Let's the war beggins ! ||Jazz

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Let's the war beggins !

Les joies du self… J’avance doucement avec mon plateau. Je n’arrête pas de soupirer. Mais comment peut-on subir ça tous les jours ? Je hais mon père. Je hais mon frère de ne pas être venu me chercher ce midi. On aurait pu aller se promener et manger dans un restaurant en face de la plage. Il y aurait eu toujours mieux que cette cafétéria et cette nourriture préfabriquée. J’ai la nausée rien que d’y penser. Plus je m’avance plus j’ai envie de partir en courant. Je regarde les différents choix possible et ne prends que des légumes. Une pomme… Ils ne vont pas me contaminer avec une pomme ! Au moins je suis sûre que c’est un bon choix et je peux très facilement me contenter de ne manger que ça. Ce ne serait pas la première fois… Mais je prends quand même des légumes préparés et de l’entrée, histoire de dire.

Mon plateau dans les mains, je me tourne vers la salle bondée. Du haut de mes chaussures à talon j’essaye de trouver une table à laquelle m’installer. Hors de question que je mange seule comme une recluse ! Je vais me trouver la table parfaite. Pas celle des intellos… Pas celle des idiotes naïves… Pas celle du gentil club de catholique… Pas celle des gothiques… Il me faut la table parfaite. Celle des gens populaires comme les sportifs par exemple. Je ne veux pas être la seule nana à m’y asseoir. Il doit y en avoir deux autres au moins. Mais pas de Cheerleaders, mon short ne bat pas la mini-jupe. Il faut une fille moins belle que moi mais avec qui le courant pourrait passer. Une fille que j’impressionne mais pas trop.
C’est tout un programme. Mes pupilles passent d’une table à l’autre. Je cherche. Je crois avoir trouvé la perle rare. Un sourire satisfait se dessine sur mon visage. D’un geste de la nuque, je fais voler mes cheveux et commence à avancer. Et là… Tout un grand jeu théâtral doit se mettre en place. Il ne faut pas que j’ai la tête trop haute, que j’avance d’un pas trop assuré. Je dois sembler hésitante et un peu perdue. Mais tout est dans le dosage. Il faut sembler cool mais pas trop confiante. Il faut qu’ils n’aient pas pitié de toi et qu’ils n’aient pas l’impression que je m’impose à eux. Tout est dans le dosage… Et puis après je n’ai qu’à faire ressortir mon parfait petit accent d’étrangère et hop ! Le tour est joué.

Je ralentis le pas. J’approche lentement en regardant un peu autour de moi. Je m’arrête, regarde au loin. Et là… Alors que je m’apprête à mettre mon plan à exécution, on me rentre dedans. Littéralement. On vient me percuter de plein fouet. Avec toute la force possible pour me déstabiliser. Ma pomme roule, tombe. Je suis à deux doigts de lâcher mon plateau. Je perds mes repères. J’ai l’impression que tout le monde nous regarde mais ce n’est qu’une impression. La collision passe rapidement inaperçue, chacun retourne à sa conversation. Et moi, je pivote rapidement vers l’auteur du crime. Je lance une rapide prière pour que je ne sois pas salie et que la personne soit un charmant jeune homme. Un mec plus grand que moi, bronzé par le soleil de Miami et avec un sourire brillant. On peut toujours espérer ! C’est peut-être un signe du destin, un truc miraculeux… Il va me sourire, me dire pardon avec son accent américain complètement craquant. Je vais lui faire comprendre que je ne parle pas un mot de la langue. Il me fera un clin d’œil, me prendra par la main et m’emmènera m’asseoir à une table. Juste lui et moi… Peut-être un ou deux de ses amis. Il me prendra sous son aile et me dira de venir le voir si je ne sais pas avec qui manger. Je lui demanderais de me faire visiter les endroits secrets du lycée… Et comme je ne parlerais pas beaucoup anglais, que la conversation retombera rapidement… Nous aurons autre chose à faire pour communiquer… Un truc bien plus expressif.

Mais tous ces beaux plans peuvent aller se faire voir. Je me retrouve face à une nana. Le genre de fille avec qui je ne comptais pas du tout manger. Mais… Pas du tout ! Ses cheveux me révulsent. Son style laisse clairement à désirer. Elle a beaucoup trop de tatouage, de… Je n’ose même pas m’attarder sur elle. Déjà qu’elle n’est pas assez douée pour regarder où elle va alors en plus elle ne ressemble pas du tout à la personne que j’idéalisais. J’avais oublié que les américains pouvaient aussi ressembler à autre chose que des acteurs hollywoodiens. Elle me sourit avant de lancer : « Je suis vraiment désolé, je ne t’avais pas vu. Et pour ton short, hmm… ça devrait partir après une bonne machine ? » Short… Ça je comprends. J’ai aussi compris qu’elle est désolée mais ça je m’en contre fiche. Elle peut être désolée autant qu’elle voudra, ça ne changera rien au fait qu’elle m’ait rentrée dedans. Ce qui m’inquiète c’est à propos du short… « Che ? Il mio short è...» Mes yeux se dirige vers mon bout de tissu signé par l’une de mes marques préférée… Et là… Là je vois ce dont j’ai toujours cauchemardé. Une tâche. « Cazzo ! » Ma main tremblante vient glisser énergiquement dans mes cheveux que je replace nerveusement. J’examine la tâche et lève un regard froid vers la coupable. « Che palle ! Vaffancùlo ! » Oui je ne peux retenir mes insultes. Mon ton est des plus froids. Et je me retiens de poser mon plateau pour mieux lui balancer mes légumes à la figure. Je ne sais pas ce qui me retient… Il suffit d’un mot, d’un regard, d’un geste… Je me dis que je ne suis plus une gamine, que je suis au-dessus de tout ça, qu’elle peut aller se faire voir, que je n’ai qu’à changer de tenue… Je savais que je ne devais pas venir au lycée. « F*ck you ! C’est… Impossible de… ça nettoyer ! »

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let's the war begin !

Je hais cette routine.

Cette routine de lycéenne, ennuyante et déprimante. Se lever, le matin, aux aurores très souvent. Prendre sa douche, son petit déjeuner, se préparer, et enfin aller en cours. Puis, la fameuse pause déjeuner à la cafétéria, à midi. Et les cours, à nouveaux. Je pensais en avoir finit avec tout ça. Je pensais que la route m'aurait apporté suffisamment de solutions pour échapper à ça, les joies du lycée et de la scolarité. Mais je me suis trompé, et lourdement. La route, aussi palpitante et belle puisse-t-elle être, est piégeuse. Résultat, je suis finalement rentré chez mon père, puis j'ai finis ici. Oh, je ne suis pas venu de mon plein gré, mais j'ai préféré ça à la désintox.

Je crois que le pire, dans cette vie, c'est les réveils matinaux. Je ne suis pas quelqu'un du matin, c'est définitif. Alors parfois, je sèche les cours ou j'arrive en retard. Mais bizarrement, pas ce matin. Après trois interminables heures de cours, je prends la direction de la cafétéria, et fais la queue, comme tout le monde. Seule, comme souvent. Mais peu m'importe. La seule chose qui me préoccupe pour l'instant, c'est la faim qui me tiraille l'estomac. Si seulement les gros cons devant moi pouvaient se dépêcher ! L'odeur de frites qui pénètre mon nez me donnerait presque des envies de meurtres, mais je trouve la patience nécessaire pour attendre mon tour. Un canette de soda, une portion de frites avec quelques légumes indigestes, et le tour est joué. Mon plateau en main, je me retourne enfin vers la cafétéria, et observe que celle-ci est quasi bondée. Comme presque tous les jours, en fait. Je crois que je déteste cet endroit pour ça. Mais très vite, j'aperçois une table vide - la seule - près d'une fenêtre. Pressée de manger, et d'enfin trouver une place, j'accélère le pas jusqu'à la table, sans prendre la peine de regarder où je vais. Gravissime erreur.
« Merde ! »

Evidemment, lorsque l'on ne regarde pas où on va, on prend le risque de se prendre un mur, un arbre, ou bien de percuter quelqu'un. Cette fois-ci ne me loupe pas, et c'est à vive allure que je rentre dedans quelqu'un, une fille, que je ne connais apparemment pas et qui se retourne vers moi, l'air mauvaise. Je pince mes lèvres de nervosité mais constate que mon plateau n'a presque rien. Ni mes fringues, déchirés et froissés. Mais quand je relève les yeux vers ma "victime", je constate qu'elle ne s'en est pas sortie aussi indemne que moi. Ma portion de frite, grasse à souhait, s'est quasiment renversé sur son petit short blanc, tâchant ce dernier comme ce n'est pas permit. Je la fixe un instant, et remarque que c'est ce qu'on appelle souvent ... une bombe. Une jolie fille, genre Êta Iota.

Préférant éloigner de mon esprit quelconque préjugé - êta iota = pétasse ? - je lui adresse un petit sourire timide et dis « Je suis vraiment désolé, je ne t'avais pas vu. Et pour ton short, hmm ... ça devrait partir après une bonne machine ? » finis-je, tentant en vain de me rassurer.

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Let's the war beggins !

« *Non è possibile… Per favore… N.. Ok... Basta... Ciao ! » Je raccroche le téléphone énervée. Pourquoi, il faut toujours qu’on me prenne la tête ? Ce lycée me donne des frissons. Entre mon frère, au téléphone, qui ne veut pas sortir ce soir, ce self des plus banals et ces cours insupportable… Je crois que je vais rapidement devenir folle. Je revois mamma me dire que nous partons aux Etats-Unis. Sa promotion c’était de l’or en boîte. Elle pouvait choisir de s’installer n’importe où et diriger l’image de la marque à travers tout le pays. Évidemment, on risque de ne pas la voir souvent. Nous avons acheté un appartement à Manhattan et on a attendu de savoir dans quel hôpital papa serait pris pour pouvoir partir enfin. Pour moi, les Etats-Unis c’était le rêve américain, le football, le cinéma. Je me voyais déjà star sur les magazines. Et au final Papa est pris à Miami… Miami ! Du soleil, certes mais c’est loin d’être aussi cool que Los Angeles ou New-York. Je suis complètement dégoûtée. Ici, il y a un quartier d’immigrés cubains dégoûtant. Ça sent le folklore à plein nez.
Et puis il y a cette fabuleuse langue. L’anglais… Pourquoi n’ai-je jamais pris anglais première langue ? Déjà que je n’étais pas la meilleure en français mais alors l’anglais… Je comprends à peine un mot par phrase. Mon premier cours a été une véritable catastrophe. Je devais me présenter… Bonne chance ! J’ai un bidouillé quelques mots mais je pense que les élèves de ma classe se sont plus moqués de moi qu’autre chose. Je déteste ça. Ça m’a mis de très mauvaise humeur. Je serais capable de sauter à la gorge de n’importe qui ! Même pour une petite histoire…

Mon regard glisse sur tous les étudiants massés dans le self ce midi. Un frisson parcourt mon corps. « **Disgustoso…» Je remonte un peu plus mon sac Versace sur mon épaule. J’ai envie de crier de rage, de taper des pieds. Je vois la queue du self. Il faut vraiment attendre pour se servir ? Je n’ai jamais mangé dans ce genre d’endroit… A Milan, nous finissions les cours vers 13h30 et j’allais manger à la maison. C’était ainsi. La journée de cours se finissait tard, la cuisinière m’apportait un plat préparé par ses soins et je n’avais pas à attendre. Au contraire, si je patientais une minute de trop, elle savait que j’allais la discréditer auprès des parents. Alors tout était toujours prêt à mon arrivée… Un plat chaud, des saveurs délicieuses, des associations parfaites, des sauces succulentes, des aliments de premier choix…

Et me voici dans une cafétéria. Endroit où toutes les conversations se mélangent en un brouhaha insupportable. Je sens d’ailleurs la migraine pointer ! Tout le monde mange la même chose, ou presque. Tous ces étudiants font la queue et payent pour manger comme des bêtes…
Je sors mon smartphone de ma poche et compose le numéro de mon père. Il faut que je lui dise tout ça ! Il doit comprendre les conditions dans lesquelles je suis. Ce n’est pas possible d’être traitée ainsi. Pas moi ! Pas Tea Pennaccini ! «*** Pappa ! Va bene ? … Non sono bene. Sai dove mangio ? … Si pappa… Non è possible… Tutti mangiano la stessa cosa… Pappa !... Non mi piace questo luogo... Ecco... M... Non... Ok... Ciao...» Il veut que je m’incline. Il m’a dit clairement que ça ne pouvait pas me faire de mal, que les élèves ne me mangeront pas. Vraiment ? Vu ce qu’ils ont dans leurs assiettes, je ne parierai pas là-dessus ! Je suis sûre qu’ils meurent de faim ou alors mangent des plats inconnus. Je suis certaines qu’ils ne savent pas ce qu’il y a exactement dans leur assiette.

Je meurs d’envie de passer devant tout le monde. Mais les mots de mon père résonnent encore en moi. Je dois m’habituer et faire comme tout le monde. Vous y croyez ? Je dois m’abaisser au rang de parfait inconnus mangeur de bouilli. Génial ! D’ici un mois, on m’aura lavé le cerveau et on me fera manger n’importe quoi.
Je tapote sur le clavier de mon portable. Je tweet ce que je vis. Un self, des américains, des frites… Génial je n’ai plus qu’à me pendre. #Troplaloose Je renifle légèrement et sent l’odeur de la friture. J’étais sûre qu’il y avait des frites… Sans le savoir j’avais deviné le repas à l’avance. C’est tellement cliché que ça ne m’étonne même pas. J’espère simplement qu’il y a des places à l’extérieur. Je refuse que mes vêtements s’imprègnent de cette odeur nauséabonde ! J’imagine déjà le truc ! Je ne pourrais plus jamais porter ce short en denim blanc et poches en cuir de Zadig & Voltaire, ni ma brassière noire Zapatero et mon pull en coton ajouré noir également. Il y a seulement mes escarpins qui peuvent échapper à ce mauvais sort. Je soupire et continue d’avancer. J’attrape avec nonchalance un plateau et me dirige vers la guillotine. Ce sont mes derniers instants. Adieu monde cruel !

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