remarquer que je lui avais fais peur. Je me relevai, mettant mon dos contre le mur derrière moi. Je soupirai et passai une main dans mes cheveux.

« Ça va, c'est passé. Les crises apparaissent sans prévenir parfois. Les souvenirs, tout ça... »

J'avais dis ça sur un ton qui se voulait détaché. Je m'excusai dans un murmure. Comme si je voulais que seul l'enfant d'Elena l'entende à travers son ventre.

Ses larmes devenaient de plus en plus incontrôlables, et sa respiration se faisait haletante. Elle serrait ma main, de plus en plus fort. Il lui arrivait quoi là ? Elle tremblait. Je m'inquiétais. Merde. J'étais enceinte et toute heureuse et elle me fait une crise d'hyperventilation ! Mais je sais pas réagir à ça moi ! Elle me lança un regard désespéré en me disant :

Lena... Ouvre le tiroir... Je t'en supplie... Ouvre-le... Je vais mourir Lena, je vais mourir...

Je m'empressais d'ouvrir le fameux tiroir, mais à la recherche de quoi ? Hyperventilation = Sac. Je fouillai dans le tiroir à la recherche d'un sac, j'en trouvai un, l'extirpai et lui donnai. Elle le prit entre ses mains squelettique & glaciale et souffla dedans. Je la regardai sans rien dire. Elle était conne de dire qu'elle allait mourir. Elle voulait me foutre les jetons ou quoi ? Mais d'abord, quelle en était la cause ? C'est ça qu'il fallait savoir. Sûrement des images du passé qui lui était revenu en mémoire et qui l'avait fait paniquer... Une fois qu'elle était plus calme, je me penchai au dessus d'elle et lui murmura :

Ca va mieux ? Il s'est passé quoi ? Tu me fais flippé...

Mes larmes incontrôlées. Incontrôlables. J'en ai honte. Honte de me montrer comme ça. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Ou alors je l'ai toujours été. J'en sais rien. Je tente toujours de retenir mes larmes. Impossible. Je vois Elena qui m'observe. Comme si c'était la première fois qu'elle me voyait. Je percevais dans son regard un mélange d'inquiétude et de colère. Mes mains été glacées. Les souvenirs revenaient à ma mémoire.

Suite à mon mensonge, Elena me lança que c'était du foutage de gueule. Mes larmes redoublèrent sans que je puisse y faire quoi que ce soit. J'arrivais plus à parler. Je me sentais oppressée. Je sentais ma respiration devenir de plus en plus saccadée. Putain, non. Non, pas maintenant... Mes mains tremblaient. Et qu'est ce que j'avais mal, bordel. Allez, j'étais partie. J'allai crever. Crever d'hyperventilation. C'est impossible. Pourtant, je me le dis à chaque fois que je fais une crise.

Je serre la main d'Elena dans la mienne tellement j'ai mal. Il faut juste que j'atteigne le tiroir de ma table de chevet. Il me faut un sac en papier. Je vais respirer dedans et ça ira mieux après. J'écrabouille la main d'Elena tellement je la serre. Je tends mon bras vers le tiroir mais n'arrive pas à l'atteindre. Je lance un regard désespéré à Elena tout en essayant de lui dire, malgré ma panique :

« Lena... Ouvre le tiroir... Je t'en supplie... Ouvre-le... Je vais mourir Lena, je vais mourir... »

J'ai mal au coeur. Les images me reviennent les unes après les autres et font un film. Putain de merde.

Je sentais Elena qui prenait mes mains glacées dans les siennes. Je me contentais de fixer le plafond sans osciller. Je tentais de retenir par tout les moyens possibles et imaginables. J'accrochai mon regard à un bout de mur. Pourquoi je crevais d'envie de pleurer ? J'en savais rien.

Peut-être parce que j'étais au bout du rouleau. Autant fatiguée physiquement que psychologiquement. Et l'annonce que Elena venait de me faire me faisait l'effet d'une bonne claque dans la gueule. Mes affreux souvenirs remontant avec. Le viol et tout ce qui en découlait...

Je détestai être au bord des larmes devant quelqu'un. Ou de montrer ce que je ressens. J'ai toujours l'impression qu'on va profiter de ma faiblesse. Je cherche à me protéger. Elena tentait de captiver mon regard. Je faisais mon possible pour que ça n'arrive pas.

Elle me dit qu'il n'y avait aucun souci à se faire. Je continuai à fuir son regard. Je dirigeai le mien vers la gauche. Jusqu'au moment où elle en eut certainement assez. Elena prit ma tête entre ses mains et me força à la regarder. 'Fait pas ça, tu vas sentir à quel point mes joues sont creusées et à quel point mes yeux sont marqués par les cernes.

Elle me demande si ça va. Sans que je m'en rende compte, mes larmes tombent et coulent. Je mens, ma voix est contrôlée à merveille :

« Oui. »

Elle me rendit mon sourire. Bien sûr, il était forcé. Ca faisait quand même un moment que je la connaissais, et je l'avais jamais beaucoup vu sourire d'elle même. Je me rappelais comment je l'avais connu. Haha ! Choc dans les couloirs ! C'était bien marrant, mais elle ça ne l'avais pas fait rire. Elle s'était mise à courir sur le toit pour aller fumer une clope. Je me rappelerais de cette odeur toute ma vie. Cerise. Même si je préférais largement la fraise, cette odeur enivrante de cerise m'était monté à la tête. Elle soupira.

Y'a pas plus cliché. Pour Apollo, 'fait comme tu le sens. Ne te pose pas trente-six milles questions. Quoi que tu fasses, je sais que ça sera bon.

Elle passa une main dans ses cheveux, et s'allongea dans son lit, les mains derrière sa nuque. Les larmes lui montaient aux yeux.

Je me fais pas de souci pour votre futur gosse...

Son ton baissait. Si Pollo voulait bien de cet enfant, je ne verrai pas pourquoi il irait mal. Même si j'étais de nature pas très patiente, cet enfant aurait tout ce dont il aura besoin. D'un père & d'une mère. Et même si nous étions des lycéens, on pourrait se débrouiller. Je m'approchai d'Elsa, pris ses mains entre les miennes. Elles étaient toujours aussi froide.

Il n'y a aucun à se faire.

Je la regardai dans les yeux. Je voyais l'eau qui immergeait ses beaux yeux. Elsa n'aimait pas pleurer. Ni montrer ce qu'elle ressentait. Elle restait de marbre tout le temps. Quand elle pouvait aussi. Je pris sa tête dans mes mains, et la força à me regarder.

Elsa, ça va ?

Elena m'explique qu'elle ne sait pas trop comment annoncer la nouvelle à Apollo. Mais qu'elle savait qu'elle devait lui dire. Le souci, c'était qu'elle hésitait sur la façon qu'elle utiliserait pour informer le finnois de la grossesse d'Elena.

Soit, elle lui dirait aussi franchement qu'elle me l'avait dit, soit elle le lui ferait comprendre par des indices. Personnellement, je trouve qu'il n'y a rien de mieux que la franchise. Tourner autour du pot, passer par quatre chemins, ce genre de trucs.... Ca ne fait que m'agacer.

Bref. Elle me demanda si la deuxième proposition faisait cliché juste avant de me sourire. Je lui rendis un pauvre sourire, un tentinet forcé. Je soupirai :

« Y'a pas plus cliché. Pour Apollo, 'fait comme tu le sens. Ne te pose pas trente-six milles questions. Quoi que tu fasses, je sais que ça sera bon. »

Je repassai une main dans mes cheveux. Et m'allongeai sur mon lit, les mains derrière la nuque. J'observai la mine radieuse d'Elena du coin de l'oeil. Oui, la maternité lui irait vraiment bien. Je soufflai surtout pour moi-même, les larmes me venant aux yeux sans vraiment m'en rendre compte :

« Je me fais pas de souci pour votre futur gosse... »

J'entendis Elena rire. Ah la la... Elle ne peut jamais rester sérieuse plus de deux minutes. Je continuai à la regarder dans les yeux, imperturbable. Je ne rigolai pas avec ce genre de chose. Elena le comprit tout de suite et s'arrêta de rire. Elle me lança un regard qui se voulait désolé. Bon, au moins, cette nouvelle lui était bénéfique. Elle semblait vraiment heureuse de ça. C'était la seule chose que je n'arrivais pas trop à comprendre, en passant outre à ce qu'il m'est arrivé dans le passé.

Je veux dire, tomber enceinte, à seize ans, alors qu'on étudie encore, qu'on a pas de logement et de situation stable... On peut pas se réjouir de ça. On peut seulement se dire qu'on va insuffler la vie. C'est tout. Enfin, Elena répondit à toutes mes questions. Elle savait qu'elle était enceinte depuis ce matin seulement, j'en conclus donc que j'étais la première à le savoir. Elle me confirma qu'Apollo était bien le père et fit une brève allocution à son passé pour me le prouver.

Elena m'annonça également qu'elle comptait garder ce bébé, si Apollo était d'accord. Et qu'elle se sentait très bien, quoi qu'un peu perdue puisqu'elle n'avait rien dit à son partenaire. J'étais vraiment troublée. Je savais qu'Elena et Apollo voudrait d'un avenir ensemble. Mais si tôt... C'était insensé. Si il acceptait de garder ce bébé, une tonne de responsabilité allait leur tomber sur le coin de la gueule. Je me demandais vraiment comment ils allaient gérer ça.

Je voulais le bonheur d'Elena, bien sûr, mais d'autre part, je voulais la dissuader de garder ce bébé. Non. C'est sa vie. Elle fait ce qu'elle souhaite. Et si elle et Apollo arrivent à gérer tout ça, et qu'ils vivent heureux, ça me convient. Je pouvais seulement dire ça. Rien d'autre. Je soupirai, fixant le vide. Elena, elle, souriait. Elle était vraiment radieuse. La maternité lui irait comme un gant, cela dit. Je murmurai :

« Tu va savoir comment lui dire ? »

Son annonce fut comme l'effet d'une bombe dans mon esprit. La chose que je redoutai le plus, que j'espérai au plus profond de moi-même qu'elle ne soit pas celle que j'attendais. Et pourtant. Elena était enceinte. Je me sentais mal. Vraiment très mal. Réfléchis calmement, Elsa. Ne pense à rien d'autre.

Réfléchis simplement à la situation. Elena était avec Apollo. Il me semblait donc presqu'évident que cet enfant soit de lui. Mais que pensait Elena de cette nouvelle ? Je regardais son visage. On pouvait y voir un petit sourire, dessiné sur ses lèvres. Elle semblait heureuse. Quoi qu'un peu perdue. Je ne connaissais pas vraiment Apollo et je ne saurais dire si elle était responsable ou pas.

J'étais secouée... Mais n'en laissait rien paraître. Des images me revenaient en mémoire. Mais je ne pouvais pas comparer deux choses complètement différentes. Elena avait été consentante lors de cette relation. Moi... J'en ai souffert. Beaucoup. Je passai une main dans mes cheveux et soupirai avant de regarder Elena. J'enlevai ma main de la sienne et la posai sur son épaule pour la tourner vers moi.

J'inspirai un grand coup avant de prendre la parole.

« Depuis combien tu le sais ? C'est Apollo, le père ? Tu comptes le garder ? Comment tu te sens ? »

J'avais posé ces questions sans réfléchir. Elena comprendrait certainement pourquoi je les posai. Elle le savait, après tout...

Je fixai Elena, attendant qu'elle me réponde. Elle baissait la tête. Puis la remontai pour me dire qu'elle avait besoin de moi. Aïe. Il devait y'avoir un sacré souci. Je poussai un petit soupir. Je passai la tête à l'extérieur de la chambre afin de voir s'il y avait une quelconque personne dans les couloirs. Après vérification, c'était désert. Je prenais la main d'Elena dans la mienne glacée tout en lui disant :

« Allez, viens là. »

Nous entrons dans la chambre, alors que je referme la porte, la main d'Elena toujours dans la mienne. Il fait sombre alors j'allume ma lampe de chevet, offrant ainsi une lumière plutôt tamisée à l'inverse de la lumière aveuglante du vieux lustre accroché au plafond. J'invite Elena à s'asseoir sur mon lit défait et m'assied à mon tour près d'elle. Je garde sa main dans la mienne.

Je la détaille du regard. Ses cheveux sont coiffés d'un petit chignon lâché. Elle portait un pull vert et un jean. L'expression de son visage était plutôt déconcertante. Comme si... une très mauvaise nouvelle lui était tombée sur le coin de la gueule. Et je pensais ne pas me tromper en disant ça. Je sentais qu'Elena était tendue, que quelque chose la tourmentait.

Mais quelque chose de plus étrange encore me faisait tiquer. Malgré tous ces détails, la Sigma me semblait radieuse. Comme si quelque chose avait changé. Je n'aurais su mettre le doigt dessus. Quoi que je m'en doutais un peu... Mais j'espère du plus profond de moi-même que ce ne soit pas le cas. On était là, à la lumière de ma lampe de chevet, ne parlant pas. Je lui demandais :

« Alors, raconte-moi ce qu'il se passe. Je t'écoute. »

J'avais vérifier deux trois fois. Ma nuit avec Apollo remontait à un mois. Et je n'avais toujours pas eu de nouvelles de Dame Nature... J'avais passé ma journée à savoir comment lui dire, et surtout à qui le dire en premier... Elsa. Evidemment. Seulement, elle était en cours aussi bien que moi. Je lui dirais demain. Oui, demain... Et Apollo ? Quand lui dirais-je ? Putain.
J'avais séché toute la journée, restant dans le parc comme la rebelle que j'étais. Tout la journée dans ce parc, allongée par terre à contempler le ciel. Maintenant, il était l'heure. L'heure de rentrer dans les chambres. Je rentrai dans la mienne, trainant dans les couloirs comme à mon habitude. Mais ces habitudes allaient changer. Je le savais. J'ouvrais ma porte, sans aucun signe de mon colocataire. Ce cher Damian. Je pris ce qu'il fallait pour aller sous la douche.
L'eau était brûlante sous ma peau. Mais je ne la sentais pas vraiment, je pensais trop à ce qu'il y avait dans mon ventre. Je sortis de la douche, mettant la serviette sous mes aisselles, le miroir était couvert de buée, je passais ma main dessus, laissant ma tête apparaître. Je l'essuyai complètement, histoire de me voir vraiment. Je ne savais pas combien de temps j'étais dans la salle de bains. Je regardai l'écran de mon téléphone, il indiquait 21 heures. J'enfilai mon jean et mon pull vert, m'attachai les cheveux dans un chignion et partais. Je rentrai dans ma chambre, la porte était ouverte. Soit Damian était rentré, soit j'avais oublié de fermer. J'optais pour la deuxième solutions, vu comment j'étais gourde. J'avais raison.
Bon, je me mettais dans mon lit, prenant mon casque et écoutant Green Day, comme à mon habitude. Les heures passaient, les chansons défilaient. Et je pensais, encore et toujours. L'écran de mon téléphone affichait 3 heures. Je devais absolument voir Elsa. Dormait-elle ? Ca m'étonnerait. Je sortis de la chambre, ne prenant pas la peine -d'encore- fermer la porte. Je toquai à la sienne priant pour qu'elle réponde... La porte s'ouvrit, soit elle s'ouvrait sur Dante, soit sur elle. Son visage apparu devant mes yeux, soulagement interne. Elle fit une moue interrogative.

Qu'est ce qu'il se passe ? Ca ne va pas ?

Je baissai la tête un instant, puis la remontait.

Elsa, j'ai besoin de toi.

Enfin. Enfin, se terminait cette journée épuisante. Après avoir fait un rapide tout sur le toit pour cramer un cigarette et rencontrer Aidan, je redescendais chaque étage, un par un jusqu'à ma chambre. Je l'ouvrai et y entrai. Dante n'était pas là. Certainement entrain d'étudier, ou avec Kim. Je regardai ma montre : il était à peu près dix-huit heures quarante-cinq. Bon, une douche ne me ferait certainement pas de mal. Je pris ma serviette, un gel douche et mon pyjama, et filai vers les douches.

Pour une fois, il n'y avait personne. J'allumai donc une des nombreuses douches et fit couler l'eau chaude sur mon corps. Après m'être savonnée et rincée, j'enfilai mon vieux short et mon très grand tee-shirt à l'effigie des Sex Pistols. Je passai devant les lavabos et en profitant pour voir mon reflet dans la glace. Je n'allai vraiment pas mieux. Mes énormes cernes bleus soulignaient toujours mes yeux. Mes joues étaient creusées et ma peau d'une pâleur effroyable.

Je soupirai. Mes mains tremblaient légèrement. Encore une fois. Je repris mes affaires rapidement et m'engouffrai dans les couloirs afin d'arriver à ma chambre le plus rapidement possible. Lorsque ce fut fait, j'ouvrai la porte, la refermai et me jetai sur mon lit. Dante était toujours absent. Je m'allongeai correctement sur mon lit, les mains derrière la nuque et observai le plafond.

Je me fis la remarque que je n'avais pas vu Elena depuis un bout de temps. Je savais qu'elle sortait avec Apollo et qu'elle était très heureuse. Et ça me suffisait. Qu'elle soit heureuse me rassurait un peu. Il faudrait qu'on se fasse un cinéma, un de ces jours. Mais seulement lorsque j'aurais repris un peu de poids. Quand je serais guérie. Je regarde le plafond sans jamais pouvoir m'endormir.

Vingt heures. Vingt-deux heures. Minuit. Une heure du matin. Deux heures du matin. Trois heures du matin. Je ne dors toujours pas les yeux fixés sur le plafond. Dante n'est pas rentré. Je me demande bien ce qu'il peut foutre. Lorsque soudain, trois petits coups secs tapent à la porte. Je me lève, me demandant bien qui ça peut-être. Ou alors Dante n'a pas ses clefs. J'ouvre la porte et tombe sur... Elena ? Ca doit vraiment être important si elle vient à cette heure. Je lui demande :

« Qu'est ce qu'il se passe ? Ca ne va pas ? »