[GROUPE 6] Noble war begins

Noble war begins

This is it, the apocalypse.

En temps normal -si toutefois de tels temps existaient pour lui- Kaegan n'aurait pas été emballé par l'idée d'une fête d'Halloween. Entendre des cris d'horreurs l'angoissait fortement. Même les films d'horreur, à la télé, il devait faire un effort pour les regarder jusqu'au bout. Parce que des cris, dans sa vie, il avait eu l'occasion d'en entendre beaucoup. Combien de fois ne se réveillait-il pas la nuit en sursaut parce qu'il rêvait de la patiente de la chambre d'à côté qui criait à la mort ? Heureusement, dans son hôpital qu'il qualifiait avec dérision de « 5 étoiles », il était encore plus ou moins épargné. Reste qu'un jeune adolescent n'est pas fait pour évoluer dans un monde où les personnes qui l'entourent sont susceptibles de s’effondrer sur le sol en criant d'un instant à l'autre. Outre les hurlements, c'était aussi la détresse qu'il avait en horreur. Tous ses délires paranoïaques étaient basés sur la détresse. Celle des autres en particulier mais comme symptôme de la sienne. Des gens en détresses éveillaient chez lui une forte paranoïa envers ce monde qui leur voulait tant de mal.

Seulement, ce jour là, Kaegan était impatient d'aller à cette fête. Parce qu'il y serait avec Lila. Oui oui, la fille à côté de lui qui était entrain de se déguiser en démon infiltré chez les nones, c'était sa petite amie. Aujourd'hui encore, il avait du mal à croire qu'elle avait voulu de lui, qu'ils étaient réellement ensembles. Alors, dés qu'elle ne regardait pas, il lui coulait des petits regards. Pour vérifier qu'elle était bien là, qu'il ne rêvait pas. Bien qu'il aie essayé de rester discret, elle avait du le cramer une ou deux fois. Auquel cas, il se contentait de vite regarder ailleurs, un sourire espiègle sur le visage. En quelques semaines à peine cette fille avait pris une importance monstre pour lui. A tel point qu'il était capable d'endurer les prochains cris d'horreurs des aficionados d'Halloween. Pour elle.

Sa reine -puisqu'il partageait bel et bien le trône des Sigma Mu avec elle- le tira de ses pensées et planta son regard dans le sien. « Ne bouge plus », pensa-t-il instantanément. Tous ses petits moments là, ceux où ils étaient si proches à la fois physiquement et psychiquement, il aurait voulu qu'ils ne s'arrêtent jamais. C'était là qu'il savait qu'il était irrémédiablement tombé amoureux d'elle. Quelque part, il était perdu à jamais, il ne retrouverait jamais sa liberté entière. Rien ne pouvait le rendre plus heureux, cependant.

- Je vais avoir du mal à vous appeler « ma soeur »...

Glissa-t-il dans un sourire coquin. Paranoïa ou pas, il était persuadé qu'elle avait choisit ce déguisement pour le torturer. Elle lui tendit la joue et il l'embrassa. Alors qu'elle se dirigeait vers la sortie, il traina un instant de plus. Allez savoir pourquoi, il avait commencé à ne pas aimer qu'elle le regarde prendre ses médicaments. Ça avait peut-être à voir avec le fait qu'il avait commencé à diminuer les doses, son arrogance le poussant à croire qu'il avait assez d'expérience avec ses choses là que pour gérer lui même. S'il était vrai que du temps où il était suivit tous les jours par un psychiatre les doses avaient tendance à fortement varier, ce n'était pas pour autant qu'il était le mieux placé pour les choisir lui même. Un des symptômes de sa maladie n'était-il pas justement le fait d'avoir l'impression d'aller mieux, à certains moments ?

« Un seul Seroquel suffira pour ce soir », pensa-t-il, un sourire de bien heureux sur le visage. Quant aux anti-dépresseurs qu'il était normalement tenu d'avoir sur lui en tout temps pour lui apporter les « premiers soins » lors d'une crise, ils lui semblaient on-ne-peut-plus inutiles. Il était heureux, plus qu'il ne l'avait été depuis longtemps. Il n'y aurait de toute façon pas de crise, il se rendait juste à une « stupide » fête de Lycéens. Il ne les emporta donc pas. Quel étage sur l'échelle des pires erreurs de sa vie ?

Hook rattrapa March à la sortie de leur chambre et sourit quand elle lui attrapa le bras. Les talons encore. C'était l'une de ses lubies du moment. Peut-être pour se rapprocher de sa hauteur à lui ? La question n'ayant aucune sorte d'importance, il la relégua aux oubliettes et se concentra sur son rôle de cane. Une seconde plus tard, elle réussissait son coup et la jalousie assombrissait le regard du faux prêtre. Se rendant compte que c'était justement là son but premier, il entra dans son jeu.

- S'il y en a, ils ne feront pas long feu, je me ferai un plaisir de les renvoyer en enfer.

Alors qu'elle se pressait plus contre lui, il resserra son étreinte pour l'empêcher de s'écarter trop vite. Il était vaguement conscient qu'elle n'aimait pas le regard qu'il arborait à cet instant - « tu es à moi » - mais ça faisait partie des expressions faciales qu'il ne contrôlait pas. Il dé-serra finalement son étreinte pour leur permettre à tous les deux de presser le pas. Ils n'étaient sûrement pas en retard mais il avait hâte de commencer cette chasse au trésor. En grande partie parce que, dés qu'elle serait finie, les vraies festivités commenceraient enfin. Il ne jugea pas utile de le dire à Lila.

Quelques secondes plus tard, ils étaient arrivés dans la salle informatique. Comme ils étaient les premiers, ça leur laissa encore quelques secondes de solitude. Alors que Lila s'installait sur une table, Kaegan ne parvint pas à se contenter de rester debout à côté d'elle. Il approcha son visage du sien, la regarda dans les yeux et effleura sa joue du bout de ses doigts comme s'il allait l'embrasser alors que son autre main était sur sa cuisse. Il n'en ferait cependant rien, elle n'avait pas voulu l'embrasser tout à l'heure. Il lui répondit en chuchotant :

- Qui te dit que je ne me suis pas arrangé pour me retrouver seul avec toi ?

Un sourire coquin sur les lèvres, il s'approcha un peu plus, mêla son souffle au sien. La seconde d'après, il s'écartait. C'était elle qui l'avait cherché. « Don't play with me, cause you're playing with fire ».

Il eut ensuite un peu de mal à cacher son regard alarmé quand sa none sauta sur ses pieds pour courir vers la nouvelle venue et se demanda comment elle avait réussit à ne pas se fouler la cheville. Arquant un sourcils interrogatif, il put ensuite l'observer saluer une fille qu'il ne connaissait absolument pas avec une chaleur débordante. Une impression désagréable qu'il ne connaissait, finalement, pas tellement de chose que ça sur la femme qui partageait sa vie prit possession de lui. Il réussit néanmoins à la chasser quand Lila ramena la dite fille vers lui pour la lui présenter. Un grand sourire (mondain?) éclaira son visage quand il s'exprima :

- Enchanté. Ça fait toujours plaisir de rencontrer sa belle famille.

Il regarda Lila avec amusement. Comment réagirait-elle à l'allusion qu'ils étaient un couple marié ? Elle n'aimait pas être étouffée mais lui ça l'amusait et son air de grand benêt était là pour le prouver.

Dwight arriva alors et bien que Lila aie avec lui un comportement qui sous-entendait qu'ils étaient vachement proches, Kaegan n'eut pas le temps de s'inquiéter pour ça. Il était bien trop occupé à écouter le message du fou furieux qui leur parlait de meurtres, de guerre, d'incompréhension. Alerte, immobile, il ne savait pas quoi penser. Etaient-ils réellement en danger ou est-ce que ça faisait partie du jeu ? Si c'était une blague, des têtes allaient sauter. Ce n'était pas drôle du tout et c'était très loin d'être recommandé pour une personne avec le diagnostic de notre Sigma Mu. Il s'agissait en effet de sa plus grande peur, du thème de tous ses délires psychotiques : on en voulait à ses proches.

Ce qui le tira de sa torpeur fut la tentative d'humour de sa petite-amie. Elle était complètement inconsciente ou quoi ?! Il sauta presque littéralement dessus, arrivant par derrière, et plaqua sa main sur sa bouche avec plus de violence qu'il ne l'aurait voulu. « Ferme la, bordel ». Heureusement, ces mots, beaucoup trop durs, il se contenta de les penser. Son autre bras était en travers du ventre de Lila de façon à la maintenir fermement contre lui. Dieu, il aurait voulu la presser tellement fort contre lui quelle passerait la barrière de sa peau, qu'il pourrait l'abriter contre les dangers. Oui, ce genre d'images sanglantes et teintées de violence étaient le signe que Kaegan était déjà entrain de péter les plombs. Beaucoup trop rapidement. S'en rendant compte, il lâcha sa bouche mais ne dé-serra pas son étreinte d'un seul millimètre. Alors qu'elle reprenait la parole, il éructa :

- QUOI ?! Ce type t'a déjà menacée et tu ne m'a rien dit ?!

Il la lâcha d'un coup, comme si elle l'avait brûlé. Le monde perdait son sens, ses pensées s'entre-choquaient, c'étaient les prémisses d'une crise. L'envie de s'en prendre à quelqu'un ou quelque chose le brûlait de l'intérieur. Pour reprendre le dessus, il ferma le poing et tenta de s'enfoncer les ongles dans la peau. La douleur physique parvenait généralement à lui offrir un délai supplémentaire.

Non loin de lui, il entendait vaguement une fille parler au téléphone mais il était trop concentré sur lui-même, pour éviter de lâcher complètement prise. Il sentait l'urgence de la situation. Il n'avait pas envie de passer de l'autre côté du miroir, ce n'était vraiment pas le moment : il fallait qu'il protège Lila. La fille qui était au téléphone l'empêcha de se calmer en prononçant la pire phrase possible. « Il est armé ». Ne pouvant contenir un élan de violence, il donna un coup puissant de côté à un écran d'ordinateur, l'envoyant valser dans un fracas assourdissant à l'autre bout de la pièce.

L'instant d'après, il ne bougeait plus, paralysé à nouveau par la peur comme s'il venait de voir un fantôme. Là où l'écran avait atterrit... il avait vu quelque chose. Un homme, ou un jeune garçon, ou un démon. Quelqu'un, quelque chose. Qui était armé. Mais il avait déjà disparut. Avait-il seulement été là ? Kaegan prit sa tête entre ses mains. « Non non non, pas les hallucinations. Par pitié, pas les hallucinations. » Il fallait qu'il garde contact avec la réalité. La vie de Lila était en danger, il en était persuadé. Les sanglots de Liloo ne l'aidaient pas. Il fallait qu'il reprenne le dessus.

C'est finalement grâce à Dwight -qui l'aurait cru?- qu'il réussit à se re-saisir et à passer en « mode survie ». Son regard était vide, comme s'il était lobotomisé, comme si Kaegan n'était plus là. Et il s'exprima avec une voix presque mécanique.

- On ne saura pas le retenir éternellement, il finira par entrer et sera encore plus énervé. Ecoutez, pas le temps de discuter du pourquoi du comment mais, les fous, je connais...

Il s'arrêta un instant, pensant avec horreur qu'ils avaient dû s'en rendre compte par eux-même.

- ... Il faut s'humaniser, il faut qu'il nous voie comme des êtres humains et pas comme des cibles. Il ne faut pas qu'il croie qu'on lui veux du mal. Cachons nous sous les tables. Dwight, oui j'ai quand même besoin de ton aide, il faut qu'on protège les filles.

Contrairement à lui, il ne lui demandait pas son avis. Ce n'était plus le moment pour la politesse. Si les dites filles avaient envie de jouer les féministes maintenant, tant pis pour elles. Se mettant dos à la porte, comme s'il représentait la limite à ne surtout pas dépasser il commença à faire signe aux filles d'aller plus vers le fond de la salle, se mettre sous les tables. Parmi elles, il y en avait qu'il ne connaissait pas mais il venait de se faire la promesse de veiller sur elles aussi. Enfin ça, c'était s'il arrivait à ne pas péter à nouveau un câble, plus violent cette fois. La menace était pourtant bien présente, il la sentait en lui. Oui, en ce moment il avait plus peur de lui-même que du tueur.

Noble war begins

This is it, the apocalypse.

Kaegan était en présence de beaucoup plus de souffrance qu'il ne pouvait le supporter. Il envisageait une sortie de scène, un « passage à l'acte » au sens psychanalytique du terme. En un mot : s'il voulait s'en sortir indemne, il fallait qu'il rompe tout contact social. Mais comment faire une chose pareille alors que Lila avait besoin de lui ? S'il l'avait ignorée jusqu'ici, il sentait bien qu'il ne pourrait pas continuer bien longtemps. Qu'est-ce qui lui avait prit de se laisser embarquer dans une relation aussi exigeante émotionnellement ?! Car plus que l'amour qu'il avait pour elle, il fallait prendre en compte l'amour qu'elle avait pour lui. Sur ce dernier, il n'avait aucune emprise. Comprenez bien ce que je vous dis : s'il n'y avait que lui qui l'aimait dans l'histoire, il aurait pu réussir à se persuader que ce n'était, au final, pas si important. Ou que c'était une illusion. En grande partie parce qu'il avait appris à se détacher du social, de ces gens qui par leurs interactions le plaçaient en position d'objet. Position qui lui était si insupportable, par le passé. Il avait peut-être eu tord de penser que les choses avaient changées, qu'il était prés à mener des relations normales avec des personnes normales. S'il n'avait pas été autant en position de panique, il en aurait sourit. Parce que, Lila, normale ?! Il y avait de quoi douter, et c'était pour le meilleur. Seulement, là, il était loin de penser, un sourire béat sur les lèvres, à ce qu'il aimait chez sa petite amie. Les gens se déplaçaient autour de lui, il le voyait plus ou moins, comme à travers une enveloppe de cellophane. Mécaniquement, il s'assurait que tout le monde se dirigeait vers les tables. Le reste, c'était à Dwight qu'ils le devaient.

Alors qu'il finissait par rejoindre Lila et Liloo derrière les tables, il savait qu'il devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour trahir le moins possible l'état dans lequel il était. Une seconde plus tard, il se tendait déjà : il entendait des chuchotement. Inquiet, craignant que la crise ne soit encore plus forte que ce qu'il aurait pu penser jusqu'à présent, il regarda autour de lui. Fausse alerte c'était Dwight et une fille qui discutaient « discrètement ». Comme si c'était le moment pour ça. Il ne comprendrait jamais la vie des « personnes normales ». Il était là à se démener contre lui-même pour ne pas céder à la panique et pouvoir protéger Lila et eux, ils avaient des histoires de cœurs. Oubliant un instant qu'il essayait de paraître le plus sain d'esprit possible, il replia ses jambes vers lui et posa sa tête entre ses genoux. Ses mains trouvèrent instinctivement ses cheveux, sans qui ne les dirige, et se refermèrent en poings serrés sur sa tignasse. La réalité, la réalité, il devait rester connecté à ce qui se passait. Pourquoi alors se repliait il sur lui même ? Ça n'avait aucun sens, il ne comprenait pas. Il se surprit à souhaiter qu'on l'enferme à nouveau, pour qu'il puisse décompenser loin des regards indiscrets. Il avait même envie de reparler à tous ces médecins qui pensaient le connaître par cœur et prédire son comportement parce qu'ils avaient lu son dossier. Peut-être qu'ils avaient raison, après tout.

Au loin, il entendait la voix de Lila. Elle était énervée mais elle ne semblait pas en détresse. Il essaya d'écouter. Pas ce qu'elle disait, non, plutôt le rythme, les inflexions, l’accent différent du sien. Lila pouvait-elle devenir son ancre à la réalité ? Pouvait-elle l'empêcher de sortir de la scène de la vie ? Leur relation n'aurait jamais dû en arriver là, il lui demandait beaucoup trop. Elle avait elle-même des problèmes de son côté. Emporté par une vague de doutes et de questionnements, il en vint même à se demander s'il ne devrait pas mettre fin à leur relation le plus rapidement possible. Pour son bien à elle. Il était sûrement la chose la plus néfaste de sa vie en ce moment. Il était la chose la plus néfaste de la vie de tout le monde. Ça devait cesser. C'était décidé, dés qu'ils sortiraient d'ici, il retournerait à Boston. Sa mère serait déçue mais ce qu'il y avait de bien avec les mamans c'était qu'elles ne pouvaient pas vous en vouloir pendant bien longtemps.

Tout d'un coup, la voix de Lila s'arrêta. Il fronça les sourcils et releva la tête pour la chercher des yeux. Il lui était soudain impératif de comprendre pourquoi elle avait arrêté de parler alors qu'il ne s'était même pas demandé ce qui l'avait poussée à prendre la parole en premier lieu. Pendant un instant, il crut que ce qu'il voyait n'était pas vrai : elle était entrain de se lever pour s'éloigner. Était-elle plus folle que lui ? Incertain de percevoir le monde correctement, se disant qu'il était peut-être, finalement, en plein délire tout seul dans une chambre d'hôpital, il tendit néanmoins la main vers elle pour lui attraper le poignet. Reality is what kicks you back. Dés lors,  entrer en contact avec sa peau, ne pas passer à travers, pouvoir refermer les doigts sur elle, le rassura d'un coup. Pendant une seconde tout alla bien : il était là, dans la réalité, avec elle. Il lui sourit doucement, la tira vers lui pour la prendre dans ses bras. Il ne pensait pas au danger que représentait ce tueur fou dans les couloirs, il voulait juste la sentir contre lui. Elle, son ancre à la réalité, sa motivation de s'accrocher. Elle se lova contre lui, posa sa tête sur son torse et il sut qu'il allait y arriver. Grâce à elle, il avait une chance d'être heureux, comme une personne normale. Il répondit à son chuchotement sur le même ton :

 - Ne t'en fais pas. Tu sais qu'il n'y a rien que je ne puisse faire pour toi.

Il lui embrassa le front puis passa une main dans sa nuque qu'il caressa doucement. Plus pour lui que pour elle, en fait. Chaque contact l'aidait à ignorer les sons qu'il entendait de temps en temps sans pouvoir les localiser et les ombres qui bougeaient sans être là. S'il pouvait résister à tout ça, il pouvait bien résister à un adolescent impulsif en manque d'attention non ?

La porte s'ouvrit à la volée. Tous purent d'abord l'entendre avant de le voir. Par voie de conséquence, Kaegan ne fut pas sûr que ce son appartenait à la réalité. Une seconde plus tard un type donnait des coups dans les tables et les mettait à nu, éructant. Ça devait être lui, le tireur fou. Et, à en juger par les réactions des autres, il était réel et vivant. Le premier Démon de Kaegan que les autres aussi pouvaient entendre et voir. A moins qu'ils ne soient tous pris d'une Psychose de groupe ? Si seulement...

Hook avait dans un premier temps raffermit son emprise sur sa petite amie, par réflexe, sans calculer que ça ne servirait à rien. Sous ses yeux ébahis, Trent pointa son fusils sur Masha, une des filles qui s'était faite discrète jusqu'ici. Il tira. L'avait-il vraiment fait ? Ça avait été si rapide, ça n'avait aucun sens, aucune logique. Pourquoi est-ce que quelqu'un aurait voulu tirer sur cette fille qui ne demandait rien à personne ? Le monde avait-il enfin basculé dans l'anarchie ? Cela voulait-il dire que lui, Kaegan Hook, avait aussi le droit de céder à ses pulsions violentes ? Il se défit précipitamment de l'étreinte qu'il partageait avec Lila et se leva pour faire face au tireur. Il voulait jouer à qui était le plus fou ? Hé bien, Kaegan se ferait une joie de lui montrer que lui aussi pouvait se laisser emporter par une vague de violence, laisser la réalité s'altérer pour que rien d'autre que la rage ne soit réel.

Ce que le Sigma Mu ne prenait pas en compte c'était que celui qui avait l'arme gagnait toujours. Car Trent ne manqua pas de le voir bouger et pointa Lila de son arme tout en proférant des menaces pour qu'il ne s'approche pas plus [Ca me gêne de décider ce que tu dis alors, je reste vague, c'est déjà pas évident pour toi comme mode de réponse]. Kaegan s'immobilisa. Mais il faut croire qu'il n'avait pas été assez rapide à le faire ou que le gars avait décidé depuis le début qu'il allait tirer sur le Lila car il le fit. Elle s'effondra d'un coup et sa tête heurta violemment le sol dans un son glauque du genre « effet exagéré au cinéma pour donner des frissons à l'assistance ». Sauf qu'évidemment, ils n'étaient pas dans un film. Son envie de se soustraire au réel revint en force mais il eut la présence d'esprit de fondre sur Lila, la seule chose certaine en ce monde, pour voir comment elle allait. C'était stupide, parce qu'il était évident qu'elle n'allait pas bien. Mais il fallait qu'il le constate de lui-même, sinon il ne le croirait jamais.

En effet, comment pouvait-elle aller bien alors qu'elle gisait sur le sol, inconsciente ? Hook s'agenouilla à côté d'elle, il semblait qu'elle avait été touchée un peu en dessous des côtes. A lui, ça lui paraissait beaucoup trop proche de son cœur. Trent avait dû vraiment vouloir lui faire mal. Mais enfin, comment pouvait il encore douter des intentions du garçon ? Bien sûr qu'il avait voulu lui faire mal, il avait peut-être même voulu la tuer. Sa vie n'avait pas d'importance à ses yeux parce qu'il l'avait perdu lui, ce lien à la réalité. Kaegan fut pris d'une angoisse sourde. Deviendrait-il comme ça s'il perdait le lien à son tour ? Trent était-il une version de lui qui n'avait trouvé personne pour le forcer à rester ancré dans la réalité ? Le revoilà à partir dans des questionnements et des délires sans fin alors que la fille dont il était amoureux était entrain de mourir. Il essaya à tour de rôle de presser la plaie, de la faire revenir à elle, d'écouter son cœur... mais il était complètement entrain de perdre les pédales.