Il faut absolument que je sache qui tu es ... (Liloo)

Danser, tournoyer, être entouré d’adulte… Ce genre de soirée ne me ressemblait en rien. Et pourtant j’étais là, de force, sur la piste de danse. Mais heureusement pour moi, ce n’était pas avec une vieille peau gâteuse, mais une jeune fille, qui de ce que je pouvais voir, était magnifique. C’était certainement la raison pour laquelle je ne trouvais pas cette soirée si médiocre.

Corps contre corps, pas discrets et lents, quiétude, et musique apaisante. Nous dansions un slow, ou du moins ce qui y ressemblait. Je me laissais emporter par la musique, fermant les yeux un instant, comme si tout cela n’est qu’un doux rêve, dans lequel je souhaitais rester enfermé.

Mais venir à cette soirée, n’avait été que grâce à mon impatience et à mon hyperactivité. Je détestais rester là à rien faire, enfermé entre quatre murs, m’impatientant, comptant les moutons, me tournant les pouces… Rares étaient ces fois où j’étais séquestré chez moi ces derniers temps, alors quand ça arrivait, je trouvais toujours un moyen de m’évader, tel un fugitif.

Et je dois dire, que si je ne m’étais pas autant ennuyé cet après-midi là, je ne serais pas en train de danser avec une superbe fille à l’heure qu’il est, ce qui est fort regrettable, soyons d’accord.

Pendant que nous continuons à danser, j’observe les couples alentours, et voit que tout le monde a trouvé sa place, son ou sa cavalière, et où tous les danseurs sont en symbiose parfaite. Je suis l’intrus parmi tout ce gratin de gens bien élevés. Je ne suis pas impoli, non, je fais tout pour l’être. Et me retrouver dans ce milieu que je fuis d’habitude ne me ressemble pas. D’habitude, je fuis ce genre de réception comme la peste, et là je m’étais planifié ça à l’avance, sachant pertinemment que j’allais soit mourir dans ma chambre, soit le regretter. Autant essayer.

Au final, c’est plutôt plaisant, et malgré mon goût prononcé pour la musique dancefloor, j’appréciais ce son, disons différent.

N’empêche, si on me voyait ici, je serais dans de beaux draps. Quel Pi Sigma fout son pied dans ce genre de soirée, si ce n’est pour trouver la fille la plus bonne de la salle, et la baiser pour recommencer le lendemain à une nouvelle fête. Aucun. Ou du moins aucun, sans intentions particulières.

Tout ce que je recherchais c’était le plaisir, m’amuser, et va pour les frivolités, si cela m’empêche de moisir dans mon trou à rat. Si elle souhaite aller plus loin ensuite, soit, ça me va, mais mon but premier n’est pas de la sauter, enfin pour le moment.

Pendant, que nous dansions, je lui demandais son prénom. Elizabeth. Je n’aimais pas du tout ce prénom, en fait c’était plutôt ringard et démodé, quoique bizarrement elle le porte plutôt bien. Je m’évitais à lui balancer ma pensée, elle partirait en courant, en me traitant de goujat, très certainement. Je me devais de m’abstenir.

« Josh. » Répondis-je ensuite.

Ouais, ok, ce n’est pas mon vrai nom. Mais j’étais ici masqué, c’était pour rester anonyme, je n’allais donc pas lui dire Sasha. Enfin, je n’allais pas me risquer à le lui dévoiler. Imaginez qu’elle vienne de Wynwood tout comme moi, elle me reconnaitrait certainement et refuserait d’aller plus loin. Généralement on nous connaît plutôt bien, et parfois pas pour les bonnes choses, mais bon.

C’est donc sous une fausse identité que je voulais continuer cette soirée, heureux de constater que mon mensonge était passé comme une lettre à la poste.

Musique achevée, nous nous lâchions les mains, et je lui proposais, en vue de l’annonce du buffet, d’aller nous régaler. Elle accepta encore une fois. Décidément, j’étais bien chanceux en ce jour, elle ne refusait aucune de mes avances, ce qui m’arrangeait au plus haut point, je n’osais pas me manger un râteau à ce stade de la soirée.

Je la suivais à travers la foule, ne la quittant pas des yeux, quitte à lui tenir la main afin qu’elle ne m’échappe pas, et que je ne la retrouve plus parmi tous ces gens qui se ruaient vers la nourriture. Nourriture qui donnait faim rien qu’à la voir. Plats sublimes et odeur alléchante. Quiconque se trouverait face à un tel choix ne pourrait résister.

Je la laissais passer d’abord, elle saisit une assiette et commençais à se servir, petit à petit. Ne voulant pas passer pour un goinfre, je pris par petit tas, un peu de tout, histoire de goûter tous les mets proposés. Suite à ça, nous trouvions une table, loin de tous ces vieux radoteurs qui racontaient à tout va leurs dernières victoires au poker, ou de ces vieilles femmes avides de potins.

Première bouchée, un régal, et je ne fus pas le seul à le penser, puisqu’Elizabeth me devança et me fit part de ses pensées avant même que j’ai pu ouvrir la bouche.

« J’avoue, les cuisiniers sont vraiment bons. »

Je continuais à manger, me retenant, histoire de ne pas m’empiffrer et passer pour l’ogre de service, ce à quoi je ressemblais généralement quand je me retrouvais face à un tel choix de nourriture.

« Non, en effet, je viens d’Oxford. Mon accent, j’imagine ? Tu viens de Miami, toi ? » Lui demandais-je à mon tour. « C’est la première fois que j’assiste à une soirée de ce genre, et je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi … bien. Disons que d’habitude, je fais plus la tournée des boites. Ca te plait ? »

L’ambiance était vraiment magique, et pour que j’emploie un tel mot, c’est que ça l’était vraiment. J’avais comme l’impression de tourner un de ces films, vous savez, ceux dans de somptueuses salles de bal, avec des décors époustouflants, des gens habillés à la perfection. En fait c’était la perfection incarnée, cet endroit. Parfois même, je me disais que je devais rêver, et que cette charmante - Enfin de ce que j’en voyais- jeune fille, n’était que le fruit de mon imagination. Incroyable de se sentir si peu à l’aise dans un endroit, ou même trop à l’aise pour croire qu’on est en plein délire.

Je nageais littéralement dans le bonheur. On respirait la joie, ça ne puait pas les problèmes, et malgré le côté noble de la soirée, elle était loin de vraiment l’être, ce qui m’éloignant de mon milieu social. Trop de richesse, ça m’étouffait, et eux au moins n’étalait pas leur fric au grand jour. Certains portaient ce costume à chaque occasion, et cela devait certainement être le seul chic qu’ils avaient. Pareil pour ces dames, joliment habillés et coiffés. Rien à voir avec les mesdames de la haute, qui me faisaient presque pitié avec leurs coiffes pleines de plumes. A croire qu’elles avaient tué un dindon en venant. Non, là cela restait simple, mais élégant. Au fond, je préférais largement ça, à toute ces soirées ridicules où l’étiquette était de rigueur, et où on devait porter un masque, sous entendu donner une autre image, pour y aller. Quelle horreur et quelle hypocrisie. Parfois, j’avais vraiment ce besoin d’être moi-même, et de changer un peu, parce qu’à être toujours comme ça, j’explosais intérieurement, mais là, avec ce truc sur la tête, personne ne me reconnaissait et je pouvais être moi-même. Ce garçon joyeux, gentil, et tout à fait charmant avec les femmes. Loin d’être ce bourru qui drague et couche à tout bout de champ. Oui, parfois j’en avais marre d’être comme ça. Et là, j’en profiterais pour me libérer un peu. Parce que ce n’était qu’avec Nathan que je pouvais me lâcher un peu et abandonner cette image publique pour redevenir Sasha. Voilà, je suis Sasha.

La jeune fille accepta ma proposition, et nous nous remettions en position pour danser cette fois-ci un slow. Danse plus lente, j’avais juste à poser mes mains sur sa taille, et elle à entourer mon cou. Puis, tourner et tourner.
La musique se mit en route, et nous commencions à danser, en suivant le rythme, tandis qu’elle m’avoua aimer cette chanson. Personnellement, je ne la connaissais pas, puisqu’en réalité ce n’était pas du tout le style de musique que j’écoutais d’habitude. En vrai, c’était plus de la musique dancefloor passée en boite en général.

« - C’est un joli air en effet. » Je ne pouvais nier, en plus, parce que malgré la lenteur du morceau, et que je n’aimais pas quand ça se trainait, la musique était quand même belle, et agréable à écouter.

Le monde semblait bien loin, et je me sentais vraiment bien en sa présence. A part ses yeux, je ne voyais rien d’autre sur son visage qui puisse m’aider à l’imaginer en intégralité. Ce qui était dommage, parce que malgré ce masque, j’étais persuadé qu’elle devait être vraiment magnifique.

Pas une once de séduction, pas de mot furtif, du style ma belle ou poupée, non rien. Je ne voulais vraiment pas passer à nouveau pour le goujat de base. En fait j’en avais un peu assez d’être pris pour un salaud, alors qu’au fond, je n’étais pas fautif. On pourra dire ce qu’on veut, si elles acceptent, c’est pas mon problème, je vois pas en quoi elles doivent s’acharner sur moi après, surtout qu’on sait qu’avec moi c’est pas du sérieux, mais bon.

« - Très jolie robe en tout cas. » Compliment, qu’il faut savoir, est très sincère, malgré mes connaissances restreintes dans ce domaine.

Je ne voulais pas spécialement casser l’ambiance, ni même briser ce climat, et je m’abstenais donc de toutes questions durant le slow, et préférais attendre que la dernière note se fit entendre, pour commencer à vraiment parler. Je n’allais tout de même pas gâcher un tel moment.
Une fois la musique finie, je lui lâchais la taille, encore une fois à contre cœur. Le buffet étant servi, il était l’heure de manger un bout pour ceux qui le désiraient.