We're All A Little Fragile - PV Leandro

22h00. Ses yeux braqués sur le plafond, la jeune femme ne parvenait pas le moins du monde à trouver le sommeil. Elle n'était pas dans son assiette ce soir-là, pas physiquement, elle n'était pas malade, non. Mais elle ne se sentait pas bien dans sa tête. Tout se bousculait dans sa tête et ses pensées partaient dans tous les sens. Elle se faufilait hors de sa couette, elle était en pyjama, enfin en short de jogging et en débardeur. Elle enfilait vite fait un short en jean et tee shirt bras nus laissant apparaître ses tatouages sur ses avants bras. Elle donnait un coup de brosse dans ses cheveux et enfilait ses doc Martens. De toute façon, elle ne souhait croiser personne. Elle prenait la clé de sa chambre et sortait hors de la pièce qui n'avait toujours pas de colocataire à l'intérieur. Juste une seule personne. Elle marchait dans les couloirs plongés dans l'obscurité et dans le silence profond. C'était assez rare qu'elle ressorte sauf quand elle allait voir sa meilleure amie ou je ne sais qui. Mais elle avait rarement vu les couloirs aussi calmes. La porte vers laquelle elle se dirigeait depuis qu'elle avait mis un pied hors de sa chambre se présentait enfin devant elle. Elle était blanche et close. Idril poussait la poignée et la porte s'ouvrait doucement. Ouf. Ça n'était pas fermé, heureusement.

La salle de musique. La jeune femme allait ouvrir la fenêtre, il faisait terriblement chaud, c'était bizarre. Ou alors c'était juste parce qu'elle n'était pas bien. Elle allait s'asseoir sur le tabouret qui se tenait en face du piano. Elle mettait l'instrument en sourdine. Il lui semblerait bizarre qu'on ait le droit de venir jouer d'un instrument aussi tard dans la soirée, et en plus elle ne souhaitait pas réveiller les autres élèves ou les embêter. Seule elle ou quelqu'un qui ferait vraiment, vraiment très attention au son pourrait entendre ce qu'elle joue. Elle commençait à jouer River Flows In You, la fameuse chanson qu'elle aimait tant. Il n'y avait pas de parole mais elle adorait cette musique. Les doigts pianotaient sur les touches noires et blanches de l'instrument à queue et ses pensées vagabondaient partout. Peu à peu, elle repensait à sa vie en Grèce et inévitablement. A lui. Elle jouait sans même regarder ce qu'elle faisait elle connaissait les accords par cœur. Elle regardait ses bras, encore marqués de quelques bleus suite aux coups, elle regardait ses fines cuisses encore marquées d'hématomes. Elle repensait à toutes les fois où elle continuait à rester avec cette enflure alors qu'il levait la main sur elle, elle repensait au fait qu'elle mentait à sa mère en lui disant qu'elle était tombée ou qu'elle s'était coupé, qu'en jouant avec son copain, elle s'était abîmé son visage. Elle mentait, elle disait que tout ça n'était pas douloureux. Mais elle ne pouvait pas l'éviter, la douleur, non, elle était bien là, bien présente. Et inévitablement, elle repensait au soir de son arrivée ici, à Miami. Elle repensait à cette ruelle sombre et étroite, elle repensait à ce vieux porc complètement bourré. Elle repensait à elle, plaquée contre le mur. Elle repensait à ses mains baladeuses qui allait partout sur elle, elle revoyait la scène. Elle repensait au moment où Steven était arrivé, l'avait sauvée. Elle avait juste vu un poing musclé s'aplatir sur la joue du vieux. Mais c'était trop tard pour arrêter de penser à tout ça. Les larmes coulaient déjà depuis un bon moment sur ses joues, sans faire exprès elle lâchait la pédale de sourdine et les notes résonnèrent très fortes. Elle refermait le piano immédiatement, effrayée par elle-même et elle posait ses bras sur l'instrument noir, posait sa tête dans ses bras et pleurait. Les gouttes salées envahissait son visage et faisait coulé son reste d'eye liner qu'elle avait mit le matin-même...