∞ Step into the light. Harmony.

× Step into the light

J’avais emménagé depuis peu chez les Nu Zeta, et pour le moment tout se passait très bien pour moi. J’avais eu un peu peur de débarquer comme un cheveu sur la soupe, dans une famille trop unie, mais au final je m’étais rapidement senti à l’aise avec la majorité de mes nouveaux Confrères. Je m’entendais tout particulièrement bien avec Liam, qui cachait un esprit vif que je n’aurais de prime abord pas soupçonné chez lui, si je m’étais fié à l’impression qu’il donnait quand on ne le connaissait pas. Ma colocataire, Mahina, notre Chef de Confrérie, était gentille mais je n’étais pas arrivé au meilleur moment pour faire sa connaissance : c’était fini depuis peu avec son copain, et elle se trainait souvent comme une âme en peine dans le Bâtiment. Nous ne parlions pas beaucoup, tous les deux. J’espérais que cela viendrait, même si je ne voulais pas que Maeko se sente mal à l’aise du fait que je partage ma chambre avec une autre fille qu’elle. De toute façon, pour moi, ce n’était pas vraiment une fille, il n’y en avait qu’une qui comptait à mes yeux et je ne voyais pas les autres. Elle se serait promenée nue devant moi que ça m’aurait été égal. Surtout que ce n’était pas du tout  mon genre de fille. Enfin, pas besoin de me justifier, je n’avais pas eu le choix de ma chambre, de toute façon. Sinon, j’avais brièvement parlé à Hunter… mais pas assez pour me fonder un véritable avis sur elle. J’avais tendance à l’apprécier, parce que Maeko et elle étaient amies, mais à part ça… Concernant les autres membres, je les connaissais de vue, mais je n’avais pas encore eu l’occasion de discuter avec tout le monde. Cela ne tarderait sans doute pas, puisque nous devions partir en camping pour fêter l’arrivée de 2014. Une idée qui ne me réjouissait pas, j’aimais bien mon petit confort et le camping ne remplissait pas vraiment les conditions pour entrer dans la case « confort », justement. Enfin, j’étais un Nu Zeta, maintenant : il faudrait que je me plie à certaines choses pour pouvoir vivre sous le même toit que ma copine, voilà tout. Même si, devant les autres, nous n’étions pas très démonstratifs – voir pas du tout, au point que certains ne devaient même pas savoir que nous étions ensemble et peut-être même nous penser frère et sœur – j’étais vraiment heureux de l’avoir près de moi.

Ce soir-là, j’avais passé une bonne partie de mon temps à regarder un film d’animation avec Akiko, le fils de Maeko. Je l’adorais, et j’adorais la façon qu’il avait de m’appeler « Noubou », je trouvais ça trop mignon. J’avais l’impression que le fait que je m’occupe de lui de temps en temps pour laisser le temps à Mae’ de voir ses amies lui faisait plaisir, mais je n’étais pas souvent sûr de quelque chose avec elle. Nous nous connaissions depuis longtemps, pourtant… mais à certains égards, elle restait un mystère pour moi. Je supposais qu’elle se disait quelquefois pareil de moi, et ça nous permettait de garder la petite flamme qui avait jailli entre nous, des années plus tôt. Quand le film fut finit, je mis le petit au lit, le bordai… et le regardai s’endormir, attendri par sa petite bouille. Il m’arrivait de le voir comme mon propre fils, mais je savais que je ne devais pas. Ce n’était pas mon gamin, c’était celui de Wang, et je ne voulais pas remplacer son papa. Une fois Akiko endormi, j’allumai le baby phone et le fourrai dans ma poche, puis je quittai la chambre. Je n’avais pas encore mangé, et je commençais à avoir faim. Il devait être quelque chose comme 21 heures.

Je débarquai dans la cuisine de la Confrérie : une grande pièce lumineuse en journée, grâce à la baie vitrée. Il n’y avait personne, pour l’instant. Du moins, c’est ce que je pensai à première vue : il faisait tout noir. Je n’aimais pas me retrouver dans le noir. Une vieille angoisse qui remontait au temps que j’avais passé seul, comme mort, dans une vieille baraque miteuse dans un village proche de Miami. Et puis, cela me rappelait aussi une soirée passée avec Boo, dans une forêt… et je n’aimais pas penser à cela, parce que je me souvenais alors qu’elle me manquait énormément. Je posai mes doigts sur le bouton de l’interrupteur et l’actionnai… pour me rendre compte qu’il y avait quelqu’un dans la pièce. Je faillis sursauter, elle m’avait fait peur : je ne m’attendais pas à la voir là. C’était une jeune femme, brune, que j’avais déjà vue mais à qui je n’avais jamais parlé. Je ne savais même pas son prénom. Ni la couleur de ses yeux… pourtant, je pouvais être très observateur, mais elle avait tendance à se fondre tellement dans les meubles que je n’avais jamais fait attention à ce genre de détail.

« Oh… pardon, je pensais qu’il n’y avait personne, comme la pièce était plongée dans le noir » lui dis-je, d’une voix posée et avec mon accent très reconnaissable. « Tu veux que je referme la lampe… ? »

Je ne savais pas trop pourquoi je lui avais posé cette question, mais toujours est-il que si elle était dans le noir avant que j’arrive, c’est qu’il devait y avoir une raison.
Mes yeux firent la navette entre la jeune femme et le frigo, deux fois. J’avais la dalle, mais je ne voulais pas la déranger… ou du moins, pas trop longtemps.

« Excuse-moi, ça te dérange si je prends à manger, avant… ? En fait, j’ai super faim » lui dis-je finalement, en passant une main dans mes cheveux bruns.

Je fourrai ensuite cette même main dans ma poche, puis plissai les yeux pour essayer de voir de quelle couleur étaient ceux de la jeune femme. Me rendre compte que je ne le savais pas m’avait perturbé. De ma main libre, je tirai sur ma manche pour la remettre droite. Je n’aimais pas paraître négligé, et elle n’arrêtait pas de se plier d’une drôle de façon, au lieu de dépasser correctement de mon pull brun-beige.