[Abandonné] Chante-moi une chanson [Taka]

Chante-moi une chanson
Takanori & Adam

Aujourd’hui, j’ai envie de me promener. Je ne veux pas rester enfermé dans la petite chambre. Je veux prendre l’air et heureusement pour moi, il fait beau. De toute façon, il fait tout le temps beau ici. Je suis donc en t-shirt, profitant de la légère brise et des rayons du soleil. J’ai choisi de marcher dans la ville. Je flâne donc au milieu des boutiques, au milieu des gens qui se pressent pour faire du shopping. Moi, je ne rentre pas dans les magasins. Je n’ai pas d’argent et je ne veux pas en demander à mes parents. Ils me payent déjà l’école, je ne veux pas abuser non plus. Je peux me débrouiller seul et de toute façon, je n’ai pas besoin de m’acheter grand-chose, j’ai tout ce qu’il me faut.

Au moment où je passe devant un café/bar/restaurant, une pancarte attire mon œil. « La maison recherche musiciens et chanteur ». Là, je me dis, pourquoi pas ? Je sais jouer du piano et ça me permettrait de gagner de l’argent, en plus d’occuper mes soirées. Je peux tenter, ça ne me coûte rien après tout. Je pousse alors la porte de l’établissement. A cette heure de l’après-midi, il n’y a que quelques personnes sirotant un verre de boisson fraiche. Quelques conversations se font entendre par-ci par-là mais l’endroit est plutôt calme. Je repère le bar et m’approche du type qui sert les clients. Je m’avance vers lui, assez sûr de moi.

- Bonjour, j’ai vu votre pancarte, je suis pianiste. Je viens vous offrir mes services.

Offrir, ce n’est pas vraiment le mot. Parce que c’est sûr que je ne vais pas jouer gratuitement pour eux, ça n’a aucun intérêt pour moi. Le gars me regarde de haut en bas et me sourit.

- Les auditions sont ce soir. Repasse vers 19 heures et je verrai ce que je peux faire pour toi.

Bien, je reviendrai. Je sors alors du bâtiment pour me retrouver à nouveau dans la rue. Je n’ai jamais passé d’audition. A vrai dire, j’ai toujours un peu de mal à jouer devant les autres. Parce que ça a toujours été un moment rien que pour moi, je n’ai pas beaucoup partagé ma musique. Comment est-ce que cela va se passer ? Vont-ils me demander de jouer un morceau ? Et si je ne le connais pas ? Non, je vais pouvoir choisir ce que je veux, c’est plus logique. Dans ces cas-là, que choisir ? Je ne sais pas vraiment. J’ai tout l’après-midi pour y réfléchir. Je rentre donc dans ma petite chambre pour me préparer. J’irai bien m’entrainer un peu sur le piano de ma confrérie mais je n’ose pas. La dernière fois, ça s’est assez mal passé. J’ai « agressé » une jeune fille, je l’ai fait pleurer. Juste parce que j’avais décidé que j’étais énervé. Je ne veux pas que ça se reproduise. Je prends une douche rapide, histoire d’être propre. Je laisse mes cheveux sécher à l’air libre et ne les attache pas. J’enfile une chemise et un jean noir, avec des chaussures de soirée. Oui, je crois que j’en ai jamais fait autant. Je ne sais pas pourquoi je prends ça autant à cœur. Certainement parce que c’est la première chose que je fais vraiment de moi-même, pour moi-même. Personne ne m’a forcé à y aller, à me présenter dans ce bar. Je sifflote un air de chanson tandis que je pose mon chapeau sur ma tête. A part mon visage, je pourrais presque être classe. La chanson que je fredonne, je la connais par cœur, même si je ne chante pas très bien. A vrai dire, c’est ma prof de piano qui me l’a apprise. Elle me l’a tellement fait jouer que je peux la faire en dormant, ou presque. Elle, elle faisait la voix, et je trouvais que c’était super. Elle me manque un peu, elle était gentille avec moi. C’est une des seules à ce jour à avoir pu m’entendre. Il est temps que ça change.

Je sors et appelle un taxi. Je n’ai pas encore de voiture, mais ça viendra peut-être. Il est 18 heures 30, je n’aime pas être en retard. Le véhicule me dépose non loin de là où je dois me rendre. J’y vais donc en prenant mon temps. Quand je pousse à nouveau la porte, je vois qu’il n’y a plus de client. Le commerce est momentanément fermé. Tout un tas de personne attendent dans la pièce, séparés en groupe. Certains sont là avec leurs guitares et autres instruments. Je vois la scène au fond, que je n’avais pas remarqué plus tôt dans l’après-midi. Comme prévu, les auditions commencent à 19 heures. Batterie, guitare, piano, voix, et j’en passe, on a droit à tout. Quand enfin vient mon tour, je m’installe devant le piano mis à disposition, nerveux. Bah oui, un instrument comme celui-là, on peut difficilement l’amener avec nous. Je commence alors à jouer. Je pense que peu de personne connaissent la chanson que j’ai finalement choisi. C’est une musique japonaise. Ma prof de piano a vécu quelques temps dans ce pays, avec son mari, avant de revenir au Canada, son pays natal. Mais elle a emmenées quelques partitions dans ses bagages et elle y retournait de temps en temps. Ce qui m’a permis d’apprendre celle que je viens de commencer. Ça me fait bizarre, elle n’est pas là pour me dire si ce que je fais est bien. Je ne peux pas la voir hocher la tête ou froncer les sourcils. Je dois me débrouiller seul.

Sauf que je ne m’attendais certainement pas à ce qu’une autre voix se mêle aux notes du piano. Un jeune homme, sans doute un peu plus vieux que moi, s’avance vers la scène. Apparemment, il n’a pas pu s’en empêcher. Je remarque que c’est un asiatique, mais je ne regarde pas plus en détail. Je dois quand même me concentrer, même si c’est déconcertant comme situation. Mais au final, ça ne me dérange pas. Il chante bien, il semble connaître le morceau aussi bien que moi et je trouve que l’on ne s’en sort pas si mal tous les deux. Je ne réfléchis donc pas plus et me laisse porter, oubliant mes craintes et le fait qu’un certain nombre de personnes me regarde. Enfin, nous regarde, parce que  je ne suis plus seul.

made by pandora.