J'ai pas fais exprès ! [ Tooru & Karen ]

Karen, comme à son habitude, ne laisse rien passer. Il ne l’a pas fait exprès ? Il s’en veut ? Tant pis, il n’avait qu’à faire attention à ce qu’il faisait. Elle, en attendant, elle est tâchée, et en plus de ça, elle a été « ridiculisée » devant toute la cafétéria, même si, évidemment, tout le monde n’a pas dû voir l’incident non plus. Bien assez de monde en tous les cas. Surtout qu’à ses yeux, le jeune homme en face d’elle a le pire défaut au monde. Il a les yeux bridés, il lui rappelle étrangement Kevin. Trop pour sa propre sécurité sans doute, et c’est ce qui pousse la jeune fille à être encore plus intransigeante avec lui. Elle l’emmène à sa suite, dans les toilettes des filles, et il se laisse faire, comme une marionnette. Parce qu’en plus, c’est un mec sans le courage de se révolter contre une douce jeune fille, il a tout pour lui celui-là.

- Aie mais je me suis excusé, j’ai dit que c’était un accident, vous me faites mal ! Et puis nous somme dans les toilettes des filles là !

Non, sans blague ? C’est vrai ça ? Mince alors, elle est en train de martyriser Einstein ! Que le ciel lui pardonne cette infamie. Et surtout, que ce trou du cul nettoie se robe, même si elle est fichue maintenant. Ce que ça l’agace. Juste parce qu’il ne sait pas regarder où il met les pieds, voilà. Un habit de marque en l’air. Sans un mot, le garçon exécute l’ordre, un peu à la manière d’un chien bien élevé. Ce qu’il est un peu aux yeux de Karen, aussi horrible que ça puisse paraître. Un peu maladroitement, et surtout rapidement, il nettoya sommairement son décolleté tout en parlant et gesticulant.

- Encore une fois pardon, je n’avais pas vu le sac et je n’ai pu me rattraper nulle part.. Excusez-moi, ça ne va plus se reproduire ! Je me tiendrais loin de vous la prochaine fois, comme ça il n’y arrivera pas d’autres catastrophes de ce genre-là, je peux vous l’assurer !

La Norvégienne sent la colère monter en elle. Ok, lui, c’est pire qu’une carpette. Il s’écrase dès qu’on lui fait une remarque, se confond en excuse, se laisse marcher dessus même s’il ne perd pas l’usage de sa langue. C’est pitoyable. Il espère adoucir sa colère en s’excusant des milliers de fois ? Tout ce qu’il peut espérer gagner comme ça, c’est aggraver son cas, déjà bien compliqué. Se justifier non plus ne sert à rien. Bien sûr, il n’a pas vu le sac. C’est attendrissant, non ? La prochaine fois, il aura qu’à ouvrir grand les yeux. Quoi que, avec ses yeux aussi plissés, non, ça doit ne pas être facile de bien voir. Quelle tristesse, destin cruel choisi par la génétique. Enfin, ça ne changeait rien, Karen n’en avait rien à faire, elle voulait juste faire comprendre à ce type qu’il ne s’en sortirait pas aussi facilement.

- Oui, tu fais bien de l’assurer. Parce que la prochaine fois, je te le fais avaler, le sac. Ou alors, je te l’enfonce quelque part où ça fera bien mal …

Le pire, c’est qu’elle serait capable d’essayer. Elle se penche légèrement vers lui, le fixant de ses yeux glacés. Il a sans doute compris à qui il avait à faire, il n’y a pas de doute sur ses intentions ou sa sympathie quand elle fait ça. Il stoppe alors ce qu’il est en train de faire et reprend la parole. Un peu plus, et elle aurait envie de lui arracher la langue.

- Voilà il n’y a plus rien, je vous rachèterais une robe, mais ne vous énervez pas, c’était un faux pas de ma part, je peux comprendre que vous soyez de mauvaise humeur, alors ne partons pas sur de mauvaises bases c’est idiot vous ne croyez pas ?

Aha. Mais même sans lui renverser le truc, elle serait partie sur de mauvaises bases avec lui. Rien que le fait qu’il existe consiste une mauvaise base. La porte des toilettes s’ouvre alors et une jeune fille entre. Une Eta Iota, maquillée comme une voiture volée, habillée si court qu’on pourrait penser qu’elle porte juste une écharpe trop longue. Elle s’arrête, surprise, et le jeune homme en profite pour s’échapper. S’il croit que ça va lui suffire ! Karen regarde la jeune fille et lui fait un commentaire avant de partir.

- Quoi ? Tu dois avoir l’habitude de voir des mecs dans les toilettes, non ? Après tout, doit déjà yen avoir un certain nombre qui t’ont sautée dans un lieu comme celui-ci …

Sans attendre de réponse et ne cachant pas son mépris, elle sort elle aussi, cherchant du regard sa proie qui a filé d’entre ses pattes de tueuse sanguinaire. Il n’est pas très loin, cet imbécile s’est tranquillement installée pour manger. Eh bien, s’il veut manger tranquille, il repassera. D’un pas décidé, elle retourne à cet endroit et s’assoit en face de lui, le fixant jusqu’à le mettre mal à l’aise. Elle croise les bras sur sa poitrine et se cale au fond de la chaise de la cafétéria.

- Dis-moi, le jaune, tu sais faire autre chose que t’excuser ? Parce que franchement, c’est très bien, yen a qui savent pas faire dans la vie, mais bon, t’iras pas loin avec juste ça.

Mais ce n’est pas réellement ça qui la mettait le plus en colère. Surtout, il l’a vouvoyée à chaque fois, l’énervant un peu plus à chaque mot. Elle a l’air d’avoir 50 ans pour qu’il fasse ça ou quoi ?

- Et puis, tu me donnes quel âge ? Je parais si vieille que ça ? Elle finit par décroiser les bras et se ravancer, rapprochant son visage de celui du Japonais. La prochaine fois, je te fais comprendre que je suis pas une petite mamie, mais je te préviens, tu risques de plus pouvoir parler après. Elle fait une nouvelle pause avant de reprendre. Ce qui est idiot, c’est toi. Tu veux pas partir sur de mauvaises bases ? Bah vas-y, faut me convaincre maintenant. Et je suis pas sûre que te barrer comme tu l’as fait soit une bonne base.

Bien sûr, elle n’a nullement l’intention d’être convaincue de quoi que ce soit. Elle veut juste savoir comment il va se débrouiller pour se débarrasser d’elle, chose pas aisée. Elle veut rire un bon coup, histoire de se détendre. Parce qu’au cas où il ne l’aurait pas compris, elle ne compte pas le lâcher tout de suite. Elle attend même de savoir avec impatience s’il va continuer de manger tranquillement ou chier dans son froc en voyant qu’elle n’est pas partie en oubliant l’incident.

- J'attends.

Début décembre, à Miami, quelque part en Amérique. Il ne fait pas froid, loin de là, il n’y fait jamais froid. Karen se surprend à penser qu’elle aimerait bien un peu de neige. Non pas qu’elle veuille aller jouer avec ses camarades dans l’étendue blanche. Mais plutôt parce que ça motiverait les autres à ne pas venir en cours, et elle aurait la paix. Elle est même la première surprise à ne pas avoir eu de gros problèmes avec les autres élèves, dans le cadre des cours, parce qu’il y a bien l’épisode d’Halloween, mais pour une fois elle n’y est pour rien. Elle soupire en entendant la cloche sonner. C’est l’heure d’avoir enfin un peu de repos, l’heure du repas. Elle a envie de profiter seule, elle n’attend personne à la sortie de la classe. À vrai dire, elle ne fait même pas attention à Kevin, qui suit les cours avec elle. Franchement, les cours sont de plus en plus insupportables. Elle se demande ce qu’elle fout là, et si les autres ont un cerveau quelque part dans leurs boîtes crâniennes. Vraiment, elle en doute.
Arrivée à la cafétéria, elle constate la queue qu’il faut faire pour avoir à manger. Surtout qu’ici, la nourriture est loin d’être bonne, mais elle est obligée de manger, elle sait que ce n’est pas bon pour la santé de se priver. Bon, elle est décidée à utiliser les grands moyens. Elle pousse quelques personnes, ignorants les remarques au passage, et atterrit presque tout devant. Elle fait alors un grand sourire à un des garçon qui attend et à qui c’est bientôt le tour de prendre son plateau. Un peu con sur les bords, il la regarde, la bouche légèrement ouverte, et finit par balbutier un :

- Euh … tu veux ... passer devant ?

Elle passe donc, sans même le remercier, se disant que les mecs ne pensent vraiment qu’à une chose. Celui-ci doit sans doute se dire qu’il vient de gagner une chance de lui retirer sa petite robe violette du jour sans se rendre compte qu’il n’y a pas le moindre risque que ça arrive un jour. En regardant ce qui est proposé, elle fait une grimace de dégout. Lentille pas cuites avec des saucisses hyper grasses. Heureusement que de temps en temps, ils proposent de la salade en entrée, histoire de dire que les Américains ne mangent pas que des trucs gras ! Et puis un fruit en dessert, ça lui ira très bien, une pomme par exemple. Elle va s’installer dans un coin tranquille, avec peur de monde autour, même s’il y a pas mal de bruit. Comme prévu, elle ne mange pas beaucoup mais c’est déjà ça. Le repas est rapide. Et dire que si elle avait attendu, elle serait en train de passer pour avoir son assiette ! Elle va poser son plateau presque vide et revient pour chercher son sac. C’est là que le malheur se produit. Un type, nouveau dans le lycée, trébuche sur un sac, et la sauce de son entrée se répand dans le cou, décolleté et sur le haut de la robe de la jeune fille. Un instant, elle s’arrête, surprise par le choc. Et puis, ses yeux furieux se posent sur le coupable, un bridé qu’elle n’a jamais vu.

- Excusez-moi, je ne l’ai pas fait exprès, pardon !

Exprès ou non, le résultat est le même. Elle s’en fiche elle. Elle ne crie pas, mais sa voix est froide, comme à son habitude.

- Non mais tu peux pas faire attention ?! Un aveugle unijambiste serait plus doué que toi !

Il se rend compte qu’il a sans doute foutu sa robe en l’air ? Qu’il soit nouveau, qu’il s’excuse ou qu’il n’ait pas voulu lui faire ça n’y change rien. En plus, il ne semble pas vouloir bouger. Il se contente d’ouvrir les yeux, ce qui énerve encore plus Karen. Alors quoi, il ne compte rien faire de plus ? C’est ce qu’on va voir ! Elle lui prend le plateau des mains et le pose brutalement à la place qu’elle vient de quitter. S’il compte manger, tant pis pour lui. De toute façon, c’est dégueulasse, il ne manquera rien. Elle lui prend le poignet et le force à le suivre dans les toilettes du réfectoire. Une fois arrivée devant un évier, et elle s’en fiche si jamais c’est les toilettes des filles, elle le lâche. Elle lui montre le haut de sa poitrine couverte de sauce ainsi que sa robe.

- Maintenant, tu nettoies.

Elle ne lui laisse pas le choix. Elle a même envie de le frapper, ce qui n’est pas vraiment possible. Elle attend qu’il s’exécute et gare à lui s’il ne lui obéit pas.