Le sang et l'ennui ♠ Lila

Le sang et l'ennui

Lila & Aaron

- Raaah, Ashlyn et moi on vient du même coin, on s'est connues avant qu'elle vienne ici...


Ça y est, elle avait prononcé son nom. La suite n'avait aucune importance : Aaron avait toutes les clefs en main pour agir. Il en savait sans doute bien plus que quiconque, hormis Lila. C'était maintenant qu'il devait décider comment agir. Mais entre-temps, Lila commença à perdre ses moyens :


- Et puis tu sais quoi... J'ai pas de raison à te donner. Parce que ce que j'ai fait, c'est me disputer avec une ancienne connaissance, je l'ai agrippée, elle a essayé de retirer mon bras, j'ai réagi, mais j'étais loin de vouloir lui faire du mal comme ça non... ALORS NON JE N'AI PAS DE FOUTUE BONNE RAISON ! T'es content.


Elle s'énervait comme une idiote, et Aaron sentait peu à peu l'agacement monter en lui. Il était partagé entre l'irritation de la voir demander de l'aide ainsi, et le sentiment de triomphe qui accompagnait la réussite de son plan : il était parvenu à lui extorquer des informations sensibles, et il savait que, dans ce milieu, celui qui en savait le plus avait le plus de pouvoir. Au moins, il pourrait anticiper les événements à venir et avoir une longueur d'avance sur les autres. Mais il n'avait même pas eu besoin de la torturer pour qu'elle parle, et voilà qu'il se retrouvait avec un aveu criminel sur les bras, dont il ne savait que faire. Il se sentait comme un moucheron pris dans une toile bien plus grande que lui, sans trop savoir quand l'araignée allait venir pour le dévorer.


- Putain, mais c'est pas vrai, qu'est-ce que je vais faire... 


Aaron la regardait, impassible, bras croisés, mâchoire serrée ; elle était ridicule. Des conneries, Aaron en avait faites, et des grosses ; mais il n'en était jamais arrivé à une telle dégradation d'amour-propre et de dignité. Sans doute aussi parce qu'il n'aurait jamais poussé quelqu'un dans les escaliers comme Lila l'avait fait. C'était assez drôle d'observer que lui, le prétendu démon incontrôlable et méphistophélique, était en fait moins criminel que la petite fille un peu paumée dont tout le monde croyait qu'elle traversait seulement une crise d'adolescence. La blanche colombe était maculée de sang, et Aaron ne pouvait que rire à ce constat. De la voir geindre comme cela, le jeune homme avait envie de la frapper. Elle avait déconné, et en plus, elle était incapable de prendre sur elle et d'assumer son acte. C'était une gamine qui avait agi en gamine ; or, il n'avait pas de temps à perdre avec des gamins. Aaron la regardait se lamenter, et la seule chose à laquelle il songeait, c'était qu'il fallait qu'elle se dépêche de finir son baratin pour qu'il puisse enfin réfléchir à un plan d'action.

A présent qu'il connaissait la vérité dans son intégralité, il ne pouvait pas ne pas agir : il fallait soit qu'il la dénonce, soit qu'il la couvre, mais il ne pouvait pas feindre l'indifférence : il savait très bien que sa place à la tête des Sigma Mu était précaire.
Pendant qu'il réfléchissait, Lila continuait de se morfondre devant lui dans une démonstration de pathos écœurante.


- E... Ecoute, je dois aller la voir, je dois...


Aaron se reconcentra sur son interlocutrice – enfin, sa locutrice, vu son débit de paroles. Elle était dans un sale état : elle tremblait, glissait le long du mur comme un phoque sur sa banquise, dans un spectacle navrant et grotesque. Est-ce qu'elle faisait semblant ? Probablement pas. Mais cela ne changeait rien : elle s'était mise dans la merde toute seule, et il ne lui devait rien. Non, ce qui comptait à présent aux yeux d'Aaron, c'était de sauver sa peau.


- Aaron, elle t'a bien dit quelque chose, sinon elle aurait déjà tout dit à la police non ? Si tu viens m'en parler, c'est que y a un moyen de m'en sortir non ?


Eh merde. Si elle ne lui avait pas demandé cela, il aurait pu se sortir de cette discussion indemne ; mais à présent, il se voyait contraint de lui dire la vérité. Cela lui apprendrait à faire confiance à n'importe qui : il ne fallait pas qu'elle se confie à qui que ce soit d'autre. Espérons que la douche froide qu'elle allait recevoir lui servirait de leçon.


- Un moyen de t'en sortir ? De te sortir de quoi, au juste ? De ce que t'as fait ? Putain March t'es dans le monde réel là, pas dans un jeu vidéo ! Tu peux pas simplement charger ta partie quand t'as déconné ! Pour l'instant, il continuait un peu à jouer le jeu. Mais il était grand temps à présent de lui révéler la vérité, celle qui faisait qu'elle allait le haïr de plus profond de ses entrailles. Et là, tu te rends pas compte à quel point t'as déconné, enchaîna-t-il. Ashlyn, j'avais jamais ne serait-ce qu'entendu son prénom avant aujourd’hui. Il a suffi que je dise deux mots pour que tu me racontes tout ce que t'as fait. Alors non, je sais pas si elle a retrouvé la mémoire, et non, il y a pas de porte de sortie pour toi. Tu peux pas simplement raconter l'agression au premier venu, ça va te mener tout droit en prison, et nous, ça va aussi nous foutre dans la merde ! Il serait temps que tu réfléchisses un peu avant d'agir !


Le côté moralisateur, ce n'était vraiment pas sa tasse de thé. En temps normal, il l'aurait simplement laissée s'extirper du bourbier dans lequel elle s'était envasée par ses propres moyens. Mais cette fois-ci, ce qu'avait fait la jeune fille avait des conséquences directes sur l'ensemble de la confrérie, et, Aaron en étant le co-chef avec Matt, il y serait particulièrement exposé. Il était hors de question de la laisser entraîner tout le monde dans sa chute. Alors Aaron chercherait et trouverait un moyen de les sortir de là ; mais pour cela, il fallait qu'elle reste discrète, et qu'elle fasse attention à ce qu'elle dirait. Aaron l'exprima sans ambages :


- Alors maintenant tu vas m'écouter. Ton seul moyen de t'en sortir, c'est de fermer ta gueule jusqu'à ce que je trouve comment faire pour tous nous sortir de la merde dans laquelle tu nous as mis. Tu crois pouvoir faire ça, ou est-ce que c'est encore trop demander ?


Il n'y allait pas par quatre chemins, mais tant pis : vu qu'apparemment, elle était incapable de se sortir toute seule du pétrin, elle allait devoir lui faire confiance et s'en remettre entièrement à lui. S'il apprenait qu'elle avait parlé de ses actions à qui que ce soit d'autre, y compris Matthew, cela le mettrait hors de lui.


RP un peu pourri, désolé, mais j'ai vu que vous aviez fini votre RP avec Matt, et je me disais qu'il fallait peut-être que le nôtre progresse rapidement =)

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Le sang et l'ennui

Lila & Aaron

La culpabilité de Lila était à présent manifeste ; Aaron était lui-même surpris d'être parvenu si facilement à ses fins. Le poids du remords devait être trop important pour que la jeune fille puisse le porter seule. Tout dans son attitude la trahissait : sa façon d'appuyer sur son ventre, son ton agressif, ses regards anxieux... Elle aurait dû se méfier davantage du Sigma Mu ; elle était vraiment trop crédule.


- Je l’ai jeté parce qu’il est irrécupérable…


Aaron haussa les yeux au ciel et ne prit même pas la peine de répondre. Lila pouvait s'embourber dans ses mensonges autant qu'elle le souhaitait, il n'est pas dupe. A sa place, il ne doutait pas une seule seconde qu'il aurait été plus convaincant. Elle s'était trahie toute seule ; mais ce n'était encore rien par rapport à ce qui arrivait maintenant :


- Elle… Elle a retrouvé la mémoire ?


Aaron s'efforça de garder un visage impassible. Une fille avait donc perdu la mémoire après avoir été agressée ? Il ne s'attendait certainement pas à quelque chose d'aussi grave. Le Sigma Mu eut la désagréable impression de devenir complice du crime de la jeune fille. Eh merde...
Il fit mine d'aquiescer silencieusement, et écouta la suite attentivement, observant le comportement erratique de son interlocutrice.


- Je ne voulais pas lui faire du mal… Enfin pas comme ça ! Ça a dérapé, j’étais si en colère… Je te jure que je comptais lui faire peur tout au plus ! Elle est tombée si vite que je n’ai pas réussi à la rattraper. Et après j’ai vu tellement de sang que j’ai cru l’avoir tuée, je suis partie en courant, mon corps à réagi avant même que je n’arrive à réfléchir.


Aaron écoutait, fasciné. Elle venait de lui parler à cœur ouvert, comme si elle le connaissait depuis longtemps, ou, plutôt, comme si elle se sentait percée à jour. Mais le sentiment de triomphe qui accompagnait la réussite de son plan était obscurci par cette impression étrange d'avoir mis le doigt dans un engrenage omineux.
Et le récit s'arrêta là. Aaron jura intérieurement : elle n'avait pas prononcé le nom de sa victime. Or, c'était tout ce qui importait. Oh, bien sûr, le Sigma Mu n'aurait aucune peine à trouver l'identité d'une jeune fille ayant récemment été agressée et ayant perdu la mémoire ; mais il était si près de la vérité qu'ignorer cette donnée était insupportable. Il devait donc continuer à jouer son rôle, dans l'espoir que Lila lui révèle enfin ce qu'il cherchait.


- S’il te plaît, dis rien à Matt, je vais essayer de régler ça avec elle… Ce n’est pas comme si c’était la première fois que je vendais mon âme au diable… Si ça se sait, ça va vraiment partir en couille, sérieux Aaron ne dis rien !


Ça y est, l'horrible phase de l'appel à la compassion commençait. Aaron ne savait pas s'il la dénoncerait ; certainement pas, ce n'était pas dans son caractère, il préférait la laisser se sortir du bourbier dans lequel elle s'était enfoncée toute seule. Mais il devait encore jouer la comédie, et pour cela, il n'hésiterait pas à lui faire peur.


- Vendre ton âme ? Quelle âme ? Ce que t'as fait, c'est abject. Qu'est-ce que tu croyais, au juste ? Que personne n'allait le découvrir ? Redescends sur terre, putain ! Ce que t'as fait, là, ça va te poursuivre toute ta vie. Qu'est-ce qui te fait croire qu'elle va pas te dénoncer ? Tu crois vraiment qu'elle va défendre la fille qui l'a agressée ? Mais qu'est-ce qui tourne pas rond, chez toi ?


Aaron fit mine de se calmer. A lui seul, il faisait good cop, bad cop. Il venait de faire la seconde partie : la menacer, la faire culpabiliser, lui mettre la pression. A présent, il était temps d'apaiser la tension qui régnait et de lui faire croire qu'il lui offrait une porte de sortie. Il fallait qu'elle lui révèle le nom de sa victime, et maintenant.


- T'as intérêt à tout me dire, je déconne pas. Déjà, d'où tu la connaissais ? Parce que cette fille, je suis proche d'elle, et ce que t'as fait, ça me fait chier. Si je te défends, ça a intérêt à être pour une putain de bonne raison.


Ah, le fameux « si » qui donne tant d'espoir... Et « si » je t'aidais ? Et « si » tu avais une chance de t'en sortir ? Aaron ricana intérieurement : vu la naïveté de son interlocutrice, il n'aurait aucune peine à découvrir le nom de la victime ; et à partir de ce moment-là, il posséderait tous les éléments de l'histoire, et pourrait prendre une décision en fonction. Et surtout, il pourrait lui révéler que c'était elle qui lui avait appris tout ce qui s'était passé, alors qu'il n'avait fait qu'émettre une supposition. Elle tomberait de haut et le haïrait, mais peut-être qu'au moins, elle prendrait conscience de sa propre crédulité. Parce que si Aaron avait réussi à lui extorquer ces informations, n'importe qui le pourrait. Et là, il pouvait être sûr que la confrérie serait vraiment dans la merde. D'une certaine façon qui lui était bien personnelle, Aaron aidait en fait Lila. Non, il ne la dénoncerait pas ; enfin, probablement pas. S'il devait agir par rapport à cet incident, ce serait dans l'ombre, comme à son habitude. Car en tant que co-chef des Sigma Mu, il réalisait peu à peu que si les Sigma perdaient la confiance de la direction, il serait pieds et poings liés dans son nouveau poste, dont il espérait tant de divertissement. L'ensemble des rebelles en souffrirait, lui compris, et tout cela à cause d'une petite idiote incapable de couvrir ses traces.
Aaron n'avait pas évoqué le nom de Matthew, cette fois-ci - pour inspirer la confiance à Lila, tout simplement. Mais il ne pouvait s'empêcher de penser à son homologue Sigma : devrait-il lui en parler ? Aaron ne devait de comptes à personne, et Matt le savait ; mais cette affaire était grave. Et en même temps, en parler à Matt, ce serait sans doute jeter Lila dans la fosse aux lions. Une idée certes plaisante, mais vraiment nuisible à la confrérie, qui serait phagocytée de l'intérieur. Ce qu'Aaron allait faire dépendait entièrement de ce que Lila lui répondrait.

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Le sang et l'ennui

Lila & Aaron

Le sourire d'Aaron s'élargit lorsqu'il vit l'attitude de Lila : il avait trouvé sa coupable. Et cela avait été presque trop facile. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à trouver ce qu'il s'était passé exactement. La partie la plus divertissante...


- Je peux savoir ce que tu fais avec ça ? lui lança brutalement la jeune fille.


Cette fille était vraiment ridicule ; non seulement elle ne pensait pas à dissimuler les preuves de sa culpabilité, ce qui aurait pourtant été très simple, mais en plus, elle était incapable de feindre l'innocence. S'il n'avait pas décidé d'en faire sa victime pour se sortir de l'ennui, Aaron lui aurait sans doute donné quelques cours de crédibilité. Un sourire narquois aux lèvres, il rétorqua :


- Je sais pas, je pensais le filer au proviseur. Pour qu'il le recycle en torchon, tu vois ; qu'est-ce que t'en penses ?


Le pire, c'est qu'il n'hésiterait pas à le faire ; pour l'instant, il comptait s'amuser un peu avec Lila, voir jusqu'où elle irait dans le mensonge, et essayer de déduire ce qu'il s'était passé de son attitude. Par curiosité, tout simplement. Par ennui, aussi. Mais il avait un poste de co-chef à défendre, à présent ; et si Lila ne coopérait pas, eh bien, il profiterait de sa lâcheté pour se faire bien voir aux yeux de la direction, c'était aussi simple que cela.
Lila lui arracha la précieuse preuve des mains. Tiens tiens, comme par hasard... Décidément, elle avait encore beaucoup à apprendre dans l'art subtil du mensonge. Elle sembla penser que la meilleure défense restait l'attaque, car elle s'exclama :


- Je ne te savais pas devenu femme de ménage, tu fais souvent les poubelles comme ça ? Si c’est de ça dont tu veux me parler, j’ai juste pris un coup dans le nez, et je me suis tachée… Je ne vois pas ce qui y a d’extraordinaire.


La Sigma Mu l'avait tiré par le bras pour l'éloigner. Si sa culpabilité n'était pas assez claire avant, ce geste venait de la confirmer à Aaron ; car à quoi bon lui parler à l'abri des regards, si elle avait simplement été blessée ? Il ne prit même pas la peine de répondre à sa pique ridicule ; à quoi bon ? Elle essayait de faire diversion en le provoquant : ça ne marcherait pas. Cette technique, il l'avait tellement utilisée lui-même qu'il lui semblait l'avoir inventée. Il avait dû se sortir de bon nombre de situations délicates, et, en se perfectionnant dans l'art de la tromperie, il en avait même fait son métier : illusionniste, il donnait des spectacles de magie hebdomadaires, pour berner les gens sans même qu'ils songent à lui en vouloir. La nature humaine était vraiment fascinante...
D'un ton faussement innocent, le Sigma Mu répliqua :


- Oh, vraiment ? C'est fou, la vitesse à laquelle ton nez a cicatrisé ! Dans ce cas, tu ne verras pas d'inconvénient à ce que je donne ton T-shirt à Matthew ? Il doit collecter les vêtements de couleur pour faire une lessive dans l'après-midi...


Invoquer Matthew, son co-chef de confrérie, qui était nettement plus réglo que lui et plaisantait certainement moins avec ce genre de choses devait, il l'espérait, inciter Lila à se confier directement à lui. Du reste, tout le monde savait que même si Matthew était le grand pote d'Aaron, celui-ci gardait beaucoup de choses pour lui, et n'avait confiance qu'en lui-même ; s'il avait envie d'aider Lila sans en parler à Matthew, il n'hésiterait pas à le faire. Même si pour l'instant, c'était plutôt mal parti pour son interlocutrice.

Aaron passa à une nouvelle phase de son plan : la menace. Ou comment prêcher le faux pour savoir le vrai. Il laissa tomber la moquerie et prit adopta un ton froid et autoritaire :


- Faut vraiment être naïve et complètement déconnectée de la réalité pour croire que t'allais te débarrasser de ça si facilement. Il se trouve que j'ai parlé à une certaine personne, qui m'a tout raconté. Elle était pas loin de te dénoncer aux flics, espèce d'idiote. Il avait osé utiliser le pronom « elle », car pour que Lila veuille à ce point dissimuler son acte, il devait avoir été grave ; or elle avait beau être une teigne, il ne la voyait pas assez forte pour blesser un mec. Il espérait ne pas se tromper. Alors maintenant t'arrêtes de te foutre de ma gueule, et tu m'expliques comment tu comptes sortir notre confrérie de la merde.


Dieu sait que la confrérie était le cadet de ses soucis ; mais à présent qu'il était co-chef, il pouvait le prétendre et être à peu près crédible. Par ailleurs, en faisant semblant d'être prêt à l'aider pour sauver la confrérie, il espérait qu'elle se confie ouvertement à lui. Il n'avait pas encore décidé ce qu'il ferait d'elle ; il ne prenait aucun plaisir à dénoncer des gens, estimant que s'ils ne l'avaient pas blessé personnellement, ce n'était pas à lui de se mêler de leurs affaires : il s'occupait de sa vie, ils s'occupaient de la leur, et tout le monde était content. Non, ce qui l'intéressait réellement, dans le cas de Lila, c'était le fait de la manipuler pour lui extorquer des informations. Une fois qu'il en saurait suffisamment, il la laisserait probablement vaquer à ses occupations ; « la chasse plutôt que la prise », comme on disait... La mettre au pied du mur était un divertissement sans égal.

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Le sang et l'ennui

Lila & Aaron

Aaron faisait une ronde dans le bâtiment des Sigma Mu, afin de remplir son rôle de co-chef de confrérie (nda : je m'y ferai pas). Il ne savait même pas comment il avait pu en arriver là ; quand son pote Matt lui avait annoncé qu'un poste était à pourvoir, il s'était dit qu'ensemble, ils pourraient se marrer. Alors il s'était présenté à l'élection, et par un miracle étrange, il avait eu le poste. Et maintenant, il se retrouvait là, à faire une foutue inspection des chambres. Elle était loin, l'éclate qu'il cherchait. En plus, à quoi bon inspecter les chambres ? Ce n'était pas comme s'il allait trouver un cadavre dans le placard, de toute façon. Et même s'il découvrait de la drogue, chose parfaitement banale chez les Sigma Mu, il n'allait pas les dénoncer, il avait bien mieux à faire – et si la direction avait le moindre soupçon concernant la présence de substances illicites dans l'édifice, ils seraient bons pour une fouille intégrale. A la limite, il se saisirait de la drogue et la revendrait pour donner un peu d'argent à la confrérie, mais cela n'irait pas plus loin.

Du reste, cela faisait belle lurette qu'Aaron n'habitait plus dans le bâtiment de la confrérie - depuis qu'il était passé à l'université au beau milieu de sa Senior Year, l'année précédente, et s'était installé en colocation avec Howard et Kim, avant de se retrouver seul dans un studio minuscule. Et maintenant, il se retrouvait à faire de constants allers-et-retours entre celui-ci et le bâtiment des Sigma, afin d'accomplir ses obligations. D'ailleurs, il se surprenait lui-même à être très sérieux de ce côté-là ; il savait que s'il remplissait son rôle à la perfection, il éloignerait tout soupçon, et pourrait prévoir avec Matt des actions un peu moins conformistes pour la confrérie. En somme, se tenir à carreau pour mieux semer la zizanie derrière.

Aaron entra dans une chambre de filles, au vu du type de vêtements dispersés un peu partout, et promena son regard autour de lui d'un air blasé. Si encore il se trouvait là à l'insu de l'autorité... Là, au moins, il pourrait ressentir quelque chose, n'importe quoi, autre que de l'ennui. Mais il était l'autorité, et bon sang, c'était nettement moins marrant. C'était la énième chambre qu'il inspectait, et ce serait la énième chambre parfaitement clean en apparence. Le Sigma Mu s'assit nonchalamment sur un lit et regarda les différents meubles de la pièce avec désinvolture, réfléchissant distraitement aux éventuelles cachettes de shit et autre drogue. Ces cachettes, il les connaissait toutes par cœur ; les Sigma se sentaient en sécurité dans le bâtiment, et, en règle générale, ne rivalisaient pas d'imagination lorsqu'il s'agissait de dissimuler leurs produits. Il n'avait même plus le courage de chercher ; il dirait simplement que tout « semblait » normal, et il s'en sortirait avec un demi-mensonge.

Le jeune homme se leva en soupirant, et jeta un coup d’œil rituel dans la corbeille à papier, comme on lui demandait de faire – à croire que les Sigma étaient assez stupides pour jeter quoi que ce soit de compromettant dans la poubelle de leur chambre. La corbeille était pour ainsi dire vide, à part quelques papiers et un vêtement roulé en boule. Décidément, les filles changeaient tout le temps de fringues, c'était consternant.

Aaron fronça les sourcils ; il avait cru percevoir une tache étrange. Le jeune homme se saisit du T-shirt et le déplia : il était maculé de sang. Bon, jusque-là, il pouvait simplement s'agir d'une blessure quelconque ; mais pourquoi était-il à la poubelle ? On ne jetait pas un vêtement seulement parce qu'il était taché ! La réponse semblait évidente : quelqu'un voulait s'en débarrasser. Quelqu'un de pas très malin, visiblement. Le Sigma Mu trouva rapidement le nom des filles qui habitaient dans cette chambre, par un simple coup d’œil à leurs agendas ; il ne lui restait plus qu'à découvrir laquelle des deux était concernée. Enfin, l'inspection se révélait divertissante.

Il sortit de la chambre et se dirigea vers la salle commune, où quelques Sigma s'adonnaient à diverses activités sans intérêt. Bingo, Lila March, l'une des deux suspectes, était là. La traque pouvait commencer.


- Eh, March, t'as une minute ? lui lança Aaron d'un ton neutre.


Il avait l'habitude d'appeler les gens qu'il connaissait peu par leur nom de famille ; l'usage du prénom était pour lui une marque de familiarité - sinon, pourquoi n'appelleraient-ils pas leurs professeurs par leur prénom ? Lorsqu'on le fréquentait un peu, on s'apercevait vite que cette pratique n'avait rien de condescendant de sa part, même si c'était évidemment l'impression qu'il dégageait.
Pour être sûr qu'elle ne l'envoie pas balader, Aaron brandit le vêtement taché en l'air avec un rictus cynique qui disait « t'as intérêt à ramener ton cul ici avant que les autres lèvent les yeux ».


- Toi et moi, faut qu'on parle, ajouta-t-il alors que son sourire s'élargissait.


Oui, décidément, être chef avait ses avantages. La suite s'annonçait divertissante. Maintenant, c'était Aut vincere, aut mori : la victoire ou la mort.

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