Remember this day. [Alecto]

Que pouvait-il faire de plus pour elle ? Rien. Ce n’était pas comme s’il avait la possibilité de lui faire retrouver la mémoire. Et puis apparemment elle ne semblait pas vouloir la récupérer. Elle le voulait mais pour se faire aimer de tout ce qu’elle croyait perdu. Certes, elle risquait de perdre Alecto, mais elle l’avait déjà perdu en voulant arrêter leur relation pour penser à son avenir. Il avait totalement compris ce geste. Mais il n’allait pas sauter au plafond non plus. Il l’avait aimé. Vraiment. Même si cela n’avait pas duré longtemps et même si cela n’avait pas été aussi fort qu’il l’aurait voulu. Après tout, l’avait-il vraiment voulu ?

Il ne lui restait plus qu’à partir. Partir définitivement. Une sorte de pressentiment s’empara de lui. Comme s’il n’allait plus jamais la revoir. Comme si elle allait partir loin d’ici pour ne plus revenir, ou alors dans très longtemps. Il se faisait toujours abandonné par les femmes qu’il aime. Ce sentiment ne servait donc qu’à ça pour lui, à se faire misérablement abandonné pour un autre ou pour autre chose. Désespérant. Ce signe du destin qui lui faisait bien comprendre qu’il devait redevenir le Alecto qui était venu il y a déjà plus d’un an ici, à Miami. Il ne pourrait pas l’être à nouveau entièrement, surtout avec ce qu’il avait vécu, il n’est pas si con et primitif que ça pour ne pas apprendre de ses erreurs. Mais il ne chercherait plus à se remplacer Caly’. Cela lui avait aidé à trouver un autre amour, mais au final à souffrir davantage. Alors valait mieux que ce soit les autres plutôt que lui. Bien qu’il ne ferait pas vraiment souffrir les femmes qu’il fréquenterait à présent, puisqu’il ne les rappellerait pas de toute manière. Heureusement que Max était là d’ailleurs pour lui redonner du courage, pour draguer et pour oublier Isy.

Il fallait juste passer cette porte à présent et partir se refaire une autre vie, sans la blonde. Qu’elle aille de l’avant elle aussi, qu’elle refasse sa vie, comme elle le voulait, sans se préoccuper de ce que pense ou veulent les autres. Une partie de lui ne voulait pas quitter cette pièce, mais il savait très bien qu’il n’avait pas le choix s’il voulait se libérer et passer à autre chose. S’il se remettait avec Isy, les mêmes problèmes, voire en pire, se reproduiraient, et il n’avait jamais été prêt pour ça, et ne le serait pas encore avant quelques années .

Voilà pourquoi, il rendit le sourire tendre qu’Isy lui avait tendu et s’en allant, la regardant une dernière fois avant de refermer la porte derrière lui. Il espérait qu’elle ait une bien meilleure vie.

FIN

Il aurait préféré qu’elle se défende. Pour dire quoi ? Qu’elle avait mal elle aussi ? Évidement. Mais sa douleur devait passer après celle des autres. Si elle devait souffrir pour le bien d’une personne qui compte à ses yeux, alors elle le fera sans hésiter. C’est une chose qu’elle a su instinctivement en se réveillant à l’hôpital. Ce n’est pas elle qui compte. C’est ce que l’on veut d’elle. Elle avait su ça directement. C’était comme une évidence. Comme si elle s’était cachée cette vérité pendant de longues années. Son court coma avait permis de faire rejaillir cette partie d’elle-même.
Alecto changea brusquement, il reprit un sourire. Comme s’il se forçait à être soudainement plus calme. Presque à deux doigts de rire… Ce qui était plutôt déconcentrant. Le jeune homme lui présenta ses excuses pour ce qu’il avait dit. Isy acquiesça avec un léger sourire au coin des lèvres. La demoiselle voulait lui montrer qu’elle ne lui en tenait pas rigueur. Il avait fait preuve de franchise et c’était le plus important de tout. Elle avait été blessée, simplement car Isobel ne s’était pas préparé à recevoir de telles remarques à ce moment précis. Elle n’était préparée à rien de toute façon… Il ajouta qu’il l’avait aimée et qu’il l’aimait toujours. Cette réflexion fit du bien à la jeune femme. Cependant, elle avait peur que cet amour fane au fil du temps. Elle ressentait bien quelque chose pour lui, elle ne savait pas exactement quoi mais il y avait un truc puissant enfoui en elle. Mais il lui avait balancé des choses qu’on ne dit pas quand l’amour vous aveugle. A moins que ce soit un amour vache et cruel… Ou bien une fierté blessée, un égo touché, un cœur brisé… Alecto avait bien prononcé le mot vengeance, alors il y avait quelque chose sous tout ça. Un truc assez fort pour briser un amour ? Isy n’en avait pas la moindre idée.
Alors le grec s’approcha doucement de la jeune femme et vint lui déposer un baiser sur ses lèvres. Tout se mélangea en Isobel. Tout d’abord il avait dit qu’ils n’étaient plus en couple, qu’il lui avait promis d’être là… Comme une obligation. Il l’avait engueulée. Il s’était énervé. Il lui avait dit à quel point elle le faisait souffrir. Et maintenant il lui annonçait qu’il l’aimait toujours et venait à la rencontre de ses lèvres. Une larme orpheline roula sur la joue de la blonde. Etait-ce un adieu ?

« Si tu savais comme j’aimerais revenir en arrière…»

Isobel pinça ses lèvres. Comme pour retenir l’instant qui venait de se dérouler. Elle n’essuya pas sa joue, personne ne verrait l’unique sillon de cette perle salée.
Sa main glissa sur le bras d’Alecto. Elle lui sourit tendrement.

« Au revoir… »

Alecto avait réussi à ramener Isy jusque dans sa chambre sans se faire choper. Au moins il n'aurait pas de problème avec l'hôpital et sera toujours capable de postuler pour bosser ici à sa troisième année d'étude. Mais il avait engueuler Isy. C'était sorti tout seul, alors qu'il l'aimait toujours au fond. S'il ne l'aimait plus, il n'aurait pas fait tout ça pour elle et il ne l'aurait pas crier dessus de la sorte.

« Je suis désolée. Je suis la méchante, celle qui fait souffrir. Celle qui fait la malheureuse. Parce que je le suis, mais je suis une égoïste. Je pense que je t’ai fait du mal. Je ne veux pas te faire souffrir. Je ne le veux vraiment pas.. Au fond de moi, je sais que tu es important à mes yeux. Je le sens et… C’est moi qui te mets dans cet état… C’est juste moi. Je suis ton poison. C’est ça ?

- Peut-être pas mon poison, parce que tu es celle qui a réussi à me changer, à me faire évoluer. Mais je pense que ce temps-là est révolu, qu'on s'est trouvé au bon moment, au moment où on en avait le plus besoin et que maintenant nos chemins doivent se séparer pour vivre nos vies ... »

Jamais il n'aurait pensé dire ça un jour à la femme à qui il avait réussi à dire "je t'aime". Seulement elle était programmé pour le faire chier et ça, c'était la chose qui ne supportait vraiment pas. Voilà sûrement pourquoi il n'arrivait pas à être en couple. A peine une petite chose l'énerve et l'agace que ses sentiments sont détruits et qu'il n'arrive plus à se sentir bien, même si les sentiments demeurent. Ces sentiments qui l'ont toujours torturé. Peut-être était-ce lui qui avait de la poisse et qui était né pour souffrir jusqu'à la fin de ses jours ?! Peut-être n'était-ce pas la faute d'Isy. Elle était sûrement mal tombé, et n'aurait pas du répondre à cette annonce il y a plus d'un an. Il serait alors certainement sorti avec une autre fille, avec qui cela n'aurait pas pu durer.

« Il est toujours préférable de s’éloigner de la cause du Mal. Je ne sais pas ce que je peux te faire… Le gène maléfique comme tu dis… Je ne sais pas comment il marche. Je ne m’en rends pas compte. Je suis sûre que je ne m’en rendais pas compte avant non plus… Alors oui, part. Vis ta vie. Laisse-moi détruire celle d’un autre. Me détruire moi-même. Tu ne mérites pas de souffrir. Surtout à cause de moi, ce n'est pas ce que je veux. Je… Je suis désolée de tout ce que je peux t’avoir fait endurer. Vraiment … Je ne suis pas saine…

- Tu me donnes trop raison et ça me frustre vraiment trop ! Je sais pas, défend toi, fais quelque chose ! Je sais que tu ne te souviens de rien, mais quand même ! ... Il se calma et repris dans un sourire, presque à deux doigts de rire. Enfin bon, ce n'est pas grave, je suis encore désolé de t'avoir dit tout ça, on va dire que c'était une sorte de vengeance personnelle. Sache que je t'ai aimais et que je t'aimerais toujours malgré tout ce qui s'est passé ! Je te souhaite une bonne vie ma belle, et si tu veux me revoir un de ces jours, passe me voir, il n'y a aucun soucis. ...

Mais pas tout de suite. Il se retenait, sa colère et sa haine avait envie de sortir et de gueuler. Isy servait aussi de bouc émissaire. Il n'aurait pas vécu ce qu'il a vécu, peut-être aurait-il moins de haine en lui et qu'il n'aurait pas eu besoin de s'énerver contre celle qu'il aimait toujours au fond.
Il alla lui déposer un baiser. Non pas sur la joue, mais sur la bouche. Sentir une dernière fois ses lèvres sur les siennes, pouvoir lui dire au revoir, c'était tout ce dont il lui avait manqué la première fois.

Alors que tout allait partir en vrille, Alecto la rattrapa et la prit dans ses bras pour l’emmener dans sa chambre d'hôpital. Dans l'endroit blanc, pure, clôt dont elle voulait s'échapper. Isobel n’avait pas la force de refuser. Et encore moins d’articuler un seul mot. C'était bien trop dur. Tout ça, elle l'avait voulu. C'est elle qui avait demandé d'aller dehors au grec. Elle n'avait pas réalisé que ce serait aussi dur. Alors elle se contentait d’essuyer ses larmes et d’observer le visage du jeune homme. Il allait se sentir coupable et c'était tout ce qu'elle n'avait pas voulu. Il aurait fallu qu'elle tienne jusqu'à la chambre ! Pour qu'il ne s'aperçoive pas de la supercherie. Pour qu'il n'ait aucune culpabilité. Mais bien sûr que non... Elle avait tout gâcher. Son corps avait lâcher tant dis que son mental était en miette.
Il parlait. Assez vite. Il était énervé ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Il lui en voulait. Une sorte de haine dissimulée. Il avait les nerfs en vrac et il avait explosé. C’était ça. Il lui disait en quelque sorte qu’elle était la méchante. Qu’elle faisait tout pour ruiner sa vie. C’était blessant mais il disait ça sincèrement. La colère vous fait dire ce que vous avez sur le cœur. Et comme il l’avait dit, il n’était pas hypocrite, il ne disait pas ça pour lui faire passer un tout autre message. Il ne mentait pas. Il était honnête et disait ce qui lui torturait le cœur. Elle. Juste elle. Une tortionnaire sans pitié.
Une fois dans sur le lit, il annonça qu’il vallait mieux pour eux deux qu’il parte. Loin. Il s’éloignerait. Et ce n’était pas sûr qu’il revienne un jour.

« Je suis désolée. Je suis la méchante, celle qui fait souffrir. Celle qui fait la malheureuse. Parce que je le suis, mais je suis une égoïste. Je pense que je t’ai fait du mal. Je ne veux pas te faire souffrir. Je ne le veux vraiment pas.. Au fond de moi, je sais que tu es important à mes yeux. Je le sens et… C’est moi qui te mets dans cet état… C’est juste moi. Je suis ton poison. C’est ça ? »

Elle essayait de parler calmement, elle voulait que tout soit clair. Isobel ressentait un sentiment de culpabilité mais également de révolte et de tristesse. Entendre ces mots étaient difficiles. Il y avait quelque chose.

« Il est toujours préférable de s’éloigner de la cause du Mal. Je ne sais pas ce que je peux te faire… Le gène maléfique comme tu dis… Je ne sais pas comment il marche. Je ne m’en rends pas compte. Je suis sûre que je ne m’en rendais pas compte avant non plus… Alors oui, part. Vis ta vie. Laisse-moi détruire celle d’un autre. Me détruire moi-même. Tu ne mérites pas de souffrir. Surtout à cause de moi, ce n'est pas ce que je veux. Je… Je suis désolée de tout ce que je peux t’avoir fait endurer. Vraiment…»

Isy humecta ses lèvres. Elle ne savait pas si ce qu’elle disait avait un sens ou non. Elle ne pouvait se raccrocher à rien à part la peine et la colère qu’elle voyait sur son visage.

« Je ne suis pas saine…» Que ce soit pour lui ou pour les autres d’ailleurs…

Il avait pété un plomb. Cela lui arrivait bien souvent depuis l'ouragan. La nouvelle Isy voulait changer, mais au final elle restait la même, et non, il ne pouvait pas rester, pas aujourd'hui. Peut-être que demain cela ira mieux et qu'il pourra venir la voir. Mais pour l'heure, il avait besoin de prendre du recul à tout ça. Mais quoiqu'il faisait ou disait, c'était toujours lui le méchant. Pourquoi penser à soi et dire ce qui n'allait pas revenait à devenir le méchant ?! Il n'en pouvait plus. Mais voir Isy pleurer lui brisait de nouveau le cœur. Elle le tuait à petit feu, même en étant amnésique, c'était fou ça ! Ça l'énervait davantage ! Mais elle se sentait mal, et la voyait fébrile alors qu'elle atteignait le pas de la porte.

- Putain !! Ça fait grave chier !!!

Il voulait partir, mais il ne pouvait pas la laisser rentrer dans ces conditions. Elle allait s'effondrer, et fallait pas être en médecine pour s'en rendre compte. Après avoir juré bien comme il le faut, il courra jusqu'à elle, l'attrapa et la porta telle une princesse, pour éviter qu'elle refuse de se faire porter et pour qu'elle n'est pas la choix.

- Excuses moi d'être aussi vache avec toi, mais j'ai jamais aimé être hypocrite, j'y arrive pas. Même si ça fait mal, il faut que je le dise. Et encore plus avec toi, parce que tu m'en fais toujours bavé, même avec ton trou de mémoire ! Je crois que tu as les gênes qui te disent "fais chier Alecto Zavettieri, c'est ta mission" !

Malgré le fait qu'il soit en colère, il avait ce côté humour qui ressortait. Ça l'énervait tellement que l'humour prenait sa place là-dedans. Il la raccompagna donc jusqu'à sa chambre, qu'elle soit ou non d'accord, et alla la déposer dans son lit. C'était à cause de lui qu'elle était sortie et c'était à cause de lui aussi qu'elle avait eu un malaise.

- Finalement, je crois que c'est plus sain pour tous les deux que je parte ... On se reverra quand tu sortiras. Lui avait-il dit en lui souriant faiblement. Oui il était énervé, mais cela restait Isy, la seule fille avec qui il soit sorti pour qui il a eut de vrais sentiments. Rien que pour ça, il ne pouvait ni la détester ni l'abandonner.

La réaction d’Alecto fut aussi inattendue que violente. Elle tira la blonde de sa rêverie. Ses yeux se détachèrent du ciel pour retourner au visage du jeune homme. Sa première question coupa Ann dans sa lancée. Redevenir l’Isy que tout le monde connait. Elle fuyait. Il s’en rendait compte. Il était blessé et il la faisait souffrir en échange. Il disait que tout le monde voulait la retrouver telle qu’elle avait pu l’être. Celle qui avait su le charmer. Celle qui lui avait brisé le cœur et qui avait ruiné une partie de sa vie. Bien sûr ! Elle était au courant de leur histoire. Sa mère avait tenté de lui raconter tout ce qui s’était passé dans sa vie depuis son enfance et en particulier depuis son arrivée à Miami. Apparemment la mère et la fille se racontait lors de longues soirées au téléphone et également à l’appartement de la quarantenaire. C’était ce qu’il désirait vraiment. Revoir la fille qui avait fui pour sa carrière ? La fille égoïste qui avait pensé à elle avant tout le reste. Contrairement à ce qu’il disait elle ne se cachait pas devant une nouvelle elle. Enfin, si peut-être. C’était encore confus. Isy voulait simplement ne pas emprunter la même route. Ce chemin boueux l’avait menée à des endroits bien trop durs, trop froids. Alors elle tentait de vivre autrement. Se souvenir ? Évidemment elle essaye. Tous les jours. A chaque heure, chaque instant, chaque minute, chaque seconde. Elle désirait trouvé ce qui avait cloché. Car malgré tout ce qu’elle pouvait dire, elle se sentait mal. Affreusement et horriblement mal. Comme si quelque chose était cassé en elle. Son cœur ? Peut-être bien. Son mental aussi. Elle se réveillait dans un corps en ruine et elle devait tout reconstruire. Mais ce n’était pas si simple. Elle n’avait ni les plans de l’ancien bâtiment, ni le matériel nécessaire. Alors Isobel construisait du vide, des rêves. De la brume. Tout n’était que brume. Pure tristesse. C’était l’ombre de celle qu’il avait connu. Il n’avait pas Isy en face de lui. Seulement son ombre. Son corps mais sans rien à l’intérieur. Un vide. Un trou béant. Une fracture. Et quand on se penchait pour voir ce qui s’y trouvait à l’intérieur, on ne voyait que du noir. Une infinité de noir. Où est passé la petite étincelle ? Celle qui brille dans le fond des yeux. Cette étincelle de vie. Tout cela ne rimait à rien.

« Je suis désolé Isy, mais il faut que j'y aille. J'ai du mal. Pardon ... Ann ... Je te raccompagne jusqu'à ta chambre si tu veux ... »

C’est tout ? La première visite et la voilà en larmes. Oui, elle pleurait. Mais elle ne pouvait pas se jeter dans ses bras. Elle n’osait pas. Il voulait la soutenir, la réveiller. Il avait dit qu’il lui avait promis d’être toujours là pour elle. Et il fuit. Il fuit après l’avoir brisée en deux. Tout ce qu’elle voulait c’était se sentir normale quelques minutes. Elle ne voulait plus être la patiente amnésique. Elle voulait être l’étudiante qui prend l’air et discute normalement. C’était sans doute futile et dérisoire. C’était stupide. Comment avait-elle pu croire un simple instant que ça pourrait marcher ? Ce désire ne rimait à rien. Elle torturait Alecto plus qu’autre chose. Elle lui faisait du mal et ce n’était pas la première fois. Ça c’était certain. Elle le sentait au fond d’elle. Isy n’était qu’une bombe à retardement qui détruisait tout sur son passage. C’était son cœur qui lui délivrait ce message. Comme une évidence.

« Non… Ça va aller. »

La jeune femme se mordit la joue et passa une main pour effacer quelques larmes. Ne pas le retenir plus longtemps, le délivrer, lui offrir la liberté de respirer loin d’elle. Loin de son poison.

« Merci d’être venu. »

Après quoi, elle se leva sans le regarder. Elle ne voulait pas jouer les mélodrames. Cependant elle avait à peine fait un pas qu’une douleur vint la foudroyer. Une grimace s’afficha sur son visage. Ne rien montrer, ne rien montrer. Sa main vint à nouveau soutenir ses côtes du côté gauche. C’était beaucoup moins discret qu’il y a quelques minutes, mais elle ne pourrait pas continuer d’avancer sinon. Chaque pas augmenter la douleur. Ne rien paraître, ne rien paraître. Chose plus difficile à dire qu’à faire. Si Alecto s’en rendrait compte, il porterait la faute. Les médecins diront que c’était lui qui l’avait menée au parc. Iso ne voulait pas qu’il soit coupable de la conséquence d’une de ses envies de gamine irresponsable. Alors, autant souffrir et ne pas demander d’aide.
Et surtout, il fallait qu’elle évite de penser aux multiples papillons multi-couleurs qui valsaient devant ses yeux. Ni l’immense chaleur qui envahissait son être. Ni cette douleur qui tord ses intestins et lui donne envie de vomir. Elle ne devait pas tomber dans les vapes ! Pas avant d’être dans son lit ! Malheureusement pour elle, il était encore loin. Elle n’était même pas arrivée à la porte d’entrée de l’hôpital. De plus ses larmes ne l’aidait pas vraiment à y voir clair…

Alors que le grec venait de lui raconter sa vie en détail, plus ou moins, elle lui proposa de s'asseoir. C'était une bonne chose, il ne fallait pas qu'elle fasse trop d'effort non plus. Ils s'étaient donc assis et là Alecto avait parlé presque comme jamais. Il était à l'aise, un peu comme dans une bulle, évitant de trop regarder Isy. C'était vraiment étrange, et quand il la regardait, c'était vraiment trop bizarre. Même ces mots ne définissaient pas la situation et la posture dans laquelle il se trouvait. C'était inconfortable oui, ça aussi. Tout lui raconter, faire de nouveau connaissance et en rire en quelque sorte. Tout ce qu'il espérait en lui racontant tout ça, c'était qu'elle se souvienne enfin, qu'il puisse lui en vouloir comme avant et ne plus jamais faire semblant avec elle.
Mais voilà ce qu'il faisait, il faisait semblant. C'était dur, trop dur. Quand il la regardait, ce n'était pas la petite fille Ann qu'il voyait non, c'était la magnifique femme Isobel. Il voulait l'épauler, être ami avec elle, mais il devait d'abord encaisser le choc. Avec elle rien n'était facile, il y avait toujours des complications insurmontable, et elle le faisait se sentir mal quand il ne pouvait pas le supporter. Voilà ce qu'il lui reprochait le plus. Oui elle n'y pouvait rien si elle avait eu un gosse, oui elle n'y pouvait rien si elle avait perdu la mémoire, et oui elle n'y pouvait rien si tout le monde lui tournait toujours le dos. Mais se rendait-elle vraiment compte des épreuves qu'elle faisait vivre à son entourage ?! Peut-être que oui finalement qu'elle était égoïste. Elle voulait que tout le monde se rallie à sa cause sans jamais faiblir. C'était peut-être mélangé à de la naïveté aussi, qui sait.

En attendant, il n'en pouvait plus là, c'était trop. Bizarrement, ce fut lorsqu'elle fit remarqué qu'elle était sorti avec lui. Au début de sa phrase il avait cru qu'elle se rappelait vraiment de quelque chose, mais finalement ce n'était pas du tout ça, et cela lui fit mal. Et plus quand elle lui affirma qu'elle ne savait pas dans quoi elle était douée.

- Pourquoi ne veux-tu pas redevenir l'adorable et merveilleuse Isy que j'ai connu ? J'ai l'impression que tu fuis, encore. Oui tout le monde veut retrouver l'Isy que tu cherches tant à fuir, mais tu ne te demandes pas pourquoi ?! Peut-être ne te plaît-elle pas, mais elle n'était pas si mauvaise que ça, la preuve j'en suis tombé amoureux. Tu devrais apprendre de ses erreurs et d'en créer une encore meilleure, plutôt que de te cacher derrière une nouvelle toi parce que tu as trop peur de décevoir les autres ...

Tout était sorti d'un coup. Il avait réussi à dire ce qu'il pensait, sans se soucier de l'impact que cela allait pouvoir avoir. Oui il ne pourrait pas se remettre avec elle, même s'il en avait été amoureux, mais il voulait être ami avec Isy et non avec Ann. Mais en attendant d'encaisser ça et de savoir ce qu'allait réellement décider la jeune femme, il préférait la laisser.

- Je suis désolé Isy, mais il faut que j'y aille. J'ai du mal. Pardon ... Ann ... Je te raccompgne jusqu'à ta chambre si tu veux ...

*Si tu veux encore me parler et me supporter avec ce que je viens de te dire*

Une douleur dans la poitrine. Une difficulté à respirer. Contre un peu de vent qui agite ses cheveux. Ça en valait la peine. Tant pis si c’était légèrement douloureux. C’était supportable. Ann avait vu pire ces derniers temps. Alors ça ou un peu d’air frai. Elle avait choisi. Elle cacherait à Monsieur le Médecin Alecto qu’elle n’avait pas complètement un corps guéri. Au moins, ici, elle pouvait plisser les yeux car les rayons du soleil viennent directement dans ses yeux. La blondinette pouvait d’ailleurs sentir la chaleur de l’astre sur sa peau. Elle aimait le soleil, c’était certain. Est-ce qu’Isobel aimait ça elle aussi ? Elle venait d’Angleterre. Petite elle avait passé des journées sur les côtes anglaises, elle avait joué dans le sable avec sa mère. Elle se souvenait de son rire et de la lumière qui inondait sa chevelure blonde. Sinon, la demoiselle ne savait pas si elle était du genre à trainer sur la plage pour le plaisir de bronzer. Non. C’était nul ça ! Ann, enfin la nouvelle, trouver ça ridicule. C’était une perte de temps. Désormais sa vision des minutes qui défile n’était plus la même. Elle avait pu y passer. Le tout en quelques secondes. Un accident s’est rapidement arrivé. Un camion ? Ou une voiture ? La jeune femme ne se souvenait plus de ce qu’on lui avait raconté. Étrangement, elle ne voulait pas s’en souvenir. Comme si son cerveau bloquait volontairement cette zone. C’était trop difficile à voir, à admettre, à assimiler. Alors, en attendant la blonde allait profiter de chaque instant qui lui était offert. Vivre. Réellement. Ne rien gaspiller. Sauter partout, rire, s’amuser, sourire. Vivre. A 200%, elle ne pouvait se contenter d’un simple 100%. Ce n’était pas assez. Elle voulait revivre des premières fois, ce n’était pas la première fois qu’elle se faisait cette remarque. Elle désirait également faire le plus d’expérience possible. Et c’était peut-être cette soudaine inconscience qui la menait dans ce parc à côté d’un charmant garçon qu’elle ne connaissait absolument pas. Alecto. Un ex-copain… Sa main vint soutenir ses côtes. Une ferme pression sur son côté gauche. Quelque chose de discret et de naturel. Et pendant ce temps le jeune étudiant en médecine parlait. Il pensait avoir réussi son année. C’était bien ça ! Il allait avoir ses résultats au mois de juin. Croisons les doigts pour lui. C’est certainement difficile de se voir être recalé malgré des efforts. Ann n’en savait rien mais elle l’imaginait facilement. On se donne à fond pour n’avoir aucune récompense au final. Comme tous les exercices qu’elle fait en rééducation. Ça ne marche pas tout le temps. Sa mémoire en est l’exemple parfait ! Alors on baisse les bras, on est dégouté, on ne veut plus essayer, on abandonne…

« On s’assoit ? » demanda-t-elle en montrant un petit banc en bois du bout du doigt.

Si elle voulait jouer la parfaite malade complètement rétablie, il faudrait qu’elle ne reste pas debout éternellement. La demoiselle ne voulait pas mentir au garçon. C’était simplement une question de fierté et un besoin immense.

« Un petit intello donc… Je suis sortie avec un petit intello à peine plus grand que moi qui se fond sans problème dans l’apparence d’un dieu grec blond et musclé qui a beaucoup d’argent… J’en ai eu de la chance ! »

Elle lui lança un clin d’œil accompagné d’un léger sourire taquin. Il semblait être quelqu’un de bien mais c’est beaucoup plus facile de faire des critiques sous entendant le contraire, plutôt que de beaux et longs compliments… Et puis cette dernière solution, quand elle est dite à un inconnu raisonne souvent faux. C’est du déjà-vu. A quoi bon faire comme tout le monde ?

« J’espère que tu auras réussi ! Moi je pense que je vais devoir prendre une année sabbatique… Ou bien complètement arrêter les cours et chercher un petit emploi quelque part. Je ne sais pas ce que je faisais. Je ne sais pas pour quoi je suis douée. Alors bon… Il faut tout recommencer du début ou jouer à un autre jeu. Ce qui est plutôt difficile comme situation. »

C’était à son tour de parler de ses doutes, de ce qui lui occupe l’esprit. Ann balançait ses jambes dans le vide tandis que son regard était fixé vers le ciel. Ses yeux émeraudes scrutaient les nuages à la recherche d'un signe, d'une réponse... Oh un lapin !

Il trouvait ça de plus en plus bizarre, étrange. Il venait de lui raconter sa vie, comme si elle était une totale inconnue, mais elle ne l'était pas, c'était une personne totalement différente. Il fallait se rendre à l'évidence qu'Isy n'était pas là, non, c'était Ann. D'un côté c'était peut-être une chance de pouvoir tout recommencer avec une fille qui lui plaît et qui est différente de Isy. Mais il sentait qu'elle était là quelque part, et qu'elle n'était pas si différente que cela. C'était une situation vraiment étrange pour lui. Et puis à présent il n'avait plus du tout les mêmes attentes. Peut-être n'avait-il pas été si amoureux que cela après tout ... Peut-être s'était-il voilé la face pour pouvoir passer à autre chose et ne plus souffrir ?! Au final, il avait quand même souffert, parce que même si dans le cas où il n'avait pas vraiment aimé Isy, il s'était vraiment pris d'affection pour elle. Il ne savait pas si cela avait été de l'amour, il ne ressentait vraiment la même chose pour elle et pour Caly'. Peut-être qu'il y en avait une avec qui c'était de la simple amitié, et l'autre du véritable amour, mais en attendant il était sacrément perdu et ne savait pas du tout où il en était. Alors non, il ne se remettrait pas avec la jolie Isy ou Ann avant de savoir vraiment ce qu'il ressent et ce qu'il veut.

La jeune femme fut agréablement surprise quand il lui annonça qu'il était en médecine. Et voilà encore un moment qui lui semblait familier. C'était la même. Elle le faisait toujours sourire avec ses répliques, elle avait toujours quelque chose de plus original et drôle qu'un simple "oui", "non" ou bien "ok". C'était ça aussi qui avait plu au grec, et voilà que ça lui plaisait toujours autant. Mais de là à dire qu'il serait capable de revenir avec elle ... Non, justement par rapport à ça. Cette Isy là lui avait brisé le cœur, et il n'était pas prêt à réessayer. Qui dit qu'elle ne retrouvera pas la mémoire et décide de repartir de nouveau ?! Ou bien et si elle décidait de partir de nouveau sans même avoir retrouvé la mémoire ?! Trop de questions, pour une relation qui devrait être facile, belle et passionnelle. Rien de tout cela n'était présent. Et il ne voulait pas se prendre la tête pour une relation de couple non. Cela avait été dur de faire face aux révélations d'Isy et quelque part c'était peut-être pour ça qu'il n'avait pas vraiment réussi à tomber amoureux d'elle ... Enfin, il n'en savait rien, il ne pouvait pas savoir, vu que maintenant il avait arrêté ses sentiments pour elle, alors comment savoir ce qui était vrai à l'époque ?!

« Tu passes en seconde année, je suppose ? Tu aimes ce que tu fais ?
- Je pense que je vais passé oui, mais je le saurais qu'une fois que mes exams seront corrigés ... Début juin c'est-à-dire. Et sinon oui j'adore ce que je fais, c'est vraiment ma vocation, j'en suis sûr, même si on est surpris quand on me voit au premier abord, et l'impression que je donne aux gens. J'ai tendance à cacher que je suis un bon petit intello. Je suis plus un gosse de riche qui se prend pour un dieu grec. Je le cherche aussi, mais ça me va, au moins on ne me pose pas de questions personnelles ... »

Pour une fois que c'était lui qui avait la papote ... Ils étaient arrivés dans le petit parc et la jeune femme semblait se sentir beaucoup mieux. Malgré le fait qu'il avait eu peur qu'elle sorte prématurément, cela avait été une bonne idée finalement.

Alecto lui serra la main en se disant enchanté. Il enchaîna en parlant de lui. Isobel, ou appelons-la Ann jusqu’au bout, écouter avec attention de petit récit. Il était grec ! Wow ! Elle ne se souvenait pas en avoir vu un jour. Non pas que c’était une espèce. Mais plutôt qu’elle n’avait pas mémoire d’être allée dans ce pays ou bien d’avoir entendu cette langue. En même temps ses souvenirs étaient traitres alors autant ne pas les prendre à partir… Dans tous les cas, elle était enchantée de rencontrer un joli grec. Elle avait eu du goût quand même ! Elle avait eu pour petit copain, un garçon charmant. Bien qu’un peu petit sans doute… Enfin là n’est pas la question. Ann comprit alors pourquoi elle n’avait pas découvert un accent particulier, le jeune homme avait déménagé il y a 5 ans… Il devait avoir quoi ? 13 ans… Ce n’est pas forcément jeune mais c’est assez pour devenir complètement bilingue et s’ancrer dans la culture américaine. Atlanta. Où se trouvait cette ville déjà ? Aucune idée. La blondinette regarderait dès qu’elle en aurait le temps. Et étant donné qu’elle n’a que ça à l’hôpital. Ce soir, elle en saurait sans doute plus sur cette ville.
Alecto parla ensuite d’une certaine Calypso qui était censée être l’une de ses amies. Amie commune à parement. C’était assez rassurant. Même si Ann avait peur de n’avoir plus aucun point commun avec ses anciennes connaissances. Elle n’avait plus les mêmes références, les mêmes repères, les mêmes envies… Sans doute n’aurait-elle aucun sujet de conversation avec des personnes qui pouvaient lui tenir une discussion durant des heures et des heures.
Le jeune homme lui apprit par la suite qu’il n’avait pas des tonnes d’argent, qu’il avait une bourse d’étude et que par conséquent il était intelligent.

« Un médecin ! J’aurais pas cru… Enfin, je ne pouvais pas deviner non plus. Ce n’est pas écrit sur ta tête… J’aurais su j’aurais pas fait ma rebelle de la convalescence ! Même si je peux t’assurer qu’il n’y a rien à craindre. »
Le rassurer, faire croire que tout va bien. Et puis tout allait bien non ? Ils avaient dit qu’elle pourrait prochainement retourner vivre chez elle. Dans tous les cas, retourner en cours ne servirait à rien, elle ne savait même pas ce qu’elle étudiait exactement. C’était peut-être le moment de faire une pause ? Découvrir de nouvelles choses ? Voyager… Non. Ça la tentait mais elle avait à parement fait ce choix dans son ancienne vie. Et voilà où ça l’avait menée ! Mais du coup… L’ancienne Isy avait abandonné les cours, non ? Difficile de savoir ce qu’un autre à fait. Une tout autre personne dont on ne connait rien. Ann avait cette impression d’entendre parler d’une fille à longueur de journée, une inconnue que tous le monde décrit et qu’elle est la seule à ne pas connaître. Alors elle attend de voir le résultat avec une sorte d’impatience et d’appréhension.

Ann prit la direction d’une sorte de petit parc dans l’enceinte de l’hôpital. Il y avait des fleurs, des abeilles, de l’herbe, des bancs… Et surtout un petit vent !
« Tu passes en seconde année, je suppose ? Tu aimes ce que tu fais ? » Devenir médecin, ce n’est pas rien. Il faut en avoir dans le ventre. Une force de caractère à tout épreuve, une capacité à étudier et à ne pas dormir… Bref. La demoiselle en était admirative. Le peu qu’elle avait vu de l’hôpital l’avait étonnée et intéressée. Toutes les histoires, les heures en pleines nuits, les ambulances qui arrivent à n’importe quel moment… Ann avait même sympathisé avec un groupe d’infirmières. A force de les voir, on discute !

Le grec n'était pas sûr que cela soit une très bonne idée, pour sa santé. Mais elle semblait si désespérée, qu'il avait bien vite craqué. Même si elle avait perdu la mémoire, cela ne devait pas l'empêcher de ne pas agir avec elle comme d'antan. Oui ils n'étaient plus ensemble, mais il voulait devenir ami avec elle. C'était la moindre des choses. A moins qu'elle ne décide une fois de plus de partir ... Cela lui ferait encore mal oui, mais sûrement un peu moins, vu que maintenant, il arrivait à se remettre peu à peu de leur séparation. Et puis maintenant, il l'avait retrouvé.
Ils sortirent alors de la chambre, doucement, tranquillement, alors qu'elle lui disait :

« Je ne veux pas te forcer, hein ! Et je ne courais pas, promis ! J’ai juste besoin de voir autre chose. Si tu savais comme les journées sont longues ici ! C’est juste horrible. Le temps passe vite et c’est encore pire quand on n’a aucune personne à appeler. Personne qui vient.
- Je suis sûr que c'est juste parce qu'ils ne sont pas au courant. Tu as des amis, tu sais ... »

C'est là qu'il se rendit compte qu'il n'avait pas rencontré tant d'amis que ça de la jeune femme. Il se comptait sur une seule main. Mais ils étaient là, il en était persuadé. Et puis il voulait aussi la rassurer. Il espérait qu'elle le croit, même le temps d'une seconde, histoire de la soulager un peu sur son ancien "elle". Il ne l'avait pas vraiment connu très entourée, ne sortant avec et la voyant principalement qu'elle.
Il fut ensuite tiré de ses pensées quand elle lui dit :

« Parle-moi de toi. J’aimerai bien faire le contraire mais c’est comment dire… Compliqué ! … Faisons comme si nous ne nous connaissions pas ! Enchantée, je m’appelle Ann.
- Enchanté Ann. Lui répondit-il en lui serrant la main, avant de repartir de plus belle vers la sortie, la jolie Ann à son bras. Que pourrais-je te dire ... Que je suis grec, je suis venu il y a presque cinq ans au États-Unis. Je suis d'abord venu seul, sans ma famille, pour échapper à la douleur de la perte de ma petite sœur. Je me suis installé à Atlanta et j'y ai rencontré Calypso - une de tes amies - puis on est venu à Miami, et ma famille aussi. Heureusement, j'ai eu droit de suite à des bourses parce que je n'ai jamais été riche bien au contraire. J'ai 3 frères et cela n'a jamais été très facile pour s'en sortir. Et depuis un an, je suis en médecine, pour devenir un grand chirurgien un jour ... »

Il lui avait presque tout raconté de sa vie, en un super court résumé. Il espérait qu'elle ait tout capté. Il était allé assez lentement d'ailleurs pour qu'elle entende chacune de ses paroles. Il n'avait eu aucun mal à tout lui dire, lui la connaissait et n'avait pas peur de tout lui dévoiler. Enfin, presque tout.
Le temps qu'il lui dise tout cela, ils étaient arrivés dehors, et attendait les ordres de la demoiselle pour savoir où elle voulait aller à présent, bien qu'il se doutait qu'elle devait déjà être bien heureuse de se retrouver dehors, enfin.

Il fallait que ça marche. Alecto devait accepter ! Ce n’était pas une question de vie ou de mort mais quand même. La demoiselle devait bouger. Et ce, même avec des côtes cassées, un problème pulmonaire, cardiaque, des hématomes et tout ce qui l’avait cloué dans ce lit depuis son accident. Elle devait bouger. Elle voulait se sentir libre, profiter de son corps et de sa jeunesse. Ce n’était pas en restant dans cette chambre que le monde recommencerait à tourner rond. Il ne l’avait pas attendu. Alors Isy pouvait toujours sauter en marche. C’était risqué mais elle n’avait pas peur. Son coma n’avait peut-être pas duré longtemps mais les souvenirs s’étaient bien effacés. L’amnésie. Cruelle réalité. Et si c’était un cadeau ? Les médecins n’arrêtaient pas de répéter que ce ne serait pas long. Que ce n’était que partiel… Mais peut-être pas. Alors profiter. C’était tout ce qu’il lui restait à faire. Et c’est en retrouvant une vie sociale que des éléments reviendront, non ? Elle en était persuadée… Elle le sentait au plus profond d’elle.
Alors oui, le jeune homme ne devait pas réprimander ses désirs. Il fallait qu’il acquiesce. Au pire, elle partirait en cachette plus tard !

Il lui posa des questions. Il n’était pas convaincu par l’idée. La demoiselle regarda les machines qui l’entouraient. On ne verrait pas son absence… Elle n’allait pas non plus sauter sous un camion ! Mince… Cet exemple était très mal choisit. Et si elle avait voulu mourir ? Si elle avait fait exprès de griller un feu rouge ? Peut-être qu’elle… Fichue mémoire ! Pourquoi c’était si compliqué d’avoir des réponses ?
Isobel ne lâcha pas le regard azur du garçon. Elle attendait. Elle n’eut pas à répondre à ses questions car il finit par accepter. Génial ! Isy se retint de faire un petit cri de joie. De toute façon, elle n’en aurait pas eu le temps car une condition fut immédiatement posée. On aurait dit qu’il parlait à une gamine. Une sale gosse qui plus est. Son caractère était-il ainsi ? Le jeune homme avait-il été habitué à des scènes pas possibles pour avoir quelque chose ? Si oui, elle était vraiment nulle. Quel genre de fille de 18 ans fait encore ça ? Enfin, bref. Là n’était pas la question.

Alecto l’aida à se relever. Un pas devant l’autre. Ce n’était pas si compliqué. Elle s’appuya au garçon. Il devait faire 5 centimètres de plus qu’elle. Pas énorme quoi… Elle s’était imaginée comme la fille qui sortait avec des gars grands. Et bien non. Enfin, il faisait plus d’un mètre soixante-quinze, c’était déjà ça. Un peu plus que sa propre taille. Enfin. Ce n’est qu’un détail.

« Je ne veux pas te forcer, hein ! Et je ne courais pas, promis ! J’ai juste besoin de voir autre chose. Si tu savais comme les journées sont longues ici ! C’est juste horrible. Le temps passe vite et c’est encore pire quand on n’a aucune personne à appeler. Personne qui vient. »

Elle parlait tout en marchant. Pas très vite mais c’était déjà ça. Chaque respiration compression un peu sa poitrine. Ce n’était pas évidement, mais elle ne voulait rien montrer. La douleur est un prix à payer. Un prix pour un minimum de liberté. Alecto avait-il eu lui aussi de la douleur à la voir ici ? Certainement… Mais ce prix-là, que lui avait-il apporté ?

« Parle-moi de toi. J’aimerai bien faire le contraire mais c’est comment dire… Compliqué !»

Elle le regarda un instant avant de se concentrer à nouveau sur ses pieds.

« … Faisons comme si nous ne nous connaissions pas ! Enchantée, je m’appelle Ann. »

Isobel s’arrêta pour lui tendre la main et la serrer. Peut-être qu’en entendant à nouveau des choses qu’il lui avait probablement dite auparavant, tout reviendrait. Ou certains éléments… Qui sait ?
Pourquoi Ann ? C’était à parement son second prénom. Ça faisait vieillot mais la demoiselle aimait bien. Il y avait un contraste avec le Isobel que tout son ancien entourage connait.

C'était bizarre. Elle avait beau avoir perdu la mémoire, elle semblait la même. Elle avait donc toujours eu ce caractère ?! Il s'était peut-être un peu plus atténué avec le temps, mais elle semblait toujours joyeuse, motivée, fraîche, avide de sensations et d'adrénaline. Son humour devait être dans le coin aussi. C'était dur, cela lui faisait mal. Mais il ne devait pas abandonné, il devait résister, pour elle. Pour eux.
Depuis qu'il avait perdu sa petite sœur, tous les sentiments amoureux qu'il avait pu avoir (à savoir que deux...) il avait eu mal. C'était bizarre à expliquer et à comprendre, mais c'était comme s'il revivait le même amour, en un peu moins fort. Son cœur reconnait cet amour et il pense de suite à la souffrance que cela a pu lui causer, alors il a mal. Et ce sentiment si fort se transforme en souffrance. C'est dans ces moments-là qu'on se rend compte que ces deux amours ne sont pas si éloignés l'un de l'autre.

Isobel lui avait donc demandé, voire même supplier, de la faire sortir, tout de suite, pour qu'elle prenne l'air :

- Heu ... Tu as le droit ?! Tu es sûre que tu en as la force ?!

Il était septique. Il voulait lui faire plaisir mais il avait peur pour elle. Cependant il savait très bien qu'elle n'allait pas abandonner et qu'elle risquait de lui faire un caca nerveux, ainsi qu'une sacrée scène et qu'elle risquait ne plus vouloir le voir. Bon. Il n'avait donc pas le choix.

- Ok ... Mais à une condition ! Tu me prends le bras, tu t'appuies sur moi, et interdiction de courir !

Ajouta-t-il en lui souriant. Il avait capitulé bien facilement, mais il n'avait jamais bien réussi à lui résister depuis qu'ils se connaissaient. Le même schéma risquait de se reproduire, mais il s'interdisait de retomber dans ses bras, de lui redonner son cœur pour qu'elle puisse de nouveau le mettre en mille morceaux. Même s'il savait qu'au fond, elle ne l'avait jamais fait exprès.
Il se leva et l'aida à s'asseoir et à se mettre debout. Ils étaient fin prêt pour affronter l'air frais.

Le garçon lui répondit que l’ancienne Isobel parlait beaucoup également. Vraiment ? Son caractère n’avait donc pas changé… Était-ce vraiment une bonne chose ? C’était la fameuse Isy qui avait tout plaqué. C’était cette fille qui avait préféré penser à son avenir plutôt que vivre son présent. S’amuser et profiter de la vie. Voilà ce qu’elle voulait. Elle voulait vivre, respirer, rire, s’amuser. Profiter. C’était ce à quoi la vie devrait ressembler. Ne pas subir de pression. Ne pas se préoccuper de ce que peuvent penser les autres de vous. Elle voulait être heureuse. Elle n’avait pas souvenir de l’avoir été. Isy n’avait en réalité aucun souvenir. Mais ça… Non. Une minuscule parcelle de bonheur dans son cœur. Elle ne la trouvait pas. Peut-être avait-elle vécu la mauvaise vie. Elle avait grandi trop vite. De ce qu’on lui avait raconté. Sa façon d’aider sa mère à grandir. Et elle avait à parement eu un enfant. Ça change tout ça, non ? Elle ne savait pas. Elle aurait dû savoir. La blonde ne savait même pas si un jour elle pourrait de nouveau être une mère. Ça semblait fou. Elle se réveille. Elle ne se souvient que de son cinquième anniversaire dans les moindres détails. Et à côté de cela, on lui dit tout ce qu’elle a pu vivre.

Alecto lui souhaita de retrouver rapidement la mémoire. Ouais… C’était gentil. Mais pas forcément bon. Isobel avait le sentiment que lorsque cela se produirait, elle serait triste. Et même plus que ça. Des préoccupations. Des regrets. Des larmes. De la haine. Des regrets encore et encore. C’était ce qui l’attendait quand tout reviendrait. C’était vraiment bon ?

Le charmant étudiant la prévint qu’il ne lui en demandait pas plus. Sa déclaration était une manière détournée pour lui faire comprendre qu’il ne voulait pas la récupérer. Même lui, elle n’avait pas réussi à le garder avec elle. Il ne voulait pas tout reprendre depuis le début. C’était si compliqué que ça entre eux ? Elle était si difficile à supporter ? Il avait eu un peu d’air durant son absence. Il avait retrouvé la vie. C’était ça, non ? Il réussissait à respirer depuis qu’Isobel A. Wilson avait disparu. Il vivait. Enfin. Sans elle. Il ne fallait pas qu’elle se souvienne. C’était la seule solution pour qu’il soit heureux. Il fallait supprimer l’ancienne. Rien que pour lui. Il semblait gentil.

« Très bien. Je retiens ça. Mais dis-moi, ça te dirait de franchir un peu les normes de cette hôpital ? Je sortir ? Partir de la chambre. Hop ! Prendre un jean et courir ! Bon… Je ne pense pas que j’arriverai à respirer. Mais si tu veux bien faire quelque chose pour moi, sortons ! »

Elle le regarda d’un petit air suppliant. Elle s’approcha et battit des paupières.

« S’il te plaait ! Je veux de l’air moi aussi !»

« Déso.. Je parle beaucoup.
- Au moins une chose qui est resté de l'ancienne Isy ... »

Elle avait encore fait un des ses légendaires monologues. Cela l'avait fait sourire aussi. Il se sentait mieux. Bien qu'il s'était senti bizarre quand elle lui avait dit que sa mémoire pouvait très bien revenir, que ce soit dans quelques mois ou bien dans quelques années. C'est alors qu'il se rendit compte de quelque chose ...

« J'espère que tu retrouveras vite la mémoire alors, bien que tu ne sembles pas en avoir très envie en ce moment et que ce qui te préoccupe le plus c'est de sortir d'ici, c'est normal ... »

Il ne voulait pas absolument qu'elle se souvienne de lui pour qu'il sorte de nouveau ensemble. Il se sentait mieux. Il avait réussi à tourner la page. Il se sentait libre. Comment était-ce possible ?! Sûrement avait-il trop souffert, pendant et après leur relation, même si au fond ils avaient vraiment été heureux ensemble, et que c'était sans doute ce qu'il allait retenir de cette relation. Sa première vraie relation.

« Sache que si tu as besoin de quoique ce soit, je serais toujours là pour toi. Et ne t'inquiète pas, je ne t'en demandes pas plus. Ne te forces surtout pas à te rappeler de moi. Je ne pourrais pas tout reprendre dès le début, je n'en serais pas capable. Mais j'espère que tout ira bien pour toi, et que tu te sentes vite mieux et en pleine forme. »

Il ne savait pas quoi dire d'autres. Il s'était vraiment rendu compte qu'il ne pouvait pas l'attendre. Il se sentait capable de tourner la page et de passer à autre chose. Mais de là à ne plus du tout l'avoir dans sa vie, ça il n'en était pas capable non. Il l'avait aimé et il respectait ça. Peut-être l'aimait-il toujours, mais cela ne changeait rien, il voulait tourner la page. Il avait été faible bien trop longtemps, et ce n'était pas demain la veille qu'il allait se caser de nouveau. Alecto le séducteur était de retour, et pour de bon.

Elle sentit sa main être un peu plus comprimée. Son sang n’allait bientôt plus pouvoir circuler ! C’était sans doute la manière à ce jeune homme d’attirer son attention, de la retenir contre lui. Pour ne pas qu’elle parte encore ? Comment avait-elle pu ? Non. Franchement… La fille qu’elle était avait fait souffrir beaucoup trop de personnes. Et elle n’avait eu que trois visites ! C’était suffisant pour se faire une idée. Une vague idée, certes. Mais quand même ! Les personnes qui tenaient le plus à elle : sa mère, son fils, et ce Alecto. Trois personnes qui lui avait dit qu’elle était partie du jour au lendemain pour une ville à des kilomètres. New-York. Isobel ne savait même pas à quoi ça ressemblait. Elle était où déjà ? Miami. C’est bien ça ? Il se passe quoi dans cette ville ? Elle n’y était pas née. Non. Elle se souvenait de l’Angleterre. Son quartier à Londres et sa balançoire préférée dans un petit parc. Cette image revenait facilement. Mais le reste… Ce à quoi ressemblait cette ville en dehors de l’hôpital. Quel visage a son meilleur ami. Comment ses profs parlaient-ils en cours. Rien. Elle avait un fils mais ne se souvenait même pas de sa naissance. Il ne lui ressemblait pas trop. Qui était son père ? Devait-elle l’élever. Devait-elle le prendre dans ses bras ? Devait-elle aimer Alecto ? Ils étaient ensemble avant que tout cela ne se produise. Mais les sentiments. Ils avaient disparus ? Ça ne peut pas partir comme ça… Pourtant c’était un inconnu qui était là, à côté d’elle. Il lui disait de ne pas d’excuser. Elle avait eu une vie difficile. Vraiment ? Et c’était une raison pour prendre l’air en laissant tout derrière soi ? C’est égoïste comme réaction. Elle ne pensait qu’à elle. Le jeune homme aurait été fier qu’elle devienne un grand mannequin. Elle travaillait donc là-dedans ? C’était ça… C’était le genre de fille à se priver de nourriture et à poser nu pour une photo ? C’était bizarre de s’imaginer ainsi. Isy aurait adoré entendre dire qu’elle était une fille super intelligente qui avait gagné le grand concours de sciences du lycée à deux reprises. Elle aurait aimé voir des tas d’amis défiler à sa porte. Quelqu’un lui dire qu’elle lui manquait et qu’elle devait à tout prix sortir de cette chambre pour tester un nouveau sport de l’extrême. La blondinette aurait aimé que quelqu’un, au lieu de s’attarder sur son passé, essaye de lui créer un présent. Elle voulait vivre. Elle voulait sortir de sa chambre, enfiler des vrais vêtements et courir les cheveux au vent. Elle voulait rire, pleurer, manger, boire, s’amuser, crier, chanter… Elle voulait rattraper le temps oublié. Peut-être qu’il reviendrait. Mais en attendant, elle ne voulait pas rester bloquée. C’était trop difficile. Un combat qu’elle se sentait perdre. Aucune minute n’était bonne à perdre. Mais là aussi c’était égoïste. En agissant ainsi, elle laissait tomber toutes les personnes qui aimaient l’ancienne Isobel. Comme Alecto. Il fallait donc conclure qu’elle ne pensait qu’à sa petite personne. Nulle. Vraiment nulle.
Et puis, son corps de mannequin ne lui plaisait pas vraiment. Sa poitrine lui semblait minuscule, son corps osseux et élongé. C’était vraiment ce qui avait plu à ce garçon ? Parce que… Quelques petites rondeurs en plus, ça ne serait pas trop mal, non ? Au moins pour remplir un jean, taille 38 !

Le blond continua en lui assurant qu’elle n’était pas méchante. C’était déjà ça. Ça retirait un défaut de la longue liste. Plus elle parlerait avec des anciennes connaissances, plus elle pourrait en enlever. Ou en rajouter, qui sait ! Il regrettait d’être le seul à se souvenir de l’année passée. Douloureux. S’il savait ! C’était aussi douloureux pour elle !

« Les médecins ont dit que ça reviendra… Ce n’est jamais définitif. Mais tout dépend des personnes, ça peut être en quelques mois comme en plusieurs années. Et rassure-toi, enfin non ça ne te rassurera certainement pas, mais c’est douloureux pour moi aussi. Je vous vois arriver avec tellement d’attentes et je fais tout effondrer en prouvant que je n’ai pas avancé d’un pouce. Je suis bloquée à ma sixième année. J’essaye. Vraiment. Mais ça ne vient pas. Ma mère me montre des photos… Le pire c’est le petit Wyatt. Il ne comprend absolument pas ce qui se passe. Je ne sais pas comment agir. Je ne sais pas ce que l’Isobel que vous connaissez tous si bien aurait dit. Vous me connaissez mieux qui moi-même. J’ai l’impression d’être enfermée dans un corps qui n’est pas le mien. Et c’est vraiment horrible. J’ai tellement peur que ça ne revienne jamais… Que je reste bloquée comme ça. Je n’ai plus de passée. Je n’ai pas de présent à force d’être enfermée dans cette chambre. Et je n’ai aucune idée de ce qui se passera demain ou après-demain. Je n’ai donc pas de futur. Mais je vis quand même, en mettant mes proches dans des situations douloureuses… Ça craint.»

Ses gestes accompagnaient ses mots, ses soupirs également. Isobel bougeait sur son lit. Elle se sentait coincée. Dans deux ou trois semaines, ils la relâcheront. Sa côte cassée s’en sortait mieux. Il fallait qu’elle respire lentement. Chose difficile à faire lorsque l’on parle dans des monologues à couper le souffle.

« Déso.. Je parle beaucoup. » dit-elle avec un minuscule sourire.

Elle s'excusait. Encore une fois. Oui elle avait perdu la mémoire, et elle regrettait tout ce qu'elle avait été dans le passé. Mais elle ne devait pas, il n'y avait aucune raison, elle n'y pouvait rien. Alecto serra sa main un peu plus fort, pour ajouter sa deuxième main au dessus de celle de la blonde et lui répondit :

« Pourquoi t'excuses-tu encore ?! Tu as vécu tellement de choses durant ta vie, tellement de douleur et d'horreur, que tu as eu besoin de prendre l'air, du recul, pour y voir de nouveau plus clair ! Ne t'excuse pas pour quelque chose dont tu ne te souviens plus. Tu as eu une belle opportunité, tu en as profité voilà tout. J'aurais été sacrément fier si tu étais devenu un mannequin super connu ! »

Il lui avait fait un large sourire, lui faisant comprendre qu'elle ne devait en aucun cas culpabiliser pour sa perte de mémoire, et s'excuser de quelque chose dont elle n'avait pas le souvenir. Car tout ce qu'il lui avait dit, il était pratiquement sûr que c'était pour ces raisons là qu'elle avait voulu saisir cette opportunité. Il savait qu'elle aimait sa mère, son fils et son petit-ami. Mais elle avait eu besoin de partir, et lui aussi quelque part. Mais pourquoi lui aussi ?! Il lui avait déclaré sa flamme, il avait très bien compris ce qu'il avait ressenti pour elle. Ce n'était pas possible que la flamme se soit éteinte aussi vite si ? Peut-être que si, peut-être s'était-il fait une raison quand elle avait décidé de partir. Peut-être que son passé à lui, sa personnalité qu'il avait refoulé pour elle, était bien vite ressorti.

« Tu n'es en aucun cas une personne méchante, et tu ne l'as jamais été, je peux te l'assurer ! Peut-être que c'était ce qu'il nous fallait après tout. On a passé une superbe année, sache-le ... Même si ça fait mal d'être le seul à s'en souvenir ... »

C'était ça oui le plus douloureux. De se rendre compte qu'il était le seul à se souvenir de tant de bons moments, de tant de première fois avec elle. Comment pouvait-elle avoir oublié ?! C'était tellement sadique de la part du destin. Et songer que tout était à refaire, que tout pouvait recommencer à zéro ... Cela aurait pu être envisageable et pourquoi pas agréable, mais il en avait pas la force, ça lui faisait trop mal.

Isobel sentait toujours le contact avec le jeune homme. Sa main tenant la sienne. Même après de pitoyables excuses. Il prit la parole. Il lui avait promis quelque chose. La demoiselle ne comprenait pas tout, mais elle essayait d’y croire. Après tout on ne ment pas sur ces choses-là, pas vrai ? Elle était partie. C’était certain. Où ? Aucune idée. C’était peut-être cette histoire avec New-York. Son transfert ici… Le garçon avait marqué des pauses au moment de dire cette partie de la phrase. Avant qu’elle parte. Il lui avait promis de ne jamais l’abandonner. Avant qu’elle parte. Tout avait changé depuis ? Qu’avait-elle pu faire ? Qu’est-ce qui pouvait faire douter un type aux allures si sûr de lui.

« Tu dois te demander qui je suis ... Je m'appelle Alecto. On a été ensemble dans le passé. Mais tu as décidé de partir pour New York. Je ne t'ai pas retenu, même si on était encore ensemble ... Je suppose que j'aurais dû ... Je suis désolé ... »

Alecto. Il s’appelait Alecto. Même si ce prénom avait une jolie consonance, il ne rappelait absolument rien à Isy. Ou peut-être vaguement une robe rouge. Mais ça semblait trop bizarre comme rapport. Elle chassa donc le vêtement de ses pensées. Son esprit devait divaguer. Elle se concentra plutôt sur ce qu’il venait de lui apprendre. Ils avaient tous les deux été en couple. Alecto était un beau garçon. Vraiment. Il avait du charme et un certain charisme. Ça ne se voyait pas dans cette situation, mais il avait le look de ce genre de personnes. Celui que tout le monde admire, populaire et avec toutes les filles à ses pieds. Et elle ? Isy était-elle aussi populaire ? Ou c’était une petite-amie invisible qui n’a pas assez de prestance pour être élue reine de promo ? C’était l’intrigue d’un épisode d’une série qu’elle avait regardé hier. Des lycéens qui ont des vies impossibles. Isobel avait du temps à perdre, alors quand elle ne faisait pas d’exercice, elle regardait la télévision. Là, contre le mur, surplombant le lit. Ça lui réapprenait certains moments de la vie. Des choses qu’elle avait sans doute vécu. A un moment ou à un autre. Est-ce qu’elle pourrait sans souvenir un jour ?
La blonde tourna à nouveau son regard vers Alecto.

« Je dois vraiment être stupide pour être partie comme ça. Je devais avoir des raisons, non ? Enfin… Je sais pas mais quitter les gens qu’on aime pour être seule. C’est bizarre. T’es pas bien. Ma mère n’est pas bien. Et moi. Je me sens bête. Je ne comprends rien à ce qui a pu se passer. J’étais si égoïste que ça ? Je… Je peux pas redevenir comme ça…»

Elle était déçue. Elle pensait qu’elle allait découvrir une personne géniale. Mais plus on lui décrivait des choses qu’elle avait faite, moins elle comprenait cette Isobel Ann Wilson.

« C’est moi qui suis désolée, si je t’ai causé du chagrin ou ce genre de choses. Ce… Ce n’était certainement pas mon but. Je ne me connais peut-être pas… Mais je sais au fond de moi que je ne suis pas méchante… Je… Pardon. »

Elle sentait le chagrin l’envahir encore une fois. C’était trop dur.

« Bonjour…» lui avait-elle dit alors qu'il venait de lui prendre la main. Ce simple bonjour, cette incompréhension dans ses yeux, ... Cela fit revenir Alecto un peu trop vite à la réalité. Il croyait quoi ?! Que la mère d'Isy s'était un peu trop emportée, et qu'elle avait cru que sa fille avait perdu la mémoire, mais que des récents évènements. Pas tous. Toute cette année a la passer avec elle, à la draguer du mieux qu'il pouvait, à la rendre heureuse, à faire des sacrifices, à arranger beaucoup de choses, à tomber amoureux, ... Tout ça, pour ... rien. Tout était fini.

Il voyait bien qu'elle se sentait mal et « Je suis désolée.» désolée, oui c'était ça. Ça se lisait dans ses yeux. Son cœur avait eu l'impression de s'arrêter. Tout s'écroulait autour de lui. Ce n'était plus la même. Ce n'était plus la femme qu'il avait aimé. Peut-être était-elle encore là, enfoui au plus profond d'elle, et qu'il fallait un peu de patience et de courage pour faire ressortir tout cela. Cela allait mieux. Il comprenait maintenant. Oui il l'aimait. Il l'avait aimé. Il était passé à autre chose. Il se croyait encore amoureux dès qu'il était entré dans la chambre, mais maintenant tout était clair. Il ne lâcha pas la main de la jeune femme :

« Je t'ai promis quelque chose avant ... que tu partes ... Jamais je ne t'abandonnerai, je te le promet ... »

Bien qu'il était passé à autre chose, et qu'il se sentait incapable de revenir avec Isy, il savait qu'il serait toujours là pour elle, surtout avec ce qu'il venait de lui arriver. Il ne pouvait plus supporter les mensonges qu'elle avait pu lui faire, même s'il lui avait pardonné, et il n'avait pas supporter l'idée qu'elle l'abandonne, même s'il ne l'avait pas retenu et même si elle avait eu un accident. Cependant, il lui avait fait une promesse.

« Tu dois te demander qui je suis ... Je m'appelle Alecto. On a été ensemble dans le passé. Mais tu as décidé de partir pour New York. Je ne t'ai pas retenu, même si on était encore ensemble ... Je suppose que j'aurais du ... Je suis désolé ... »

A présent il s'en voulait de ne pas l'avoir retenu. S'il l'avait fait, il ne serait pas là en train de la regarder, complètement absente. Et elle, elle pourrait être à New York, comme si tout cela ne s'était pas passé. Seulement, ce n'était pas le cas.

La porte s’ouvrit, lentement. Les yeux de la jeune femme étaient rivés sur la poignée. Il fallait qu’elle voie de qui il s’agissait. Elle avait toujours envie d’avoir un déclic. Peut-être que cette personne était la providence. Ou bien c’était sa dite mère. Ou simplement une infirmière. Ou encore un médecin qui vient vérifier l’état de ces pupilles et l’activité de son cerveau.
C’était un garçon. Un jeune homme. Il était extrêmement beau. Il avait des cheveux blonds, un peu cendrés par endroits. Il était assez grand comme ça, dans l’encadrement de la porte. Il semblait musclé. Il avait de l’allure. Ses vêtements lui allaient parfaitement, la bonne coupe pour le mettre en valeur. Il vint s’asseoir à côté du lit. Sur une chaise qu’il rapprocha. Il offrit un sourire à la jeune femme. Un beau sourire, que l’on pourrait qualifier d’éclatant. Sa dentition était parfaite. Il ressemblait à un charmeur. Un mec comme dans les magazines qu’ils vendent à l’hôpital. Ceux que sa mère avait achetés pour qu’elle s’occupe. Toutes les histoires de stars ou de tendances ne l’intéressaient pas. C’était même ennuyant. Qui pouvait lire ce genre d’article et en être captivé ? Cet été ce sera monochrome et blanc pour tout le monde. Génial. Qui ça intéresse ? Isobel ne comprenait pas vraiment. Peut-être parce qu’elle était enfermée dans une chambre à l’écart du monde… Qui sait ?

Le garçon vint lui prendre la main. Ce contact fit battre son cœur. Il avait la peau douce et les mains chaudes. Plus chaudes que les siennes. Il était venu fixer son regard dans celui émeraude de la demoiselle. Isobel le fixait. Elle essayait de voir au travers de ces deux iris bleu océan. Mais rien. Pas de réponse. Il la connaissait et elle… Elle était seule. Sans personne. Son visage était certes agréable à regarder. Son contact la faisait légèrement vibrer. Mais qu’est-ce que cela signifier ? Son frère ? Son meilleur ami ? Son amant ? Un inconnu ? Un camarade de classe ? Son petit-ami depuis toujours ? Un ex qui était resté en contact ? Il avait su pour elle… Quelqu’un lui avait dit. Il devait donc être important, non ? Mais que dire ?

« Bonjour…»

C’était trop dur. Elle essayait de se souvenir. Elle se concentrait. La blonde dépensait toutes ses forces. Elle cherchait encore et encore. Mais rien ne venait. Rien ne viendrait plus jamais. Elle allait voir de la déception sur le visage du jeune homme. Comme la première fois que cette femme était venue. Celle qui ressemblait à sa mère, sans qu’Isy en soit persuadée. Elle allait voir les muscles de la mâchoire de l’inconnu se crisper. Il lâcherait sa main et lui raconterait sans doute quelque chose qui les relie. Plein d’espoir. Puis rapidement il baisserait les bras. Et il sortira de sa chambre. Il ne reviendra plus jamais. Alors que la blessée resterait là. Seule.

Isobel détourna la tête pour fixer la fenêtre de l’autre côté. Elle regarda le ciel et sentit une larme glisser sur sa joue. C’était trop dur, trop douloureux tout ça…

« Je suis désolée.»

Isy. Elle était partie. Elle avait décidé de l'abandonner. C'était fini. Vraiment fini. Il ne la reverrai peut-être jamais. Cela faisait à peine quelques jours qu'elle était partie mais il avait l'impression que cela faisait des siècles. Il n'avait pas voulu la retenir. Il voulait qu'elle profite de la chance qu'elle avait. Elle pouvait voyager et faire du mannequinat. N'importe quelle personne en aimant une autre ne l'aurait retenu. Il l'avait laissé partir, par amour. C'était une conception des plus étrange de l'amour, mais quand on aime quelqu'un, on est pas égoïste et on pense davantage à l'autre, plutôt qu'à soi-même. C'était la deuxième fois qu'il laissait partir quelqu'un par amour. Et cela lui faisait mal. Cela l'avait blessé. Il avait du mal à s'en remettre. Un deuxième faisait davantage de ravage qu'un premier.

Il était un peu perdu, mais avait repris sa vie en main. Il n'avait pas le choix après tout s'il voulait réussir ses examens de première année. Il devait les réussir, pour toutes les personnes qu'il aimait sur cette Terre et sur le monde qui l'attendait une fois qu'il en aurait fini avec celui-ci.
C'est alors que son téléphone sonna. Il était en train de réviser. Heureusement son prochain partiel n'était que dans deux jours et il avait encore le temps de se laisser distraire. Et il fut extrêmement soulagé d'avoir répondu. C'était des nouvelles d'Isy. C'était sa mère à vrai dire. Il ne comprenait pas. Que se passait-il ? Il s'inquiéta alors par réflex. Elle était à l'hôpital. Ici. A Miami. Putain ! Non ! Ce n'était pas possible ! Heureusement elle était en vie. Mais d'après sa mère, qui était en larme au téléphone, c'était comme si elle était partie. Elle espérait que cela ne soit que passager, lui avait-elle dit. Il n'avait pas tout de suite compris à cause du choc, mais il fit vite le rapprochement. Merci les études de médecine.

Il devait aller la voir. Au moins pour savoir comment elle allait et dans quel état elle était. Il appréhendait. Elle n'allait pas le reconnaître, mais au fond de lui il y croyait tellement. Il se sentait fort pour surmonter cela et retrouver la femme qu'il aimait. Il frappa à la porte. Elle lui dit d'entrer. Il ouvrit la porte et la vit allongée sur ce lit, toujours aussi belle. Mais tellement différente. Il s'était approché d'elle, s'assit sur la chaise d'à côté, lui fit don plus tendre sourire, content de la revoir et lui prit la main. Son regard. Il était tellement vide. Elle ne le reconnaissait pas.

Lui dire au revoir. Ce fut l’une des choses les plus difficiles à faire. Et pourtant j’en ai eu des épreuves à passer. Je ne lui ai pas encore avoué le secret qui entoure Wyatt. Je ne sais pas si je le ferais. Il a déjà eu du mal à l’accepter comme étant mon fils. C’est toujours compliqué c’est truc là. Ça me dépasse un peu. Un peu trop. Alors Alecto risque d’être noyé dans tout ça. Bon. Je lui ai dit que je partais à New-York. Un contrat. J’allais devenir l’égérie d’une marque de vêtements. Un nom assez connu. Des pages dans les magasins, des shootings, des galas, des défilés. C’était la grande porte qui s’ouvrait. Non, je n’ai pas envie d’abandonner mes études et de faire ce métier. Ça n’a jamais été mon rêve. Mais c’est une opportunité à saisir. Jamais je n’aurais le luxe d’aller en Australie, en France, à Milan comme ça. Je verrais moins mon fils. C’est le seul problème. Ce n’est pas un petit problème. Mais je ne peux pas me permettre de l’emmener. Au moins, à Miami il a une grand-mère, une maison, une école et des copains. Il ne faut pas bouleverser son univers. Je ne peux pas me le permettre !
J’ai donc pris la route pour New-York laissant derrière moi un petit ami, une mère et un fils.

Son regard analysa la chambre. Ça faisait une semaine qu’elle était ici. En observation. C’était ce que disaient les médecins. Isobel ne savait pas si c’était utile. A parement, elle était restée plusieurs jours à New-York. C’est ce qu’ils lui avaient dit. Dans le coma, ils n’avaient pas réussi à avoir ses papiers. Il avait brûlé dans la voiture quand cette dernière avait explosé. Isy ne se souvenait même pas de ça. A parement c’est à l’aide de témoin, une fille d’une agence de mannequin était dans une voiture derrière. Ou qui la suivait… La demoiselle avait écouté ça d’une oreille distraite. Elle essayait de se souvenir. C’était devenu le seul but de ses journées. Il n’y avait que son enfance. Juste ça qui revenait facilement. Mais le reste… Comme si sa vie s’était arrêtée après ses six ans. Tout ça à cause d’un coma. Isobel. C’était son prénom. Elle ne savait pas ce qu’elle aimait. Quels étaient ses goûts ? Comment étaient ses amis ? Avait-elle déjà sauté en parachute ? Tout. Tout était parti à cause d’un accident qui mena à un coma.

Je suis en train de suivre la voiture d’un mannequin. Elle m’emmène à l’appartement des filles. J’aurais une chambre pour moi, un dressing et une salle de bain à partager. Elles ont l’air sympa les filles. Certaines sont encore gamines dans leurs têtes et j’ai peur d’être trop mature pour apprécier leurs soirées à répétition. On verra bien. New-York n’est pas une ville pour les voitures. Trop d’embouteillage. Du coup, je passe mon temps au téléphone avec ma mère.

On lui apporta à manger. Une purée de carottes. Bizarrement cette odeur lui rappelait vaguement quelque chose. Aucune idée de ce que cela pouvait être exactement. Peut-être avait-elle eu une histoire avec ça… En tout ça ce n’était pas trop mauvais, pour de la nourriture d’hôpital.

«Vous avez une amnésie rétrograde. Nous gardons espoir que ceci n’est que post-traumatique. Vos souvenirs les plus anciens sont les mieux conservés. Il faut que vous travailler Mademoiselle Wilson. Ne vous découragez pas, tout n’est pas perdu ! Pour vos constantes, vous êtes très bien. Votre genou ne vous fait pas trop mal ? Je vois que la guérison est assez rapide. Vous avez de la chance de ne pas avoir de membres brisés à part ce bras gauche.»

Il disait le meilleur. Des centaines de bouts de faire s’étaient enfoncés dans sa peau. Un d’entre eux c’était niché tout près de son cœur. L’opération avait sans doute dû être compliquée. Comme si elle pouvait s’en souvenir ! En tout cas, ça avait réussi. C’était le principal, non ? Se réveiller ne pas savoir qu’elle est notre nom est la pire des choses qui puissent arriver. Se découvrir dans un miroir… Entendre le son de sa voix… C’est horrible.
Une infirmière entra. Tout se déroula comme d’habitude, prise de sang, mots échangés… Elle semblait plus familière que cette femme qui venait parfois. Sa mère a parement. Elle ne l’avait pas vu beaucoup et à chaque fois, elle était en larme. Le pire fut la première fois. Quand elle s’assit sur le lit et commença à parler. Isobel avait lancé un vulgaire « Qui êtes-vous ? » La tristesse avait été visible dès ce moment là. C’était horrible. La jeune femme avait l’impression d’être dans un corps qui n’est pas le sien. Elle se souvient désormais de sa mère. Son visage a juste changé. Il n’est pas le même que dans ses souvenirs. Lointains souvenirs.

Je dois prendre la voiture pour se rendre dans une banlieue du New-Jersey. C’est là-bas qu’une séance photo avait lieu. Je suis toute excitée. C’est mon troisième jour dans la ville et déjà j’ai l’impression de renaître. Mon téléphone sonne. C’est ma mère. Encore. Un sourire vient se niche sur mon visage quand je décroche.

«Allô maman ?»
«Ma belle ! Tu vas bien j’espère !»
« Bien et toi ?»
«Ça va, un peu fatiguée mais c’est Wyatt, il réclame ça maman. Il n’est pas facile. Je viens de le déposer à l’école, là.»
« Et ce n’est pas trop dur le soir ? Il se couche facilement ? »
« Oh… Ba tu le connais le petit loup !»
«Vous me manquez ! Horriblement. Tous les jours. A chaque instant. »
«Tu viendras ce week-end ? Je te paye l’avion !»

La conversation continue plusieurs longues minutes. Quand une seconde d’inattention déclencha tout. Le temps de dire : crocodile. Et un camion. Un camion arrive sur la gauche. Je n’ai pas vu le stop. Un simple stop et ma vie bascule. Des tonneaux. Le sol et le ciel se mélangent. Tout est confus. Puis trou noir.
Le chauffeur s’est arrêté, il m’a sorti de la voiture, quelques minutes plus tard cette dernière explosé à cause d’une perte d’huile. J’étais inconsciente, les secours étaient prévenus. Personne ne me connaissait.


Et aujourd’hui, Isy ne connaissait personne. Triste basculement. On frappa à la porte.
« Entrez !»