Usé. (Dante Burwin) [Terminé]

Elsa était manifestement très intimidée par son discours. Peut être n'avait pas l'habitude qu'on lui fasse des compliments ou que le fait qu'il avait compris ce qui lui était arrivé l'apeurait, ou encore qu'elle ne s'était pas bien remise de sa crise d'hyperventilation. Ses petits tressaillements mettaient Dante un peu mal à l'aise et il ne savait pas trop quoi faire. Il restait là à attendre, impuissant, les bras ballants, que la jeune fille se décide à rompre le silence. Ce qu'elle dit d'une manière encore inattendue.

« Si tu imagines ce qu'il s'est passé, tu dois certainement savoir que... »

Mais elle se coupa net. Alors qu'elle était sur le point d'avouer quelque chose. Le sentiment de frustration naquit dans l'esprit de Dante qui détestait plus que tout qu'on refuse de lui dire quelque chose ou qu'on lui cache volontairement. Mais dans la situation présente, il valait mieux mettre tout ceci de côté et être patient. Il savait qu'elle ne dirait rien et qu'il ne fallait absolument pas la brusquer. Il réfléchit à une réponse et dit simplement :

« Ne me dis rien, Elsa. Je sais que ça te met mal à l'aise et je ne tiens pas à ce que tu te remettes dans un état pareil. Fais moi confiance, c'est tout. »

Mine de rien, les événements de la nuit l'avaient sérieusement fatigué. Et il avait envie de retrouver son lit, pour une fois, s'il restait assez de temps pour piquer un petit somme. Et vu son état, Elsa devait très certainement avoir le même besoin. Il lui proposa de la raccompagner jusqu'à sa chambre mais elle déclina l'invitation, comme il s'y attendait. Il retourna discrètement dans sa chambre, la nuit lui trottant encore dans la tête. Il était sûr d'une chose, il voulait réellement se rapprocher d'Elsa. Il ignorait si elle ressentait le même besoin après ce qu'il était passé, mais il ne pouvait pas s'empêcher de voulait en savoir plus à son sujet.

Entré dans sa chambre, il regarda l'heure. Il ne lui restait plus que deux petites heures de sommeil. Jessy dormait toujours, comme si dans cette pièce le temps était resté figé. Exténué, il s'endormit quelques secondes après que sa tête se fut posée sur l'oreiller moelleux.

Dante m'aida à me relever. On était debout face à face. Et maintenant ? Qu'allait-il se passer ? Le silence s'était installé entre nous. J'attendais que Dante m'affirme qu'il ne dirait rien. Et puis, je remonterai dans ma chambre. Mes mains étaient toujours un peu froides. Tout comme mes pieds. Je suis fatiguée. Je veux dormir. C'est alors que Dante haussa la voix.

« Ecoute Elsa... Je ne sais pas trop quoi te dire, mais j'ai remarqué que le fait que je te touche un peu brusquement a été le déclencheur de... ta crise. Je ne suis pas idiot, j'imagine très bien ce qui a pu t'arriver pour que tu aies ce genre de réaction. Je ne te force pas à m'en parler. Après tout, on ne se connaît pas donc je comprendrai très bien que tu ne me fasses pas confiance. Mais je te jure que je ne parlerai à personne de ce que je sais et de ce qui a pu se passer. En réalité, ça me gêne un peu de te dire ça comme ça mais... tu m'intrigues énormément, je suis intimement persuadé que tu es une fille bien et... si ma présence ne te dérange pas, j'aimerais bien qu'on passe un peu de temps ensemble, à l'avenir. »

Comment ça il imagine très bien ce qu'il a pu m'arriver ? Personne ne peut imaginer tant qu'il ne l'a pas vécu. C'est impossible. Je tressaillis. Une des images de ce fameux soir me revient en mémoire. Je passe une main désinvolte dans mes cheveux puis soupire. Enfin, l'essentiel était qu'il comptait ne rien dire à personne. Dante m'a dit que je l'intriguais. Que j'étais une fille bien. Je repense à ce qu'il s'est passé. Non. Je ne suis pas une fille bien. Je suis horrible. Je frotte une des mes paupières telle une gamine de cinq ans. Je soupire à nouveau. Je suis éreintée. Je songe alors aux dernières paroles de Dante. Il voudrait que l'on passe du temps ensemble. Comme... des amis ? J'hésite. J'ai peur. Je prends la parole, en détournant le regard pour essayer de cacher les larmes qui commençaient à picoter mes yeux.

« Si tu imagines ce qu'il s'est passé, tu dois certainement savoir que... »

Merde. J'ai dit ce que j'aurais jamais du dire. Je mords la lèvre inférieure. 'Fais chier. Je regarde un point imaginaire dans la salle. Je suis vraiment une idiote.

Après quelques instants, Elsa choisit de mettre fin au contact corporel. Elle avait visiblement l'air encore choquée parce ce qu'il s'était passé et Dante n'insista pas. Elle garda sa main dans la sienne et il la caressait lentement avec son pouce pour essayer de se montrer assurant. Enfin, il capta son regard qui avait également quelque chose de pénétrant et elle lui dit d'une petite voix :

« Je.. Merci, Dante. Merci beaucoup. Si tu veux me rendre service, ne dis à personne ce qu'il s'est passé ce soir, tu veux bien ? Et évite ce genre de.. contact physique. »

Il l'aida à se relever tout en réfléchissant un petit peu à la situation. Elle ne voulait pas que ça se sache, à juste titre, donc elle tenait beaucoup à son image ou du moins elle voulait rester discrète et ne pas se faire remarquer par les autres. Et elle avait peur des « contacts physiques ». Il n'était pas nécessaire de s'appeler Einstein pour comprendre le fond du problème. Cependant, il ne savait pas réellement quoi ajouter. D'après ce qu'il avait pu constater, elle ne serait pas du genre à se confier à lui et à parler de sa vie si il lui demandait quelques renseignements. Et partir bille en tête avec une question très directe pourrait être très mal pris. Il choisit une sorte de solution diplomatique intermédiaire :

« Ecoute Elsa... Je ne sais pas trop quoi te dire, mais j'ai remarqué que le fait que je te touche un peu brusquement a été le déclencheur de... ta crise. Je ne suis pas idiot, j'imagine très bien ce qui a pu t'arriver pour que tu aies ce genre de réaction. Je ne te force pas à m'en parler. Après tout, on ne se connaît pas donc je comprendrai très bien que tu ne me fasses pas confiance. Mais je te jure que je ne parlerai à personne de ce que je sais et de ce qui a pu se passer. En réalité, ça me gêne un peu de te dire ça comme ça mais... tu m'intrigues énormément, je suis intimement persuadé que tu es une fille bien et... si ma présence ne te dérange pas, j'aimerais bien qu'on passe un peu de temps ensemble, à l'avenir. »

Tout ceci ne lui ressemblait vraiment pas mais il s'était soudainement pris d'affection pour elle et voulait en savoir plus. Beaucoup plus.

J'étais toujours assise contre le mur. Je respirai lentement. Jamais j'aurais cru que respirer m'aurait fait autant de bien. J'attendais que Dante s'en aille maintenant. J'avais serrer sa main si fort; il a du avoir très mal. Et puis, merde. Le silence avait remplacé mes sifflements. J'entendis Dante bouger. Ça y est, il allait partir. Mais la réalité dut toute autre. Le jeune homme me prit dans ses bras, à nouveau. Je sentis mon coeur s'emballer. Mes mains devenaient plus froides. Il prit la parole, visiblement perturbé.

« Oh, je suis si soulagé que tu te sois calmée... Je te promets que je ne ferai plus ça. Jamais. J'espère que tu me pardonneras, je ne pouvais pas savoir que tu réagirais comme ça. Je suis idiot, parfois. Je m'arrange pour que ce soit le plus rare possible mais quand ça foire, c'est vraiment du grand n'importe quoi. Bref, je ne sais pas vraiment pas quoi faire pour me faire pardonner, mais sache que si tu as besoin de quelque chose, de parler ou quoi que ce soit d'autre, tu pourras venir me voir. Je te fais le serment d'avoir toujours un peu de temps pour toi. Je sais que c'est maigre, mais je n'ai rien de réellement mieux. »

Les paroles de Dante me touchèrent. Même si j'avais peur, je sentais que Dante était sincère. Le timbre de sa voix en témoignait. Malgré tout, je me sentis obligée de rompre le contact. J'avais trop peur. Je me séparait de lui mais pris sa main dans la mienne pour ne pas qu'il pense que je le repoussai complètement. J'ancrai mon regard dans celui de Dante.

« Je.. Merci, Dante. Merci beaucoup. Si tu veux me rendre service, ne dis à personne ce qu'il s'est passé ce soir, tu veux bien ? Et évite ce genre de.. contact physique. »

Elsa avait une drôle de façon de lui tenir la main. Elle essayait plus d'en faire la bouillie ou quelque chose de ressemblant, à vrai dire. Dante luttait contre la douleur qui lui écrasait la main. Mine de rien, elle avait de la force, la petite. Il fallait serrer les dents jusqu'à ce que ça passe, elle devait certainement avoir bien plus mal que lui, au fond. Les minutes passèrent et le sang passait de moins en moins bien dans son extrémité. Ses phalanges lui brûlaient de plus en plus mais il se motiva en sentant Elsa se calmer.

Au bout d'un certain temps, sa respiration se calma enfin entièrement, et elle lâcha sa main en s'excusant. Dante remua ses doigts ankylosés et sa main reprit rapidement elle aussi une couleur normale, autre que le bleu étrange qui perlait sous sa peau. Il reprit Elsa dans ses bras, et lui dit, d'une voix qui trahissait son émotion malgré lui :

« Oh, je suis si soulagé que tu te sois calmée... Je te promets que je ne ferai plus ça. Jamais. J'espère que tu me pardonneras, je ne pouvais pas savoir que tu réagirais comme ça. Je suis idiot, parfois. Je m'arrange pour que ce soit le plus rare possible mais quand ça foire, c'est vraiment du grand n'importe quoi. Bref, je ne sais pas vraiment pas quoi faire pour me faire pardonner, mais sache que si tu as besoin de quelque chose, de parler ou quoi que ce soit d'autre, tu pourras venir me voir. Je te fais le serment d'avoir toujours un peu de temps pour toi. Je sais que c'est maigre, mais je n'ai rien de réellement mieux. »

Pour la première fois depuis de nombreuses années, il ressentait un réel sentiment de peur mêlé à la culpabilité. Il se sentait à la fois nul et impuissant, maintenant que la crise était passée. Mais d'un autre côté, il voulait en savoir plus sur cette Elsa, vu son comportement initial. Elle avait l'air intéressante. Mais après cet épisode conflictuel, Dante pensa qu'elle serait tellement traumatisée qu'elle ne voudrait plus jamais la parole. Comme pour influencer sa réaction, il essaya de capter son regard avec le sien, mais elle regardait obstinément le sol. Qu'allait-elle faire maintenant ? Lui remettre une torgnole en plein visage ? Rien n'était moins sûr...

J'avais perdu toute notion du temps. J'étais fatiguée. Je voulais dormir. Mais la douleur et l'étreinte de Dante m'en empêchaient. Puis soudain, il me lâcha. Je sentais les larmes couler sur mes joues. Il allait donc me laisser crever ici comme un chien ? Il garda une de mes deux mains dans la sienne. Il s'assit en face de moi. Je l'entendis inspirer très fort, comme si il voulait que je l'entende respirer. J'essayai de soutenir son regard.

« Elsa, tu vas m'écouter, s'il te plait, tu vas écouter ma respiration et tu vas essayer de la reproduire. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. Tu ne vas pas mourir, c'est impossible. Je suis là, et tant que tu ne te seras pas calmée, je te promets que je resterai avec toi. Tu sens ma respiration ? Imite là. Tu verras, tout ira bien. »

Il essayait encore de me rassurer. Il prit ma main et la mit sur son torse. Je sentais son coeur battre très fort. Était-ce de la panique ? Sa poitrine se soulevait au rythme de sa respiration. J'essayai donc de respirer normalement, malgré la douleur. Je serrai très fort sa main. Il devait avoir mal. Petit à petit, ma respiration se cala sur celle de Dante. Elle ne sifflait presque plus. Je me sentais mieux. Ma poitrine ne me faisait presque plus mal. Quelques larmes coulaient encore sur mes joues. J'avais encore un peu peur. Mais la pression que je faisais sur la main de Dante était toujours la même. Je regarde le sol.

« Désolée... »

Malgré toute sa bonne volonté, calmer Elsa semblait impossible. Il sentait son corps s'agiter de tremblements et elle se mit à pleurer. Apparemment, le fait qu'il la prenne dans ses bras n'arrangeait rien et il commençait à être sérieusement démuni. Il fallait lui aussi qu'il se calme pour être un peu plus productif. Il réfléchit quelques instants et se dit qu'elle était certainement en train de faire une crise d'hyperventilation à cause d'un stress ou d'une anxiété trop grands.

Mais comment quelques secondes de chatouilles pouvaient engendrer une crise pareille ? Il se demanda s'il faisait si peur que ça, ou s'il avait l'air d'un psychopathe évadé de prison. Il essaya de se remémorer rapidement les actions de premiers secours en cas d'hyperventilation. Il n'avait jamais connu pareille situation mais il s'était déjà renseigné par curiosité. Il aurait fallu la faire respirer dans un sac en papier, mais en plein coeur d'une bibliothèque, en pleine nuit qui plus est, c'était mal barré. Il allait donc être dans l'obligation de se débrouiller seul. Soudain, il l'entendit murmurer faiblement :

« Je vais mourir, Dante. Je vais mourir... »

God. La situation devenait critique. Même si personne n'était en réalité mort d'hyperventilation dans toute l'histoire de la médecine. Il ne put s'empêcher de se réjouir du fait qu'elle ne songe plus à l'ignorer mais vu le merdier que tout ceci avait créé, c'était vraiment une bien pâle réjouissance. Il fallait à tout prix qu'elle calque sa respiration sur la sienne. Il ne connaissait aucune autre méthode pour la calmer.

Il la lâcha délibérément, ne gardant qu'une de ses mains dans les siennes et se plaça devant elle. Puis il inspira fortement, de manière à lui faire entendre sa respiration et lui dit :

« Elsa, tu vas m'écouter, s'il te plait, tu vas écouter ma respiration et tu vas essayer de la reproduire. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. Tu ne vas pas mourir, c'est impossible. Je suis là, et tant que tu ne te seras pas calmée, je te promets que je resterai avec toi. Tu sens ma respiration ? Imite là. Tu verras, tout ira bien. »

Pour l'aider, il plaça maladroitement la main d'Elsa sur son torse, de manière à ce qu'elle puisse non seulement écouter mais également sentir son rythme respiratoire. Et il attendit, anxieux. Il ne pouvait rien faire d'autre, de toute manière. A part espérer. Et il espérait déjà de toutes ses forces.

Je tremble. J'ai froid, j'ai chaud, je transpire. J'ai mal. J'ai l'impression que je suis sur le point de crever. Je retiens mes larmes tant bien que mal. Ma respiration siffle dans mes oreilles. Mon sang bat dans mes tempes. J'essaye de respirer, je n'y arrive pas. J'ai la tête qui tourne. Sois maudit, Dante. Je le vois d'ailleurs qui s'accroupit devant moi. Qu'est ce qu'il va faire encore ? Il me parle, je l'entends à peine.

« Ecoute, Elsa, je suis vraiment désolé, calme toi... Ne t'inquiète pas, je ne te veux pas de mal, je voulais juste passer un peu de temps avec toi, essayer de te connaître... Allez, s'il-te-plait. Je suis là, tu n'as vraiment rien à craindre... »

Je sentais dans ses paroles qu'il s'en voulait. Je le vis hésiter quelques secondes. Il me prit dans ses bras. J'étais tétanisée. J'avais peur. Je n'arrivais plus à respirer, je me sentais oppressée. Mais bordel, qu'est ce que j'avais mal. Je savais que Dante se voulait rassurant avec ces paroles mais son étreinte me mettais mal à l'aise. Je voulais lui dire de reculer mais c'était impossible. Je n'avais que ces mots là, à la bouche. « Je vais mourir. ». Mes larmes tombaient maintenant. Impossible de les retenir tellement j'avais mal.

« Je vais mourir, Dante. Je vais mourir... »

Je voulais qu'il m'aide. Je n'arrivais plus à m'exprimer correctement. J'étais secouée par les tremblements. Je voulais que ça cesse. J'étais venue ici pour respirer, non ?

Elsa ne mit pas très longtemps à satisfaire l'impatience de Dante. Enfin, satisfaire n'était peut être pas le terme le plus approprié puisqu'elle le gifla de toutes ses forces. La morsure glacée de sa main sur son visage le brûlait et le choc l'avait un peu étourdi. Il ne s'attendait pas à une réaction pareille. Il pensait qu'elle le menacerait, ou l'insulterait, mais pas à ça. Il ne sut même pas comment répliquer tellement cette gifle l'avait désarmé.

Pendant qu'il reprenait ses esprits, Elsa se recroquevilla par terre, en position fœtale, tremblotante. Les chatouilles n'avaient visiblement pas été une bonne idée et il regretta d'avoir fait ça. Elle avait l'air littéralement paniquée et au final, il s'inquiéta sérieusement, lui aussi. Il l'entendit vaguement murmurer « Ne... Fais... Plus... Jamais... Ca.... » au beau milieu de sa respiration sifflante et saccadée.

Malgré la gravité de la situation, Dante savait quoi faire. Enfin, en théorie, il savait. Il ne savait en revanche pas comment elle réagirait... Elle avait l'air tellement imprévisible ! Il n'hésita pas, et s'accroupit devant elle, en bredouillant quelques paroles gentilles.

« Ecoute, Elsa, je suis vraiment désolé, calme toi... Ne t'inquiète pas, je ne te veux pas de mal, je voulais juste passer un peu de temps avec toi, essayer de te connaître... Allez, s'il-te-plait. Je suis là, tu n'as vraiment rien à craindre... »

Il s'en voulait énormément, sentiment qu'il ne ressentait vraiment que très très peu souvent. Il avait songé à s'insulter à haute voie pour prouver qu'il regrettait, mais il se dit que ça traduirait sa panique et que ça ne le rassurerait absolument pas. Il hésita quelques secondes, et la prit dans ses bras. Son inquiétude lui nouait l'estomac, il avait tellement peur d'aggraver la situation... Mais il la serra contre elle, en la rassurant, et en lui caressant le visage. Il avait l'impression d'être une maman qui consolait son bébé malheureux. Cette Elsa le voyait sous un jour très particulier de sa personnalité. Il ne pouvait pas s'empêcher d'y songer. Mais il ne voulait qu'une chose, c'était l'apaiser. Et réparer son erreur.

Je lisais. Je tournai les pages toujours plus vite. Le trop plein dans ma tête se vidait petit à petit. Je ne faisais plus attention à rien. Ni même à Dante que j'avais carrément oublier. Malgré que ma lecture soit passionnante, je commençais à m'en dormir. Je faisais un effort surhumain pour garder les yeux ouverts. Soudain, mon livre glissa de mes mains. Immédiatement, je sus pourquoi. Dante me l'avais pris des mains. Je l'avais vexé, apparemment. Il était à côté de moi. Mes mains se refroidirent. J'avais peur. Qu'allait-il faire ? La distance entre nous était si minime. Je sentais son souffle contre ma peau. Je n'eus pas le temps de répliquer quoique ce soit, Dante me chatouillait les côtes. Je me retenais de pleurer. J'avais peur. Mes mains étaient congelées. Un réflexe idiot me prit. Je levai ma main et la plaque violemment sur la joue de Dante et le repoussai loin de moi. Je mis mes bras autour de ma taille et me renfermai sur moi-même. Je tremblais légèrement. J'étais terrorisée. Je ne pouvais plus faire un geste. La peur devait se lire dans mon regard. Je pouvais juste murmurer.

« Ne fais plus jamais ça... »

J'avais mal à la poitrine. J'entendais ma respiration siffler. Je sentais mes mains trembler tel un mec atteint de Parkinson. Je respirai mal. Je sentais mes tempes battre très fort. J'ai l'impression que mon coeur va sortir de ma poitrine.Je n'arrive plus à respirer. Merde, 'fais chier. Je dois être nen train de faire une crise d'hyperventilation. Je sens mes larmes prêtes à tomber. J'ai tellement mal,bordel.

Madame daigna répondre. Enfin, façon de parler. Comme toutes ses autres réponses, elle fut courte, cinglante, et profondément désintéressée. Un sentiment mêlé d'énervement, de curiosité et d'espièglerie s'empara petit à petit de Dante. Si elle croyait qu'il se contenterait de ça, elle se mettait le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Il n'était pas du genre à se laisser abattre par ce genre de procédés douteux destinés à lui faire comprendre qu'il gênait.

Il lui fallait trouver quelque chose pour débloquer la situation. Si elle croyait vraiment qu'il gênait, à l'heure actuelle, elle n'allait vraiment pas être déçue. A vrai dire, le livre de Dante n'était qu'un prétexte. Il ne l'intéressait pas réellement, contrairement à elle, et il contemplait plus sa jeune camarade plutôt que les petites lignes qui s'enchaînaient sur le papier râpeux.

Sa faculté à se plonger toute entière dans une histoire était fascinante, elle avait l'air d'oublier complètement l'endroit dans lequel elle se trouvait. Mais ça, ça n'allait plus durer très longtemps. Dante se leva et reposa son livre où il l'avait pris. Comme il s'y attendait, elle ne le remarqua même pas, et il en profita pour se placer à côté d'elle, discrètement. Et soudain, il lui ôta de manière fulgurante son bouquin des mains tel un caméléon qui attrape un vulgaire insecte avec sa langue.

Sans attendre la moindre réaction, et sans la moindre gêne, il chatouilla rapidement la jeune fille qui tentait de reprendre ses esprits. Alors que ses mains titillaient le ventre d'Elsa, il pensa avec délectation aux instants qui allaient suivre. Il s'attendait véritablement à ce qu'elle réagisse comme une bombe atomique, et c'était le réel intérêt de la manœuvre. Au moins, elle comprendrait peut être à qui elle avait affaire.

Dante n'était pas homme à se faire rejeter comme le premier imbécile venu embêter le monde. Et il espérait de tout son coeur qu'elle le comprendrait et qu'il l'intéressait. Car même si il ne la connaissait pas, il trouvait son comportement tout à fait captivant. Et tout à fait charmant.

« Elsa... Il est pratiquement quatre heures du matin, tu as une lampe de poche dans une main, un livre dans l'autre, et les yeux ouverts. A moins de traverser une jolie crise de somnambulisme, tu ne dors pas. De plus, tu me réponds, acte que les endormis n'ont pas l'habitude de réaliser. Surtout avec un ton aussi cassant et une envie aussi manifeste de me voir dégager d'ici. Bref. Ne t'attends pas à me voir partir de sitôt, car de mon côté je suis bel et bien insomniaque. Alors je te conseille de prendre ton mal en patience et de me supporter quelques temps. Ou tu peux éventuellement tenter de m'assommer avec un des nombreux livres qui trainent sur les étagères de la bibliothèque... »

J'avais la flemme de répondre. J'avais surtout envie de reprendre là où je m'étais arrêtée.

« Tu fais ce que tu veux. »

Qu'il reste ou pas, j'en avais rien à faire. Il fait ce qu'il veut. Je veux juste qu'il ne me parle pas. Qu'il me fiche la paix, c'est tout. J'écoute à peine ce qu'il me dit. Et reprend ma lecture. Je tourne les pages les unes après les autres. Le livre se révèle être de plus en plus haletant. Dante est toujours sur son fauteuil, lisant son livre. Et moi, je suis avec ma pauvre lampe de poche, éclairant faiblement les écritures du livre. L'auteur a vraiment un style particulier. Je sens mes yeux qui commencent à fatiguer. Je secoue la tête. Je ne devais pas m'endormir. Je me force à garder les yeux ouverts. Et à nouveau mon imagination se perd.

La jeune fille pointa un regard glacial sur lui. Dante comprit instantanément que sa présence la dérangeait mais ne s'en formalisa pas outre mesure. Comme d'habitude, sa curiosité presque maladive prenait l'ascendant sur ses autres sentiments qu'auraient pu être la gêne, ou la déception de ne pas trouver une âme charitable et bienveillante en la personne de cette mystérieuse petite lycéenne.

Il remarqua une certaine hésitation avant sa réponse. Soit elle n'avait pas envie de parler, ce qui semblait le plus plausible, soit elle était timide et gênée. Cependant, son regard clair s'exprimait à sa place.

« Elsa Beth. Vicious, 10th grade - A, Alpha Psi. Et je suis pas insomniaque.»

Le ton était sec, cassant, de telle sorte qu'un « Maintenant, laisse moi tranquille » sous jacent émanait de cette courte phrase. Dante ne possédait pas un large éventail de solutions. Il aurait pu s'en aller, penaud, retrouver sa chambre inhospitalière pour finir le reste de la nuit dans la monotonie la plus dérangeante, ou rester ici. Le choix se prit de lui même.

Malgré sa fascination envers cette Elsa, le jeune homme n'avait certainement pas l'intention de se laisser faire. Comme à son habitude, il chercha rapidement une petite tirade sarcastique pour lui montrer qu'elle n'avait cette fois pas affaire à un gêneur habituel. Si elle correspond à ce à quoi il détectait en elle, le reste de la nuit promettait d'être assez captivant.

« Elsa... Il est pratiquement quatre heures du matin, tu as une lampe de poche dans une main, un livre dans l'autre, et les yeux ouverts. A moins de traverser une jolie crise de somnambulisme, tu ne dors pas. De plus, tu me réponds, acte que les endormis n'ont pas l'habitude de réaliser. Surtout avec un ton aussi cassant et une envie aussi manifeste de me voir dégager d'ici. Bref. Ne t'attends pas à me voir partir de sitôt, car de mon côté je suis bel et bien insomniaque. Alors je te conseille de prendre ton mal en patience et de me supporter quelques temps. Ou tu peux éventuellement tenter de m'assommer avec un des nombreux livres qui trainent sur les étagères de la bibliothèque... »

Même s'il ne l'avait jamais rencontrée, Dante avait l'impression de pouvoir prévoir la réaction d'Elsa après son petit discours. Il était certain que le bureau de la documentaliste aurait été plus réceptif à ses paroles que la jeune fille mais il ne s'en offensa guère. Il se contenta de reprendre sa lecture en attendant patiemment que mademoiselle daigne lui répondre. Sinon, il serait dans l'obligation d'employer les grands moyens. Etre accompagné dans ses péripéties nocturnes était un privilège qu'il ne connaissait pas très souvent. Autant en profiter, non ?

Je lisais. La livre m'absorbait. Je n'entendais plus rien. Seul mon imagination vagabondait dans mon esprit, sur fond noir. Je sentais les papier jauni crisser sous mes doigts à chaque fois que je tournais la page. J'aimais lire. Je ne le faisais pas souvent. Seulement que j'avais besoin de m'évader, de souffler. L'espace d'un livre, j'oublie tout. Je me crée un monde. C'est comme si j'étais vidée de tout. Comme si l'on ne m'avait appris qu'à lire. Je tourne mes pages, ma lampe de poche au dessus de ma tête. Même si mes muscles commencent à tétaniser, je m'en contre-fiche. Je suis seule. Moi, le livre et la lampe de poche. Je vois soudainement une forme passer. Je levai les yeux, légèrement, et vis un homme assit sur un fauteuil. Il n'est pas très loin de moi, je tressaillis.

Il me regarde. Est-ce que ça fait longtemps qu'il est là ? Il est habillé, coiffé. On a pas l'impression qu'il vient de se lever. Ou qu'il est fatigué. Je me regarde brièvement. Je suis habillée n'importe comment. Je dois avoir les cheveux en batailles, des cernes affreux. Ma peau doit être grise. Tel un cadavre. Elle est pire que d'habitude, lorsque je viens de me lever. Soudain, j'entendis l'inconnu m'adresser la parole.

« Bonsoir. Je me demandais si j'étais soudainement devenu invisible ou si ton livre était si passionnant que ça. Moi c'est Dante Burwin, un autre lycée insomniaque. Tu es ? »

Je le regardais dans les yeux. Je baissai le rai de lumière de ma lampe de poche sur le sol. Je n'avais pas envie de répondre. J'avais la flemme. Je me décidai quand même de lui répondre, froidement, afin qu'il me laisse tranquille pour lire.

« Elsa Beth. Vicious, 10th grade - A, Alpha Psi. Et je suis pas insomniaque.»

J'espérai qu'il me laisserait peinarde, maintenant que j'avais, peut-être, attiser sa curiosité. Je ré-ouvrai mon livre et cherchai la ligne à laquelle je m'étais arrêtée. Et priait pour que Dante, donc, en fasse de même.

Dans une vie ordinaire, chaque être humain passe en moyenne un tiers de son temps à dormir. Soit huit heures par jour. Pour Dante, l'Homme perdait donc huit longues heures chaque jour à être affalé sur un matelas blanchâtre, inconscient, inactif, inutile. Quelle perte de temps ! Il avait très tôt décidé d'optimiser son temps d'action. Depuis quelques années, il avait fait tellement d'âneries avec son sommeil que les nuits de cinq heures lui paraissaient presque longues.

Le fait de vivre en collocation avec un autre individu impliquait de suivre les habitudes d'une autre personne. Pour peu que celle ci soit une marmotte, la tâche s'annonçait plutôt désagréable. Le problème étant qu'à force d'être habitué à un sommeil léger, court et en dents de scie, reprendre des mœurs un peu plus ordinaires relevait de l'exploit.

Cette nuit là, Dante s'ennuyait ferme dans son pauvre lit. Il pouvait distinctement entendre la respiration lente et cadencée de Jessy, sa colocataire. Plusieurs paramètres s'offraient à lui. La réveiller ? Mauvaise idée. Lui demander si elle dormait ? Bonne blague, elle n'était certainement pas en train de faire un tennis. Se lever ? La flemme. Rester là à attendre que les minutes passent ? Misère.

Pour finir, le jeune homme se leva et sortit de l'appartement. A l'intérieur, il ne pouvait rien faire sans lumière et sans réveiller Jessy. Il avait au préalable pris le soin de s'habiller rapidement. Pas question d'apparaître en pyjama au beau milieu du lycée, car si jamais quelqu'un le surprenait, son apparence de garçon distingué en prendrait un coup. Il ne savait même pas où aller. Il se contentait juste de marcher, en attendant d'avoir une quelconque idée pour tuer le temps.

Au détour d'un couloir, il aperçut le panneau « Bibliothèque ». Pourquoi pas ? Après tout, il aimait lire presque autant qu'écrire, et se trouver un bon bouquin l'aiderait certainement à passer la nuit. Il ouvrit discrètement la porte et avança dans la pièce mal éclairée. Soudain, il remarqua un rai de lumière blanche quelque part dans la pièce. Soit c'était un gardien, et il aurait des soucis, ou quelqu'un avait eu la même idée saugrenue que lui d'aller s'aérer l'esprit en pleine nuit.

Malgré une petite pointe d'inquiétude, il alla voir de lui même la source de cette lumière. Une lampe de poche. Peu surprenant. Sauf que cette lampe de poche tenait dans la petite main d'une jeune fille, brune, plongée dans un livre, à tel point qu'elle n'avait même pas senti sa présence. Contrairement à lui, elle n'avait pas pris la peine de se changer, comme en témoignaient sa tenue froissée, ses cheveux décoiffés et ses pieds nus.

Dante était fasciné de voir que quelqu'un partageait à sa façon ses états d'âme nocturnes et son goût pour les lettres. A vrai dire, c'était la première fois qu'il faisait une telle rencontre. Il aurait pu lui faire peur en la sortant brutalement de sa lecture mais une telle approche n'était généralement pas conseillée. Il se contenta à son tour de prendre un livre sur une étagère, Bel Ami, de Guy de Maupassant, et s'assit sur un fauteuil non loin d'elle.

Au bout d'un long moment, elle haussa un sourcil en s'apercevant de sa présence, et avant de lui laisser dire quoique ce soit, Dante lança, d'un ton volontairement neutre :

« Bonsoir. Je me demandais si j'étais soudainement devenu invisible ou si ton livre était si passionnant que ça. Moi c'est Dante Burwin, un autre lycée insomniaque. Tu es ? »

Je me réveille à nouveau. Je transpire, j'ai peur. Juste un cauchemars. Rien de plus. Je ferme les yeux dix centièmes de secondes et les ré-ouvre. Je regarde le cadran de mon horloge. Il indiquait trois heures et dix-sept minutes du matin. Je m'allonge sur le dos, et observe le plafond blanc. J'attends quelques minutes. C'est bon, je sais que je ne me rendormirais pas. Je me lève. Je regarde de l'autre côté de la chambre. Max n'est plus là. Je me demande bien ce qui peut foutre et où est ce qu'il peut bien être à cette heure. Je ne m'attarde pas longtemps sur ce détail et enfile un jogging gris beaucoup trop grand en dessous de mon large T-shirt à manches longues. Je prends ma lampe de poche avec moi et sors discrètement de ma chambre. Je longe le mur et regarde constamment autour de moi, histoire d'être sûre que je ne suis pas suivie. Je descend rapidement les escalier, pieds-nus. Je tourne à droite d'un couloir et continue de longer le mur. Et j'arrive à l'endroit recherché. Je l’écriteau sur la porte. "BIBLIOTHÈQUE". Je pousse la porte qui grince légèrement. Et la referme le plus doucement possible. J'allume ma lampe de poche. J'ai besoin d'un thriller. Un truc haletant dans lequel je puisse complètement m'abandonner. Je laisse ma lampe de poche éclairer le sol. J'arrive à discerner le titre des rayons. Je passe devant "SCIENCE-FICTION" et "PSYCHOLOGIE". Je tourne à "HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE". Et, j'arrive finalement à "THRILLER". Je dirige le faisceau de lumière vers l'étagère et parcours les dos des livres avec mon doigt, histoire de trouver un titre accrocheur et d'en lire brièvement le résumé. J'en trouve un. "NIGHT CALL". Le livre est assez gros. Noir et poussiéreux. Je souffle dessus et le prends sous mon bras. Je me dirige vers l'entrée, là où sont placées les tables, les chaises et les fauteuils. Je m'assois contre le mur, à côté de l'un deux. Je commence à lire, ma lampe de poche au dessus du livre. Je me laisse absorber par ma lecture. Et n'entends plus rien.