Courir à deux, c'est mieux. ~ Edgard & Lesley

► Edgard sentit bien la jeune femme lui rentrer dedans, puisque le choc fut assez violent. Cependant, il cilla à peine : son poids et sa force lui permirent de rester debout, alors que quelqu’un de plus petit ou de plus faible serait tombé à la renverse. Il se retourna pour voir qui venait de le percuter, et ne vit personne… jusqu’à ce qu’il baisse les yeux : la demoiselle, brune, plutôt jolie mais pas son style, en était tombée à la renverse ! Il ouvrit la bouche de surprise. « Aaaaah ! Mais ça va pas de freiner comme ça !?! Ouch... Punaise, je ne sens plus mes fesses... Non mais c'est vrai, il faut faire attention ! » commença-t-elle alors à s’exciter, assise sur le terrain d’athlétisme. En temps normal, il serait probablement resté là à la regarder sans rien faire, ou pire, Ed’ serait parti, purement et simplement. D’ailleurs, il hésita un quart de seconde à le faire. Mais ses bonnes résolutions ne pouvaient pas être avortées le jour-même où il les prenait, non ?! En plus, c’était son anniversaire, ça lui ferait du bien de parler un peu à quelqu’un, même si le quelqu’un en question semblait assez hostile pour le moment. Du coup, le jeune homme se pencha en avant et tendit la main à la petite brune, pour l’aider à se relever. Il planta ses yeux couleur chocolat, chaud et intense, dans les siens et lui dit « Je suis désolé. Je ne t’avais pas vue… Je m’arrêtais pour boire un coup. Je n’aurais pas dû ».
Quand elle fut de retour sur ses pieds – avec ou sans son aide, à toi de voir – Edgard jugea qu’à présent, il pouvait se désaltérer sans paraitre trop impoli. Le jeune homme récupéra sa bouteille dans son sac de sport et se redressa pour boire un coup. Une fois que ce fut fait, il lança un regard à la jeune fille. « Est-ce que ça va ? Tu ne t’es pas faite trop mal ? » s’enquit-il, maudissant intérieurement les inventeurs de la parole. Il n’aimait vraiment pas ça. Parler, dépenser sa salive pour des banalités… Mais c’était un mal nécessaire s’il voulait atteindre le stade tant désiré d’homme sociable. Misère… Un jour, et il trouvait déjà ça pénible. La seule personne avec qui le dialogue lui semblait naturel était Sateen. Et dire qu’il aurait pu se contenter d’un « désolé » et d’un « ça va ? » ! Mais bon, la demoiselle n’aurait probablement pas compris qu’il agissait ainsi non pas par dédain mais purement et simplement parce qu’il n’aimait pas causer. Du coup, il fallait bien qu’il se force. « Bah, je n’en mourrai pas… » songea-t-il, en attendant la réponse de la petite brune.

► Aujourd’hui, Edgard avait définitivement décidé de se remettre une bonne fois pour toutes au sport. Même si ces derniers-mois, cela avait été difficile de tout gérer en même temps, la situation s’était un peu tassée. Du coup, c’est de bonnes résolutions plein la tête qu’il voyait arriver le mois de juillet. En plus du sport, il avait entre autres décidé de se forcer à parler plus avec les gens. Essayer de se faire des amis. Enfin. Mieux vaut tard que jamais. 18 années de solitude avant de prendre enfin cette décision, ce n’était pas trop tôt. Et aujourd’hui, il entrait officiellement dans sa 19ième année. Il la voulait différente. L’ancien Rho Kappa était déterminé à oublier son passé et à commencer à vivre pour lui, seulement pour lui. Le fait de se retrouver entièrement seul le jour de son anniversaire l’aidait peut-être à s’en rendre compte, mais ses seuls amis avaient disparus, sauf Sateen. Elle était tout ce qu’il lui restait, en plus d’un demi-frère demeuré dont il ne voulait pas. Trevor. Peut-être lui apprendrait-il un jour qu’ils étaient frères. Ou peut-être pas.
Vêtu d’un bermuda en coton gris clair et d’un marcel blanc, Edgard arriva sur le terrain d’athlétisme. Il aurait bien aimé reprendre directement le football américain, mais d’une, il avait perdu la forme, et de deux, son demi-frère était Capitaine de l’équipe. Du coup, durant le temps qu’il lui faudrait pour retrouver la forme, le brun se laisserait le temps de décider si oui ou non, il désirait rejoindre les Cannonballs l’année prochaine. Rien n’était moins sûr. En attendant, il ferait du jogging, et de la musculation. Les mains dans les poches et les yeux rivés au sol, il s’arrêta, ce qui lui permit enfin de relever la tête. Se débarrasser de ces tics-là faisait aussi partie de ses résolutions. Il posa son sac de sport, vérifia que ses lacets étaient bien noués… et commença à courir. Ed’ n’avait jamais compris pourquoi, mais c’était le seul moment où ses tics disparaissaient : quand il faisait du sport.
Au bout de 12 tours de terrain, ce qui n’était déjà pas mal, Edgard sentit qu’il commençait à faiblir. Du coup, il se mit peu à peu à ralentir sa course, à l’approche de l’endroit où il avait posé son sac. Il avait dans l’idée de boire un coup d’eau, avant de se remettre à courir. Mais une jeune femme en décida autrement, puisqu’apparemment surprise par son ralentissement soudain, elle lui fonça dedans.