Ce n'était pas mon jour de chance et cela se confirmait lorsque je sentais une main lourde s'imposer à mon épaule. Il m'avait rattrapée comme je m'y attendais. Malheureusement. Mais j'allais trouver une échappatoire, il ne tiendrait pas aussi longtemps qu'il l'espérait, je n'allais pas lui laisser l'occasion de me pourrir l'existence une fois de plus. En revanche, je me demandais bien comment il avait pu sortir de prison ? Quel était le con qui avait bâclé son dossier ?
« - Amaranthe, quelle excellente surprise. J’imagine que tu te souviens de moi ? - Comment oublier une pourriture dans ton genre ? » lui répondis-je en tentant de maintenir une certaine assurance dans ma voix et mes gestes. Non, ne t'en fais pas, je t'ai bien gravé là, dans ma petite tête. Je finissais en imageant ceci par un geste de mon index pointé sur le côté de mon crâne comme s'il avait besoin de jolis dessins colorés pour comprendre le moindre mot prononcé à son attention. Brave bête.
« - Qu’est-ce que tu racontes de beau ? Et ne me dis pas que tu es en retard, je ne te croirai pas. C’est les vacances, te connaissant tu n’as sans doute pas trouvé de petit boulot, n’est-ce pas ? Qu’as-tu fait, ces derniers mois, hm ?»
La plaie, comme si ça l'intéressait tout ça. Il devait forcément se douter de quelque chose, je ne voyais que ça, qu'aurait-il comme raison de me courir après sinon ? À moins qu'il soit toujours dans le mauvais trip de me charrier à chaque occasion qui se présentait, après tout, il avait été bien heureux de m'emmerder lorsque j'avais répondu à son annonce de photographie sans savoir qu'il s'agissait de lui. Il avait jubilé quand, par sa faute, mes parents m'avaient envoyée ici et que les premiers mois se fut difficile à supporter pour moi. Non vraiment, Nathan, pouvait finalement ne pas avoir besoin d'une raison particulièrement pour me saloper l'après-midi en une seconde...
« - Vacances ou pas, effectivement, je vais être en retard si tu me tiens la jambe comme tu le fais. On m'attend quelque part, figures toi. Puisque tu es si curieux, c'est mon petit ami que je dois rejoindre. Et non, tu ne m'accompagnes pas, tu n'es pas invité. Hasta la vista. »
... Dans tous les cas, je ne le sentais pas et n'avais certainement pas envie de m'éterniser là. Puis, malgré ma confiance faussement affichée, je craignais les conséquences de mes actes, je savais pertinemment que s'il découvrait que c'était moi la responsable de ses derniers mois passés en prison, j'allais en prendre pour mon grade. Je ne perdis pas de temps pour lui tourner le dos mais lui non plus quand il s'agissait de m'attraper le bras.
« - Laisse moi, veux-tu. Je n'ai pas le temps pour tes jeux. La seule raison pour laquelle tu me parles est pour m'emmerder alors cesse ça. »
Avez-vous déjà passé une nuit en prison ? Il suffit d’une soirée trop arrosée, d’une connerie infime, d’une insulte lancée à un poulet… et vous êtes cuit. Lorsque vous faites l’amour à des jeunes femmes – s’entend n’ayant pas atteint la majorité sexuelle –, vous risquez de vous retrouver derrière les barreaux également. Mais pas pour une nuit, ni même deux. Pour plusieurs années. C’est ce qu’il s’est passé pour moi.
Je viens de passer les derniers mois de ma vie en cellule.
Je peux vous dire que j’en ai vues des vertes et des pas mûres. Pour une histoire de sexe, avec des filles consentantes en plus du reste. Je n’avais pas compris, quand je m’étais fait embarquer. Une de ces filles avait apparemment témoigné contre moi. On ne m’avait pas dit son nom. Heureusement pour elle, je suis du genre rancunier… et si je l’apprends un jour, elle risque de le regretter. J’avais plusieurs personnes en tête, c’est vrai. Mais dans le doute – et coincé ici, il m’était impossible d’assouvir mon envie de vengeance. Le pire avait été le moment où Kaylee m’avait annoncé qu’elle partait vivre à New-York avec Jude. Coincés chacun d’un côté de la vitre, je n’avais même pas pu la serrer dans mes bras. Uniquement lui promettre de sortir de là le plus vite possible.
J’ai de la chance – si on met de côté ce passage forcé par la prison, sans passer par la case départ et sans gagner 2000 dollars –, les prisons de nos jours sont remplies de criminels. Des vrais. Les mecs comme moi, on les libère après quelques mois, à condition qu’ils se tiennent à carreau. Ce fut mon cas. Je suis souriant, agréable à vivre, aimable… au fond de moi, ça bouillait de rage, mais je ne l’ai jamais montré dans l’espoir de sortir de ce trou à rats le plus rapidement possible.
Arriva le jour béni de la liberté conditionnelle.
Ce jour remontait à près d’une semaine. Ma réputation de peintre était foutue, malgré le succès de mon vernissage. Dans ce monde, la réputation sociale fait parfois plus que le talent. Qu’à cela ne tienne, j’avais l’intention de continuer à peindre. Et pour l’instant, j’avais délaissé le corps des femmes… pour les façades de maisons. Une façon de me réintégrer à la vie de Miami tout en douceur. Kay’ avait été mise au courant de ma sortie, et nous devions nous voir prochainement. En attendant, je me tenais tranquille et je vivais ma vie.
Je n’ai pas une bonne ouïe. Les capacités de mon oreille droite sont mêmes diminuées. En revanche, j’ai une bonne vue.
Cet après-midi, je peignais tranquillement les volets d’une maisonnette, vêtu d’un vieux jeans plein de peinture et d’un simple tee-shirt blanc. Mes cheveux blonds mal coiffés se dressaient en épis sur ma tête, et un coup de vent les ébouriffa. Je relevai les yeux vers la vitre et passai une main dans mes cheveux. C’est là que je l’aperçus. Une silhouette derrière moi, pas loin. Elle semblait me fixer, puis elle se tourna… et prit ses jambes à son cou. Elle ne courrait pas, mais j’eus une désagréable impression. Je lâchai mon pinceau vivement, dans le pot de peinture qui m’éclaboussa un peu, poussé par une espèce d’intuition : cette fille, je la connaissais et elle n’avait pas envie de me voir.
Pas de chance, ma jolie.
Je me mis à courir pour la rattraper et, une fois à sa hauteur, posai ma main sur son épaule pour l’arrêter et l’obliger à se retourner. Sa chevelure aux reflets cuivrés me disait quelque chose, mais je dus attendre qu’elle se retourne pour me voir confirmer son identité.
« Amaranthe, quelle excellente surprise » lui dis-je en souriant, l’air carnassier.
« J’imagine que tu te souviens de moi ? ».
Bête question, Nathan. Sinon pourquoi serait-elle partie aussi rapidement. Pourquoi… excellente question, je comptais bien le découvrir rapidement. Je lâchai son épaule, sur laquelle ma main était encore fermement posée, et laissai retomber mon bras le long de mon corps.
« Qu’est-ce que tu racontes de beau ? Et ne me dis pas que tu es en retard, je ne te croirai pas. C’est les vacances, te connaissant tu n’as sans doute pas trouvé de petit boulot, n’est-ce pas ? Qu’as-tu fait, ces derniers mois, hm ? »
Ton suspicieux, voix légèrement agressive. Amaranthe était sur ma liste. Si c’était elle qui avait témoigné contre moi, je le saurais d’une manière ou d’une autre.
Les vacances d'été se déroulaient pour le mieux, je passais pratiquement chaque après-midi à la plage, plongeant autant que possible ou me baladant en bateau, à pied au bord de l'eau, je commençais enfin à rentrer plus de gens, notamment des camarades du campus, je sortais même un peu parfois, je m'ouvrais aux autres à tel point même que je finissais par avouer mes sentiments à Dylan que je connaissais depuis l'an dernier, à présent nous étions un couple. Qui l'aurait cru ? Moi qui m'était jurée de ne plus me laisser tenter depuis l'humiliation Standford. Mais Dylan était son opposé en tous points. Voilà pourquoi je pensais facile de lui accorder ma confiance, bien qu'au tout début, j'étais restée sur la réserve. On ne peut jamais être sûre de rien dans la vie. Mais voilà, je m'étais lancée, me rendant bien compte que j'allais le regretter sinon. Au pire, je n'avais plus quinze ans, si ça devait finir, je savais déjà à quoi m'attendre. Pour le moment, je me sentais bien et c'était tout ce qui comptait. Pour cet après-midi, je m'accordais quelques heures en ville, j'étais motivée pour faire un peu les boutiques, m'acheter de belles robes d'été et toutes les futilités qui mettent les femmes en valeur. J'avais toujours était attentive à mon apparence car se consacrer aux études d'après mes parents ne signifiait pas pour autant d'être d'une jeune fille négligée, la bonne éducation, que dis-je, l'éducation parfaite, se joue dans tous les domaines y compris les bonnes manières. Se tenir droite, la tête haute, ne pas mettre les coudes sur les tables... Et surtout, vous ne m'entendrez pas prononcer le moindre gros mot.
Bref, après des heures dans les magasins, je décidais de finir par un film au cinéma, une heure trente où je ne bougerais pas d'un siège, pop corn à ma main gauche, gobelet de coca cola à la droite, sac à main sur mes genoux et sacs de produits achetés à mes pieds, trois au total. Bon, pas d'action, un film plat, tant pis, ça m'a reposée au moins. Mais ce que j'ignorais alors, était que ce manque de rebondissements, j'allais le trouver en sortant de la salle de cinéma. Quelques mètres plus loin, j'apercevais une silhouette familière, des cheveux blonds au sommet et je jurerais que les tâches qui parsemaient son pantalon étaient de la peinture...
« - Nathan ? »
Ça ne pouvait pas être ce crétin, je l'avais envoyé en prison pour détournement de mineures il y a quelques mois. Certes, j'avais été consentante mais, c'était réellement du détournement de mineures dans le sens où il avait couché avec de nombreuses mineures en étant lui-même majeur, non ? Et puis, je suis persuadée que comme pour moi, ces filles se sont senties en quelque sorte obligée de passer à l'acte sans attendre pour pas qu'il ne les quitte. Ce qu'il a finalement fait et ce, à chaque fois.
Dans tous les cas, je ne peux pas croire que ce soit lui à quelques pas de moi mais, je ne vais pas prendre de risque, je vais faire demi-tour et changer de trottoir en vitesse. D'ailleurs, j'accélère le pas mais sans courir, il pourrait l'entendre et comprendre qu'il s'agit de moi et me rattraper...
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