[ FINI ] Quand la vérité éclate | Chamberlain Family ♥

J'ai la sensation que tout est finit, que tout est en train de se terminer. Comme si je tournais la dernière page du livre, comme si je fermais la porte à un monde qui fut en guerre et que je n'avais seul connu. Il part, il se meurt contre moi et je ne sais pas quoi faire. Je pleure ma peine, mon angoisse, ma rage. Je sers le corps de mon frère, alors que son âme part. Elle part, impalpable, je ne peux la retenir. Tout comme ma douleur. Elle est enchaînée à lui, qui se meurt. Mon frère. Mon ange. L'homme que j'aime. Oui. C'est le seul homme que je n'ai jamais autant aimé dans toute ma vie. Trevor n'est rien à côté de lui et pourtant... Il ne peut pas partir. J'arriverai à surmonter la rupture avec Trevor, la mort de Cam' et le départ de Chou. Mais certainement pas la mort de mon frère. Non. Je me tuerai sur le champ s'il devait mourir. Ma vie sans lui n'est rien. Il est tout ce qui m'importe en ce monde. C'est celui qui a toujours su trouver les mots, qui a toujours montré sa présence dans les scènes les plus noires. Il a toujours été ma lumière, mon recueil, mon conseil, mon épaule, mon sourire, ma rage. Il a été ma violence, celle qui ne m'habitait pas. Autant que j'ai été la douceur qu'il cachait. Mais pourquoi est-ce que je parle de lui au passé? Non ! Il n'est pas mort, il vit encore, contre moi, tandis que je le sers, que je le plaque contre mon corps, de toutes mes maigres forces. Je suis sûre que je peux le retenir ! Que notre amour peut nous sortir de là, comme dans tous les films ! Ils vivent toujours à la fin, ils sont heureux. Pourquoi pas nous? Pourquoi n'a t-on jamais eu une vie normale? Une famille normale? Pourquoi n'a t-on jamais été heureux comme tout le monde? Pourquoi autant de drames, de tragédies, de tristesses? Je ne veux pas de ça pour nous. Iude mérite le meilleur du monde, je ferai tout pour ça mais laissez le moi... Je vous en supplie. Si mon existence a un temps soit peu d'importance en ce monde, laissez moi mon frère. Je ferai tout ce que vous voudrez toujours que je fasse, mais laissez le moi... Prenez moi à sa place... Je vous en supplie...

« Restes... Jude... je t'en supplie... »

Je pleure, je sanglote contre lui, son visage est trempé par mes larmes, je ne me retiens pas. A quoi ça sert d'aimer les gens si l'on est pas capable de leur montrer? Je l'aime, je veux qu'il vive... ne me l'enlevez pas.. pas lui... J'arriverai toujours à tout surmonter, mais pas sa disparition... Je prie, je conjure, j'hurle ma quête à qui voudra bien l'entendre. Dieu, Allah, Bouda. Ecoutez moi, exaucez moi. Je ferai tout. J'irai jusqu'en Chine, j'irai au Pôle Nord, j'adopterai 100 enfants, je replanterai toutes les forêts du monde et je nourrirais chaque êtres vivants peuplant toutes les rivières, les fleuves, les océans de ce monde. J'irai jusqu'en Enfer le chercher, je monterai chaque marche du Paradis. Je soulèverai chaque cailloux de ce monde s'il doit se trouver sous l'un d'eux. Je ferai tout ce qu'il faudra pour lui sauver la vie...

Il me demande alors de partir. Il n'a que ça à la bouche. Non, je ne veux pas le quitter. Je ne peux pas le laisser. Les ambulances vont arriver, les policiers aussi. Il faut à tout prix qu'ils arrivent, qu'ils le sauvent. J'hurle alors de toutes mes forces : VENEZ !! dans l'espoir que l'un d'eux m'entendra. Bientôt, j'entends un cri provenant d'en bas. Des marches qui se font gravir et puis soudain, je vois un corps près de la porte. Il s'agit de notre nourrice. Elle me regarde effarée. Elle voit le corps inerte de papa, puis celui de Jude dans mes bras. J'ai du sang et de l'urine sur moi, je suis en larmes au milieu de cette scène. Que pense t-elle? Elle me demande ce qu'il s'est passé...

« Papa... il est... devenu fou... Il faut sauver Jude... aides-moi... »

Elle s'approche de mon frère et me le retire des bras. Je me sens nue, je ne me sens pas bien, non, rends le moi, je veux être contre lui, je veux lui montrer que je suis là, que je ne l'abandonnerai pas, jamais. Je ne peux pas l'abandonner ici.

« Marissa, tu dois partir... Je leur expliquerai... pars. Vas te cacher. »
« Non.. je ne peux pas... »
« Fais le pour Jude... je veillerai sur lui... »

Je plonge mes yeux dans les siens. Elle dit vrai. Elle a toujours été là. Elle nous a toujours secouru et protégé. Je m'approche alors de Jude et prends son visage dans ma main, je lui caresse la joue pour le réveiller doucement alors que ma voix se fait tremblante :

« Je t'aime... ne meurs pas Jude, je t'en supplie. N'oublies rien de nous. Retrouves moi, je t'attendrais. Si tu ne viens pas... ça voudra dire que... et je serai perdue moi aussi... »

Je déposais alors mes lèvres sur son front, sa joue et même sur sa bouche, à plusieurs reprises. Posant mon visage contre le siens, pleurant à chaudes larmes, je le posais ensuite sur son torse. J'arrachais ensuite mon collier et je le lui glissais dans une de ses mains, la bisant avant de commencer à me relever, le corps tremblant, le coeur battant plus fort que jamais. Y arriverais-je? Je reculais, fixant toujours le corps de Jude. Comment pouvais-je faire ça? Comment je pouvais l'abandonner ici? Je passais près de papa, il ne bougeait plus... était-il mort? Je fixais encore mon frère avant de partir en sanglotant. Posant la main sur ma bouche, je découvris le corps de maman, en bas de l'escalier, il y avait du sang, elle ne bougeait plus. Qu'avait-il fait? Je ne pouvais retenir mes larmes, si bien que je glissais dans l'escalier, me faisant mal au genoux et au poignet. Je me relevais, tremblante comme jamais, j'étais perdue, je ne m'étais jamais sentie de la sorte, comme si tout ça était tellement horrible que ça ne pouvait plus être réel. Qu'allait-il se passer à présent? J'entendis les sirènes et tournant sur moi-même, je pris la direction du jardin, me mettant à courir. Jusqu'à en perdre haleine. Je courrais jusqu'à ce que mes pieds furent en sang. Faîtes qu'il survive. Faîtes que l'on se retrouve... je l'attendrais.

Il y a un monde dans lequel ma famille se débrouille aussi bien que les autres. Un univers parallèle à l’inverse de celui-ci. Nous y sommes tous heureux et souriants. Sur la photo annuelle accrochée dans l’escalier, notre union est mise en avant. Notre amour aussi. Un regard pour le couple, les doigts entre mêlés. Et les trois enfants, presque en train de rire. Moi, je suis à gauche de Marissa et Joshua à sa droite. Elle a passé ses bras autour de nos épaules et on imagine qu’une petite blague silencieuse a été discrètement lancée avant que le photographe presse le bouton. Par la suite nous avons eu un bon diner. Nous avons remercié le seigneur pour les plats qu’il nous offrait avant de manger et boire pendant une longue heure. Nous n’avons ni parlé de politique, ni de cours. Simplement des petites aventures arrivées au cours de la semaine. Nous avons prévu nos vacances de noël et les parents se seraient retirés dans leur chambre en premier. Une famille unie. Une famille parfaite.

Je me demande comment se passerait la confrontation de ces deux mondes. Le garçon heureux aimé par ses parents, désirés et soutenu. Contre celui réduit à néant, lynché, ridiculisé. Poignardé. Petit, je pensais pouvoir devenir cet autre garçon. Je faisais croire à tout le monde que c’était ainsi que se passait ma vie de famille. Heureuse. Riante. Pleine d’amour et de tendresse. Chacun veillant aux autres.

Mais voici l’envers du décor. Je suis là. Abattu sur le sol, voulant me relever sans pour autant bouger. Je suis paralysé et de plus en plus fatigué. Je me lasse de cette vie de souffrance. J’ai tout fait pour me battre. Contre ce tyran. Contre ce cauchemar. J’ai usé de plusieurs techniques : le débordement d’amour, le mensonge, l’énervement, l’agitation, l’affrontement. J’ai toujours été en conflit dans cette famille dans laquelle je suis né. Et si je n’avais rien à faire ici ? Si j’étais la source de tous ces malheurs ? Mon père n’aurait pas été comme ça si j’avais été à son image… Il ne se serait pas transformé en monstre. Il n’aurait jamais eu à enlever ce masque. Ou bien à le mettre. Qui sait c’est peut-être moi le masque. Peut-être qu’il est bon dans le fond, mais qu’il le cache ! Je n’en sais rien. Je ne sais plus. Je suis ce petit garçon planqué en haut de l’escalier qui essaye d’écouter la conversation des grands. Je suis celui qui va se faufiler dans la chambre de son frère et sa sœur quand ça ne va pas comme prévu. Je les ai utilisés. Je me suis servi d’eux pour calmer mes angoisses et mes peurs. Je les ai obligés de m’aimer. Je les ai forcés pour ne pas être totalement exclu de la société. Si je n’avais pas existé, ils auraient pu faire leurs choix librement sans que je leur murmure comment agir. Tout. Tout est de ma faute. De sa faute. De… Je… Je suis là. Abattu sur le sol, voulant me relever sans pour autant bouger. Je suis… Paralysé… « Tu n'as pas le droit de mourir. »

Une voix anxieuse vient me sortir de mon tournant. Étais-je vraiment en train de penser les mêmes choses en boucle ? Je… Après avoir battu plusieurs fois des paupières, j’arrive à sortir du noir. Il suffisait peut-être d’ouvrir simplement les yeux. Ma vision est trouble. Je distingue une forme sombre au-dessus de moi. Mais aussi ce point de lumière électrique si fort. J’ai froid. Je suis captivé par quelque chose qui me dépasse. J’arrive tout de même à ouvrir la bouche. Il faut que je prononce un simple mot. Une syllabe. Mais la voix se met brutalement à hurler. Trop fort. Beaucoup trop fort.
Je retombe dans l’obscurité. Mais il y a cette présence sur moi. Comme une couverture. Sa peau est chaude. Je sens son souffle. Je ne sens que lui. Je n’entends rien. Mais je sens ce souffle. Ou bien est-ce une hallucination. Je ne sais plus trop ce que je vis.

Marissa. Marissa. Je n’ai qu’à m’accrocher à son image. Je la vois là dans mon esprit. Dans mon cœur. Je veux qu’elle parte. J’aimerai juste qu’elle redécouvre le monde. Qu’elle oublie ce cauchemar. Tout ça n’est pas la réalité. Nous avons été enfermés dans une boite pleine de malheurs et de cruauté. Mais ce n’est pas ainsi que la vie doit se dérouler ! Il y a tant de choses à voir… Je veux qu’elle fuie ! Qu’elle parte loin et qu’elle se découvre elle-même. Qu’elle m’oublie et apprenne à penser sans moi. Je veux qu’elle fasse des choix qui me déplaisent mais auxquels je ne peux rien. Je veux la voir heureuse sans avoir cette crainte qu’elle fasse ça pour me remercier de quoi que ce soit ou parce que c’est ainsi que j’aurais aimé la voir. Je veux qu’elle me quitte. Un peu comme pour une rupture. Je sais que j’aurais du mal à la voir voler de ses propres ailes mais il le faut. Couper le cordon en quelque sorte… Je… «J..t…a..ime.» Je disais quoi déjà ? Je n’arrive plus vraiment à me concentrer. J’ai besoin d’aide. Juste qu’on me réveille ou bien qu’on m’emmène dans cet univers parallèle !

Marissa. Voilà ce à quoi je passais ! Je l’ai toujours aimée. Plus qu’une sœur. J’ai besoin d’elle pour vivre. S’il lui arrive quelque chose… Si elle souffre… Je n’y survivrais pas. Je mourrais de chagrin. Je me vengerai à en crever. Je suis liée à elle comme à personne d’autre. Je n’ai jamais su réellement lui montrer. Par pudeur sans doute. Josh est précieux aussi mais c’est différent. Marissa a toujours eu ce côté fragile, ce profond regard couleur chocolat, ce sourire et cette voix si douce. C’était la neige et j’ai tout fait pour éteindre les flammes qui l’entouraient pour ne pas la faire fondre. Y compris les miennes. Je lui donnerais tout. Mon rein, mon cœur, ma vie, mon âme… Tout. Parce qu’elle mérite plus que qui compte d’avoir sa place sur cette planète. « P…ppars…» Je sais qu’elle m’entend. Peu importe où je suis en ce moment même. Je sais au fond de moi qu’elle peut entendre ce dernier message. Pas un ordre. Mais une supplication, voilà ce que c’est. Je ne veux pas qu’elle se risque ici. Je ne veux pas qu’elle voit se spectacle. Je ne veux pas qu’en trente secondes tout bascule pour elle.
Peu importe où elle aille. Je saurais la retrouver. Nous le saurons.

I ♥ you

Je suis arrêtée dans ma course, comme si je venais de me prendre un mur. Alors que j'avais enfin trouvé la force dont mon corps manquait pour se mouvoir, je ne pouvais de nouveau plus bouger. A l'arrière de la scène principale, mes yeux étaient toujours fixés sur mon frère, allongé sur le sol, un couteau planté dans le ventre. Son sang envahissait ses vêtements, coulait sur le sol, le tâchant alors à jamais. Mon père était près de lui, il voulait lui sauter dessus. Il voulait le tuer, il osait le dire à voix haute. Maman commençait à intervenir, prenant alors une voix que je ne lui connaissais pas. Autoritaire et persuasive. C'était la première fois que je voyais ma mère de la sorte, presque féministe. Allant à l'encontre de papa, lui donnant des ordres, allant même jusqu'à l'empoigner pour l'éloigner de Iude. Et moi dans tout ça? J'étais là, à moitié assise, à moitié allongée sur le sol, ne contrôlant plus mes larmes, ne contrôlant plus rien du tout en fait. Ne pas être maître de son propre corps est une épreuve des plus difficiles. Je n'osais rien dire, rien faire. J'entendais Jude qui grognait de douleur, allait-il mourir comme ça? Devant moi? Sans que je ne puisse rien y faire? Maman eut du mal à contenir papa. Il gueulait qu'il voulait qu'elle le lache, qu'il voulait en finir. C'était une bête, un monstre. Mon grand-frère était toujours là, allongé sur le sol, mourant. Je me souvins alors du garçon qui était mort devant moi, durant l'Ouragan. Je me remémorais ce que j'avais ressenti à rester là, immobile. La culpabilité qui m'avait rongé. Je me souvins ensuite des mots de Trevor, ceux qu'il m'avait dit le jour où nous nous étions mis ensemble.

Et je ne sais pas pourquoi, je me suis levé. J'ai réussi à m'avancer vers mon frère, les larmes coulant toujours à flot sur mes joues rouges. J'empoignais son tee-shirt, je le déplaça alors afin de poser sa tête sur moi, pour qu'il soit plus confortablement installé. Je me mit à tâter ses poches, afin de prendre son téléphone. Je murmurais des choses incompréhensibles, toujours en sanglotant :

« Accroches-toi Jude, ne me laisse pas tomber.... Tu n'as pas le droit de mourir.... Pas toi... Accroches-toi je t'en supplie... Je ferai tout ce qu'il faut... je te le promets... restes en vie... »

Papa gueulait toujours et alors que j'arrivais enfin à extraire le portable de la poche de Jude, le monstre se leva, envoyant valser maman. Elle tomba en arrière, dans le couloir et perdit l'équilibre devant l'escalier. On entendait son corps dévaler les marches, comme s'il s'agissait d'un objet, d'une valise. C'était atroce d'entendre le corps de maman ne devenir rien de plus qu'un chiffon.

« MAMAAAN ! » Hurlais-je de peur.

Papa s'approchait de moi, il fixait Jude de ses yeux ronds et rouge de colère. Il me faisait tellement peur. J'en tremblais. Je m'accrochais à mon frère, m'agripant à sa veste, à ses bras, à tout ce que je pouvais. Je ne voulais pas me décoller de lui, pas une seconde. Plus jamais. Mais papa arriva vers lui et voulu lui envoyer son pied dans le visage. Je ne sais pas pourquoi, par réflexe sans doute, je me coucha sur mon frère et reçu le coup à sa place. Le pied de papa m'arriva en plein sur l'épaule, je poussais un long grognement de douleur, suivit d'un cri. Puis, je sentis une douleur atroce, ça me brûlait le crâne. Papa venait de me saisir par les cheveux, pour me relever afin que Jude ne soit plus protégé. Mon épaule me faisait mal, je tenais le téléphone de Jude dans ma main, je le serrai aussi fort que je le pouvais, ainsi que mes dents. Mes mains vinrent se plaquer sur celles de papa, afin de faire redescendre mes cheveux tirés, pour calmer la douleur. Mais rien n'y fit. Il me jeta sur le lit, comme si je n'étais rien. Il me gifla afin que je reste calme, mais à peine eut-il tourné les talons pour avancer vers Jude, que je donna un grand coup de pied. Esprit de survie. Il tomba en avant, tout d'abord sur les genoux, en grognant. Mon corps n'avait jamais battu aussi fort. J'étais rempli d'adrénaline et de peur. Je quittais le lit pour rejoindre mon frère, je lui caressais le visage, lui disant que tout allait bien aller. Je composais ensuite le numéro de la police.

« Venez vite, papa est devenu fou, on est au 1779 de la Résidence Lincoln, à Miami. Mon frère... il va... mourir. Faut venir vite, avec les secours... j'ai peur. Je crois que... qu'il a tué maman... »
« Mademoiselle, allez-vous mettre à l'abri en attendant l'arrivée des secours ! »
« Je ne peux pas laisser mon frère seul avec lui... il va le tuer... »

Papa grogna à nouveau, je lâchais le téléphone qui tomba sous le lit. Pétrifiée, voyant le corps de papa se redresser, je regardais autour de moi, je me saisis du premier truc que je vis : ma guitare. Je la fis tomber près de moi, la prit en main et alla assomer mon père avec. Il tomba lourdement sur le sol et c'est à cet instant que je baissa la tête pour la coller près du visage de Jude. Sa peau était froide...

Un dernier coup. Sa dernière carte. Il me vide de toute substance. Je ne suis qu’une poupée de chiffon avec laquelle il joue. Sa marionnette. Un punching ball qui lui sert de défouloir. Il me fait souffrir. Il me fait mal. Physiquement comme mentalement. Il est sur les deux fronts. Le meilleur des tortionnaires. Je ne sais ce qui est le pire. C’est un véritable guerrier aux armes multiples. Et moi, pauvre petit chevalier j’ai essayé de me mesurer au Roi. Il m’a laissé prendre la main. Il m’a laissé mener le combat pendant quelque seconde. Il a fait en sorte que je m’essouffle pour finalement attraper une nouvelle arme et me transpercer. Puis une seconde pour le coup final… Qui aura la main de la reine ? Certainement pas moi… Pourtant j’ai essayé. Je gagnais et Marissa pouvait avoir sa liberté. Il le faisait et… Je n’ose imaginer. Mais voilà, c’est terminé. Le combat à mort est bientôt terminé et je suis dans le plus mauvais rôle. César abat son pouce vers le bas… Qu’on l’abatte ! Qu’il se face dévorer par les lions ! Ou plutôt LE lion…

Mais je n’ai qu’à dire que tout ça, c’est ce que je veux et alors… Alors rien ne m’atteindra. Ce que je voulais en fin de compte en venant ici était cet affrontement. Je voulais qu’il me plante cette lame froide et cruelle. Je voulais l’entendre me renier. Je voulais souffrir. Je voulais qu’il gagne. Je voulais tout ça… Au plus profond de moi…
Ce n’est pas la première fois qu’il me lance ce genre de phrases haineuses au visage. Mais celle-ci semble différente.
Mes yeux sont ancrés dans les siens. Je peux y voir des vaisseaux sanguins qui ont éclaté. Tout comme, plus profondément, de la haine et une sorte de tristesse. Je reste focalisé même si ma vue se brouille. Progressivement une sorte de voile blanc s’installe. Et si cet élan de cruauté été une vérité refoulée ? Et si je ne suis pas son fils ? Je pourrais alors comprendre énormément de choses. La dispute des parents le jour de mes six ans. Ma différence physique avec Joshua. Mes uniques yeux verts de la famille. La haine. Le dégout. Les insultes.... Pourtant, dans le fond, j’ai toujours cru être relié à lui. Malgré tout. Ma façon de m’énerver, ma voix, mon tempérament tranché et froid. Ma violence.
Je frisonne. Je ne sais plus qui croire. Quoi comprendre. A qui me fier. Quels souvenirs sont justes. Je ne sais plus quoi faire du tout. Je suis paralysé. Presque congelé. Je sens le corps de papa relâcher vaguement son emprise. « LUCAS ! » Je pense qu’il la regarde. Maman a surgit dans la chambre. Je ne la vois pas mais je peux entendre le désespoir et aussi cette sorte de force. C’est comme si son instinct maternel ressortait enfin. Un seul cri, mais un grand pas. Elle n’est pas une mauvaise mère. Elle est simplement terrifiée. Elle a vécu sous les ordres du sénateur de Floride. Elle a appris à être sage, en retrait et à retenir la moindre parcelle d’émotion. Avec papa, ça n’a pas changé. Elle n’a pas choisi d’abandonner ses enfants. Elle n’a simplement pas pu se battre pour eux, car elle ne l’a jamais fait. Sa mère ne l’a jamais fait pour elle et qu’elle ne sait pas comment si prendre. Je ne lui en veux pas. Je ne lui en veux plus. Je n’en veux même pas à papa. Je suis là, sur le lit dans un vague brouillard. J’ai conscience de tout ce qui se passe sans pouvoir y participer. Les secondes durent des heures. J’analyse tout. Je réfléchis. Je me revois enfant, caché sous ce matelas lors d’une partie de cache-cache. On ne va pas sous le lit des filles, avait dit papa… « ARRÊTE ÇA TOUT DE SUITE ! ÉLOIGNE-TOI DE JUDE !» « Jude, Jude ! Petit fils batard ! Comment as-tu osé ? Hein ! Il ne mérite que de mourir !» Je sens à nouveau sa présence. La conversation se fait et moi je reste là. Coincé. Des mots me parviennent. Vérité. Juste. Mal. Souffrir. Arrête. Qu…M… Je ne sais plus trop. J’essaye de bouger mais je n’y parviens pas. Où est Marissa ? Il faut qu’elle parte ! Il faut qu’elle fuie. Moi, je m’en sortirais. Je le sais. Il faut qu’elle parte. Il faut que… Mes mains viennent contre la plaie. Retirer ou pas ? Je… Ma tête… Mes entrailles… C’est dur de réfléchir. Il n’y a plus de présence sur moi… Je crois que… Je peux me lever.

Oui je sais, ce Gif n'a rien à voir avec eux. Mais je le trouvais magnifique et ça montre aussi la passion (même familiale) qu'il existe entre eux ♥

Papa me secoue comme un prunier, il me donne mal à la tête, j'ai mal aux épaules, il les serre trop fort. Bien trop fort. J'ai mal partout, j'ai la sensation que mes yeux roulent dans mes orbites. Maman ne fait rien, elle recule même, comme si elle voulait lui laisser de la place. De la place pour faire son carnage. Elle n'a aucune expression. Elle ne trouve pas ça choquant, elle n'a pas envie de venir m'aider, elle n'a pas peur pour moi.
Les yeux de papa sont rouges, il serre les dents, il hurle, il grogne. On dirait un animal. Il me fait peur, j'ai terriblement peur de lui. J'ai tellement peur de mon propre père et de son accès de colère, que je me fais pipi dessus. L'odeur envahit l'espace très rapidement, je ferme les yeux alors qu'il me plaque contre le mur. Je serre les dents, il vient sûrement de frapper mon épaule contre quelque chose de dur, oui, un cadre tombe, se brise, laissant des morceaux de verre sur le sol. Papa me tient contre le mur, il me fait mal. Je suis en larmes, je lui demande de ma laisser, mais c'est comme s'il n'entend plus rien, comme s'il était dans un autre monde. Je ne suis plus sa fille, il n'est plus mon père. Il devient juste une bête assoiffée par sa colère, je suis juste sa proie. Ses coups commencent alors à tomber. Que voit-il au travers de ses yeux rouges? Ce ne peut pas être le visage de moi, étant bébé, juste née. Ca ne peut pas être mon premier anniversaire, ça ne peut pas être moi. Il doit voir autre chose, quelque chose qui le met dans une rage folle. Mon père n'existe plus. Bientôt, il sent l'odeur et me donne une gifle. Me traitant d'animal, de lâche, de petite merde qui n'assume rien. Je n'ai pas la carrure pour assumer papa... Lâches moi... Tu vas me tuer... Oui, j'ai la certitude, en cet instant, qu'il va me tuer, que mon corps ne tiendra pas longtemps debout à ce rythme. Alors que dois-je faire? Que dois-je dire? Je ne sais pas, je ferme les yeux, j'attends qu'il se calme, par je ne sais quel miracle. J'attends un signe d'en haut, un ange, une aide, n'importe quoi...

Soudain, je tombe sur le sol. Encore une fois. Ma main, mon épaule et mon visage touchent le sol rempli de bouts de verre. J'ai mal, mais je ne m'en rends même pas compte, je suis dans un état où mon corps encaissait la douleur, ou mon corps est rempli d'adrénaline ou je ne sais quelle autre substance qui fait qu'une douleur aussi faible ne se sent plus. Je me redresse un peu et je vois à ce moment là, que Jude est là. L'homme que j'aime le plus au monde à ce jour est là, il est sur mon père, ils se battent. Ce que je ressens en cet instant? Je me sens rassurée, comme tirée d'affaire. Oui, c'est tout à fait ça. Je me sens en sécurité, je sais que Jude peut affronter papa sans craindre de se prendre des coups trop violents. Mon frère sait se battre et je connais totalement sa force et ce dont il est capable. Ais-je peur pour papa? En cet instant, je ne peux pas trop répondre. Je ne veux pas que Jude le tue, c'est papa. Je ne veux pas non plus qu'il est des soucis, mais n'est-on pas déjà arrivé à un point de non retour? Là, avec ça, papa ne va t-il pas faire de la vie de Jude, un véritable enfers? Il en a les moyens...

Papa et Jude se battent violemment, Jude me dit qu'il m'aime, j'ai les larmes aux yeux. Je n'ose plus bouger, je ne sais pas quoi faire. J'ai rarement vu mon frère dans cet état. J'ai rarement vu papa aussi violent. Que dois-je faire? Je tourne le visage vers ma maman. N'a t-elle pas de solution? Ne doit-elle pas protéger ses enfants à tout prix? Vouloir leur bonheur, vouloir les protéger? Où est passé son instinct maternel? Et qu'est-ce que je fais moi, là? Je suis comme elle, incapable de bouger, je me fais honte. Jude me regarde avec ses yeux rempli d'amour et de protection, il veut que je parte, que je profite de cet affrontement pour disparaître, je le sais Jude, mais je ne peux pas bouger. Je ne peux surtout pas laisser mon frère comme ça, que va t-il advenir de lui? Est-ce que papa va le tuer? Je regarde ma mère encore une fois. Puis, alors que Jude est sur papa, je trouve la force de bouger. Je ne sais absolument pas comment.

« DE TOUTE FAÇON, TU N'ES PAS MON FILS ! »

La voix résonne, comme un grognement, comme un cri, comme la rage incarnée. Je n'ose plus bouger, je suis comme paralysée, je ne comprends pas ce qu'il se passe, ce qu'il se dit. Mes yeux sont perdus, mais bientôt, je vois du sang et quelque chose qui me choque totalement. Il y a... un couteau... planté dans mon frère. Je crois que c'est l'une des choses qu'on pense que jamais, ça ne se produira. On n'est pas préparé à regarder ça. Non. Je ne l'étais pas, je ne réalisais pas. Je ne comprenais plus rien, c'était comme si le monde tournait plus vite. Comme si tout était plus rapide, plus violent, plus agressif.

Personne ne vient dans la salle de bain. Ma mère parle à Marissa. J’essaye de calmer les battements de mon cœur pour écouter ce qui se passe. Je suis sur le qui-vive, à l’affut du moindre mauvais présage. Tellement concentré que lorsque ma mère hausse brutalement la voix, je sursaute. Je ne sais absolument pas ce qui se passe. Je suis comme un aveugle. Je ne suis pas censé être là… Je ne suis pas censé être là… Plus je me le répète, plus je me sens mal. Mais c’est quoi tout ce bordel ? Pourquoi Mari est-elle enfermée ? Pourquoi ma mère s’est-elle brutalement agacée. Qu’a-t-elle vu ? Moi ? J’ai laissé une trace sur mon passage ? Non… Je regarde le tube de crème tombé au sol. C’est bien la seule chose qui… Nouveau sursaut. Mon père vient de rentrer. Merde ! Merde ! Et merde ! Mon cœur recommence à s’affoler. J’ai un mauvais pressentiment. Je sens que ça va dégénérer. Mais je reste là, planqué derrière la porte à attendre patiemment je ne sais quel signe. Il monte rapidement les escaliers. J’entends sa voix. Je me surprends à trouver qu’elle ressemble à la mienne. Ou bien est-ce une illusion… Les bruits sont étouffés. Je suis dans une putain de bulle qui ne me permet d’entendre que des fragments. Je ferme les yeux. Pour entendre plus de choses… Mais c’est pire. Les images qui me viennent à l’esprit me donnent envie de vomir. La voix de Mari semble tellement faible dans tous ses cris. Mes poings se serrent. J’ai comme une barre qui me transperce le ventre. Ou plutôt des aiguilles enfoncées dans la totalité de mon corps. Mon estomac se retourne. Je vois rouge. Mes phalanges deviennent blanches. Ma mâchoire se crispe. Je n’arrive plus à réfléchir. Je n’arrive plus à bouger. Je sens que je vais flancher si je ne trouve pas un support.
Mon dos s’appuie contre le mur. Mes yeux se fixent sur le plafond blanc. Je n’ai jamais été torturé mais je sais désormais ce que ça fait. Ce n’est pas tout à fait physique, c’est bien pire. Mon père s’immisce dans mon cerveau et détruit tous mes repères. Mon poing se lève et je suis obligé de mordre ma propre chaire pour extérioriser ma douleur. C’est insupportable. L’entendre lui parler ainsi, lui faire mal, la frapper… Je veux le tuer.

Cette vision m’apparaît soudainement. Je veux le tuer. Je vais le tuer. Je veux lui faire endurer tout ce qu’il nous a fait. Je veux qu’il souffre. Longtemps… Qu’il sente son être s’enfoncer progressivement dans le néant. Je veux qu’il aille en enfer. Qu’il y brûle à jamais. Je ne pense pas une minute aux conséquences. Je veux ma revanche sur toute cette vie chaotique qu’il nous a offerte. Je me décolle finalement du mur. Mon sang bat dans mes tempes. J’ai cet affreux bruit aigu qui envahit mes oreilles. Il n’y a plus personne sur Terre. Je ne suis plus personne. Je ne suis qu’un homme décidé à tuer. Sans concession. Sans réflexion.

La porte de la salle de bain s’ouvre brutalement. Quelques pas. Je pousse ma mère qui tombe au sol un peu plus loin dans le couloir. Je ne dis pas un mot.
Il est là. Il l’a entre ses mains. Il la fait souffrir. Elle souffre. Voir ses larmes me ramène un peu à la raison. Un éclair me vient à l’esprit. Durant un fragment de seconde, je me dis que ça n’est pas la solution. Que je serais puni et qu’elle devra vivre sans moi. La situation ne s’améliorera jamais. J’ai essayé la fuite, ça n’a pas marché. La discussion n’a pas fonctionnée en cinq ans. Il n’y a plus que ça.
Ma main agrippe violement son épaule pour qu’il se retourne vers moi. Surpris, il lâche sa proie du regard pour savoir qui est l’opportun qui ose le couper dans son élan. Il est rouge. On dirait un animal. Un fou. Et moi je suis d’un étrange calme. Trop déterminé pour laisser paraître la moindre émotion. Ma deuxième main se lève pour venir s’écraser contre sa mâchoire. Je lâche son épaule pour frapper dans son ventre puis revenir avec l’autre main par le dessous de son visage. Trois coups assenés avec une force que je ne me connaissais pas. Je ne dis pas un mot. Il réplique des insultes et renverse la tendance en me frappant à son tour. Mes yeux vont chercher ceux de Marissa alors que j’encaisse les frappes de notre père. Je veux qu’elle fuie. Qu’elle comprenne que c’est son heure pour partir. J’essaye de lui faire comprendre ça d’un simple regard. J’enlève le masque de rage pour lui montrer à quel point je l’aime.

Je vois soudainement flou. Mon père a touché l’œil. Si je ne réponds pas, tout cela n’aura servi à rien. Mes lèvres s’agitent pour laisser sortir un « je t’aime » muet. Puis rapidement, je fixe à nouveau mon attention sur notre père. Je n’écoute pas ce qu’il dit. Ses lèvres s’agitent dans un capharnaüm infernal. Je frappe. J’échappe. Je reviens. J’attaque. Je pivote. Je tombe. Je dérape. Je glisse. Je souffre. Je lui fais du mal. Je sens que ses forces s’épuisent plus vite que les miennes. J’en profite pour attraper sa gorge. Je la serre. Il cherche quelque chose. Nous tombons sur le lit. Il attrape une paire de ciseau. Il y a du sang. Le mien ? Le sien ? Une nouvelle douleur me crispe. Dans mon ventre. C’est… Un cri de douleur s’échappe de ma gorge. La douleur persiste. Elle est de plus en plus présente. Elle s’enfonce… Des larmes coulent sur mes joues. Je ne sais pas si elles sont dû à la rage ou à la douleur. Dans un dernier effort je serre un peu plus mon étreinte autour de la gorge de celui qui m’a créé. Mais il reprend les rênes grâce à la douleur qu’il m’inflige. Il me fait tourner. Je suis le dos contre le matelas. Mes mains n’ont plus de prises. Et comme pour me donner le coup fatal, mon père crie : « DE TOUT FAÇON TU N’ES PAS MON FILS ! »

J'entends sa voix qui tremble, son coeur qui flanche. Je lui fais du mal, je le sais. Mais dans un sens, si atroce celà puisse être, j'ai envie qu'il ait mal autant que j'ai pu avoir mal. Je veux que quelqu'un connaisse ma peine. Il va pleurer. Je le sens... Je sens qu'il ne va pas bien, qu'il est sincère, qu'il s'en veut. Mais à chaque fois c'est la même chose.. il m'oublie, se fait pardonner puis recommence... mais la vraie question est : serais-je assez forte pour encore endurer ça?
Mais alors qu'il est en train de parler, j'entends une autre voix, féminine. Maman. Mon coeur s'emballe, il ne faut pas qu'elle tombe sur Jude, il ne le faut absolument pas et comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, j'entends le bruit d'une portière de voiture, qui claque. Papa. Mon coeur s'emballe et j'ai peur pour Jude. Je n'ai pas envie que papa l'envoie en prison. Je n'ai pas envie de le perdre et malgré tout ça, j'en prends conscience, petit à petit. Je pose la main sur ma poignée, alors que ma mère arrive à ma porte. Elle passe la clef dans la serrure et ouvre ma porte. Elle me regarde étrangement, me demandant alors :

« Avec qui tu parlais? Tu sais ce que ton père t'a dit ! C'est pour ton bien ! Tu ne dois plus parler à qui que ce soit, tu dois tout oublier d'avant. Fais le dès maintenant, obéis et tout ira bien. Tu verras ma chér... »

Son regard dérive alors sur mon bras. Merde ! J'avais oublié mon bras et mes entailles. Machinalement, je pose mon autre main dessus et je cache mon bras derrière moi. Mais je sais que c'est trop tard, ma mère me prend violemment mon bras pour le regarder, j'ai honte, je sais surtout, que je vais me faire disputer. En plus papa arrive !

« MARISSA CHAMBERLAIN ! Qu'est-ce que c'est que ça?! »

A ce moment là, j'entends la porte d'entrée qui se ferme dans un fracas. Mon père appelle ma mère, elle lui répond de venir tout de suite à l'étage. Je surprends mon coeur à battre la chamade. Je ne me sens pas bien, ais-je rêvé Jude? Où est-il allé se cacher? Sa chambre est vide, mais il reste celle de Joshua ou bien la salle de bain. J'ai peur pour lui, j'ai peur pour moi. Je vais me faire disputer... j'ai peur de mon père, de sa réaction quand il verra mon bras...

« Qu'est-ce qu'il se passe ici? » Demande mon père en arrivant.
« Rien c'est maman qui.. »

Elle me prend alors de nouveau le bras avec les traces de sang et le montre à mon père. Il écarquille les yeux et jette son attaché caisse par terre, me prenant le bras, il me fait perdre l'équilibre. Je laisse sortir un Aie de douleur, il me brûle la peau avec sa main. Il a trop de force. Il se met alors à me disputer :

« Qu'est-ce que c'est que ça? Tu veux faire ton intéressante? Encore une fois? Tu es bien comme ton frère tiens ! Je me demande vraiment qu'est-ce que j'ai fais au bon Dieu pour avoir de tels enfants ! Il n'y a que Joshua qui me montre un peu de respect ! Je suis tellement déçu de toi ! Ton frère a réussit ! C'est PAS POSSIBLE ! » Crie t-il alors.

Il tient toujours mon bras, il le serre encore plus fort, il me fait mal.

« Tu me fais mal papa ! »
« Ne me parles pas comme ça, espèce d'idiote ! Tu vas aller en pension, ça va te faire du bien, ça te remettra les idées en place, tu vas sortir ce petit con de ta tête, c'est moi qui te le dis ! »
« Arrêtes ! »

/SPAFF/

Il vient de me mettre une claque, j'en perds l'équilibre. Je viens me cogner à ma commode et je tombe sur le sol. Papa est énervé, sa voix est forte et il a le visage rouge. Il a les yeux qui ressortent, on dirait un monstre. Il a tellement de rage en lui... Maman fait un pas en arrière, puis deux. Elle ne dit rien. Papa se rapproche de moi, j'ai mal à la tête, je sens une douleur affreuse et surtout, quelque chose qui coule sur mon front. Je tate avec ma main, il y a du sang. J'ai mal au bras. Je suis toujours au sol, papa me fait me relever, il me met à nouveau une gifle en hurlant :

« Où est ma petite fille?! Tu vois ce que tu es devenue? Une espèce de petite trainée ! Tu me manques de respect ! Ton frère t'a totalement manipulé ! Réveilles toi ! »

Il me secoue dans tous les sens, j'ai mal partout, je sens que je suis en train de pleurer, lui demandant alors d'arrêter. Il me fait peur, jusqu'où ça ira comme ça? Aidez-moi...

Réponds-moi. Marissa. Réponds. Pitié. Je sens quelque chose me barrer le ventre. L’émotion ? C’est sans doute ça. Je veux qu’elle soit là. Je veux envoyer valser cette porte. Je suis inquiet. Est-elle seulement dans cette chambre ? Pourquoi fermerait-elle sa porte ? Papa l’aurait-il frappée ? S’il a fait ça, je jure que je le tue. Je me fous des répercutions, je me fous de ruiner mon avenir et d’aller directement en prison. Je veux le bonheur de ma petite sœur. Ce n’est pas trop demander. C’est réalisable. J’ai toujours tout fait pour que ça soit ainsi. J’ai merdé. Souvent. J’ai oublié cette tâche par moment, je me suis trompé de voie. J’ai pensé qu’en partant et en arrêtant d’influencé d’une mauvaise façon sa vie, je pourrais faire d’elle une femme épanouie. Parce que mon père avait réussi à me faire croire que j’étais la cause de son mal-être. Je l’ai cru. Vraiment. À cause de ce stupide accident… Ce soir-là m’a fait ouvrir les yeux… Je n’étais pas le bon exemple. Puis j’ai fini par voir les choses différemment. Marissa s’est retrouvée seule à la maison et c’est de loin le moins bon épisode de sa vie. Alors j’ai rattrapé le tir. Puis j’ai encore une fois tout foiré… Si bien qu’elle est revenue à la case départ. Et je l’ai suivie… Je suis là. Dans la gueule du loup. Je suis là, à prier un dieu auquel je n’ai jamais cru. Quel qu’il soit, il fallait qu’il fasse en sorte que Mari’ me réponde. Ce n’est pas trop demander. Je veux son pardon. Je veux la serrer dans mes bras. Je veux lui parler. Je veux que l’on oublie tout. Qu’on recommence. Qu’elle me dise comment bien faire… Car dans le fond, je n’ai jamais été doué. Je lui parlerai de tout. Je lui ferais des contre-rendus de mes journées. Je lui parlerai des tics de mes profs. Je lui raconterai mon aventure avec Grace, je lui demanderai des conseils. Je l’écouterai. Je lui poserai des questions. Je serais un frère présent. Pas trop, mais toujours là. Je veux qu’elle le sache. Je désire juste la prendre dans mes bras. Là. Tout de suite. Maintenant. « Pitié…»

Puis un petit bruit et envie le murmure de sa voix. Mon cœur se soulève. Elle veut que je parte. Comme notre nourrisse. Elles veulent toutes les deux que… Je sais ce que je risque. Mais c’est Marissa. Personne d’autre… Ma petite sœur. Ce n’est pas rien. Je ne veux pas qu’elle ait à supporter le spectacle que j’ai à offrir avec notre père. Mais je ne peux pas la laisser enfermée ici ! « Pars avant qu'il n'arrive quelque chose. Pourquoi est-ce que tu es venu d'ailleurs?... C'est... trop tard. » Mon oreille est toujours posée contre la porte alors que ma main vient la rejoindre. C’est mon cœur qui est désormais dans tous ses états. « Il n’est jamais trop tard Mari, jamais. » J’essaye de me montrer le plus convaincant possible alors qu’être face à une porte me met dans un malaise inconfortable. J’ai le sentiment de l’avoir perdue à cause d’une connerie. Tout est de ma faute ? « J’ai été nul. J’sais. J’suis pas à la hauteur… Mais je t’aime Mari. Je t’aime plus que qui compte. Plus que papa, maman ou n’importe qui. J’sais juste pas comment le montrer. » Une larme coule sur ma joue. Je suis un mec, je ne devrais pas pleurer. C’est juste que… Je ne veux pas la perdre. Elle est trop précieuse à mon goût. « Il est pas trop tard. Laisse-moi une chance. Laisse-nous une chance. Mari, je t’en supplie ouvre-moi avant qu…» J’entends un nouveau bruit dans l’escalier. Merde ! Je crois qu’on s’est fait repérer. Je cours à nouveau jusqu’à la salle de bain. « Qu’est-ce qui se passe ici ? »
Ma mère est montée rapidement à l’étage. Mes paupières se ferment et j’essaye de faire un minimum de bruit. Je retiens même ma respiration. Comme si ça pourrait changer quelque chose… J’ai l’impression d’être un fugitif en cavale qui cherche à fuir la police. Et qui pourtant viendrait sur les lieux où toutes les brigades l’attendent. Tout ça pour les beaux yeux d’une demoiselle. Et pas n’importe laquelle !
Je n’ai juste qu’à aller me cacher derrière la porte au cas où celle-ci s’ouvre brusquement… Ou bien derrière le rideau de douche… Juste au cas où… Ma mère parle à nouveau, j’en profite pour changer de position. Seulement je fais tomber un tube de crème. Merde ! Merde ! Merde ! On a rien entendu pas vrai ?
La porte s’ouvre. Je suis caché. Personne ne me verra. Personne.

We could be Heroes. Just for one day.

Je suis allongée sur mon lit, mes joues portant encore les traces de mes peines. Comme des rivières sèches, il ne reste plus qu'une emprunte sur ma peau. Comme celle d'un ancien passage, d'une ancienne peine, d'un ancien temps. Mes yeux me brûlent. J'ai mal à la tête, mais je me sens apaisée. Apaisée par la honte. Allongée sur le côté, mon bras pend en travers du lit, venant se mourir dans le vide. Mes entailles sont fraîches, partant de l'intérieur de mon coude, jusqu'à mon poignet. Il y a des fils de sang qui le parcourent, venant ensuite s'échouer sur mes draps. Plusieurs tâches de sang ont à présent séché et c'était comme... marquer physiquement ma douleur intérieur. C'était comme lui donner un échappatoire. Je me sentais mieux. J'avais les yeux toujours fixés sur cette fenêtre, sur cette vue, que j'avais si longtemps regardé. Je la connaissais par coeur, au moindre jardin, au moindre rideau, au moindre détail qui pourrait attirer mon attention. Et pourtant, depuis tout ce temps, rien n'avait changé. Ni ici, ni dans ma vie. Ma solitude était la même, voir peut-être bien plus grande. Je me sentais tellement mal... A présent je comprenais le geste de Camilio. Je comprenais quels sentiments il avait ressenti avant de passer à l'acte et aussi pourquoi il ne nous avait rien dit. Il voulait simplement pas qu'on l'empêche de partir. Parce que partir est beaucoup plus facile que de rester pour se battre. J'en étais consciente à présent.

Mes yeux se fermèrent. Lentement. Alors que la nuit était presque achevée. J'avais sommeil, mais j'étais trop frustrée pour dormir, trop pensive, trop malheureuse pour m'endormir ainsi. Pourtant, quand j'ouvris les yeux, le jour était levé, depuis peu. Combien de temps avais-je dormis? Je l'ignorais, je me sentais tellement fatiguée... Mes yeux se posèrent sur mon bras, les traces de sang y étaient toujours. Mes draps étaient toujours tâchés. Mon ventre se torturait lui-même, désirant de la nourriture qui ne viendrait pas. Je le savais. Papa et maman ne m'avait pas permit de manger hier soir. Pourquoi? Parce que j'étais la honte de la famille, la petite fille naïve et innocente qui ne sait pas ce que "grandir" veut dire.

C'est alors que j'entendis quelque chose. Je ne fus pas sûr de ce que j'entendis. Deux petits coups, puis deux plus grands. Jude? Que faisait-il là? Etait-ce un piège? Etait-il vraiment là? Non... j'avais du l'imaginer, pour noyer ma tristesse, mon abandon, mon esprit déraillait. Je n'avais dormi que quelques heures, c'était sûrement ça. Pourtant, je les entendis à nouveau. Puis ensuite, des bruits de portes, de pas. Quelqu'un était devant ma porte. Je m'étais redressé, cachant ma respiration, cachant chacun de mes mouvements. Il ne fallait pas que je bouge, pas que je me fasse remarquer. Ce fut le silence le plus total pendant quelques secondes, avant que ce qui devait être maman, ne parte de l'étage. Je m'assis alors au bord de mon lit, ressentant les effets dévastateurs de ma nuit. Avais-je inventé les bruits sur ma porte?

Puis je l'entendis. Sa voix. Et là, c'était comme si tout ce que je pouvais lui repprocher venait de disparaître. Comme si rien de tout ça n'avait jamais existé, comme si je n'avais aucune rancoeur, que je n'en avais jamais eu. C'était comme ressentir une bombe de joie m'exploser en plein coeur. J'étais rassurée, vraiment très rassurée. Mais est-ce que je me sentais alors en danger? Je ne savais même plus quoi penser... Jude était là, j'étais comme heureuse, mais dès cet instant, je me souvenais de ce que papa m'avait dit hier soir. Que Jude m'avait manipulé, qu'il m'avait laissé tomber. C'était vrai... non? Mon frère me supplia de lui répondre. Je m'approchais alors lentement, sans faire de bruit, mes pieds collant à mon sol. Je m'approcha de ma porte en bois blanc, posant ma main à plat dessus, je pris le temps de lui répondre, en chuchotant:

« Jude?... Tu ne devrais pas être ici.... Pars. »

Ce n'était pas vis à vis de moi que je disais ça, c'était surtout vue la dernière fois où lui et papa c'était retrouvé ensemble qui m'inquiétais. Allais-je devoir assister à la même scène? Est-ce que papa allait mettre ses menaces à exécution? Je ne voulais pas qu'il arrive quoi que ce soit à mon frère, je ne m'en remettrai pas. Surtout pas à cause de moi. Si mon frère partait, je mettrai fin à mes jours sans l'ombre d'une hésitation. C'était une question qui n'avait aucune seule logique. Même pas une réponse.

« Pars avant qu'il n'arrive quelque chose. Pourquoi est-ce que tu es venu d'ailleurs?... C'est... trop tard. » Finis-je par dire tristement, dans un murmure.

« Ton père est parti régler une affaire urgente à son bureau.» Elle chuchote. Elle me parle comme si sa phrase était la révélation de l’année. Pourtant je n’y vois absolument rien d’étonnant. Il a toujours eu une bonne raison pour partir travailler. Même quand on était gamin. De temps à autre il avait son week-end, mais espérer le voir un mercredi matin c’était fou ! « Tu ne devrais pas être là.» « Je sai…» « Non. Ne dis rien. Tu feras mieux de partir. Tu ne sais pas ce qu’a engendré ta dernière visite. Je t’aime Jude mais j’ai bien peur que ce soit la fin. » Je la regarde d’un air d’incompréhension. Jamais elle ne m’a dit de telles choses. J’ai l’impression d’être de trop. C’est ce qu’elle me fait comprendre. Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Son visage est grave. Elle n’arrête pas de loucher sur une clé posée sur la table. Elle tortille ses doigts dans tous les sens. Je n’ai pas besoin de l’observer plus longtemps pour comprendre son anxiété. Mais pourquoi est-elle ainsi ? A cause de mon père ? Qu’a-t-il osé lui faire ? J’essaye du mieux que je peux de garder mon calme. « Où est Marissa ? » C’est la première fois que j’utilise un ton aussi froid et déterminé envers elle. Personne ne pourra m’arrêter. J’ai saisi ses conseils. J’ai juste choisi de ne pas les suivre. Elle s’écarte et bouge sa tête en direction de l’escalier. « Grazie. » A pas de loup, je grimpe les marches. Notre mère est enfermée dans le bureau, à parement en pleine vidéoconférence.

Ma chambre est complètement vide. Pas un carton rempli de vieux bouquins… Non. Vide. Ils ont réussi à m’effacer de leurs vies. Je sais très bien que ça ne colle pas entre nous mais je n’aurais pas imaginé ça. Je n’aurais pu croire que c’était si facile d’être effacé de la vie d’autrui. Ils ont tout fait pour faire disparaître la trace de leurs mauvais fils. Le loupé. Le raté. Le mauvais. Ma main se pose sur la poignée de la chambre de ma petite sœur. Je frappe deux petits coups rapides puis derniers plus long quelques secondes après. C’est mon son caractéristique. Je le faisais pour rentrer dans les cabanes, ou dans les chambres la nuit. Je ne peux pas parler car notre mère n’est pas loin. Je ne peux pas appeler ma sœur. Mais n’ayant pas de réponse immédiate, je tourne la poignée. C’est fermé. Je frappe à nouveau. J’entends du bruit. Un mouvement sur le côté. Ma mère doit avoir fini sa conversation. Merde… Je regarde nerveusement autour de moi ce qui pourrait me servir de cachette. Je frappe encore. Plus fort cette fois-ci.
Ma mère claque la porte. Trop tard. Je quitte la porte pour partir dans la salle de bain. Je m’y enferme.

Pourquoi Marissa ne m’a-t-elle pas ouvert ? Je sais qu’elle est là… Je ne comprends pas. J’essaye de remettre toutes les pièces du puzzle en place. Notre nourrisse, désormais plus femme de ménage qu’autre chose, qui me demande de partir. La clé sur la table de la cuisine. Mon père est sa réunion qui a l’air si importante. Ma mère travaillant à la maison… Ça ne collait pas. Pourquoi être revenu ici ? Pourquoi ma chambre est vidée de tous meubles ? Ils auraient pu en faire une salle de sport, ou de cinéma… Je ne sais pas mais quelque chose ! Alors que non… Simplement des murs repeints de blanc. Ça ne va pas. Il me manque un truc. J’essaye de composer le numéro de Marissa une dernière fois. Je tombe immédiatement sur sa messagerie complètement remplie de mes nombreux appels alarmés. Je ne sais plus quoi faire. Je suis pris au piège dans cette maison. Je ne vais pas pouvoir sortir sans croisé ma mère. Je ne veux pas sortir sans avoir parlé à Marissa. Son message envahit toujours mon esprit. J’ai besoin de lui parler. Vraiment.

J’attends trois minutes avant de tenter de ressortir de la salle remplie des produits de beauté de ma mère. Je n’ai jamais été aussi discret. J’ai les nerfs à vif, le moindre bruit, chaque petit mouvement me fait sursauter. Je suis sur le qui-vive, un véritable espion en mission camouflage.
Me revoilà devant la porte de ma petite sœur. Ma joue se colle contre le bois et je murmure : « Marissa, tu es là ?» Pitié qu’elle me réponde ! Pitié !

Aucune réponse. Il s'en fout. Complètement. J'ai la sensation que je fais partie des ruines, de son passé, qu'à présent il se tourne vers l'avenir, qu'il en profite. Il a raison, encore une fois, je l'envie. Mon frère a toujours réussi là où j'avais toujours échoué. Il a réussit à devenir un homme bon, un homme meilleur, il a le goût du risque, il a des principes, il est tout ce que je ne suis pas, ce que j'aimerai être. Encore une fois, il me le prouve, il va de l'avant. M'oubliant alors au passage. Mon coeur se brise, encore une fois. Trevor, Cam, Chou et maintenant lui. Qui sera le prochain à partir? A me laisser sur le bord de la route, sans un regard, sans une larme, sans une parole?
J'ai envie de pleurer, mais je n'ai même plus de force pour ça. J'ai marché toute la journée, j'ai attendu des heures une réponse de sa part. Je suis perdue et surtout, désespérée. Alors que dois-je faire? Je n'ai personne pour me conseiller, je n'ai personne pour me guider. Je suis donc mon instinct.

Prenant le bus numéro 17. Celui que je prenais tous les jours avant. En direction de la maison. Je connais le trajet par coeur, néanmoins, quand je suis dans ce bus, j'ai la boule au ventre, j'ai la sensation de redécouvrir les sensations d'avant. Celles qui me torturaient. Quelles sont les douleurs les plus horribles? Celles d'avant? Ou bien celles maintenant, celles d'un espoir de réussite, anéantie par l'échec le plus total? J'ai tout perdu, déjà à 16 ans. A quoi bon se battre?...
Après vingt bonnes minutes, j'arrive à la résidence de mes parents. De grosses maisons, de gros jardins, de gros portails. J'avance, pas à pas, comme si j'allais à la potence. Papa m'a souvent appelé pour me demander de revenir. Me promettant alors une vie meilleure, que tous mes souhaits seraient réalisés. Que je ne manquerais de rien. Je suis tellement déséspérée que je cours vers la corde pour me pendre.

J'arrive au portail, je sonne. C'est notre nourrice qui répond. Elle me voit au travers de la caméra, elle est surprise. Elle m'ouvre en voyant mon visage meurtri par les larmes. Les portes grincent, j'avance, elles se referment. Marchant dans l'allée, j'ai la sensation de faire une erreur. Mais je continue. Une fois à la porte, je n'ai pas le temps de frapper que je vois déjà ma mère suivit de peu par mon père.

« Marissa ! » Hurle ma mère en ouvrant ses bras.

Elle me sert contre elle. Ce geste me fait du bien, mais il me donne encore plus envie de pleurer. Le jour où ma mère me prend dans ses bras, c'est déjà un moment que j'attends depuis longtemps, mais également le signe que ma liberté a été un réel échec. Je retourne à la maison, au malheur, à la source même de mon mal être d'aujourd'hui.

« Marissa ! Qu'est-ce que tu... » Commences mon père.
« Je rentre, tu avais raison. »

Ma voix est froide, brisée. Ces mots me tuent. Cette situation me tue. Ma vie me tue. Je suis fatiguée de me battre, autant être l'ombre de moi-même, ça demande moins d'efforts. Au moins lorsque j'étais ici, je n'avais aucun amis, je ne souffrais pas de ça. Mais qu'est-ce donc le pire : la solitude ou bien l'abandon? Je ne pourrai jamais répondre vraiment à ça. J'avance donc, ils referment la porte derrière moi. Je ne sais pas qu'ils viennent de me voler ma liberté, à nouveau.
Mon père nous emmène au salon, il veut des explications. Ma nounou me demande si je veux boire quelque chose, mais papa lui dit de nous laisser, que nous devons discuter. Rapidement. Ca commence.

« C'est Jude? » Me demanda t-il.
« Pas seulement... »
« Je te l'avais dis. Ton frère est un manipulateur. Il s'est servit de toi pour nous faire du mal et il a réussit. Maintenant qu'il n'a plus besoin de toi, il te jette. Et toi... tu reviens, comme ça, comme si tout était aussi simple. »

Il commence. Je le savais.

« Tu es tellement naïve Marissa. Tu aurai du rentrer quand je te le proposais. Maintenant, nous allons devoir prendre des dispositions. Tout d'abord, je vais appeler notre avocat. Il faut que cette racaille aille dans l'endroit qui lui conviendrait le mieux. Jude est un fou. Il ne va pas bien dans sa tête et tu ne t'en rends compte que maintenant. On doit te protéger. »

Ce qu'il me dit me parait absurde, il se trompe... n'est-ce pas? Mon frère m'aime, il me l'a dit... il y a longtemps.

« Tu te trompes... il m'aime papa... »
« Mais arrêtes Marissa ! Il te ment, depuis toujours ! Tu n'as rien avoir avec lui, ton frère est une vermine. Tu dois l'oublier à présent, on fera tout pour l'effacer de nos vies, comme ça aurait toujours du être d'ailleurs... »

Je ne comprends pas ce qu'il veut dire, je suis totalement perdue. Il me retourne le crâne, je ne comprends plus rien... mais il doit sûrement avoir raison... au final, il avait raison. Soudain, il se lève et tend la main vers moi, afin que je lui donne quelque chose, mais quoi?

« Tu vas m'écouter à présent. Si tu es revenue ici, tu vas faire ce que je te dis. Donnes moi ton téléphone. Donnes moi ton argent et tes papiers. On va déménager. On va récupérer Joshua et on va partir d'ici, dans un lieu que Jude ne connait pas. Il ne viendra plus ruiner nos vies. »
« Mais papa... »
« Non Marissa ! Tu m'écoutes, tu nous a assez créée d'ennuie comme ça à présent. Tu vas faire ce que je dis, dépêche toi ! »

Il est froid, brutal, méchant. Tout ce que je redoute. J'ai peur qu'il me frappe si je n'obéis pas. Alors je lui donne ce qu'il veut. Je baisse la tête, comme maman. Je ne dis rien.

« Maintenant tu vas dans ta chambre, on va régler ça entre adulte. »

Je regarde ma mère, elle semble triste, mais ne dit rien, comme à chaque fois. Ils ont sûrement raison... Tristement, reniflant, je me lève et je m'apprête à sortir du salon pour aller dans ma chambre, lorsque mon père me dit :

« Et puis... tu vas quitter Wynwood. Cette école te rapproche bien trop de ce petit con. C'est finit maintenant. Tu feras ce qu'on aura décidé que tu fasses. On a vu ce que ça donnait de te laisser faire. Tu nous as tellement déçue Marissa... »

Il me juge, il me regarde de haut en bas. Je me sens minable, je me sens pire qu'une moins que rien. Il a raison, je ne suis rien. Je baisse la tête, retenant mes larmes. Je monte les marches et arrive bientôt à ma chambre. Je passe devant celle de Jude, elle est vide. Ils ont tout jeté, comme s'il n'existait plus. Mon coeur se meurt. Je me sens encore plus mal, mais peut être que c'est la meilleure des choses à faire? Je ferme ma porte, cette chambre n'est plus la mienne. Elle ne me ressemble plus. Je m'y sens mal. A peine suis-je à l'intérieur, que j'entends qu'on la verouille de l'extérieur, j'essaye d'ouvrir, je demande à ce qu'on m'ouvre, mais on me dit de la fermer. Mon Dieu mais qu'est ce que j'ai fais? Je commence à avoir peur. Je suis encore plus perdue. Encore plus déboussolée. Je me sens encore pus abandonnée. Je sens alors que j'ai fais la plus grosse erreur de ma vie.

Les heures passent. Je suis sur mon lit, allongée, ma fenêtre ouverte, je suis à l'étage, je ne peux pas m'enfuir. J'ai faim, j'ai soif, j'ai mal au ventre à cause du stress. Mal à la tête à force de pleurer. Je me sens mal. Vraiment. Que fais mon frère? Est-ce qu'une seule personne s'est rendu compte de mon absence? Non... personne.
Les heures passent encore, je souffre, je ne dors pas. Je m'empare alors d'un ciseau qui se trouve sur mon bureau, je suis assise sur mon lit, en larme. Je pose la lame sur mon bras, j'attends, je pleure. J'entaille.

Débuter son semestre à l’université, vous savez ce que c’est ? Les profs n’arrêtent pas de vous répéter qu’ils attendent beaucoup de nous. Cette première année sera décisive. Je me demande encore pourquoi je me suis lancé là-dedans. Je n’ai pas une minute à moi. Je ne me souviens même plus de mes vacances. Car en réalité, je n’en ai pas réellement eu. J’ai passé mon mois de juillet entre l’hôpital et mon job d’été. Puis mon mois d’août à lire tous les programmes, toutes les fiches, les bouquins pour être au top à la rentrée. Sans parler de mon travail que je n’ai pas arrêté. Je ne sais pas comment je ferais sans, financièrement parlant. Je n’ai pas une minute à moi. Pas une. Je ne sors jamais par plaisir. Seulement par obligation. J’ai appris ce qu’était de sauter un repas sans s’en apercevoir ou encore de s’endormir sur le clavier de son ordinateur. Ou à la bibliothèque. Ça m’est arrivé, une fois ou deux… En journée. Avoir été un élève paresseux, se reposant sur ses facilités ne m’a pas aidé. Je m’en rends compte désormais. J’ai besoin d’air. Besoin de couper mon téléphone. Nous sommes que le 11 septembre et je me sens déjà fatigué et épuisé. Je me demande ce à quoi je ressemblerai à la fin de l’année… Bienvenue dans la section politique de l’université de Miami ! Souriez, c’est plus vendeur !

Il y a deux jours j’ai reçu un sms de Kaylee qui me disait ne plus avoir de nouvelles de moi. Je crois que je n’en ai donné à personne. C’est mon grand problème, je pense aux autres mais je ne vais pas les voir. Je ne prends pas en compte qu’ils ont sans doute besoin de plus de preuves d’affection que moi. J’en suis désolé mais… Ce n’est pas forcément dans ma nature. Je ne suis pas un grand sentimental !

J’aurais besoin d’une journée pour respirer. Pour faire le point. Je n’ai pas parlé à Marissa depuis un moment. Je suppose qu’elle comprend ma situation. Je sors souvent de notre chambre pour ne pas l’embêter avec ma lumière, le soir. Et puis je me lève très tôt le matin. C’est simplement pour son bien… Je ne sais pas si elle le vit bien. J’ai l’impression qu’on se voit de moins en moins. C’est sans doute à cause de moi… De ma nouvelle solitude. Je devrais lui en parler un de ces jours. Peut-être que j’y verrais plus clar. Peut-être qu’elle a besoin d’un signe ou un truc dans le genre.


J’hausse les épaules. Les mains dans les poches, je me dirige vers l’amphithéâtre. Les gens se bousculent, discutent d’un sujet où d’un autre. Je les observe du coin de l’œil. J’éteins mon portable avant de rentrer en cours. Histoire de dire…
La journée se déroule comme à mon habitude. Je retrouve Cassie pour manger près de l’université. On discute un peu. Je retourne en cours. Je n’ai que 50 minutes pour déjeuner le mardi. Et encore, c’est sans compter la queue ! J’ai envie de partir ! Loin. Juste quelque temps.
Un soupire s’échappe de ma gorge avant de rentrer en classe. Le prof arrive et débute sa leçon en nous parlant de la date du jour. Quoi ? Hein ? Le 11 septembre… J’avais complètement zappé. De toute façon on aurait pu m’annoncer que c’est mon anniversaire, j’aurais le même étonnement. On enchaîne en parlant de la sécurité, de l’instinct de survie, des terroristes. Bref… Comme si cette date était plus spéciale que les autres pour parler de tout ça. Oui l’Amérique a été touchée ce jour-là. Notre fabuleux, et merveilleux gigantesque pays s’est rendu compte qu’il n’était pas invisible. Notre territoire touché de point fouet. Je n’étais qu’un gamin à l’époque, je me suis rendu compte de certaines choses. Pourquoi ne pas en parler tous les jours ? On en fait des tas, juste un jour dans l’année. Alors que les familles des victimes seront touchées toutes leurs vies, alors qu’il y a chaque jour des actes terroristes. On reste focalisés sur un grand point central et on ne parle que très peu du reste. Les journalistes pris en otages, les guerres faisant plus de 140 victimes chaque jour en ce moment-même. Je secoue la tête. Tout ça me met mal à l’aise.

La journée se termine. Quand je me pose dans le parc, pour souffler un instant avant de retourner à l’internat, je rallume mon portable. Je l’avais complètement oublié, lui ! De toute façon, personne ne cherche jamais à me contacter et j’oublie d’en faire de même…
Seulement, là, c’est différent. J’ai un appel manqué. De Marissa. Elle a laissé un message. Je m’empresse de l’écouter.
Chamboulé, je raccroche. Ses mots résonnent en boucle dans ma tête : Quand te souviendras-tu que tu as une soeur?.... je me retrouve seule, comme si j'étais restée à la maison. Je pense même sérieusement à y retourner….. une corvée, ça arrangera tout le monde. Comment peut-elle croire de telle chose ? Je sens une boule se former dans mon ventre. Je me lève brusquement et écoute à nouveau ma messagerie. Toujours le même ton accusatoire, toujours le même mal-être, toujours la même peine. Elle m’en veut. J’ai réussi à me faire haïr par ma sœur. Tout le monde, sauf elle ! J’accepte toutes les critiques, toutes les insultes, toute la rage… Mais pas quand elle vient de ma sœur et surtout à cause de moi... C’est bien la seule personne qui compte plus que tous les autres. Je pense à elle sans arrêt. Je ne peux pas m’empêcher de comparer une fille que je rencontre aux qualités de ma sœur. Car pour moi, elle est parfaite. C’est mon point de repère, mon petit poussin, ma protégée… Alors qu’elle croit que…

Je cours. Le plus vite possible. Je dois la retrouver ! Je dois aller dans notre chambre. Seulement… Elle n’est pas là. Pas la moindre trace de Marissa. Je commence sincèrement à flipper. De quand date ce message ? Ce midi… Ok. Elle n’est peut-être pas partie chez les parents. C’est sans doute pour me faire peur. Me faire bouger… Et je dois avouer que ça marche bien ! Je compose en vitesse son numéro que je connais par cœur. Une sonnerie… Deux sonneries… Trois sonneries… « Putain ! » Cinq sonneries… Répondeur. « Fuck ! » J’entends sa voix. « Marissa, c’est Jude. Je… J’suis désolé de t’avoir délaissé. Ce n’est pas ce que je voulais. Tu aurais dû m’en parler, me faire le reproche plus tôt. Tu me connais, je ne suis pas très malin quand il s’agit des sentiments… Rappelle-moi. S’il te plait !» Je tourne en rond dans la chambre. Mon portable passe de ma main droite à ma main gauche. Je tourne, encore et encore dans mes converses vertes achetées en l’honneur de notre confrérie. Pas de réponse. Je me sens de plus en plus mal. Je descends dans la salle commune et demande aux personnes présentes s’ils ont vu ma sœur aujourd’hui. Pas de réponses positives.
« Oui, c’est encore Jude. Tu ne me réponds pas et ton message me fait sincèrement flipper. S’il te plait appelle ! Ne fais pas la gueule… Si c’est pour te venger, je te laisse me donner autant de claques que tu veux. Tu pourras m’insulter, me griffer ou je ne sais pas quoi d’autre. Me torture !… Mais appelle juste ! Ou raccroche-moi au nez… J’sais pas ! Fais un truc. S’il te plait…» Je commence presque à la supplier. J’attends encore quelques minutes avant de demander aux Nu Zêta s’il y en a dans sa classe. Je commence ma recherche. Je les questionne comme un frère trop protecteur et alarmer. On ne peut pas appeler la police pour une disparition le jour même… Il ne la prenne en compte qu’après 24h. Ou peut-être 48… Je ne sais plus. J’aurais dû regarder cette série nulle sur les disparitions de mineurs ! J’appelle une nouvelle fois. Puis une autre et une autre….
Il est finalement l’heure de diner. Tout le monde part. Et moi je suis toujours seul. Je ne sais pas quoi faire. Attendre ou bien… J’hésite un long moment assis dans mon coin de la salle commune. Je me ronge les ongles en ne quittant pas des yeux mon portable. Je n’arrive pas à savoir ce qui est le mieux à faire. Prendre le risque d’aller chez les parents ? Ou bien attendre demain matin ? Si je vais chez les parents et qu’elle n’y ait pas… Si elle est simplement partie dormir dans la chambre d’un de ses potes… Je sais que Camillio est décédé et qu’apparemment le copain de Sateen, est parti. Tout comme Angie… Mais là n’est pas la question.

Il est finalement 08h13 quand je pénètre dans ma voiture et roule à toute vitesse vers la résidence des Chamberlain. Une nuit de sommeille inexistante. Un questionnement intention. 54 messages et 109 textos.

08h46 s’affiche sur mon tableau de bord. Je me gare longtemps avant. Histoire de ne pas être repéré. Je reste une bonne trentaine de minutes à me questionner. Ai-je fais le bon choix ?

Je marche jusqu’à la maison. J’appelle une nouvelle fois Marissa. Pas de réponses. Toujours pas.
J’ai escaladé la grille pour ne pas avoir à sonner. Le jardin a quelque peu changé. Je m’approche de la baie vitrée du salon. Personne. Je contourne, presque en rampant, pour aller jusqu’à la cuisine. Quelqu’un bouge la vaisselle. C’est notre femme de ménage. J’hésite avant de toquer aux carreaux. Je me suis mis bien en évidence pour qu’elle me reconnaisse. « Jude… Qu’est-ce que tu … ?» « Chut ! Come stai ? Marissa est revenu ? » On parlait souvent italien, mais je n’ai pas le temps pour discuter de la pluie et du beau temps. « Entre. » « Je ne veux pas que pap…» Petit signe de tête. On se comprend. Bon. Maintenant, je fais quoi ?

11 Septembre 2012.

Un jour tragique pour les Américains. On se souvient tous du 11 septembre 2011. L'un des jours les plus noirs de cette décennie. Le jour marquant au fer rouge, le Terrorisme. La terreur froide, la terreur qui peut surgir à tout instant. Celle de vous prendre tout ce que vous avez de plus cher, de tout détruire sur son passage, pour ne vous laisser qu'un sentiment de solitude, profonde, ingrate et douloureuse. Depuis plusieurs semaines maintenant, la jeune femme se sentait plus que jamais seule au monde. Rien n'allait en s'arrangeant. Elle avait essayé d'extérioriser sa peine grâce à la musique, ça marche un peu, jamais complètement. Elle avait essayé d'en parler, mais ça ne faisait que soulever l'une des plus terribles questions qui soit : A qui puis-je me confier?
Il n'y avait plus personne. Plus personne de réellement présent dans sa vie, qui pouvait être là pour elle, lorsqu'elle en avait besoin. Il n'y avait plus personne. Camilio ne reviendrait jamais, Valentin était partit, Dexter était distant, Trevor l'avait quitté, Maeko était aux abonnés absents, tout comme mon frère. J'en souffrais beaucoup, je me sentais abandonné de tous les côtés. Que tout le monde avait prit ce qu'il y avait à prendre en moi, me laissant ensuite, telle une épave, se mourant sur les flots, j'attendais juste que quelqu'un me regarde d'un nouvel oeil, me redonnant une autre vie. Mais quand est-ce que cela se produirait-il ? Je l'ignorais.

Aujourd'hui, j'avais séché tous mes cours. J'avais fais une grasse mat', ce qui ne m'étais pas arrivé depuis lamort de Cam', même avant. J'avais prit le temps de me lever, je m'étais lavé, j'avais ensuite mit une tenue pratique et j'étais partie, emportant mon sac et quelques affaires. J'avais marché des heures, au soleil, regardant tout ce qu'il y avait autour de moi, me posant des questions sur tout. Sur absolument tout ce qui m'arrivait depuis des semaines. Demandant à Dieu, s'il existait, pourquoi? Demandant à Cam de répondre à mes questions. Demandant à quiconque, un peu d'aide. Mais espérant que ça marche enfin. Je ne savais plus quoi faire. Ne ressentant pas d'appêtit, je n'avais pas mangé de la journée. Je marchais juste là, telle une ombre, fumant des cigarettes par dizaines, achetant des paquets sur ma route.

J'avais alors, envoyé un sms à Jude, mon frère. Ca n'allait pas du tout entre nous depuis quelques temps à présent. Il n'était pas là pour moi, il m'abandonnait, il rompait sa promesse et de ce fait, je lui en voulais. Terriblement. Je me disais sans cesse que ça ne devait pas être drôle de passer du temps avec moi, que c'était sans doute la raison pour laquelle tout le monde me fuyait. Mais ça me faisait tellement de mal de me dire ça, que je devais extérioriser ma rage sur quelque chose, ou quelqu'un. Ce fut sur mon grand-frère. Mon sms était agressif, un réel appel à l'aide. Mais surtout, je lui disais sincèrement ce que je pensais faire depuis longtemps. Retourner à la maison, sous le joug de papa. Sous son emprise. Sous son toît et ses désirs. Je n'en avais pas spécialement envie mais quitte à être seule, autant l'être et ne pas avoir de problème d'argent, non?

C'est dans cette mentalité que je pris le bus pour la résidence de mes parents. La boule au ventre, l'estomac noué, la gorge sèche et le coeur mourrant.