Miss Blackwell ? Non, l'autre ! || Alexie.

Soit la politesse l’étouffait, ce qui était vraiment la chose la plus probable, soit elle me pensait réellement que j’avais des réactions tout à fait normale, pour un adolescent de mon âge. D’un côté, j’étais content si c’était plutôt la deuxième option la bonne… mais d’un autre côté, je trouvais ça un peu vain, comme espoir. Du coup, il valait mieux pour elle qu’elle soit simplement polie. Et pour moi de ne pas épiloguer sur le sujet. Ce que nous fîmes, chacun prenant un morceau de pizza. Elle me souhaita un bon appétit, et le silence s’installa gentiment, tandis que nous mâchions ce qui se trouvait dans nos bouches. Un savant mélange de pâte à pizza, sauce tomates, jambon, mozzarella, légumes… J’avalai ma première bouchée, agréablement surpris.

« Vachement bonne, cette pizza » déclarai-je à Alexie, en relevant la tête pour croiser son regard.

Je pris un nouveau morceau, le mâchai et l’avalai, pour poursuivre la conversation sans avoir la bouche pleine. Ici, ça ne se faisait pas trop. Moi, j’étais japonais, et il était de coutume dans mon pays de parler la bouche pleine. Les bonnes manières sont très différentes, d’un pays à l’autre. Quand j’étais arrivé aux États-Unis, les personnes avec qui je mangeais me regardaient toujours bizarrement, et je ne comprenais pas pourquoi. Jusqu’à ce que Maeko m’explique que cela ne se faisait pas. Raison de plus, à l’époque, pour détester l’Amérique. J’avais du réapprendre à manger. C’est con à dire, mais quand on a ses habitudes, en changer est difficile. Surtout quand on a l’impression de se comporter comme le plus mal élevé des japonais – ce qui est le cas.

« D’habitude, je ne suis vraiment pas fan de la cuisine italienne… c’est vraiment très différent de ce qu’on mange au Japon, mais là j’aime bien » expliquai-je à Alexie, puis j’enchainai : « C’est la cuisine italienne, ta préférée ? ».

J’aimais bien parler de nourriture. L’Art de la table, au Japon, est beaucoup plus développé qu’ici. On a énormément de coutumes à respecter – comme par exemple de faire du bruit en aspirant nos nouilles, ce qui signifie qu’on les apprécie – pour être un bon japonais. J’avais donc tendance à penser qu’il existait dans les autres pays autant de manières que chez moi… ce qui n’était pas forcément le cas. Du coup, en parlant de ça avec les gens, j’en apprenais plus sur leur culture. Ce qui, avant, ne m’aurait pas du tout intéressé… mais les gens changent, et leurs intérêts également.

La raison pour laquelle ça avait un peu coincé avec sa sœur, c’était parce qu’un jour, elle était supposée diriger nos travaux sur le Romantisme, et avait sorti un roman de Baudelaire, avant de nous poser une question sur l’année de sa naissance. Je lui avais fait remarquer que Baudelaire ne faisait pas partie du courant romantique, et lui avais ensuite demandé si elle n’était pas supposée suivre les instructions de notre professeur principal. C’était certes un peu insolent – elle me l’avait bien fait comprendre en me répondant par la suite – mais je n’avais pas pensé à mal en faisant ma remarque. J’étais simplement désireux de travailler sur le cours que nous aurions à l’examen de monsieur Gordon. Nous nous étions mal compris, elle et moi. Mais si Alexie m’assurait que sa sœur n’était pas rancunière… c’est que cela devait être vrai. Je ne l’étais pas non plus, même si je n’oubliais rien. Question de méfiance rudimentaire.

« Pour tout te dire, je n'aime pas particulièrement le sport. Mais oui, j'suis chez les Cheers. Ça me plaît bien, on s'amuse et puis y'a une bonne ambiance. Ça fait toujours plaisir ! » me répondit-elle.

Banco, j’avais tapé juste. Je hochai tranquillement la tête, ce qui balança légèrement la mèche qui me barrait le front.

« Oui, je dois avouer qu’il n’y a rien de mieux qu’une ambiance comme ça, quand tu as un but sportif commun avec quelqu’un, ça ne peut qu’être génial » approuvai-je.

Parfois, les Cannonballs me manquaient… mais je ne me voyais pas faire partie de l’équipe à nouveau, malheureusement. J’avais perdu toute trace de condition physique, et j’étais trop occupé avec l’université pour m’investir dans un quelconque club en dehors de l’école. La sonnerie d’en bas nous interrompit. Sans doute le livreur. Alexie se chargea de le faire monter, récupéra la pizza et le paya si rapidement que je n’eus pas le temps de m’interposer. Néanmoins, j’étais têtu. Je ne la laisserais donc pas s’en tirer à si bon compte. La jeune femme posa la pizza sur la table basse et s’installa sur le canapé. Je vins tout naturellement m’installer près d’elle, à cela près que je préférai poser mes fesses sur le sol, pour être plus près de la table et pouvoir m’appuyer tranquillement sur le divan. Je pris un billet dans mon portefeuille et le déposai face à elle, sur la table basse, pour bien lui faire comprendre qu'il n'y avait pas de discussion possible.

« Mon pauvre, j'suis pas d'une très bonne compagnie ! Tu veux peut-être un film en attendant ? » fit-elle remarquer.

Je relevai les yeux vers elle, tout en ouvrant le carton de la pizza. Une délicieuse odeur s’en dégagea, me donnant tout à coup faim.

« Tu sais, ce n’est pas parce que je ne souris jamais que tu m’ennuies. Au contraire, je te trouve très agréable » lui dis-je. « C’est plutôt moi qui n’ai pas toujours… les bonnes réactions, en société ».

La pizza était prédécoupée. Je m’emparai donc d’un quartier et mordis dedans, après avoir fait un clin d’œil à l’adolescente.

« Itadakimasu ! » déclarai-je ensuite dans ma langue maternelle, le japonais.

Cela signifiait que j’étais heureux de recevoir ce repas, même si la plupart des blancs pensaient que ça se traduisait par leur « bon appétit ». Cela n’était pas vraiment exact, mais l’idée était là. On prononçait cela avant de commencer un repas.

La jeune femme me tendit un verre d’eau, je la remerciai et nous reprîmes notre discussion : « Ah oui ? Ca ne te plaisait plus ? Je dis toujours qu'il vaut mieux ne pas faire de sport plutôt que s'obliger à faire quelque chose que tu n'aimes pas ! C'est beaucoup mieux de s'amuser non ? Autant joindre l'utile à l'agréable ».

« Pas exactement… » répondis-je, et ajoutai : « Disons que les circonstances n’étaient pas favorables ».

C’était certes flou, mais je me voyais mal lui expliquer que j’avais arrêté le sport parce que j’avais organisé mon propre assassinat et que tout le monde me pensait mort depuis l’année dernière. Enfin, moi… Sojiro. L’ancien moi. La pauvre, elle n’y comprendrait rien ! Et en prime, c’était mon secret le mieux gardé. Je n’avais pas spécialement envie qu’elle pose trop de questions à ce sujet, ce pourquoi je lui parlai de la Confrérie des intellos. Je bus ensuite une gorgée d’eau, tandis qu’elle me répondait.

« Boh ça va, t'en fais pas, c'est pas la mort pour une fois. Et puis ma sœur est cool. Bon, je te l'accorde, en tant que prof elle est chiante, mais en règle général elle est cool ! Je pense pas qu'elle va te pénaliser pour ça ! Tu dois pas être en retard de beaucoup, si ?
- Non, c’était à rendre pour le dix. Jusqu’à preuve du contraire, je suis dans les temps… mais ce qui m’inquiète, c’est que j’ai quelques… antécédents, avec ta sœur. Je lui ai un jour posé une question, en classe, qu’elle n’a pas eu l’air d’apprécier. On va dire qu’on a démarré sur de mauvaises bases, elle et moi ».

Je haussai les épaules, désinvolte, en repensant à cet épisode désastreux. En réalité, je n’aimais pas vraiment sa sœur. Mais bon, elle m’accueillait chez elle très gentiment, et elle était vraiment sympathique, Alexie. Du coup, je n’avais aucune raison de me montrer désagréable, bien au contraire.

« Et toi, tu aimes le sport ? Comme tu es Eta Iota, peut-être fais-tu partie des Cheerleaders ? » demandai-je sur un ton tranquille.

Mon visage affichait toujours ce masque d’impassibilité, mais je ne le faisais réellement pas exprès. J’étais ainsi, depuis quelques mois maintenant, et la seule personne capable de briser cette carapace n’était pas présente actuellement. Mais penser à elle suffisait à me mettre de bonne humeur, ce qui n’était pas une mauvaise chose.

Elle m’avoua que le fait de se retrouver avec des filles comme elle l’avait sans doute un peu attirée, et j’imaginai qu’elle disait cela par rapport à sa sœur jumelle, dont elle était différente d’après elle. Alexie me dit ensuite qu’il ne fallait pas juger les gens sur leur apparence, ce à quoi je répondis qu’à première vue, je ne l’aurais pas prise pour une Eta Iota, justement à cause de son apparence. Elle était trop… trop simple, trop naturelle. Du moins à mes yeux, pour rentrer dans le préjugé.

« Ah oui ? Tu m'aurais vu dans quelle confrérie ? Moi je t'imaginais chez les Kappa, j'sais pas pourquoi ! » fit-elle en souriant.

Elle avait un beau sourire, vraiment. C’était une jolie fille, très objectivement. Bon, moi j’étais complètement à mille lieux de penser à elle autrement que comme à une ‘fille quelconque’, Maeko occupant toutes mes pensées, mais il fallait reconnaitre qu’elle avait un atout de ce côté-là. Je réfléchis en l’observant, le visage neutre. Au bout de quelques secondes, je me pinçai les lèvres, encore hésitant.

« Peut-être… Nu Zeta ? Tu as l’air plutôt simple, comme fille » répondis-je finalement. « Enfin, simple pas dans le sens simple d’esprit, mais simple dans le sens naturelle ! ».

Je m’étais moi-même rattraper pour ne pas qu’elle interprète mal le sens de mes paroles, ce qui aurait très bien pu être possible.

« Et c’est un compliment » ajoutai-je, sincère.

Elle s’approcha encore un peu de moi pour me proposer à boire, et j’acceptai avec plaisir sa proposition. Le hot-dog m’avait donné un peu soif, sur le chemin. Trop salé pour moi. Je lui demandai simplement de l’eau, avant d’en revenir à ce qu’elle avait dit à mon sujet. Les Rho Kappa, hein ?

« Et pour revenir à ce que tu disais… je n’ai jamais vraiment aimé le sport. J’ai bien été dans une équipe de foot US, il y a plus d’un an, mais c’est du passé, tout ça » fis-je, songeur.

« En m’inscrivant à Wynwood, lors du choix de ma Confrérie, j’ai hésité avec les Khi Omikron » ajoutai-je. « Heureusement que je ne l’ai pas fait, quelle honte ça aurait été pour eux de compter dans leurs rangs un mec qui ne rend pas ses devoirs à temps ».

Je plaisantais, bien entendu, mais je n’arrivais pas à sourire pour la cause. Si bien que ma phrase semblait à moitié sérieuse tout de même. Pourtant, il se trouvait que c’était la première fois que ça m’arrivait, et qu’en prime nous étions quand même le 10. Je n’étais pas si en retard que ça…

Elle composa le numéro dans la cuisine, et tandis que ça sonnait me demanda : « T'es sûr ? C'est pas la peine tu sais, et puis non, c'est pas de ta faute ! Quelle idée d'oublier ça sur le feu aussi ! ».

« J’insiste » répondis-je simplement, pour marquer bel et bien mon intention de la lui offrir.

Après tout, elle m’invitait à entrer chez elle pour attendre sa sœur, c’était la moindre des choses, n’est-ce pas ? J’avais peut-être été obligé de renoncer à mes costumes de marque, mes montres luxueuses et mes belles voitures, ce n’était pas pour autant que j’avais mis mes bonnes manières de côté. Là, Maeko aurait ri. Je l’imaginais bien… et je l’envoyai paitre mentalement par la même occasion, lui répondant qu’il n’était jamais trop tard pour devenir gentleman. Alexie et moi nous étions mis d’accord sur une pizza 4 saisons, je lançai donc une nouvelle discussion, qui fit déclarer à la jeune femme que sa sœur jumelle et elle étaient totalement différentes, en dehors de leur ressemblance physique.

« Eta Iota, mais je te rassure, je ne suis pas une fille superficielle et sans cervelle comme le dit la rumeur sur cette confrérie, du moins je ne pense pas... J'espère pas ! Et toi ? ».

Je m’appuyai sur le chambranle de la porte, rentrant ma main droite dans la poche de mon jeans. Lorsque j’étais Sojiro, je faisais partie des Pi Sigma. Mais à présent, je n’avais absolument plus rien à voir avec, d’où le choix de ma nouvelle Confrérie.

« Lambda. Et je te rassure, tu n’as pas l’air superficielle. Hm, si je peux me permettre de le demander : pourquoi cette Confrérie ? » demandai-je à la jeune femme, après lui avoir donné la mienne.

« Je dois dire que si j’avais eu à parier, je n’aurais pas du tout misé sur les Eta… à première vue » ajoutai-je, en ayant une petite pensée pour mon ancien groupe d’amis, avec qui nous passions notre temps à faire des paris sur tout et n’importe quoi.

Ce qui m’avait d’ailleurs amené à devenir celui que j’étais aujourd’hui. Un garçon qui n’avait plus rien en commun avec l’ancien moi, même pas le prénom. Même physiquement, j’avais changé, puisqu’une immense cicatrice barrait à présent mon torse, vestige d’une époque qui aurait pu coûter la vie à mes amis les plus proches.

La jeune femme me répondit le plus simplement du monde que “Roxy” n’était pas là, qu’elle travaillait quelque part mais qu’elle ne savait pas où. Je me pinçai la lèvre, embêté. J’aurais très bien pu laisser mon travail à cette petite brune qui était apparemment sa sœur, ou éventuellement sa nièce, puis repartir… mais quelque chose me retenait. Eva. Quel rapport, me direz-vous ? Et bien il se trouve que cette fille était dans la même Confrérie qu’Eva, avant qu’elle ne devienne professeur à Wynwood. Et ça avait de quoi m’inquiéter : était-elle fiable, au moins ? Heureusement, je n’eus pas besoin de me torturer longtemps.

« Tu préfères l'attendre peut être ? » me proposa-t-elle en ouvrant un peu plus grand la porte.

« Euh… oui, pourquoi pas. Merci » répondis-je, tandis qu’elle s’éloignait.

J’entrai donc et refermai la porte derrière moi, avant de la suivre. J’arrivai dans leur cuisine, d’où s’échappait une odeur de brûlé. La jeune femme enlevait une poêle du feu, l’air dépité. J’observai son contenu, qui me sembla immangeable. Apparemment elle tira la même conclusion que moi, puisqu’elle annonça qu’elle allait commander une pizza.

« T’en veux ? » ajouta-t-elle, à ma grande surprise.

Elle était du genre sociable, elle. Et pas du tout effrayée par les inconnus, en prime. Bon, je ne l’étais pas tout à fait, puisque je lui avais dit mon nom… sachant que ce n’était pas le vrai, il y avait de quoi s’inquiéter pour elle, non ? Okay, je n’étais pas bien épais, mais de nos jours on n’a pas besoin d’avoir de la force pour violer une fille. Merci, le GHB. Heureusement pour elle, je n’étais pas un violeur notoire, et j’avais en prime conscience que c’était entièrement ma faute si son repas était brûlé, puisque j’étais arrivé pile au mauvais moment.

« Pourquoi pas ! Et comme c’est à cause de moi si ton… truc a brûlé, je te l’offre » déclarai-je. « … Rappelle-moi ton prénom ? ».

Elle s’avança vers moi et me répondit : « Désolée, je me suis même pas présentée, je suis Alexie, la petite sœur de Roxane, et la jumelle de Billy, au cas où tu la connaisses aussi ! ».

A l’évocation de sa jumelle, je compris que cela ne devait pas être elle, la rebelle de la famille. Pas avec le sourire sincèrement gentil qu’elle m’avait offert en ouvrant sa porte, en tout cas.

« C’est donc ça, tu as une jumelle. Je me disais bien que tu n’avais pas l’air très rebelle » fis-je en déposant mon devoir sur la table.

« Tu es de quelle confrérie ? ».

Je n’étais pas spécialement habitué à taper causette à quelqu’un, mais je faisais des efforts pour me sociabiliser un peu. J’avais l’impression de tout reprendre à zéro, au moment où j’étais arrivé à Miami avec Maeko… si ce n’est que je n’avais pas de passé, sous cette identité.

La voix déformée par l’interphone annonça qu’elle allait ouvrir et effectivement la porte émit un bruit sec à peine quelques secondes plus tard. Le japonais posa sa main sur la poignée et poussa, se retrouvant dans le hall de l’immeuble. Il fit quelques pas et se rendit compte qu’il ne savait pas où se trouvait l’appartement de sa prof de TD. Il revint donc sur ses pas et regarda l’information sur l’interphone, sans lâcher la porte – au risque de se retrouver enfermé dehors. Pénétrant à nouveau dans le bâtiment, Nobu monta les étages qui le séparaient de mademoiselle Blackwell, pour se retrouver devant sa porte. Il jeta un coup d’œil à sa tenue avant d’ouvrir la porte, histoire de s’assurer qu’il était présentable. Ce n’est pas parce qu’il ne portait plus de costumes qu’il se laissait complètement aller. Aujourd’hui, il portait un jeans légèrement destroy, rentré dans ses bottines hautes et lacées, à la mode motard. Au-dessus, un simple tee-shirt blanc et un gilet pourpre, qu’il avait laissé ouvert à cause de la chaleur. Il avait accessoirisé le tout : son bracelet Shambala, seul vestige de son ancienne vie, un gros bracelet en cuir à son poignet, ainsi qu’un collier et des bagues. Porter des bijoux – pour hommes – ne l’avait jamais dérangé, et maintenant qu’il avait l’occasion de le faire, il ne s’en privait plus. Et tant pis s’il passait pour une tapette, parce que lui savait qu’il n’en était pas une, et Maeko aussi. C’était le plus important, n’est-ce pas ? Bref, une fois ses manches remises bien en place, l’adolescent toqua à la porte. Il entendit des pas de l’autre côté, et on finit par lui ouvrir. Seulement, ce n’était pas sa prof, mais une jeune femme qu’il connaissait de vue. Une rebelle. Du moins, c’est ce qu’il pensa : il la prenait pour Billy, sa jumelle. Elle lui sourit de son air gentil, ce qui ne concordait pas spécialement avec cette fille rebelle qu’il croisait parfois.

« Euh… bonjour ? C’est bien ici chez Roxane Blackwell ? J’ai ce travail à lui rendre, » dit-il en tendant ses feuilles entre eux, « est-ce que je peux la voir, s’il-te-plait ? ».

L’asiatique aurait du sourire à ce moment-là, malheureusement il avait vraiment du mal à montrer ses émotions à quiconque, si bien qu’il se garda de le faire, affichant un visage tout à fait impassible.

Vendredi 10 mai 2013 ▬ Cela faisait maintenant plusieurs jours que j’avais retrouvé Maeko. Presque un mois, à vrai dire. J’en étais réellement heureux, et je sentais que le vent commençait à tourner pour moi. Bien sûr, c’était risqué. Bien sûr, il faudrait qu’elle arrive un jour à me pardonner. Mais le simple fait de l’avoir à mes côtés me rendait capable d’affronter toutes les épreuves de la Terre. L’Amour, c’est encore mieux que le Redbull, pour donner des ailes. Mais l’Amour, ça fait également perdre la tête. On en oublie les choses les plus futiles, comme ce devoir que je devais rendre pour mon TD de littérature. C’était en ouvrant mon agenda, vers 15h30, que je m’étais rendu compte que je ne l’avais pas fait. Enfin, pas encore. Et je devais le rendre pour le 10 mai au plus tard. Aujourd’hui, quoi. Je devais m’y mettre, et vite. Ce que je fis… mais un devoir en première année d’unif’, ce n’est pas spécialement une promenade de santé, surtout quand on maitrise mal la langue par écrit, comme c’est encore mon cas. J’avais beau avoir fait des progrès, je restais un japonais. Je me retrouvai donc devant l’imprimante qui tirait deux exemplaires du dit devoir à 19h45. Avec beaucoup d’espoir, je me rendis à la salle des profs pour voir si Mademoiselle Blackwell y était encore. Évidemment, ce n’était pas le cas. J’expliquai que je devais rendre absolument un devoir et insistai tellement que la surveillante finit par me donner l’adresse de ma prof de TD. Je m’y rendis donc sur le coup de 20h30. C’était un peu tard, mais au moins on était toujours le 10 mai ! En chemin, je croisai un vendeur de hot-dog, j’en pris donc un puisque je n’avais pas encore mangé. Bah oui, merci le devoir de littérature. Je n’avais même pas pris la peine de me sustenter, mais j’étais persuadé que son contenu valait le coup d’avoir fait l’impasse sur un petit repas en compagnie des autres Lambda. J’arrivai finalement à l’adresse que l’on m’avait donnée. Un immeuble d’appartements. Je m’approchai de l’interphone et appuyai sur la sonnette correspondant à celle de l’appartement « Blackwell ». J’attendis quelques secondes quand une voix se fit entendre dans l’interphone, grésillante.

« Bonjour, c’est Nobu Soma. Je viens vous rendre un devoir de littérature, mademoiselle Blackwell » dis-je, sans me douter qu’il s’agissait de sa petite sœur et non pas de ma prof.