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 Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo]

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MessageSujet: Re: Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo]   Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo] EmptySam 27 Déc 2014 - 11:22

On y était. Le soleil allait bientôt se coucher tout autant que l'assurance de Kenneth, ayant heurtée de plein fouet ce mur émotionnel que s'était révélé être le jeune garçon qu'il venait, disons-le, de sauver d'un sort terrible – ou du moins peu enviable, comme celui de se retrouver bien malgré soit accroché à un panier de basket ; ou bien la tête encastrée dans un grillage, ou pire, dans un mur de briques. Il venait sans aucun doute de l'épargner un terrible châtiment, et pourtant le garçon ne paraissait pas plus reconnaissant que cela – il ne s'en formalisa pas. Cela ne savait à rien et il savait qu'en se mettant en colère il risquerait de renverser la situation et mettre une plus grande distance encore entre eux deux … déjà qu'il y avait de l'eau dans le gaz.

Le soleil allait bientôt se coucher, déjà, et laisser place à la nuit tout comme un monde dangereux et instable allait laissait place à un monde plus dangereux encore – celui où, à la faveur de la nuit et sous couvert de l'obscurité, l'humanité se montrait sous son pire jour ; pareil à une meute de loups qui le jour craignent les hommes, et la nuit s'immiscent jusque dans leurs lits pour les dévorer jusqu'au dernier. En l’occurrence, dans le temps présent, la nuit n'annoncerait rien de très bon non plus – c'était le temps où les bandits, les vrais, sortaient de leur tanière, attirés par la nuit promesse d'anonymat et d'argent facile, tout autant que de proies faciles à convaincre et à manipuler. Et n'importe qui pouvait se laisser prendre à leur jeu.

Lui-même s'était laissé leurré par la promesse d'une vie meilleure et aventureuse, et il avait failli en payer de sa vie et de son intégrité physique comme morale. Il fut un temps une petite frappe au service d'un gang obscur de Miami, que Kenneth espérait aujourd'hui disparu, car les caïds de l'époque avaient estimé qu'il avait encore des comptes à leur rendre ; un dernier coup à faire. Mais il avait refusé, et ils l'avaient laissé partir – car ils avaient conscience qu'il pouvait tout à fait les dénoncer eux et leurs activités et ainsi mettre fin à tout ce qu'ils avaient crée ; même si cela aurait signé l'arrêt de mort de Kenneth. Mais à cette époque, Kenneth se souciait bien peu de mourir … il était au plus mal, avait l'impression que sa vie n'avait aucun sens, et pour lui en donner un il se comportait comme un voyou, brutalisant et terrorisant les gens non pas par conscience personnelle ni parce qu'il se sentait obligé, mais parce que c'était les ordres – et le pire, c'est qu'il y prenait du plaisir. Pendant un temps, Kenneth avait aimé faire souffrir les gens, car cela l'aidait à évacuer ses propres souffrances en faisant vivre à d'autres l'équivalent de ce qu'il avait lui-même vécu.

Cela avait quelque chose d'effrayant – mais il avait changé, s'était considérablement assagi et essayait à présent de racheter ses fautes ; en espérant qu'il puisse un jour se faire pardonner auprès du monde entier.

Mais ce garçon, là … lui, il ne jouait pas le jeu. Il n'essayait pas montrer de la reconnaissance, ni même de la simple gratitude. Par pudeur, par gêne ? Kenneth n'en savait rien, et il s'en moquait. Mais la vue de ce garçon légèrement hostile à toutes ses sollicitations l'attristait quelque peu – en fait, il commençait à avoir de la pitié pour lui. Même si c'était ce qu'il ne fallait surtout pas éprouver – de la pitié. Les gens comme ce garçon n'avaient pas besoin d'être plaints – mais ils avaient besoin qu'on soit sensible à leur détresse, leur douleur, qu'on cherche à rendre leur monde meilleur sans pour autant chercher à portraitiser celui-ci comme un monde devenu parfait où, plus jamais ils ne connaîtraient le doute de leur existence et la peur d'être encore une fois malmenés – non ; c'était un trop gros mensonge que de faire croire cela, un trop cruel mensonge.

Néanmoins, Kenneth commençait à éprouver de la pitié pour ce garçon – ce qui ne le rassurait pas, car il serait rendu incapable de l'observer sous d'autres filtres que celui de l'apitoiement sur son sort ; ce qui n'était jamais bon, car il ne pourrait jamais alors voir en lui autre chose qu'une petite bête traquée tombée par hasard dans ses filets où il pensait trouver le salut. Mais Kenneth n'avait vraiment rien d'un sauveur – pas pour l'instant ; il ne serait un sauveur que s'il aidait les gens à faire le deuil de leur faiblesse et à se montrer sous un jour nouveau, celui de la proie transformée en prédateur. Car le monde, hélas, était fait ainsi – les forts contre les faibles, et Kenneth, malgré tous les espoirs qu'il plaçait encore en le salut de l'espèce humaine, pensait qu'une certaine partie de l'humanité était destinée à se faire dominer par les plus forts.

Les plus forts, c'étaient les états, les institutions, les religions, les formes de pouvoir, toutes plus ou moins hostiles finalement, et toutes plus ou moins avouant leur fort pouvoir sur la population avec fierté ou démesure.

Les plus faibles, c'étaient ceux, qui, comme Kenneth des années auparavant, s'étaient laissés faire.

Aujourd'hui, il regrettait de s'être laissé faire, et n'espérait maintenant plus que plus personne ne revive les situations qu'il avait vécues – les humiliations, les blessures, le sentiment de perte de contrôle, puis le revirement de situation pour devenir soi-même un bourreau. Car c'était un fait ; ceux qui avaient le plus soufferts dans le monde étaient ceux capables de faire souffrir le plus – comme les situations des médecins, policiers, aux gens dignes de confiance qui peuvent se révéler autrement, sous les traits d'un tueur ou en série ou d'un criminel sans que, jamais, on ne puisse les suspecter de manquer ainsi à leurs obligations, et de renverser littéralement leur monde – passant du bon côté de la justice au mauvais, devenant l'instigateur de ce qu'ils tentaient d'arrêter – la violence, la mort, les abus, la mort, de nouveau la violence et encore la mort ; car la mort était l'aboutissement de tout. La violence menait à petit feu à la mort, l'abus menait à la mort, souvent soudaine et tragique, des abusés, le viol, le vol, le meurtre … menaient toujours à la mort de quelqu'un – que ce soit celle du coupable s'éteignant paisiblement au bout du couloir de la mort, de celui-ci se tailladant les veines, ou des victimes trop honteuses se donnant la mort pour ne plus pouvoir souffrir. Car la mort résolvait tout – mais ce n'était pas la meilleure des solutions. La meilleur des solutions, pour certaines personnes, c'était d'oublier leurs souffrances et d'en infliger un maximum aux autres – comme ceux qui, brutalisés dans leur enfance, deviennent des psychopathes incapables d'aimer ou d'avoir des remords.

Mais, et heureusement, il y avait des exceptions … Kenneth avait préservé sa santé mentale, si l'on exceptait sa passion cachée et un peu honteuse pour les poupées (cachée, par qu'on lui avait souvent dit, à tort, que c'était le signe d'une pédophilie latente, et honteuse, parce qu'il se devait de rester un homme en société, en toutes circonstances) – et le jeune garçon, là, celui qu'il venait de préserver d'une sérieuse et douloureuse mise à tabac, ne devenait pas non sociopathe ; peut-être avait-il juste quelques signes de paranoïa, mais rien que de longues paroles et d'écoute ne pourraient guérir. D'ailleurs, comment s'appelait-il, ce petit animal vulnérable et nerveux, assis sans rien dire sur le muret, car il n'avait pas eu le courage ou l'envie d'annoncer, avec une forte et vive voix, qu'il souhaitait rester debout ? Kenneth lui avait donné son nom – signe qu'il lui faisait confiance, ou qu'il voulait que celui qu'il avait sauvé connaisse le nom de son sauveur.

Le garçon hésita un instant, avant de décliner son identité :

- Arthur... Arthur Abramovitch.

Abramovitch … Arthur Abramovitch. Il aimait ce nom. Abramovitch – sa sonnait bien, un peu étranger, un peu … il ne dirait pas exotique, car ce nom sonnait comme tout sauf exotisme. C'était un nom d’Europe de l'est, sans aucun doute – comme Zlatan Ibrahimović (qui était serbe en réalité, ou en tout cas il y était né), ou … Niko Bellic. Peut-être avait-il des origines de là-bas … ou bien non. De toute façon, ce n'était pas le plus important. Et puis Kenneth n'avait jamais vraiment tenu compte des stéréotypes qu'il jugeait stupides et réducteurs : les « arabes sont des voleurs », les « juifs sont avares », les « noirs sont fainéants », les « chinois mangent des chiens », les « grecs sont pédés », les « serbes sont tous des assassins » … Kenneth n'y croyait pas. Il avait au contraire appris à tout relativiser, en se disant que tous les voleurs n'étaient pas arabes, que tous les juifs n'aimaient pas l'argent, que tous les noirs n'étaient pas chômeurs, que tous les chinois n'étaient pas cantonais, que tous les homosexuels n'étaient pas grecs, et que la Serbie était un beau pays. Enfin, sans aucun doute – Kenneth n'y était jamais allé. Du monde, il ne connaissait que la Floride où il était né, Cuba où il avait passé des vacances en 2003, la Géorgie, la Caroline du Sud, la Caroline du Nord, la Virginie, l'état de New-York, le Royaume-Uni où il avait vécu et la France où il passait ses vacances malgré le fait qu'il ne gardait pas un très bon souvenir de ce pays où personne ne parlait correctement anglais, n'était aimable envers les étrangers. Surtout que Paris, à côté de Londres, c'était un salon de thé pour retraités …

Mais Kenneth aimait les étrangers en général, ou plutôt il n'avait rien contre eux. Certes il se méfiait, au début, comme tout le monde, de leur présence, mais il s'y faisait et en venait même à les considérer comme des personnes bien de chez lui … mais cela n'avait aucune importance, car Arthur Abramovitch n'était pas un étranger. Et même s'il en était un ou en avait été un, cela n'avait aucune importance pour Kenneth.

Kenneth s'apprêta à dire quelque chose lors qu’Arthur le prit de court en lui disant :

- Et merci pour ce que vous venez de faire. Mais ça ne sert à rien.

Le jeune Xander haussa un sourcil, décontenancé par le fatalisme dont venait de faire preuve le jeune Arthur. Certes, il n'avait pas tort … mais s'il n'essayait pas de relativiser et de se dire qu'il avait eu (finalement) de la chance ; ce qui n'arrangerait en rien sa situation. Et il ne s'agissait sans aucun doute pas de pessimisme – c'était de la résignation. Arthur Abramovitch devait en avoir connu nombre, de ces situations, pourchassé, frappé sous les rires sonores et stupides d'abrutis ne connaissant pas le sens du mot discussion …

Cela avait quelque chose de vraiment triste, songea Kenneth avec malheur. Triste que le jeune garçon soit lucide de sa situation et n'essaye même pas de la changer. Peut-être le faisait-il. Ou essayait-il de le faire – mais dans tous les cas, cela ne fonctionnait pas, et cela se voyait sur ce visage pâle à la fois encore effrayé et froncé comme s'il allait mordre. Cela se voyait qu'il croyait sa situation inchangeable et incontrôlable, qu'il serait toujours embêté par quelqu'un, ou par quelque chose. Un regard désobligeant, un ricanement qui le mettrait mal à l'aise, quelqu'un qui le pointerait du doigt alors qu'il essaierait de rester invisible …

Kenneth répondit :

- Ca ne sert peut-être à rien pour dans l'avenir, mais pour aujourd'hui, tu n'as plus rien à craindre, Arthur Abramovitch.

L'adolescent lui jeta un regard glacial – un regard qui avait quelque chose de méchant, finalement. Comme quoi, il pouvait déjà avoir fait le premier pas … se donner un air méchant, peut-être pas assez pour qu'on le prenne au sérieux, malheureusement. Mais d'expérience, et parce que son psy n'avait pas arrêté de le lui dire, Kenneth savait qu'Arthur était tout à fait capable de se montrer réellement méchant – toujours se méfier de l'eau qui dort, même si l'eau en question semblait en sommeil depuis fort longtemps, presque redevenue glace. Arthur dit alors, avec un certain cynisme un peu déconcertant :

- Ils reviendront, et si ce n'est pas demain, ce sera après-demain. Ils reviennent toujours. Et si ce n'est pas eux ça sera d'autres personnes. Mais il y a toujours quelqu'un, et toute la protection du monde ne fera qu'empirer les choses.

Kenneth ne put s’empêcher d'éclater de rire, nerveusement – puis se mit à avoir des regrets. C'était stupide de rire de cela ; car, sans aucun doute, c'était vrai. C'était vrai, et c'était tragique, car la victime avait elle-même conscience de la vélocité de ses bourreaux, et de leur détermination. Oui … si eux ne recommenceraient pas, c'en serait d'autres … et les brutes, c'était comme les préservatifs : ils étaient à usage unique, mais on en avait toute une boîte …

Le jeune Xander se mit soudainement à fixer Arthur, très sérieusement. Puis il lui déclara, tout aussi sérieusement :

- Frappe-moi, tiens.

Comme Arthur ne semblait pas comprendre, Kenneth reprit en gonflant le torse :

- Tu te sentiras mieux après. Frappe comme tu voudrais frapper tous ceux qui te font du mal. Ne t'inquiète pas, je peux encaisser.

Néanmoins, il fallait toujours se méfier de l'eau qui dort ...
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MessageSujet: Re: Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo]   Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo] EmptyJeu 25 Déc 2014 - 19:35

C'est quoi être traqué ? Sans doute une notion peu commune pour ceux qui n'en ont jamais fait les frais, mais dans le cas du jeune Abramovitch, habitué de la maison depuis son arrivée qu lycée, il faut supposer que cela relèverait d'avantage de la torture la plus absolue. Et ce n'est pas un bien, pas du tout, de fuir sans relâche pour ne pas avoir à affronter les regards hostiles de ceux qui croient que leur confrérie peut les autoriser à faire subir les pires sévices à un gamin qui n'a jamais connu l'école. Arthur, il ne sait pas ce que c'est, d'avoir des amis et de connaitre une popularité qui l'autorise, de ce fait à vivre une vie de rires. C'est ce petit personnage qui colle si peu au tableau, le mouton noir, la tête de turc, le souffre-douleur. On leur prête beaucoup de noms et ils sont tous les mêmes, pourtant, des personnes évadées d'un carcan de solitude qui recherchent sans véritablement le savoir une reconnaissance dévolue. Mais dans le cas d'Arthur, ce n'est pas une mince affaire. L'étranger, son sauveur, le regarde et lui, petit bonhomme sans importance, insignifiant et maigrelet, se contente de baisser la tête, bouillant d'une colère qui s'estompe aussi vite qu'elle était venue, laissant place à un grand vide. Parce que c'est un concentré d'humeur, ce jeune homme, un concentré de choses et d'autres qui laissent souvent place à une méfiance instinctive, une peur de l'inconnu qui l'étreint encore, depuis que sa petite main d'enfant a serré celle de sa mère compulsivement lors de son premier jour à l'école maternelle. Arthur n'est pas quelqu'un qui ressent les choses comme les autres. Il observe. Il apprend. En fonction d'un frémissement de son sourcil ou de la tension visible sur sa machoire, on saura s'il est tendu, en colère, triste. Et là, dans quel état est-il ? Au vu de la situation, on peut supposer qu'il est désespéré. Parce que ce genre de situation est un peu trop commune et se faire sauver la mise, ça peut aller une fois. Ou deux. Mais dix, c'est... Tellement impossible. Et tellement insupportable aussi, de savoir qu'on est sans doute un peu trop en dehors des cases pour ne pas être capable de se défendre seul.

Arthur observe. Il regarde à présent la personne derrière qui il s'est planqué pour échapper au regard des deux Goliaths prêts à fondre sur lui pour le dévorer. Il est grand, bien plus grand que lui en tout cas, le port altier, la tête haute, une prestance manifeste qui se lit dans ses yeux un peu comme on observerait de l'eau au microscope. Il a les mains dans les poches, il est nonchalant et dans son regard on pourrait voir passer une foule de choses, un nombre incalculable de pensées et d'interrogations qu'Arthur ne regarde pas. Il est musclé mais fin, ce n'est ni une crevette ni une armoire à glace. C'est un jeune homme dont les yeux sombres sont cerclés de curiosité lorsqu'il observe le petit roi, et... Est-ce de la pitié, ce qui passe brièvement ? Arthur s'interroge un moment, piqué soudain par une curiosité qui le pousse à le regarder, un peu en biais. Il est bien habillé, il est beau, très beau même, le genre de beauté qui fait tomber les jeunes femmes un peu comme une fourmi devant l'insecticide. Destructeur et dangereux, peut-être un ancien bourreau mais en aucun cas, le jeune homme n'aurait pu voir son sauveur de l'autre côté de la barrière autrefois. Lui, il semble taillé pour être aimé et adulé, alors comment pourrait-il comprendre ? Lorsque l'étranger tend la main, il tressaille un peu et puis se reprend bien vite. Calme-toi, Arthur, cette prestation que tu offres est ridicule. On vient de te sortir d'un bien mauvais pas. Tu aimerais t'enfuir en courant pour ne pas avoir à subir toutes ces sempiternelles questions. Pourquoi ils te poursuivaient ? Tu les connais ? Qu'est-ce qu'ils te voulaient ? Est-ce que ça t'arrive souvent ? Tu ne sais pas te défendre ? Tu ne serais pas un peu lâche, des fois ? ça se bouscule dans son crâne et Arthur cherche, désespérément à y trouver un sens, à tout cela. Il n'y arrive pas. Et il n'arrive pas non plus à répondre à ces questions. Ces types le poursuivaient parce qu'il a touché un ballon de basket. Voilà, tout simplement. Un ballon qui appartient à on ne sait qui, mais qui paraissait être la propriété de ces loubards qui avaient besoin simplement d'une excuse pour jouer avec les nerfs déjà trop fragiles de l'avorton qui se tient, le dos un peu courbé vers le dénommé Kenneth comme pour dire que oui, peut-être qu'il y a de la reconnaissance dans son esprit, mais qu'il ne l'exprimera pas avant d'y être obligé. L'injustice pourrait l'insupporter. Cela fait chauffer son sang, même s'il sait cela impossible, mais en tout cas les situations comme celles-ci seraient suffisantes pour faire augmenter de manière sensibles les battements de son coeur, de soixante battements par minute à cent ou cent dix. Cela dépend de la situation et de son état de fatigue. Son état mental aussi, sans nul doute.

Il obéit cependant et s'assoit sagement parce que oui, il n'y a aucune raison d'avoir peur, mais ce n'est pas la peur qui est la préocupation principale du jeune Abramovitch pour le moment. Seulement chercher une excuse, un moyen pour s'enfuir le plus vite possible, s'enfermer dans sa tour de glaise pour ne plus en sortir. "Je dois m'en aller" non, trop suspect. "Je dois aller faire mes devoirs" déjà faits, en avance depuis la veille. Mais sait-on jamais. Sauf que c'est un Khi. Et les Khi ne sont jamais en retard dans leurs devoirs, c'est un fait. "Ma mère m'attend" absolument parfait pour avoir une côte d'enfer. Trouve autre chose, Arthur, trouve autre chose ou tu vas passer pour le pire des imbéciles, tu le sais ? Non pas que le jeune homme ait quelque réputation à tenir, non, il n'en a aucune. Mais... Mais c'est une question de principe. Ce serait trop compliqué de laisser l'orage passer sous le regard attentif du surveillant qui le couve, presque, alors qu'Arthur parait se rebiffer.

"Arthur... Arthur Abramovitch. Et merci pour ce que vous venez de faire. Mais ça ne sert à rien."

Oui, il faut voir les choses en face. Le regard glacial de l'adolescent se pose à présent dans celui de l'inconnu, celui qui semble vouloir jouer aux chevaliers servants, mais quelle utilité aura-t-il là dedans ? Se cacher derrière l'autorité n'est pas non plus le meilleur moyen de se faire des amis, dans cette école et cela, Arthur le sait parfaitement. Il sait aussi que sans ce jeune homme, il aurait la tête dans les toilettes ou il serait suspendu à un hallogène dans une salle de classe. Quelque part, un peu de reconnaissance s'impose. Mais c'est une tâche un peu compliqué pour une personne qui a autre chose à offrir, et qui ne peut donner que cela pour le moment. C'est tellement injuste. Les forts mangent les faibles. L'ennui, et cela Kenneth ne tardera pas à le découvrir, c'est qu'Arthur n'est ni l'un, ni l'autre. Il est suspendu entre les deux et c'est cette indécision qui fait de lui la victime idéale pour des gosses qui n'ont rien d'autre à faire que martyriser le vilain petit canard qui se dandine sur leur territoire. Le terrain de sport. C'était une idée fâcheuse. Et irrationnelle. Quelque chose qu'Arthur ne comprend pas à présent. Mais pourquoi avait-il choisi de se jeter ainsi dans la gueule de l'ennemi, tout cuit et prêt à être avalé ? Un instinct suicidaire ? Ou quelque chose de plus profond, de plus enfoui, dans une psyché que le gamin ne contrôle pas ? Voilà où il en est à présent. Froid et distant, assis sur le muret, à observer ce jeune homme qui a voulu bien faire mais qui se heurte à présent à un mur de titane.

"Ils reviendront, et si ce n'est pas demain, ce sera après-demain. Ils reviennent toujours. Et si ce n'est pas eux ça sera d'autres personnes. Mais il y a toujours quelqu'un, et toute la protection du monde ne fera qu'empirer les choses."

Oui, c'est lui qui a dit "aidez-moi s'il vous plait" mais Arthur est intimement persuadé que c'est l'adrénaline qui a parlé avant la raison, parce que la peur, elle donne des ailes, elle fait courir plus vite, elle invective son ami, l'instinct de conservation. Qui l'a fait supplier. Demander de l'aide. Il aurait peut-être eu le temps d'atteindre le dortoir et s'enfermer. Ou non. Il sait que la réponse est non, au final.
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MessageSujet: Re: Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo]   Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo] EmptyMer 24 Déc 2014 - 15:49

C'était une journée riche en rebondissements, décidément, et visiblement ce n'était pas encore fini.

Kenneth ne put s'empêcher de soupirer. Ce qu'il venait de faire, là, d'accomplir avec la noblesse et la justice qu'il s'était imposé presque comme une évidence un peu honteuse qu'il aurait soudainement eu envie de révéler au grand jour, c'était sans doute aucun ce qui allait l'attendre pour les jours et les semaines à venir. Voire les mois à venir, s'il arrivait à se prendre au jeu de l'autorité protectrice à la fois toute puissante et proche de qu'elle essayait de protéger ; il était un surveillant. Un peu le maître du règne animal qu'était le système éducatif de son pays, en moins glorieux – pas de serviteurs, pas de meute pour le protéger. Mais au moins n'avait-il pas besoin de chasser sa propre nourriture comme le faisaient les grands prédateurs de la savane ou de la forêt, blessés dans la majesté enorgueillit toute relative de leur rang dans l'exercice trivial mais délicat de trouver soi-même de quoi manger afin d'assouvir à ses besoin – tout roi des animaux qu'il était, un lion n'en demeurait pas loin un animal comme les autres luttant comme les autres pour sa survie.

C'était un peu comme cela que Kenneth se sentait, et s'imaginait – une sorte d'entité protectrice et omniprésente, certes amoindrie par le fait qu'il n'avait rien de royal ni même de tout-puissant. Il n'était qu'un pion sur l'échiquier qu'était ce lycée ; et il en était pleinement satisfait, mais se surprenait à rêver secrètement de se démarquer des autres en s'extirpant avec habileté de la foule écrasante de la majorité banale et sans surprise et constituait les autres gens de sa hiérarchie et de son rang – les autres surveillants, le petit personnel qu'on regarde sans vraiment les voir en passant devant eux, sans jamais se mettre à imaginer comment le monde serait sans eux et leurs services plus ou moins grands qu'ils rendaient à l'entière communauté. Comme chaque membre d'une colonie de fourmis, Kenneth se disait que chacun avait un rôle, et ce dans n'importe quel société, macro comme microscopique, y compris celle de cet école.

Mais … il concevait aussi que certains devaient dominer, et d'autres se faire dominer … c'était inacceptable, mais c'était ainsi qu'était faite la vie, et personne ne pouvait l'ignorer. On ne pouvait l'ignorer … ; mais on pouvait décider de le combattre.

Combattre l'inacceptable.

Kenneth, lui, avait accepté inacceptable à présent, après avoir passé de nombreuses et douloureuses années à le combattre. Tant de temps passé à souffrir des injustices d'un monde qui l'ignorait, et à sans cesse vivre la peur au ventre de croiser l'enfer personnifié à un coin de rue. Et le monde entier … l'avait regardé souffrir sans rien faire, ni même simplement esquisser un geste pour lui venir en aide – c'était injuste, mais l'humanité était alors injuste ; à peu près autant qu'elle l'était encore aujourd'hui, et détester l'injustice reviendrait à détester l'humanité. Mais Kenneth ne détestait pas l'humanité. Il ne faisait que s'en attrister et que s'apitoyer sur le sort réservé à quelques-uns, ceux qui étaient comme lui l'avait été, des moutons noirs attitrés, des souffre-douleur réduits au simple rôle de punching-ball ou de ballon dans lequel on frappe sans culpabilité, ni sans se demander si on lui fait mal ou non – de simples choses. C'était pour cela qu'il croyait en l'humanité fondamentalement mauvaise, et qui devait à tout prix se racheter.

Lui ? Lui, il s'était racheté. Du moins, c'était ce qu'il pensait. Il avait rempli sa part du contrat, tué la moitié sombre de lui-même et devenu quelqu'un d'autre, de plus juste et de plus ouvert envers les autres. Enfin, il essayait. C'était ce qu'il désirait le plus au monde – le bonheur des siens et de ceux qu'il aimait, bien avant son propre bonheur. Il avait bien appris les leçons qui lui avaient donné la vie, et à présent Kenneth tâchait de les mettre en pratique. En premier lieu, il fallait qu'il soit irréprochable dans son travail ; protéger les plus faibles en empêchant qu'ils ne deviennent un jour comme ceux qu'ils tentaient de fuir.

Le jeune Xander avait vécu à leur place ; vécu cette situation de l'intérieur, vécu leur malaise et leur dégoût sordide de la vie – et il avait surmonté. A présent, il était de l'autre côté de la rive, et pouvait voir avec un œil nouveau tout ce qui se passait de semblable à ce qu'il avait vécu. Maintenant, il pouvait protéger les comme lui. Que ce soit sa petite sœur, ou des inconnus.

Comme celui-là, qui, pareil à un petit enfant cerné par une horde de chiens sauvages qui lui fait peur, a accourut vers lui en espérant trouver du secours. Et il l'avait, sans aucun doute, trouvé. Les truands avaient fuit, troublés par l'impétueuse façon de Kenneth à les regarder et à les considérer comme ils étaient vraiment : de bêtes pauvres gosses stupides et abrutis à la weed. Il l'avait deviné rien qu'à la façon où ils l'avaient regardé en essayant de l'intimider – tout se lisait dans leur regard ; là, c'était le regard noir et creux de ceux qui estimaient n'avoir rien à perdre, et qui voulaient emporter le plus de monde possible vers leur chute inexorable et inéluctable dans la pente guidant jusqu'aux bas-fonds de l'humanité – là où se trouvaient tous les gens comme eux, tous les gens qui, contrairement à Kenneth, n'avaient jamais renoncé à leur part de noirceur et d'ignominie, ou qui se complaisaient à faire le mal gratuitement sans guère meilleure profit que celui de jouir des larmes et du sang versés par ceux à qui ils faisaient du mal sans qu'ils ne puissent se défendre. Kenneth se sentit soudain très triste – penser à ce que l'humanité avait de pire n'avait rien de très réjouissant.

Mais il était là, et il allait pouvoir régler la situation.

Kenneth regarda le garçon de haut en bas – c'était la première fois qu'il pouvait avoir l'occasion de vraiment voir à quoi il ressemblait. Une minute ou deux avant, il aurait été bien incapable de dire à quoi il ressemblait, ni même si c'était un garçon ou bien une fille, tellement il avait foncé sur lui sans crier gare en lui démettant une épaule au passage. Mais bon, ce n'était qu'un très petit prix à payer par rapport à la satisfaction qu'il pouvait tirer d'avoir empêché un inconnu de se faire refaire le portrait par un duo de racailles dopé aux stéroïdes ou à autre chose. Il contempla l'allure du jeune homme. C'était la victime typique, réalisa-t-il avec une certaine tristesse.

Une tête d'intellectuel un peu maniaque et sûrement légèrement dépressif, sur le corps mince de celui qui ne fait pas beaucoup de sport, ou que la nature n'a pas épargné. Le pauvre, se disait Kenneth, pas très étonnant que les brutes voyaient en lui une cible idéale. Rien en lui ne laissait voir qu'il était capable de se défendre, et encore moins de se montrer agressif. C'était sûrement le cas d'ailleurs, Kenneth en était conscient et il en avait mal pour lui. Il comprenait ce qu'il pouvait bien ressentir. Il avait été comme lui. Tout petit et tout fin dans un monde bien trop grand pour le comprendre et pour ne serait-ce qu'essayer de tolérer sa seule existence.

Le pauvre garçon paraissait visiblement effrayé. Il avait de quoi, hélas. Se faire poursuivre comme un animal traqué par deux grandes brutes trois fois plus hautes et larges que lui avait de quoi le mettre dans tous ses états … en tout cas, il ne paraissait pas d'humeur à discuter, même pas lorsque Kenneth se pencha doucement vers lui pour lui demander gentiment s'il savait ce que les deux garçons voulaient. Sa réponse ne fut pas telle qu'il l'avait attendue :

- Ils voulaient... Me taper, je crois.

Kenneth haussa les sourcils. Pendant un instant, il se demanda si le garçon était stupide, où il s'il était encore trop choqué pour pouvoir dire autre chose que des évidences … peut-être était-ce de sa faute à lui ? Peut-être n'avait-il pas poussé la bonne question ? Maintenant qu'il y pensait, Kenneth songeait à revenir quelques secondes en arrière pour changer ce qu'il venait de dire, altérer les mots, les sons, les images qu'il venait de prononcer, et transformer sa phrase stupide en une autre qui voulait vraiment dire quelque chose. Mais ce fut l'autre, étrangement, qui fit le premier pas.

Le premier pas pour s'enfuir. Visiblement, il n'avait pas envie d'être ici – même après avoir échappé de peu à son triste sort, avec cet homme qui ne le connaissait mais qui l'avait protégé – car c'était son travail ; mais c'était aussi bien plus que cela. Au-delà de son travail, il s'agissait de ses convictions. Et c'était une chose très agréable pour lui que de voir qu'il avait réussi à faire en sorte que son travail et que ses convictions convergent en même but. Celui de faire le bonheur des autres, et de faire la chasse aux injustices.

Finalement, Kenneth avait tout d'un super-héros, les supers pouvoirs et le costume moulant en moins, mais il avait la même conception de la justice et surtout la même envie de rendre cette justice.
Le garçon afficha un air confus et désolé, tout en essayant de se dérober – Kenneth devait lui faire peur malgré tout, même s'il venait de le sauver et qu'il n'avait nullement l'air menaçant. Mais apeuré par la goutte d'eau qui tombe sur son visage, le chat se méfie pour toute la vie de la rivière …

- Je... Désolé de... en fait... Je crois qu'il vaut mieux... Enfin je veux dire... Je crois que je devrais m'en aller.

Soudain, le regard du jeune homme se durcit, comme s'il était entré dans une colère en l'espace d'une seconde, et Kenneth recula un peu – il ne fallait pas sous-estimer les garçons dans ce genre, les sortes d'éponges à problèmes qui absorbent toute la haine qu'on leur déverse pour un jour la faire ressortir par tous ses pores à n'importe quelle occasion. Le surveillant se contenta de sourire et de répondre calmement :

- Tu n'as plus à avoir peur tu sais ? Ils sont partis maintenant, alors calme-toi et assieds-toi.

Il essayait à tout prix de calmer le jeune homme, même si sa colère soudaine était compréhensible ; il devait maintenant avoir peur que lui aussi le brutalise ou tente de lui faire du mal – même s'il l'avait défendu, ce ne pouvait très bien n'être qu'une ruse afin de s'assurer qu'il puisse être seul avec sa proie … car si le surveillant avait su correctement parler aux deux racailles, c'est bien qu'il devait être une aussi, ou bien qu'il en avait été une … ce qui n'était pas totalement faux. Mais c'était une période de sa vie que Kenneth souhaitait oublier, car il avait fait du mal aux gens … et il s'en voulait encore, car il estimait que ni le temps ni les excuses pouvaient refermer les plaies qu'il avait causées ; ce type qu'il avait mordu dans le bus gardera la cicatrice à vie, celui auquel il avait tordu le bras ne retrouverait jamais complètement l'usage de celui-ci …

Il avait fait du mal aux gens, mais maintenant, il faisait tout pour se racheter.

Y compris auprès de cet inconnu pareil à un petit oisillon tombé du nid trop tôt sans pouvoir encore y retourner du fait de ses ailes trop petites, ou n'arrivant pas à s'extirper du petit duvet de plumes blanchâtres ornant sa peau encore toute lisse. Même si le jeune garçon n'avait rien d'un petit oiseau, bien entendu … à part l'air un peu ahuri qu'il avait, et pour lequel Kenneth se sentit animé d'un inexplicable sentiment de sympathie, ou au moins d'empathie. Avec un grand sourire, il lui tendit sa main, et déclara d'une voix qu'il voulait rassurante et confiante :

- Je m'appelle Kenneth. Je suis le nouveau surveillant. Mais appelle-moi Kenny ou Ken, comme tout le monde. Et toi tu es … ?
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MessageSujet: Re: Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo]   Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo] EmptyMer 24 Déc 2014 - 13:28

Observation.

Deux malabars, dont les neurones se sont changés en muscles, lui courent après parce que le jeune homme leur a fait l'affront suprême d'avoir mis un pied sur leur territoire ; le terrain de sport. Que faisait donc Arthur dans un endroit pareil ? Mais où avait-il la tête, lorsqu'il s'est dit que cela pourrait être une idée alléchante ? Un ballon plein de microbes, il en était sûr. Ils l'observent, la petite créature fragile cachée derrière quelqu'un pour se protéger parce qu'Arthur est courageux, oui sans doute, mais pas téméraire. Et cela fait toute la différence, parce que quand il sait que la partie est perdue, hé bien elle l'est, tout simplement, il ne faut pas chercher à aller plus loin dans les élucubrations sentimentales. C'est tout. Parfaire une image de jeune homme bien sous tous ses attraits, c'est mission impossible. Et surtout si on veut le dépeindre comme un gamin plein de beauté et de courage. Ce n'est pas exactement ce qui qualifie notre crevette, surtout maintenant, quand il jette, à la dérobée, un regard vers ses bourreaux qui n'attendent qu'une chose ; qu'il sorte de son trou pour lui faire la peau. Le départ de Seyton avait laissé derrière lui un profond soulagement chez Arthur, mais visiblement c'est un peu comme les nuisibles. Si on en tue un, il y en a dix qui rappliquent.

L'espoir, c'est un peu ce qui régit le monde non ? En tout cas en matière d'espoir notre jeune homme sait qu'il n'en a aucun, tout de suite. Parce qu'il y a ces types, venimeux, toxiques, porteurs de maladies un peu différentes de celles qu'il a l'habitude de craindre. Ici il s'agit d'avantage d'une peur terrible qui lui scie le ventre, ça c'est une maladie. Et les coups de poing aussi. Il s'imagine déjà en train de soigner son visage tout boursouflé par les coups. Arthur se dit qu'il y a ces deux types. Et l'autre, le grand qui jette un regard en arrière, visiblement étonné par la petite musaraigne qui se cache derrière lui en le suppliant. Oui parce que le grand type, il ne l'aidera pas. Qui le pourrait, qui aurait envie de le faire de toute façon ? Où est l'importance dans tout cela, quand on sait qu'on est un peu trop faible pour survivre ? Arthur, il n'a jamais été au fait des choses d'adolescent. Il est sorti un peu trop vite de chez lui peut-être, sans préparation. On ne lui a pas dit que c'était une jungle hostile, peuplée de gens qui potentiellement, pourraient lui vouloir du mal parce qu'il a touché un ballon de basket. On a pas dit à Arthur que travailler à l'école pouvait être un signe de faiblesse. On ne lui a pas dit non plus que choisir sa confrérie était primordial pour sa survie. Non, on ne lui a rien dit de tout cela, à Arthur, quand il a franchi le portail de l'école pour la première fois. Vivre dans la peur et le danger, c'est un fait un peu trop inconnu pour le gamin qui prie, à présent avec ferveur pour qu'on le sorte de ce mauvais pas. Histoire qu'il puisse filer dans sa chambre faire ses devoirs comme tous les soirs, en barricadant la porte, qu'il puisse avaler une tablette entière de chocolat pour les endorphines qu'elle va lui procurer. Voilà, la soirée parfaite. Les devoirs, du chocolat, un comics, et peut-être un MMORPG, on ne sait jamais, il paraît que cela détend. Mais pour le moment ces faits-là ne sont pas du tout d'actualité. Pour le moment Arthur a peur, il tremblotte comme un chaton derrière le grand type dont il ne connait pas l'identité. Un élève, un pion ? La réponse ne va pas tarder à venir.

Il parle, le jeune homme, il envoie promener ses bourreaux d'une voix sèche et agressive. Arthur ne peut pas le voir mais il a les sourcils froncés et la mine grave, et si le petit jeune homme se dit qu'un jour, il faudra vraiment qu'il apprenne à se défendre de lui même, il n'éprouve cependant aucune honte à l'idée qu'il est comme un enfant protégé par un grand dans une cour d'école. C'est la loi de la jungle, manger ou être mangé. Arthur fait partie des proies faciles, mais trouver la parade naturelle est un fait animal, au commencement de tout ; trouver plus fort que soi et s'en servir comme protection, un bouclier contre ces fauves à l'affut qui cherchent à le dévorer. Alors Abramovitch ferme les yeux, pantelant et écoute parce qu'il se serait bien enfui en courant, mais il faut d'abord que ces types s'en aillent, loin de son champ de vision pour avoir le terrain libre et ne pas risquer de marcher sur des mines. La vie est ainsi faite, des choix douloureux et autres bassesses, et si le lionceau caché derrière le grand a conscience de sa faiblesse, pour le moment il n'en a cure ; le mot d'ordre, c'est sauver sa peau tout simplement. Et tant pis pour le reste. Alors il reste caché, planqué tandis que l'autre, cet inconnu rabroue sauvagement ses détenteurs. Il n'y a pas de réelle satisfaction dans les yeux d'Arthur lorsqu'il entend son protecteur du moment soutenir le discours du fort méprisant le faible, seulement un soulagement, réel et immédiat qui se propage dans son corps sous forme de vague de chaleur accompagnée de tremblements compulsifs. Après l'adrénaline, la fatigue, c'est le mécanisme corporel qui s'est mis en marche. L'instinct de survie a laissé place à la plus profonde fatigue, une faiblesse supplémentaire qui lui fait songer à cette tablette de chocolat, son odeur et son goût parfait, qui l'attend tranquillement dans sa chambre proprette, le confort d'une caverne éloignée du monde. Un bunker dans lequel Arthur peut s'enfermer sans trop craindre, il l'espère, la cruauté de l'extérieur qui menace de le dévorer à chaque fois qu'il met une basket dehors. Question de point de vue.

Le grand se retourne, il sourit. Oh, que ça sonne faux. Il t'agace, ce petit rat perdu au milieu d'une foule de chats faméliques, non ? Arthur tremble encore, il est un peu recroquevillé sur lui-même comme s'il cherchait à disparaitre. Parce que l'autre parle, et Arthur ne sait pas vraiment quoi répondre à cette question. En fait il aurait préféré ne pas demander de l'aide, mais instinct de conservation oblige, il n'a pas véritablement eu le choix, n'est-ce pas ? On ne choisit pas trop quand on cherche à se protéger à tout prix de la menace. Arthur ne regarde pas l'inconnu dans les yeux. Il ne dit pas merci non plus parce que ça ne sert à rien, de dire merci, c'est optionnel seulement pour quelqu'un comme lui. Il écoute, les esgourdes grandes ouvertes, en se disant qu'il va falloir partir, et vite, pour ne pas avoir à subir de nouveau cette humiliation. Il se jure qu'il va rester toute sa vie dans sa chambre à présent.

- Ca y est, ils sont partis. Qu'est-ce qu'ils te voulaient ceux-là ?
- Je....

Qu'est-ce qu'ils te voulaient, petite souris ? Qu'est-ce qu'ils te voulaient ? Te faire la peau, c'est pas plus compliqué, ils voulaient la taner pour en faire un porte couteaux, peut-être, comme les hommes de Cro Magnon, hm ? Et devenir de grands chasseurs qui ont tué la biche effarouchée. Bambi ose enfin lever les yeux et regarder l'inconnu, un tout petit peu. Il attrape ses manches, qu'il serre compulsivement, parce que le stress. Pas besoin d'aller plus loin. La fatigue et le stress, l'épuisement moral aussi, de se dire qu'il ne peut être en paix nulle part, n'est-ce pas ?

- Ils voulaient... Me taper, je crois.

Non, il en est sûr. Bien sûr qu'ils voulaient le taper. Le jeune homme pousse un soupir, baisse les yeux de nouveau parce que... Hé bien, que peut-il faire à présent ? Se prosterner ? Ou filer en courant ? Déjà il fait un pas en arrière, avec la ferme intention de se barrer. Le mot d'ordre : fuir. C'est toujours la même chose. Une rengaine chantonnée tous les jours, au bout du compte.

- Je... Désolé de... en fait... Je crois qu'il vaut mieux... Enfin je veux dire... Je crois que je devrais m'en aller.


Non parce que bon, si en plus il y a la pitié, cela risque d'être difficilement supportable. Cela a commencé avec une histoire de basket. Une triste histoire de basket. Le regard d'Abramovitch se durcit, parce qu'il est en colère, contre lui même et contre les autres. Il est en colère d'être incapable de se protéger, en colère de lire quelque chose comme... De la compassion ? Dans le regard du surveillant. C'est injuste. Tout ça pour une histoire de basket. C'est à pleurer, finalement.

- Merci de m'avoir aidé mais ça ira maintenant.
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MessageSujet: Re: Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo]   Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo] EmptyMer 24 Déc 2014 - 9:13

Une autre journée s'achevait. Une première journée de travail à Miami en tant que surveillant dans l'un des meilleurs lycées du pays ; et Kenneth estimait avoir fait du bon travail, si tant est que l'on puisse dire qu'il s'agissait d'un « bon » travail que de séparer deux partis opposés, régler les différents et résoudre les conflits qui, aux yeux des concernés, paraissaient au moins aussi grave que le conflit entre Israël et la Palestine, alors que ce n'était tout au plus que les deux Corées qui se bouffaient le nez tout en essayant de faire jouer leurs arguments. Et Kenneth était celui était chargé de faire le médiateur, une sorte d'ONU à moindre échelle .

Mais oui, il avait fait du bon travail … qui plus est, pouvoir aller en salle des professeurs sans avoir besoin d'une bonne excuse constituait pour lui une motivation supplémentaire, qui valait de l'or. Il avait parfois, dans sa jeunesse, rêvé à se retrouver un jour de l'autre côté … et il y était à présent, certes au plus bas échelon qui soit, mais il y était … Il représentait à présent l'autorité qu'il avait toujours admiré, en même temps qu'il l'avait toujours combattu. C'était un peu le monde à l'envers … mais il fallait bien croire que le monde était vraiment petit, pour pouvoir ainsi le retourner ; au moins, ce nouveau travail était à la hauteur de ses espérances. Il s'était attendu à un travail bien plus subtil que de bêtement rester assis dans un coin à observer ceux à qui il ressemblait des années plus tôt empêchant de temps à autre un garçon malingre et pâlichon de se faire arracher les yeux par une bande de racailles de 12th Grade …

Oui, ce travail avait quelque chose de passionnant.

Il commença à errer sans but dans la cour vide, pensant à ce qu'il pourrait raconter à Jane lorsqu'il rentrerait à la maison, une fois fini tout ce qu'il avait à faire. Car il se devait de tout lui dire ; de tout lui raconter. Après tout, c'était pour elle qu'il avait quitté l'Angleterre et trouvé ce travail – pour subvenir à ses besoins. Jane n'avait que quatorze ans, et elle n'était pas encore capable de vivre toute seule. Jusqu'à présent, elle s'était toujours confiée à son grand frère, sans jamais rien lui cacher – il devait lui rendre la pareille, lui montrer qu'il l'aimait au moins autant qu'elle l'aimait … il allait enfin pouvoir rattraper les quatre années où il ne l'avait pas vue grandir, les quatre années de son exil britannique, qui lui paraissait, à présent, une des choses les plus stupides qu'il n'ait jamais faites.

Mais il ne regrettait rien ; il n'avait jamais de regrets. Seul les faibles avait des regrets, et il n'était pas faible.

Kenneth se dirigeait vers le terrain de sport lorsque son téléphone, bien calé au fond de sa poche, se mit à vibrer ; c'était devenu une habitude ces derniers jours, et il aurait été surpris si l'appareil était demeuré silencieux pour encore le restant de la journée. Il décrocha sans même prendre la peine de regarder le nom ni le numéro de son interlocuteur – mais il était dix-sept heures. Cela ne pouvait être qu'une seule personne. La plus chère à son cœur, juste un peu plus importante que son âme sœur restée en Angleterre, et qui avait appris, le jour précédent, le retour aux Etats-Unis de son petit ami, en réagissant négativement en premier lieu – s'écriant qu'il aurait dû lui en parler, le sommant de revenir, prétextant qu'il lui manquait déjà …

Elle lui manquait à lui aussi, mais il essayait de ne pas y penser.

Sarah … qu'était-elle en train de faire, en ce moment, dans ce grand appartement du centre de Londres ? Kenneth se surprit à fermer les yeux pour l'imaginer sous toutes les coutures, projetant sur l'écran inconscient de son cerveau l'image parfaite qu'il avait gardé d'elle, et qu'il garderait pour toujours. Il l'avait dans la peau. C'était elle qui l'avait motivée, des années plus tôt, à quitter le soleil de Miami pour l'Angleterre où elle vivait, à changer pour de bon, à devenir un idéal, une perfection – son idéal à elle. Et cet idéal était en train de penser à elle, distant de plusieurs centaines de kilomètres, dans un lieu, qui, sans être familier, lui rappelait tant de souvenirs. De bons souvenirs comme de mauvais, de ceux qu'il aimerait à jamais oublier.

Dix-sept heures … il était donc bientôt minuit à Londres. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire à cette heure-ci … ah, oui. Elle devait sûrement déjà être au lit, vêtue de cette jolie nuisette couleur chair légèrement transparente qu'il lui avait offert deux ans plus tôt, ou bien dans son plus simple appareil ; Sarah dormait parfois nue, elle se disait plus à l'aise, et ajoutait non sans arrière-pensées que cela l'aidait à avoir certaines idées … les idées qu'ils partageaient tous les deux, aux mêmes instants à chaque fois – une extase partagée reflet d'une passion dévorante qu'ils savaient néanmoins tous les deux contrôler pour ne pas être consumés par les flammes dévorantes de leur passion. En d'autres mots, ils avaient du mal à se passer l'un de l'autre. Mais il le fallait. Il le fallait pour Jane. Kenneth était partagé entre les deux plus grands amours de sa vie, sa sœur et sa copine, et son cœur autant que sa raison n'arrivait pas à faire un choix. S'il fallait un faire un.

La voix de sa petite sœur déformée par l'appareil téléphonique le tira momentanément de ses pensées.

- Kenny ? Demanda-t-elle d'une voix légèrement angoissée, tu es où là ?

Kenneth sentit son cœur se serrer. Il avait compris que sa sœur n'allait pas très bien. Sa voix l'avait trahie, tout autant que le petit ton implorant qu'elle avait adoptée en lui demandant où il était. Le jeune homme se crispa légèrement et déclara :

- Je suis toujours au boulot petite sœur. Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as un problème ? Et toi tu es où ?

Il l'entendit hésiter un instant, et réprimer un sanglot. Ce qui ne le rassura pas. Il insista.

- Je suis à la maison, répondit finalement Jane, je suis rentrée en taxi parce que …
- Parce que quoi ? Ton collège n'est pas loin de la maison, tu le sais.

A l'autre bout du satellite, Jane regarda nerveusement autour d'elle tout en s'assurant que personne d'autre que son frère ne pouvait l'entendre. La grande maison était, heureusement, bien vide, et elle put avouer :

- Je ne voulais pas qu'il puisse me suivre.

- Qui ça ?
- Un … un garçon du collège. Je sais pas son nom.

Kenneth déglutit. Il s'attendait au pire ; mais pas à ça, et pas aujourd'hui, ni maintenant – pas alors qu'il n'était pas disponible pour l'aider. Il avait comprit ce qu'elle voulait dire – entre eux, il y avait une sorte de connexion, et ils n'avaient nullement besoin de tout verbaliser pour se comprendre. Le grand frère, tout en s'adossant à une des clôtures ceinturant le stade, reprit la conversation :

- Qu'est-ce qu'il t'a fait ? Il t'a dit quelque chose ? Il a voulu te … enfin, pourquoi pourrait-il t'avoir suivie ?

- Je … je sais pas. Tout à l'heure il a commencé à me draguer dans la cour. Du genre lourdingue. Mais ce n'était pas le seul à le faire, alors je n'y ai pas fait attention. Et puis en sortant du collège … il a essayé de me toucher. Il a posé sa main sur ma poitrine, et je l'ai traité de sale vicieux. Il a continué. Je lui ai dit d'aller se faire foutre et je lui ai donné un coup de pied dans le genou avant de partir en courant … je … j'avais peur qu'il me fasse du mal.
- Tu as très bien réagi Jenny. Bon … dans environ une heure j'ai terminé. D'ici là, tu m'attends et tu ne sors pas de la maison, d'accord ? Fais croire que tu n'es pas là, si tu peux. On se voit tout à l'heure.

Il raccrocha, un peu nerveux. Jenny s'était quasiment faite … enfin, elle aurait pu, si elle n'avait pas eu le courage d'esquiver la difficulté. Mais à présent, une sorte de malade allait sans aucun doute recommencer à la toucher sans qu'elle ne le veuille, sans doute à la caresser là où elle ne le souhaitait pas tout en ricanant et en prétextant que ce n'était qu'un jeu. Mais ce genre de choses n'était jamais qu'un jeu. C'était quelque chose de grave, qui pourrait très mal finir s'il n'intervenait pas. Il fallait qu'il agisse. Jane ne pouvait pas se défendre toute seule  - et elle en était consciente, puisqu'elle avait pensé à appelé son frère. Ce qui le rassura.

S'il l'avait appelée, c'était qu'elle le faisait confiance, et c'était tout ce qu'il demandait.

Kenneth poussa un soupir, tout en se faisant la promesse de retrouver ce petit pervers et de lui faire passer l'envie de tourmenter sa petite sœur. Vu comment il avait agi, c'était sûrement un garçon à problèmes, ayant sans doutes redoublé plusieurs fois – le genre de type qui se croit tout permis. Kenneth en connaissait plusieurs de ce genre-là. Il y en avait ici, à Wynwood, et il y en avait eu d'autres qui avaient fait partie de son passé. Il avait été leur victime, leur souffre-douleur favori, mais maintenant c'était à lui d'empêcher les autres de subir le même sort. Son travail l'engageait à cela ; mais plus que son travail, c'était sa personne toute entière qui le poussait à rendre la justice. C'était cela qui le motivait principalement.

Son smartphone vibra à nouveau. C'était un texto cette fois-ci, de Sarah. Sa bien aimée, qui lui disait qu'il lui manquait et qu'elle l'aimait. Le jeune Xander répondit en déplorant le fait qu'elle ne puisse pas venir le voir, et qu'elle aussi lui manquait. Mais c'était compréhensible. Un aller-retour pour Miami lui coûterait trop cher, juste pour revoir l'être aimé qui occupait ses pensées et ses songes ; même si quand on n'aime, on ne compte pas. Kenneth caressa doucement la photo de Sarah qui lui servait de fond d'écran, puis poussa un soupir.

Soudain, il entendit des éclats de voix.

Il sursauta – c'était une voix grave et rauque, agressive dans son ton comme dans ses propos, et qui le fit tressaillir ; cette voix lui rappelait de trop mauvais souvenirs. Mais au moins pouvait-il comprendre ce qui était en train de se passer. Un pauvre adolescent se faisait brutaliser par des racailles sans cervelle ; comme lui-même l'avait vécu. Il apprêtait à s'élancer vers le coin du stade d'où s'élevait les voix, mais il fut interrompu dans son élan par une énorme chose qui le percuta au niveau de l'épaule. Il poussa un gémissement, et sursauta quand il vit qu'il s'agissait d'un humain. D'un jeune garçon en l'occurrence, du genre intello chétif et transparent comme il l'avait été. Tout en massant son épaule douloureuse, il entendit le garçon le supplier de l'aider, et remarqua les deux brutes qui s'étaient avancées vers lui, l'air menaçant.

- Tire-toi mec, dit alors l'un d'eux, tu vois pas qu'on a un compte à régler avec lui ?

Kenneth resta de marbre. Cette petite caille ne lui faisait pas peur. En fait, il trouvait plutôt amusante la façon qu'avait ce garçon à se croire capable de lui donner un ordre. Kenneth ricana ; soit le garçon ne savait pas qu'il était un surveillant, soit il pensait le faire s'écraser devant lui et son visage patibulaire d'abruti sociopathe. Dans tous les cas, ce type était un imbécile. Kenneth lui déclara très calmement :

- Ce que je vois surtout, c'est un petit con qui essaie de faire son malin, et qui se croit plus fort que les autres en essayant de faire du mal quelqu'un qui ne lui a probablement rien fait. J'ai raison n'est-ce pas ?

Le garçon demeura un moment sans rien dire, regardant avec mépris le surveillant. Bon sang … il n'avait pas prévu tout cela. Ni qu'il y aurait un surveillant ici à cette heure-là, ni qu'il essaierait de le défier tout en regardant de haut avec un petit sourire insolent. Mince. La journée avait pourtant si bien commencée.

- Ben tiens, on se croit fort quand on est seuls avec sa proie hein, mais quand on rencontre quelqu'un qui n'a pas peur de vous c'est différent n'est-ce pas ? surenchérit alors Kenneth.

La brute n'osa rien dire, échangeant un regard surpris et décontenancé avec son camarade qui avait l'air au moins aussi bête et aussi méchant que lui, mais tout autant résigné face à cette fatalité. Il essaya de dire quelque chose, mais sa gêné mêlée à sa colère transforma sa voix en un bredouillement incompréhensible.

- Noms et prénoms ? demanda Kenneth en sortant un calepin et un crayon de la grande poche de son jean. Vous êtes en quelle classe ?

Les deux brutes répondirent sans conviction, la tête baissée. Il n'étaient pas du genre à se laisser faire d'habitude, mais même eux avaient senti qu'il ne valait mieux pas contrarier cet homme-là. Kenneth avait beau ne pas se montrer encore agressif, il avait l'air sûr de lui et déterminé à ne pas laisser ce crime impuni. Kenneth finit de noter leurs noms, puis leur somma de se casser. Il les regarda partir en souriant. Il en avait vu tellement d'autres des comme eux … et avec le temps et l'expérience, il avait appris à s'en protéger, et à comment leur parler pour qu'ils s'en aillent comme ils étaient venus la queue entre les jambes tel un petit chien prit sur le fait de manger dans la gamelle du chat …

Une fois sûr que la bande était partie, Kenneth se retourna vers l'autre garçon, le petit maigre à lunettes qui à défaut de paraître sympathique lui paraissait bien moins stupide et agressif que les deux autres. Avec un sourire qui se voulait rassurant, il lui dit alors :

- Ca y est, ils sont partis. Qu'est-ce qu'ils te voulaient ceux-là ?
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MessageSujet: Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo]   Le monde est un peu trop grand. [Mon filleul oo] EmptyMar 23 Déc 2014 - 23:51

Un léger mal de tête ? Un frémissement du bras, un tressaillement ? Un check up complet, comme tous les jours. Dans une chambre d'internat, à l'intérieur de la confrérie des Khi Omikron, il y a un garçon frêle et fragile qui examine son corps sous toutes les coutures. Pas de grain de beauté en train de noircir, pas de tache étrange qui pourrait révéler eczéma ou urticaire, pas de douleur suspecte, bref, pour une fois aujourd'hui tout va bien. Inutile de rendre visite à Mr Porter aujourd'hui. C'est quelque part presque un soulagement pour le jeune Arthur Abramovitch, qui s'imagine déjà devoir rattraper des cours manqués à cause de sa manie hypocondriaque. Arthur est un gamin peureux. Un petit chaton effrayé par une meute de chiens. La plupart du temps il avance, effacé et hors du temps, pour se faire remarquer le moins possible. Le jeune homme sait ce que c'est, de se faire voir, et dans son cas il estime sans doute que c'est une mauvaise idée. Il jette un oeil critique sur sa chambre aseptisée, briquée et nettoyée jusqu'au moindre recoin, son bureau en ordre, ses cours impeccablement classés aux cahiers épaissis par le poids continu de la connaissance. Et puis il sort, son sac à dos posé sur son épaule, les mains triturant compulsivement les manches de son pull un peu trop large. Personnification du stress, le jeune homme rase les murs en priant pour que personne ne le remarque. Ses yeux, dans les couloirs, jettent quelque part malgré lui un regard envieux à la foule gloussante et grouillante d'élèves. On fait partie d'une caste, d'un monde, mais lui son monde, il se situe dans l'univers restreint derrière ses paupières. Et rien d'autre. Arthur, c'est une jeune homme qui voudrait plus, secrètement, mais dont la bouche ne s'ouvre presque jamais à part pour dire "bonjour" "merci" "pardon". Parce que c'est sans doute l'une des rares choses qu'il soit capable de bafouiller. Et ses manches, s'il pouvait les mâchonner en plus de les tripoter, il le ferait.

La journée s'écoule, uniformément ordinaire, ponctuée de regards en biais, peureux et méfiants, vers la foule d'étudiants qui se presse dans les couloirs et qui bouscule la petite souris perdue au milieu de tout ce ramdam, incapable de dire autre chose que "désolé" "pardon" "excusez-moi" à tous ces pachydermes qui songent sans doute que si on l'écrase, cette crevette, ça ne changera pas grand chose. De toute manière il est invisible, n'est ce pas ? Lorsque le soir arrive, à dix sept heures, le jeune homme ne se dirige pas vers sa chambre ou vert la bibliothèque. A croire que l'adolescent est un peu suicidaire aujourd'hui, lorsque ses pas le conduisent vers le terrain de sport, l'endroit rempli d'ennemis comme un essaim abritant des abeilles en colère. Mais il y avait ce ballon de basket, là, au milieu du terrain, ce ballon de basket qui pourrait représenter, aux yeux du jeune homme, la Tentation personnifiée. Le serpent dans la Bible. Il se dit qu'il n'a pas le droit. Qu'il ne devrait pas faire cela. Mais la tentation, cette mauvaise conseillère, est trop forte sans doute, puisqu'elle le pousse à poser ses mains sur l'objet, et à le faire rebondir, distraitement sur le sol. C'est quoi, la vie de quelqu'un de populaire ? Comment on se sent, est-ce qu'on se sent fort, est-ce qu'on s'imagine indesctructible, avec la vie devant soi ? Arthur, il ignore cela, tout ce qu'il sait c'est que les mouvements de ce ballon sont presque hypnotiques, alors qu'il s'imagine qu'il va devoir passer des lingettes désinfectantes sur ses mains sitôt qu'il l'aura lâché. On ne sait jamais ce qu'on peut attraper. C'est un peu ce qu'il se dit lorsqu'une grosse main se pose sur son épaule et le tire en arrière un peu comme un paquet de chiffons. L'erreur est humaine, mais le pardon n'est pas Rho Kappa. Ils sont deux. Deux garçons d'une confrérie ennemie qui le toisent, sans retenue. Abramovitch, il est connu comme le petit mouton noir, la victime parfaite et idéale, une légende qui a pris forme grâce à Emeric Kurshner et Trey Seyton. Premier réflexe ; se barrer. Vite, se tourner et prendre la poudre d'escampette, parce qu'il est souple, ce petit rat, pas vrai les gars ? Quand il tente de vous filer entre les doigts.

Ils n'en sont pas à leur premier coup d'essai, ces deux là parce qu'ils maintiennent fermement le jeune homme par le col en maugréant "C'est pas fait pour les rats ici. Tu le sais, sale juif ?" ah oui. En plus d'être idiots, c'est le genre antisémite. Arthur réfléchir, à toute vitesse, il analyse ce qu'il pourrait faire pour leur échapper, parce que sinon il aura une bonne raison d'aller à l'infirmerie. Sauf que ses gestes, encore une fois, parlent avant son cerveau, lorsqu'il lève le genou pour frapper allègrement l'entrejambe du garçon qui le tient fermement. Il couine, l'animal et il le lâche, alors que le gamin prend la poudre d'escampette en courant aussi vite que ses jambes maigrelettes le peuvent. Et évidemment, ça ne rate pas, ça fuse, les insultes "Petit con !" "ON VA TE FAIRE LA PEAU" "VIENS ICI SALE RAT DE JUIF" et ça court, ça court derrière lui, à ses trousses comme des lions attaqueraient une gazelle. Lui, il court, il traverse le terrain de sport à toute vitesse et file dans la cour du lycée en regardant derrière lui pour examiner le temps que ces garçons vont mettre à le rattraper, en fonction de la distance, de la matière du sol, de la vitesse et de l'orientation du vent, et de la force de leurs jambes. Est-ce qu'ils fument ? Non ? Non. Arthur est dans la merde. C'est la seule chose qu'il se dit quand il percute de plein fouet une personne non identifiée et qu'il finit le cul par terre, en se relevant le plus vite possible parce que derrière, il y a ces garçons, et ils n'ont pas ralenti, pas du tout même en voyant le jeune homme contre lequel le rat a chuté. Parce qu'il a l'air jeune, ce beau gosse, et pour eux c'est un universitaire. Mais en aucun cas un surveillant. Arthur a le réflexe. Il se cache derrière ce mur vivant pour échapper au regard de ses deux tortionnaires. Il chuchotte, dans son dos, les mains liées à ses manches.

"Aide-moi, s'il te plait."


Et les autres l'observent. Toisent l'inconnu du regard. Parce qu'il est un obstacle entre eux et leur proie. Et cela, c'est inacceptable.

"Tire-toi mec. Tu vois pas qu'on a un compte à régler avec lui ?"

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