See, Zic and Sun. [Clémentine]

Dies irae, Dies Illa...

Je faisais, depuis quelques jours, écouter des classiques à ma fille, pour lui faire comprendre la raison pour laquelle elle portait ce nom si peu commun. Je lui fis écouter Mozart à n'en plus finir. La petite musique de nuit. Le Requiem inachevé. La flûte enchantée, la Reine de la nuit. Je lui fis écouter les symphonies de Beethoven, les concertos pour piano de Liszt, les comédies-ballet de Lully, les tragédies en musique. Je lui fis découvrir les époques, lui montrais les tableaux des compositeurs, posais sur ses petites mains délicates les cordes de mon violon, et de mon archet lui jouais l'Hiver de Vivaldi. Oui, un véritable bonheur pour moi que de montrer à mon enfant de deux ans et demie la joie que j'éprouvais en jouant de la musique. Elle n'écouterait jamais ces stupides comptines pour enfant. Mes histoires du soir ne concerneraient pas le Petit Chaperon Rouge ou Blanche Neige, non, mais les anecdotes. La rivalité entre le Vilain Salieri et le Gentil Mozart. J'allais la faire entrer dans mon monde, je lui offrais mon coeur et mon âme sur un plateau d'argent, et ses petits yeux malicieux découvraient avec une curiosité toute entière l'univers qui s'offrait à elle, si vaste et si plein de rêves. Trop petite pour en connaitre les subtilités, elle se contentait seulement de classifier les musiques. Celles "qui font peur" celles "qui sont nulles" celles "qui sont drôles" et celles "qui donnent envie de pleurer". Dommage pour moi, le troisième mouvement de l'Hiver faisait partie des musiques "qui sont nulles" pour Sonata. Je lui proposais d'apprendre un instrument, elle me dit avec une intelligence particulière "Suis trop petite man." Je lui apprenais l'anglais et l'Espagnol, et elle se débrouillait comme un chef, si ce n'est que mon inspecteur avait plutôt tendance à me jeter des coups d'oeils meurtriers lorsque Sonata se mettait à gambader dans tout l'appartement en hurlant "cabron, cabron, cabron !" d'un ton joyeux. J'avais beau la réprimander, cela ne changerait jamais. Lorsque je lui avais demandé pourquoi elle criait ce nom, elle disait que si moi je le criais beaucoup au téléphone, ça devait être parce que c'était bien de le dire.

...Vous voulez répondre quoi à ça, franchement.

Parfois, j'avais envie de haïr cette gamine sur le simple fait qu'elle sache parler. Par exemple, elle avait décidé d'appeler Arthur, l'inspecteur, comme moi je l'appelais : "Rabat-joie de con." Oui, c'est sûr, que lorsque ce type entendit ces mots mélodieux sortir de la bouche candide, il l'eut un peu mauvaise. Cependant, il ne me reprochait pas ma conduite envers elle. Je ne la frappais pas, je n'étais pas méchante gratuitement, je l'emmenais souvent dehors et la prenais dans mes bras quand elle fatiguait, l'habillais convenablement, la nourrissais et veillais à ce qu'elle se lave. Il ne me reprochait que le fait de la gater un peu trop (moi j'estime qu'une playstation, une X box 360 et la dernière DS en date c'était pas grand chose) de ne pas la punir assez en cas de bêtise et surtout de ne pas lui épargner mon langage de charretier ce qui, pour une petite fille de deux ans, pourrait être une gêne pour plus tard. Il me déconseilla également de lui teindre les cheveux en rouge. En réponse, je lui ai ri au nez.

Il s'absenta, cet après midi là. Alors, je décidais d'emmener Sonata faire une promenade au bord de la plage. Le soir tombait et jetais de jolies lueurs orangées un peu partout, très plaisantes à voir. Alors que nous nous promenions, je vis, assise dans le sable, une jeune fille aux allures un peu étrange, une guitare à la main. Etais-ce une voix que j'entendais ? Ou pas. Peut-être grattait-elle juste un peu les cordes. Toujours est-il que j'étais sur la plage de Wynwood, et que cela ne pouvait être qu'une étudiante qui se trouvait ici. Sonata, immédiatement subjuguée par la guitare, me lâcha et, de ses petites jambes, s'avança vers la jeune fille et lui dit avec un aplomb peu commun :

"Tu joue du Mozarre ou du Back ?"

Je m'approchais, perplexe. Observais la jeune fille. J'espérais seulement qu'elle n'engueule pas ma Sonata.