Round 2. Dexter.

Quelque chose sembla changer. Le regard de Trevor n’était pas celui auquel je m’attendais. Il semblait… Il semblait me comprendre. J’étais loin d’être fier de moi même si je savais ma soeur en sécurité et ma mère vengée. J’avais tué un homme, je m’étais mis à son niveau. Je n’avais pas su répondre à la violence autrement qu’avec de la violence. Il hocha la tête. Pendant quelques instants, je fus comme parti. Parti ailleurs, dans une autre dimension, dans un autre monde. Trey me demanda si j’avais honte. Oui, j’avais honte. Je relevais la tête et ce qu’il me dit ne me surpris pas mais me fit chaud au coeur. Oui, il y avait encore une chance pour que nous restions encore amis… En fait, j’avais l’impression que notre amitié était toujours présente, toujours d’actualité.
 
-Oui… Je ne suis pas fier de moi même si j’ai sauvé ma soeur de ce taré. J’ai agi de la même façon que lui. J’ai voulu me croire au-dessus de lui et je me suis comporté comme lui. J’ai été comme lui pour le coup.
 
Un nouveau sourire un peu triste apparu sur mes lèvres quand il me dit que mon secret serait bien gardé. Je m’en doutais. J’avais encore confiance en lui. Au plus profond de moi, je savais qu’il était toujours digne de confiance. En fait, Trevor était, malgré ses défauts, l’un des mecs les plus respectables de ce lycée et puis, on se ressemblait beaucoup. Il détourna le regard, fixant le vide. Il m’expliqua qu’il ne pouvait pas me détester, on était trop similaire. Puis il me posa LA question qui me taraudait depuis que je le connaissais : pourquoi détestait-il les homosexuels?
 
-Je ne sais pas. J’imagine que tu as dû vivre quelque chose de traumatisant d’homosexuels…, avouais-je.
 

En réalité, je n’en savais rien. Je supposais. En général, ce genre de haine venait d’un traumatisme. Je n’avais encore aucune idée de ce qu’il avait pu vivre mais je sentais qu’il allait me confier l’un de ses plus noirs secrets. Il me faisait encore confiance. Dorénavant, j’étais certain que l’on était toujours ami. Néanmoins, une chose plus importante me rendait nerveux : j’allais savoir une chose très secrète de son histoire. L’idée de savoir ça me rendait on ne peut plus nerveux. Je passais une main dans mes cheveux en attendant d’entendre la réponse de Trevor.

Spoiler:

Ma question à peine posée, j’eus la réponse que j’attendais. Dexter me sourit, mais pas un de ces sourires chaleureux ou amicaux que les gens affichent avec leurs amis. Non, un sourire triste. Résigné. Un sourire qui me confirmait qu’il avait bien fait cela, et qu’il n’en était pas fier. Je hochai la tête, pas vraiment surpris. J’y avais tellement pensé depuis notre dernière rencontre que cette révélation ne m’étonnait plus vraiment. Je m’en étais douté. En revanche, je me sentis… plus proche de lui. J’avais la confirmation que j’attendais, lui et moi on avait été coulés dans le même moule. Il avait fait ça pour sa famille, pour sa mère. J’en aurais fait de même. Dexter m’expliqua ensuite ce qu’il s’était passé, la nuit où sa sœur et lui s’étaient enfuis. Sur le coup, contrairement à ce qu’il avait offert à ma mère… Voilà sans doute ce qui nous rendait différents, lui et moi. Ma vengeance à moi avait un goût plus jouissif, j’avais la satisfaction quotidienne de savoir que le bourreau d’Edgard souffrait à chaque seconde que Dieu faisait.

« Je ne l’avais jamais dis avant aujourd’hui » conclut l’ancien Rho Kappa, en me regardant dans les yeux.

Je hochai à nouveau la tête, conscient que je détenais entre mes mains son secret le plus intime. Mes paumes se frottèrent l’une contre l’autre et j’observai Dexter en silence, quelques secondes. Il se renfonçait dans le dossier de son fauteuil, comme s’il cherchait à se faire avaler par celui-ci pour disparaître de ma vue à jamais. Avait-il honte de ce qu’il venait de m’avouer ? Il ne fallait pas.

« Tu as honte ? » lui demandai-je finalement, en plissant un peu les paupières. « Tu ne devrais pas, tu as fait ce qu’il fallait pour ta sœur et pour la mémoire de ta mère ».

Je passai une main dans mes cheveux et me laissai tomber en arrière, pour m’appuyer moi aussi sur le dossier du fauteuil. Je me sentais plus léger, comme si l’aveu de Dexter m’avait libéré d’un poids inutile. Pas celui des questionnements, mais plutôt… celui de l’obligation de l’ignorer, de lui faire du mal juste parce qu’il était différent. Il ne l’était pas, au contraire. Dext’ était sans doute une des personnes qui me ressemblait le plus dans ce lycée.

« Ne t’inquiète pas pour ton secret, il sera bien gardé » lui dis-je ensuite, pour ne pas qu’il en devienne parano.

Je détournai ensuite les yeux pour les fixer au loin, sur un point invisible situé entre la porte et la fenêtre. Mes pupilles étaient braquées dans le vide, immobiles et vides. Je réfléchissais. Dexter m’obligeait à me remettre en question.

« Au fond, même si je le voulais vraiment… je ne pourrais pas te détester. Toi et moi, on se ressemble. Et j’imagine… »

Je m’interrompis, quelques secondes.

« Tu sais pourquoi je déteste tant les homosexuels ? » lui demandai-je alors, en braquant à nouveau mes yeux sur mon ami.

Au début de notre conversation, j’avais eu l’impression que Trevor avait changé mais non. Ce que je venais de lui dire l’avait fait grimacer. Ca me faisait sourire de voir qu’il était toujours le même gars, le gars avec qui j’avais été ami. Toujours aussi bourru. Toujours aussi peu enclin à paraître sympathique. Mais je percevais la sincérité dans sa voix quand il me dit être content de voir que j’allais bien.
 
Bien sûr le silence qui suivi fut très gênant et désagréable. D’ailleurs, ça le mettait beaucoup plus mal à l’aise que moi. Il n’arrêtait pas de gigoter sur le canapé.
 
Enfin, il osa poser LA question. La question que je craignais mais que je devais affronter. Dès qu’il avait évoqué les paroles que j’avais prononcées quelques semaines plus tôt, j’eu un sourire un peu triste mais surtout résigné. Il avait compris. Maintenant il savait et je ne pouvais plus reculer… Quand bien même j’avais pu reculer, l’aurais-je seulement voulu?
 

 
Désormais, Trevor savait ce que je cachais à tout le monde. C’était étonnant que je lui ai avoué mon terrible secret. Je ne l’avais même pas dit à ma petite-soeur. Mon père, lui, le savait d’instinct. Je n’ai jamais eu à lui dire quoique ce soit pour qu’il comprenne car nous étions semblable, nous réagissions de la même façon, nous avions les même faiblesses… Ma principale différence d’avec mon père était mon orientation sexuelle mais à part ça, nous partagiions beaucoup de choses dans nos caractères et nos comportements.
 
Dans les yeux et l’attitude de Trey, je cherchais une indication. Que pouvait-il penser de ça? Je me doutais qu’il n’en pensait pas du mal. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu’il pourrait faire n’importe quoi pour mettre en sécurité sa famille. Ce que j’avais fait, tout ce que j’avais fait; je l’avais fait pour défendre ma petite-soeur et pour venger ma mère. Dans la logique des choses, je devais pouvoir m’en sortir face au Rho Kappa sans qu’il ne me touche une nouvelle fois. Au mieux, mon aveu le pousserait à m’accorder à nouveau son amitié… Cette dernière option semblait très peu probable d’après mon expérience de Trevor.
 

Malgré ma certitude de m’en sortir sans dommage, je me renfonçais dans mon fauteuil comme pour me sentir protégé par son tissu, son rembourrage et sa forme semblable à un cocon. Je jetais un coup d’oeil à l’escalier qui menait aux chambres. Même si j’étais heureux de voir que mon ancien ami était venu prendre de mes nouvelles, j’avais envie de retourner dans ma chambre et de m’enfermer pour ne plus ouvrir la bouche de toute la soirée. Honnêtement, j’avais honte de mon geste. J’avais peur des conséquences de mon acte de juste folie.  Que m’arriverait-il si Trevor venait à en parler?

Dexter m’observait, visiblement surpris… et d’ailleurs, il m’avoua lui même que c’était surprenant de ma part. Quoi, que je prenne de ses nouvelles ? On avait été amis, non. Je ne voyais pas pourquoi il disait ça. Je l’avais bien conduit à l’hôpital, la dernière fois, alors que j’aurais très bien pu le laisser se démerder tout seul après lui avoir gentiment cassé le bras. Bon, okay, peut-être pas. Il avait raison, moi aussi j’étais surpris de ma présence ici. C’était un peu comme remettre sur le tapis toutes mes convictions, juste parce que je pressentais qu’il était du même moule que moi. A cause d’un truc qu’il avait laissé entendre, mais qui dans le fond ne voulait rien dire. Ou trop en dire, je ne savais pas vraiment. Raison de ma présence ici, en grande partie.

« C'est surprenant de ta part. Je ne t'ai jamais vu aussi compatissant. Ca me plait de te voir agir ainsi » commença-t-il par me dire, ce qui m’arracha une grimace de dégoût suite à la formulation de cette dernière phrase.

« Pitié, contente toi juste de me répondre » sifflai-je entre mes dents, en priant pour qu’il m’épargne un peu s’il ne voulait pas que je me montre à nouveau… moins compatissant.

« Pour ce qui est des dernières nouvelles, on vient de retirer mon plâtre. Je viens juste de sortir de l'hôpital, c'est pour ça que je rentre aussi tard. Et non, ne rajoute pas de « sale gay » à la fin de ta phrase. Je préfère autant que tu sois sympa avec moi… »

Je me renfrognai, et m’enfonçai un peu plus dans le canapé.

« Ouais bah… » commençai-je par dire, en cherchant un truc pas trop sympa à ajouter pour poursuivre, en vain.

A la place, je me contentai d’un « Content de voir que tu vas bien », sincère.

Je passai une main dans mes cheveux et les ébouriffai, puis croisai les bras sur ma poitrine tandis que Dext’ posait les yeux sur moi et m’observait en silence. Nous nous regardâmes dans le blanc des yeux de longues secondes, et je pouvais lire dans son regard qu’il se demandait ce que je faisais vraiment là. Et là… ça devint très gênant. Je ne disais rien, lui non plus. Il ne bougeait pas, je remuais de plus en plus sur le canapé, mal à l’aise. Au bout d’un moment, je compris que je devais faire un choix : parler ou dégager. Mais ce n’était pas juste « un choix », comme ça. C’était surtout : essayer de sauver notre ancienne amitié, autant que faire se peut, ou y mettre définitivement un terme. Je fis un gros effort et un travail sur moi-même pour me décider, après de longues – et ridicules – minutes de silence.

« Hm… ça commence à devenir gênant, là » fis-je remarquer d’une voix bourrue, avant de poursuivre : « Ecoutes, Dext’… on sait bien toi et moi que je ne suis pas venu juste pour ça. Tu… t’as dit un truc qui m’a intrigué, l’autre fois ».

Dext’, oui… je n’arrivais pas à l’appeler par son prénom en entier, ça me faisait trop bizarre. Je me penchai en avant une fois de plus et croisai son regard, en me pinçant un peu les lèvres sans trop savoir comment aborder le sujet. Comme je ne trouvais pas, et que la subtilité c’était pas mon truc, je choisis d’y aller cash.



Aucune trace d’animosité dans ma voix. J’y décelais même une note immanquable de respect.

Finalement, j'avais peut-être mal jugé les intentions de Trevor. J'étais parfois trop sur mes gardes et je savais très bien que ça pouvait en rebuter plus d'un. Je retins un sourire lorsqu'il failli employer mon surnom. Il me demanda ensuite si les lambdas étaient tous impolis. Je ne comprenais pas pourquoi il me demandait ça, j'étais le seul lambda qu'il avait croisé ici. Ses paroles suivantes m'achevèrent de m'étonner. Il venait vraiment prendre de mes nouvelles ? Incroyable ! Mais c'était quand même sympa.

-C'est surprenant de ta part. Je ne t'ai jamais vu aussi compatissant. Ca me plais de te voir agir ainsi. Pour ce qui est des dernières nouvelles, on vient de retirer mon plâtre. Je viens juste de sortir de l'hôpital, c'est pour ça que je rentre aussi tard. Et non, ne rajoute pas de « sale gay » à la fin de ta phrase. Je préfère autant que tu sois sympa avec moi..

Je continuais à regarder Trevor. Je repensais bien sûr à nos matchs sur le ring, à notre amitié quand il pensait encore que j'étais hétéro, à notre confrérie, à nos amis communs... Je savais qu'il connaissait plutôt bien Rose, ma cousine. J'étais certain qu'il prenait soin d'elle -quand elle en avait besoin. Je me rappelais aussi d'Ilyès. Le jeune homme connaissait son visage, il savait qu'il était gay et Ilyès était très différent de moi sur l'acceptation de sa sexualité et ses rapports aux autres. Je savais très bien qu'Ilyès avait posé un véto sur Trevor juste pour l'emmerder. J'avais peur que le Rho Kappa ne s'en prenne à mon petit-ami.

Je ne savais pas quoi dire pour briser ce silence. Je n'allais quand même pas lui dire de ne pas toucher à mon copain : ça aurait été comme jeter de l'huile sur le feu. Je n'allais pas lui reparler du bon vieux temps où nous étions amis : c'était fini et ça ne serait très probablement plus jamais ainsi. Je conservais donc le silence. Cependant, j'étais intimement persuadé que Trey ne venait pas uniquement prendre de mes nouvelles. Il devait vouloir discuter... Mais discuter de quoi ? Peut-être de ce que je lui avais dis à l'hôpital concernant la mort de mon beau-père... Je priais pour qu'il n'ai pas relevé. Je savais très bien que j'en avais trop dis. J'avais laissé entrevoir la facette la plus sombre de mon être à Trevor et je n'en étais pas fier du tout !

Quelle était la véritable raison de sa venue ici ?

Je n’attendis pas super longtemps, heureusement. Après 10 minutes de patience – qui n’en était pas vraiment, en fin de compte, je commençais déjà à me dire que je me faisais chier et que je pourrais bien revenir plus tard – j’entendis la porte s’ouvrir et tournai les yeux vers l’origine du bruit. Bingo, il s’agissait de Dexter. Il n’avait pas de plâtre à son bras, je fus soulagé de le constater. Nos regards se croisèrent vaguement, il ne pourrait pas faire comme s’il ne m’avait pas. Le brun ne semblait pas ravi de me trouver en train de l’attendre dans son nouveau chez lui – ça n’étonnera personne, je lui avais quand même cassé le bras –, il croisa les bras sur sa poitrine et s’approcha de moi, qui restai assis dans le canapé. Pas besoin de me lever, c’est pas comme si on allait se serrer dans les bras ou se faire la bise.

« Qu’est-ce que tu fais là ? » commença-t-il par dire, ce qui me fit froncer un sourcil désapprobateur.

Un bonjour, ça lui aurait arraché la gueule ?! Bref, je ne répondis pas, le laissant poursuivre et s’asseoir sur un fauteuil en face de moi.

« Tu viens finir le travail de la dernière fois ? On… On ne pourrait pas en rester au fait de ne pas se parler et de vivre chacun dans notre monde ? De toutes façons, je suis qu’un sale pédé, un mec contre-nature… »

Je levai les yeux au ciel, excédé. Finir le travail, il était sérieux ? Il croyait que je venais le tuer, ou quoi ? Et après, il fallait que je fasse des efforts avec… ça ?! C’était un peu comme s’il m’encourageait à le traiter comme de la merde, franchement. Je me penchai en avant, appuyant mes coudes sur mes genoux.

« Bonjour, Dext’…er » lui dis-je, en me rattrapant au dernier moment sur son prénom, j’avais failli utiliser le surnom que tout le monde lui donnait – dont moi, lorsque nous étions encore potes –. « Les Lambdas sont tous impolis, ou quoi ?! »

Je pestais, en songeant à l'accueil plus qu'agréable de son chinois de colocataire. A lui, je ne lui avais rien cassé, il n'avait aucune excuse.

« Je suppose que je vais t’étonner, vu que tu as l’air de penser que je viens pour te tuer… mais je venais voir comment tu allais » lui dis-je d’une voix rude. « Tu veux que je rajoute un sale gay à la fin de ma phrase, tu te sentiras mieux si je le fais ? »

Bon, il était probable que sa réaction m’ait un peu vexé. Il me prenait vraiment pour un gros naze. Hm, certes… je lui avais cassé le bras, je sais, je sais. Mais bon, j’étais là, je venais prendre de ses nouvelles, c’était sympa de ma part, nan ? J’aurais très bien pu rester chez les Rho Kappa et profiter de son absence pour vivre ma vie tranquillement. De toute façon, c’est pas comme si mon côté homophobe était en manque de sa présence, il nous avait laissé sa tafiole de copine à la Confrérie. Celui-là, j’allais pas tarder à me le faire, et avec des petits oignons encore ! Il méritait que la potence, surtout pour avoir osé me poser un veto sur la gueule. Je me redressai et enfonçai mon dos dans le canapé, en observant d’un air énervé mon ancien ami.

J’avais retrouvé Trevor. J’avais pensé que je ne le reverrai jamais… Bien sûr, il avait fallu qu’il entre sans frapper alors que j’étais avec Ilyès et, bien entendu, nous étions en train de nous embrasser que mon ancien pote m’avait découvert. On s’était bastonné et il avait eu l’excellente idée de me casser le bras. Heureusement, il m’avait emmené à l’hôpital et là, on avait “parlé” de nos familles respectives et par conséquent, j’avais parlé de la mort de ma mère et de la mort de mon beau-père… J’avais d’ailleurs fait une gaffe : j’avais sous-entendu que je n’étais pas étranger à la mort de mon beau-père. Je tentais de ne pas penser à ça et j’y arrivais.
 
Ce jour-là, je revenais de l’hôpital. J’étais allé faire une visite de contrôle pour mon bras et on m’avait retiré mon plâtre. Ca faisait un peu plus d’un mois que j’avais revu Trevor. Je m’étais débrouillé seul. Je n’avais pas envie de mêler les gens à mes histoires. Sur le pas de la porte de l’internat, je regardais mon portable : il était un peu plus de 20 heures… J’avais trainé. Je passais la porte et me dirigeais vers celle de ma chambre quand une silhouette grande et baraquée attira mon attention. Trevor. Il était là pour moi. Il venait finir le travail. J’en étais sûr. Je n’étais pas une mauviette même si j’étais une “tante”. Les bras croisés sur la poitrine, je vins me planter face à Trevor.
 
-Qu’est-ce que tu fais là? Tu viens finir le travail de la dernière fois? On… On ne pourrait pas en rester au fait de ne pas se parler et de vivre chacun dans notre monde? De toutes façons, je suis qu’un sale pédé, un mec contre-nature…, lui demandais-je d’une voix neutre pendant que je m’asseyais dans un fauteuil, en face du canapé de Trevor.
 
J’étais fatigué de ma journée, j’avais dû attendre quelques temps à l’hôpital et ça m’avait fatigué. Je n’osais même pas penser à mon état quand je reprendrais le sport. Déjà que je m’étais luxé l’épaule l’année dernière… Je me demandais si je pourrais reprendre le sport avec autant d’efficacité qu’avant.
Je ne réfléchissais pas aux possibles réactions de Trevor. Je posais mes pieds sur la table basse la plus proche et le regardai en attendant qu’il me réponde. Je remarquais qu’il portait son T-shirt des Cannonballs. Ca me faisait sourire. Je passais une main dans mes cheveux frisés. Ca me rappelait que j’avais appris à Trevor que mon père était afro-américain. En fait, j’avais déçu mon ancien ami et là, c’était lui qui me décevait. J’aurais pensé qu’il aurait au moins décidé de me laisser vivre sans s’occuper de moi.

Je fourrais les mains dans les poches de mon jeans. J’appréhendais un peu cette entrevue mais je le cachais. Finalement, je me souvins de ce que je lui avais dis le jour de nos retrouvailles… Non, il ne pouvait pas avoir gardé cette phrase en mémoire! J’en étais sûr, il voulait savoir pourquoi j’avais dis, à demi-mot, que j’avais joué un rôle dans la mort de mon beau-père… Mais peut-être était-ce autre chose… Je me faisais trop de film. Je devrais arrêter mais je n’y arrivais pas.

Cela faisait à présent presque un mois que Dexter et moi nous étions battus dans le couloir des chambres des Rho Kappa et que je lui avais cassé le bras. Je l’avais ensuite amené à l’hôpital – quand même… – et la conversation que nous avions eue aux Urgences m’avait pas mal perturbé. Déjà parce que nous avions évoqué mon frère, qui était un sujet particulièrement sensible pour moi, mais aussi par rapport à ce qu’il m’avait avoué, vis à vis de l’assassin de sa mère. Je n’arrivais pas à me dire que cette phrase ne voulait rien dire. J’y voyais des aveux, et ça m’imposait une espèce de… de respect. Oui, c’était bien de cela dont il s’agissait. Sauf que : Dexter était gay. Chose que j’avais apprise également ce jour-là, en le surprenant avec sa tafiole de petit ami. Ilyès. Aka le connard qui m’avait foutu un veto dessus. Je n’avais pas encore trouvé comment me venger, si ce n’est en lui cassant les dents. Ce que je ferais probablement un jour ou l’autre, quand l’occasion se présenterait. Bref ! Il fallait d’abord que je m’occupe de Dexter. Je repensais souvent à cette conversation, à notre ancienne amitié que je jugeais à présent impossible à cause de son homosexualité… et je ne voyais pas quoi faire pour mettre les choses au clair. Surtout que Dext’ avait changé de Confrérie à la fin du mois, et je m’en voulais pour ça. Je pensais que c’était de ma faute. Sans doute avais-je raison, ce qui m’énervait.

Allongé sur mon lit, ce jour-là, je lançais un ballon en l’air et m’amusais à le rattraper, perdu dans mes pensées qui me ramenaient une fois de plus vers Dexter et notre conversation… lorsque la porte s’ouvrit en grand sur Seb’ qui rentrait de je-ne-sais-où. Il me surprit, je sursautai et loupai le ballon que j’avais lancé, si bien qu’il m’atterrit sur le nez puis rebondit sur le sol.

« Aaaaaah putain de MERDE » jurai-je, en portant les mains à mon nez.

« Oh, ça va Trey ? » me demanda mon colocataire et Puceau.

« Bête question, tu crois pas ? » lui dis-je en me redressant.

Je reniflai un grand coup. Celui que j’avais pris sur le nez m’avait aidé à ma décider. J’allais aller parler à Dexter. Je pris le ballon tombé au sol et le lançai à Seb’, qui le rattrapa évidemment tout de suite. Normal, un joueur de sa trempe… toujours est-il que je passai à côté de lui en lui claquant l’épaule d’un geste amical.

« Je vais chez les Lambda, à toute ».

Je sortis du Bâtiment des sportifs sans juger bon de me changer, puisque je portais un jeans et un tee-shirt violet aux couleurs des Cannonballs, avec mon numéro et mon nom dans le dos. Tenue très respectable pour le sportif que j’étais. Bien que… le SEYTON sur le maillot me donnait parfois des boutons, il me faisait penser à mes parents adoptifs et je me rendais compte que je n’avais plus eu de leurs nouvelles depuis plus d’un an. Je n’arrivais pas à croire qu’ils m’avaient réellement rayé de leur vie… et pourtant, j’en avais la preuve sous les yeux. J’essayais de me consoler en me disant que de toute façon, je n’avais pas besoin de gens qui ne croyaient pas en moi comme parents. Mais la vérité, c’est que je me sentais parfois abandonné. Je soupirai en me donnant un coup du plat de la paume sur le front, comme pour arrêter d’y penser. J’avais plus important à faire que de m’apitoyer sur mon sort.

J’arrivai au Bâtiment principal et montai directement aux dortoirs où les élèves sans Confrérie logeaient. J’espérais le trouver là… et au pire, je l’attendrais. Il devait être quelque chose comme 20 heures, s’il n’était pas là il finirait par revenir pour dormir. Je toquai à la porte de sa chambre, après avoir demandé à une nana laquelle c’était. Ce fut un jaune qui m’ouvrit. Je me forçai à sourire.

« Dexter est là ? » demandai-je d’une voix rude au bridé, qui me regardait avec un air sournois – l’effet des yeux plissés.

« Non ».

« … » hésitai-je, surpris par sa réponse. « Il est où ? »

« Je ne sais pas ».

Et il me claqua la porte au nez, ce connard. Furieux, j’écrasai mon poing contre celle-ci et hurlai : « Ta mère t’a pas appris la politesse, sale chintok ! »

Je serrai les poings et revins dans leur salle commune, où je me laissai tomber dans le canapé sans me gêner. Dext’ finirait bien par revenir, je n’avais qu’à l’attendre là.