Skylar Simon Wolf ♠ When you look at yourself do you see what I see? [TERMINEE]

○ Age : 17 ans
○ Date et lieu de naissance : 1er Avril 1995, Johannesburg
○ Classe : Junior Year
○ Confrérie : Khi Omikron
○ Riche ou bourse d'étude ? Riche

La pièce est silencieuse, seuls les cliquetis de l’horloge viennent troubler les pensées de Skylar. Le miroir posé devant elle lui renvoie le regard perdu de son reflet, alors que Tshepo s’observe les mains, impatient. Ça fait plus de dix minutes qu’il attend qu’elle commence, debout dans un coin de la chambre. N’y tenant plus, il s’approche de la jeune fille et lui colle la tête au miroir, sans douceur.

- Vas y. Je t’écoute, Skylar. Décris-toi. Si ça te pose problème de faire ça, on annule tout et tu retournes dans la rue.

A travers la glace, elle croise le regard fou de son ami. Elle n’a pas le choix, elle le sait. Elle tire sur les manches de son pull, cachant ses bras meurtris. Puis, après une longue inspiration, elle se lance enfin.

« Mes yeux sont bleus, mais quand je suis en colère, ils deviennent gris. Mes yeux, c’est ce que je préfère chez moi, parce qu’ils transpirent l’innocence. Personne ne se doute de qui je suis quand je regarde les gens dans les yeux. Je deviens une putain de gentille petite blondinette.»

La porte s’ouvre sur Duma, le bras droit du Boss. Il s’assoit près de Skylar, sans un mot. La jeune fille reprend son sérieux, se reconcentre. Si Duma n’est pas satisfait, elle peut dire adieu à cette opportunité.

« Je suis blonde, mais j’aime me teindre en brune, parfois. Mes cheveux font un peu n’importe quoi, je ne sais jamais vraiment comment les coiffer alors la plupart du temps, je les laisse tomber sur mes épaules. Là, ça commence à craindre. Généralement, mes bras font comprendre que je ne suis pas une fille bien. Ils sont pleins de bleus, de marques de seringues. J’essaie de les cacher avec des manches, mais parfois, j’oublie. Alors les gens voient ces marques de toxico, et ils comprennent directement pourquoi je tremble autant. Pourquoi je suis si frêle, pourquoi mon corps est pratiquement dépourvu de graisse. Mais si je me fous à poils devant eux, ils oublient ma minceur et se concentre sur mes petits seins et mes fesses rondes. L’avantage d’être une fille, je suppose. C’est sûr que c’est pas avec mes jambes de naine que je pourrais choper… Je crois que c’est tout. Je ne vois pas grand-chose d’autre à dire. »

Skylar se tourne vers les deux hommes en souriant, dévoilant une rangée de dents aussi blanches que sa peau. Plus que deux étapes, et elle pourra commencer. Enfin.

Duma sourit et enlève le miroir de la table. Il sort son portable de sa poche, pianote sur les touches sans quitter Skylar des yeux. Après quelques instants, la sonnerie de son téléphone retentit. Duma lit le message, fait signe à Tshepo, qui s’approche de Skylar et lui tapote l’épaule.

– Prouve nous que tu te connais. Que tu sais quelles sont tes réactions, ce que tu feras si les choses dégénèrent. On ne peut pas faire confiance à une toxico, et la seule façon de nous montrer que tu es prête, c’est de nous parler de toi.

Skylar grimace. Elle n’aime pas vraiment qu’on la considère comme une toxico. C’est dégradant, sale, faible. Mais tellement vrai. Elle adresse un regard blasé à Tshepo.

« On a grandi ensemble, toi et moi. Tu sais déjà tout. Et eux aussi, depuis le temps. Ça fait 5 ans que je fais partie de ce truc, ils savent très bien comment je suis. »

Tshepo se redresse et donne un coup de pied dans la chaise. La lueur de folie dans ses yeux est de retour. Skylar sait qu’elle a dépassé les limites, son meilleur ami n’est plus le même qu’avant. Elle non plus, mais elle refuse de l’accepter. C’est une des choses qu’elle fait le mieux, se voiler la face. Dans un soupir, elle se cale au fond de sa chaise et joue avec ses manches, anxieuse.

« Bon, ok. Je devrais commencer par dire que j’ai un QI supérieur à la moyenne, mais comme je suis aussi inconsciente qu’intelligente, je ne l’exploite pas. Je préfère agir bêtement, parce que je me dis que si je commence à me servir de mon intelligence, on me demandera toujours d’agir de façon responsable, on me cataloguera comme petit rat de bibliothèque et on se demandera pourquoi j’ai fini ici, avec vous, droguée, criminelle. Mais j’aime cette vie. J’aime être hors des sentiers battus, j’aime l’adrénaline qui m’envahit à chaque fois que je vais vendre ma came, que je tabasse quelqu’un, que je me shoote. Je crois sincèrement que j’aime être une mauvaise personne. Je n’échangerai ma place pour rien au monde. »

Tshepo et Duma sourient, fiers d’elle. Ils savent déjà qu’ils ont fait le bon choix, qu’elle est la bonne personne à envoyer à Miami. Ils l’ont toujours su, au fond. Dès que Skylar est arrivée, ils ont su qu’elle ferait de grandes choses. L’avantage, c’est qu’elle est très douée pour manipuler. Elle peut se faire passer pour une gentille fille ou laisser sa nature de hors-la-loi prendre le dessus selon les situations. On ne sait jamais sur quel pied danser avec elle, c’est difficile de la cerner, de voir qui se cache sous les sourires et les pipes d’héroïne.
Le seul problème, c’est qu’ils ne font pas confiance aux droguées. Skylar est le stéréotype de la camée de luxe. Elle est imprévisible, elle passe du rire aux larmes sans prévenir. Et puis, ses crises d’hystéries sont atroces. Duma en a déjà été témoin, et même ses 110 kg de muscles n’ont pas suffi à calmer la blonde. Mais ce qui l’agace par-dessus tout, c’est qu’elle passe son temps à sourire, sans savoir pourquoi. Il décide de lui poser la question, alors qu’elle tremble comme une feuille sur sa chaise, en manque. La réponse ne tarde pas.

« Je souris, parce que c’est plus facile que de pleurer. Je n’aime pas montrer mes faiblesses, mais j’en ai, comme tout le monde. Je crois en l’amour, j’aime les animaux, je veux me faire des amis comme tout le monde mais je ne sais pas comment m’y prendre. J’ai la théorie, mais pas la pratique. Et puis, merde, je suis spontanée. Je ne réfléchis pas quand j’agis ou quand je parle, c’est une perte de temps. Je suis bien placée pour savoir que la vie ne tient qu’à un fil, alors je préfère être moi-même. C’est plus pratique. »

Tshepo et Duma grimacent. S’ils l’envoient aux Etats-Unis, il faudra qu’elle perde cette habitude de dire et faire ce qu’elle veut, quand elle veut. Ou les choses pourraient mal tourner.

Tshepo s’approche de son amie et la prend dans ses bras quelques secondes. Il sait que la prochaine étape sera difficile pour elle, qui n’aime pas parler d’elle, et encore moins revenir sur son histoire. Mais elle n’a pas le choix, c’est la dernière étape, celle qui validera son départ à Miami. Après tout, cet entretien est officiel, Duma doit connaître la vie de Skylar comme si c’était la sienne. Sinon, il ne pourra rien organiser et son arrivée en Floride serait un fiasco total.

– Tu sais ce qu’il te reste à faire, Sky. Je vais quitter la pièce et te laisser parler à Duma. Ensuite, tu iras directement à l’aéroport, et tu prendras le premier vol Johannesburg-Miami. Si tout se passe bien, on ne se reverra pas avant longtemps, sûrement des années. Bonne chance là-bas.

Il embrasse Skylar sur le front puis quitte la pièce sans un regard en arrière, laissant son unique amie avec l’homme qui l’accompagnera à sa place. Trop proche de Skylar, il n’avait pas été autorisé à partir avec elle. Il devait rester à Soweto, faire le travail que Duma faisait ici.
Après que Tshepo ait quitté la pièce, Skylar se tourne vers son acolyte et commence le récit de sa vie.

« Je suis née le 1er Avril 1995, à Johannesburg. Et je dois dire que ma date de naissance est parfaite, parce que ma vie n’est qu’une grosse blague. A mon avis, j’étais le poisson d’avril prévu par ma mère pour faire une farce à mon père. Elle vient des Etats-Unis, tu sais. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai été choisie pour aller à Miami, parce que j’ai de la famille là-bas. Au moins une cousine et un cousin. J’irai dans leur lycée, même si je ne les connais pas.
Parce que ma mère a quitté sa famille quand elle avait mon âge, pour venir vivre ici. Elle a rencontré mon père, et ça a été l’amour fou. Pour elle, en tout cas. Lui, il s’en fichait un peu d’elle, c’était juste une femme de plus dans sa vie.
Bref, toujours est-il que je suis née à Johannesburg, dans les beaux quartiers. On n’y est pas restées longtemps. Quand mes parents ont divorcé, ma mère s’est retrouvée à la rue, sans rien, avec une fille de 4 ans insupportable à gérer. Elle n’était pas très douée pour ça, elle n’a jamais eu l’instinct maternel. C’est pour ça que je me retrouve ici, d’ailleurs. Si j’avais eu une vraie mère, je serai comme les autres.
Bon, on était à la rue, donc. Heureusement, ma mère avait une amie, sa coiffeuse. Elle vivait à Soweto, et elle nous a accueillies à bras ouverts. C’est à cette époque que j’ai rencontré Tshepo, c’était le fils de la voisine. En grandissant, on a commencé à errer dans les rues du ghetto, à faire les poches des touristes. On était mignons, surtout moi. Avec mes yeux bleus et ma peau blanche, ils pensaient facilement que j’étais une touriste perdue. Il fallait vite me protéger des grands méchants noirs qui habitaient le quartier. Alors ils me prenaient avec eux, et je leur demandais de l’argent pour manger, prendre le bus, boire. Ce genre de choses. Ça nous faisait de l’argent pour manger, puisqu’on avait rien d’autre.

A 12 ans, je suis tombée sur ma mère, complètement défoncée dans le salon. Il restait des cailloux transparents dans un sachet, de la meth’. Je l’ai prise, je savais que je pouvais en tirer un bon paquet d’argent. J’avais prévu de quitter Soweto avec Tshepo, je ne sais pas où on serait allés. Peut-être vers Durban, ou Pretoria. Mais comme tu le sais, ça n’est jamais arrivé.
J’ai essayé de vendre mon petit sachet dans la mauvaise rue. Jabulani, ton frère, m’est tombé dessus. Je n’étais qu’une gamine, mais il ne m’a pas laissé le choix. Il m’a prise par le bras, et m’a emmenée chez lui. Là, il a préparé une cuillère de meth’, l’a fourré dans une seringue et me l’a mise dans les mains. Je me souviendrai toujours de sa voix quand il m’a dit « Tu te la mets dans les veines ou je te mets une balle dans la tête ». J’aurai dû choisir la balle, mais non, je me suis injecté ma première dose. Je n’ai jamais arrêté depuis. Jabulani m’a gardée 3 jours chez lui, et puis il m’a laissée repartir, en manque. Il savait très bien que je reviendrai, j’étais déjà accro. Je suis revenue une semaine plus tard, avec Tshepo, et on a vendu notre âme au diable.
En échange de meth’, on devait faire votre sale boulot. J’ai tué mon premier homme 6 mois plus tard, j’ai perdu mon innocence mais j’ai gagné une nouvelle famille. Petit à petit, je prenais plus de place dans la vie de Jabu. Il nous a accueillis, Tshepo et moi, comme ses enfants. Ils nous a nourrit, logés, drogués. Et il nous a présentés à la bande entière.
On a vécu comme ça pendant presque 5 ans. Je suis une droguée, une ratée. Jabu m’a payé l’école, il a fait en sorte que je puisse m’en sortir si un jour il devait disparaître. C’est grâce à lui que j’ai pu m’instruire. D’accord, il a fait de moi une toxico dangereuse, mais il m’a offert ce que je n’avais jamais eu. L’amour d’un père.

C’est pour ça que je veux aller à Miami. Je veux retrouver et tuer l’ordure qui a assassiné Jabulani. Je lui dois bien ça. Et puis, vous ne pouvez pas refuser. Je suis la seule à avoir une excuse pour aller là-bas. Je pourrais toujours prétendre que je voulais connaître ma famille américaine, et que j’ai su que mes cousins étaient à Miami. C’est la meilleure des excuses, non ? »

Duma sourit. Lui et cette tarée iront venger son frère, quoiqu’il en coûte. Ils n’ont plus qu’à prendre l’avion, et Skylar pourra démarrer sa « nouvelle vie » à Wynwood High School.