Wynwood University
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 Deux personnes sur un toit ... || ft. Carry Chainsaw

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MessageSujet: Re: Deux personnes sur un toit ... || ft. Carry Chainsaw   Deux personnes sur un toit ... || ft. Carry Chainsaw EmptyMar 30 Déc 2014 - 19:08

 J'avais, une nouvelle fois esquivé le traditionnel repas de famille pour Noël. D'un parce qu'il était hors de question que j'aille me coltiner mon père et ses parents et de deux parce que j'étais censée être en Laponie. Oui, j'étais censée y être. J'y ai été en fait. Pas vraiment longtemps, mais tout de même. Il a fallu que je chope la crève, que je tombe malade. Rien de bien méchant, enfin ... Suffisamment pour que cela m'oblige à rentrer. J'étais devenue étonnement fragile en fait. Surement était-ce dû à la drogue et toutes ces merdes. Surement cela avait-il affaibli mon système immunitaire. Ce ne serait pas étonnant en fait ..  C'était ce que je méritais amplement, disons. J'avais bien déconné ces derniers temps et c'était comme une sorte de punition. Mais donné par qui ? Là était la vraie question. M'enfin, je ne me la posais pas. Contrairement à ma mère qui pensait que tout arrivait pour une raison bien précise, j'étais convaincue que tout n'était que pur hasard. Que rien n'avait de sens. Sinon, pourquoi mon petit frère aurait-il eu cet accident alors qu'il a toujours été quelqu'un de bon, à l'inverse de moi. Moi, oui, j'aurai mérité, mais pas lui. J'aurai mérité pour avoir causé le malheur de ma mère, pour avoir pourri sa vie obligeant mon abruti de père de se marier avec sous-prétexte qu'elle me portait dans son ventre. Toute ma vie, je n'avais été qu'une erreur. Mais je ne le vivais pas plus mal que cela, c'était surement le pire.

Emmitouflée dans une veste en laine bordeau, j'avais décidé de ranger toutes mes affaires à leur place dans la chambre que j'occupais avec Nat' avant de monter sur le toit de mon ancien lycée. En y pensant, je n'étais pas sûre d'en avoir encore le droit. L'avais-je seulement eu un jour ? En fait, on ne m'avait jamais rien dit à ce sujet, étant donné que je ne m'étais jamais faite prendre sur le fait. Et puis quand bien même, j'aurais continué d'y aller encore et encore. Parce que, oui, j'aimais cet endroit. Il y avait rarement d'autre personne que moi et je pouvais prendre l'air en solitaire. La solitude. Ça, je connaissais bien, c'était à n'en pas douter. Je pouvais la trouver partout en y réfléchissant, mais rester continuellement enfermée entre les quatre murs de ma chambre commençait à me taper sur le système. Le toit était la meilleure option. Il était un peu tôt mais j'étais persuadée que j'allais avoir le droit à un magnifique levé de soleil. En quelques minutes, mes fringues et tout ce que j'avais emporté en Laponie était retourné à leur place, ou du moins, la nouvelle que je leur avais attribuée. J'avais décidé de ranger, certes, mais j'avais vite perdu patience laissant une bonne moitié de tout ce que contenaient mes bagages à l'intérieur des valises. Soupirant à la vue du travail qui m'attendait en revenant, je me persuadais que ce n'était pas grand chose et que ce serait vite expédier. Ça me permettrait peut-être de faire le tri. Enfin, je pouvais me diriger vers mon objectif. Si on pouvait parler d'objectif. Dans tous les cas, aujourd'hui, je n'avais que cela à faire. Et la tranquillité était mon mot d'ordre en ce moment. Surtout avec l'état dans lequel je me trouvais. Pourtant, la compagnie des gens, j'avais décidé de m'y faire, j'avais décidé de me rendre en cours assidûment et d'arrêter de jouer les gamines capricieuses. Je n'étais pas cela.

Non, je n'étais plus une enfant. Loin de là. Pourtant, j'en avais tout l'air. Je râlais constamment, faisais des caprices, me coupais du monde, comme une petite fille bouderait en s'enfermant dans sa chambre en attendant d'obtenir ce qu'elle voulait. Avec le recul, je me trouvais profondément pitoyable. J'avais été stupide, et encore maintenant sûrement. J'avais été faible, j'avais laissé la vie prendre le dessus sur moi, encore une fois. J'étais tellement fragile au fond. Beaucoup trop en fait. Ma carapace ne servait à rien, non vraiment. Je l'avais trop usé et elle ne tenait plus. Elle ne me protégeait plus. M'avait-elle seulement un jour protégé ? Je n'en étais pas certaine. Tandis que je me dirigeais vers l'enceinte du lycée, je passais devant le bâtiment des Pi Sigma, et le souvenir d'Evan me revint à l'esprit. Je me demandais alors ce qu'il était devenu.. Allait-il bien ? Dans tous les cas, je l'espérais.. Il me manquait. Beaucoup même. On n'oublie pas ce genre de rencontre. Ce genre de relation. Puis une autre image me vint en tête. Celle d'Ugo. Où avait-il bien pu aller ? Plus imprévisible que lui, tu meurs..  Ma foi.. Il avait mis un peu de piment dans ma vie, ou moi dans la sienne, mais ça avait été beaucoup trop court pour vraiment y penser. J'étais différente à ce moment-là..  M'enfin. Ce n'était pas comme s'il était un proche.. Les proches, je n'en avais pas, en fait. Si, Joy. Cette petite rouquine qui avait détalé après la mort de Ty.. Boh, je ne lui en voulais pas vraiment. Elle était trop fragile, pas suffisamment forte pour supporter. Je pensais à tous ces gens qui, ici avaient fait irruption dans ma vie, et l'avaient plus ou moins marqué quand mon téléphone sonna. Je ne l'entendais pas immédiatement, mais je réagis assez vite pour prendre la communication. "Allô ?" Dans la hâte, je n'avais même pas pris le soin de voir à qui je répondais. J'espérais donc que ça n'allait pas gâcher ma journée. J'attendais une réponse à l'autre bout de l'appareil et c'est la voix chaude et tendre de ma mère qui prit l'avantage dans mon esprit. Tout ce à quoi je pensais s'était volatilisé d'un coup pour laisser toute la place à ma mère.  

« Allo Carry ? Attends … Attends, une petite seconde.
- Maman ? Qu’est-ce que … »Avant même que je ne puisse terminer ma phrase, j'entendis hurler dans le téléphone un « Joyeux Noël » un peu cafouilleux. Et beaucoup trop bruyant. Tellement que mon tympan en avait subi les conséquences, mais peut m'importait. Un sourire de surprise apparut sur mon visage. Putain ... Encore une fois, j'avais été surprise. J'étais tellement bête. J'avais le droit à ça, chaque année, mais non, jamais je ne m'y attendais. Ils me faisaient le coup chaque fois, de la même manière. Mais cette fois, c'était particulier. Je venais de me rendre compte que j'avais complètement oublié que nous étions ce fameux jour. Pourtant, je savais que j'avais été épargné par le repas familial. Oui, toutes ces fêtes avaient perdu, pour moi, toutes leurs magies depuis bien longtemps. Depuis combien d'années n'avais-je pas fêté Noël avec mes frères et ma mère ? Deux ans ? Ou bien peut être trois ... Ou même quatre. Je n'en savais trop rien. Et puis, au pire, tout cela n'avait plus grande importance. « Vous êtes bêtes. La prochaine fois, je ne me laisserai pas surprendre !Oui bien sûr, c'est ce que tu dis toujours Carry.» Le rire de ma mère parvenait à mes oreilles et aussi anodin que cela pouvait paraitre, pour moi ça ne l'était pas. Je n'avais plus l'habitude de l'entendre rire. Plus du tout même. Les dernières conversations que nous avions eues été bien plus que sérieuses. Et pour être honnête, souvent, elles s'étaient mal terminées. Je lui avais une bonne demi-douzaine de fois raccrochées à la gueule comme si elle n'était rien de plus qu'une vulgaire personne qui m'emmerdait. Mais après tout, elle ne faisait que s'inquiéter. Après l'accident de mon frère, j'avais bien déconné et je n'avais pas pu lui cacher bien longtemps. C'était ma mère et j'étais incapable de lui mentir. Et tout aussi incapable de me contrôler sous l'effet de l'alcool ou de la drogue. J'avais de vagues souvenirs parfois, sur la manière dont j'avais pu lui parler. Insultes ? Oui, beaucoup. Il n'y avait eu parfois que de cela. J'avais été irrespectueuse. Pire, dégueulasse envers elle qui m'avait toujours tout donné dans la mesure où elle le pouvait. Le sourire que j'affichais alors disparu peu à peu jusqu'à ne plus exister. Je m'en voulais terriblement. Mais trop fière pour le dire, je ne m'étais jamais excusée.

« Comment tu vas, ma fille ?Moi ? Ahum .. Je suis un peu malade, mais rien de grave, je suis rentrée de Laponie dans la nuit, il y faisait trop froid et mon état, ne me permettait pas de rester ... J'irais une autre fois, ce n'est pas grave. Et toi ? Maman, comment vont-ils ? » Par ils, je voulais parler de mes frères. Quand ils avaient tous crié, j'avais pu distinguer leur voix de celle de ma mère. J'étais heureuse que Thomas passe Noël chez nous et pas entre les murs d'une chambre d'hôpital. J'étais heureuse que Michael aille mieux grâce au retour de Tom à la maison. « Je vais bien Carry ... On aurait juste aimé que tu sois avec nous, au moins aujourd'hui, juste ... aujourd'hui .. Mais bon ... Oui, ils vont bien, je te les passe si tu .. Non, non c'est bon, je dois raccrocher de toute façon-là, je les ... Rappellerai.Tu es sûre que tu ne peux pas leur parler juste deux minutes, ça leur ferait plaisir, tu sais.Maman, dire leur que je les rappelle. Bye. » Subitement, je raccrochais. Sans m'en rendre compte, je m'étais arrêté d'avancer pour téléphoner. Quelle fille étais-je si je raccrochais au nez de ma propre mère ? Quelle sœur étais-je si je refusais de parler à mes propres frères ? Une irresponsable surement. Oui, ce devait être cela. Pour ne pas changer en fait. Maintenant que c'était fait, je ne comptais pas rappeler. Ou bien si je le faisais, je ne méritais qu'une chose qu'on me raccroche de la même manière que je l'avais fait. J'étais ignoble quand même. Rangeant mon smartphone dans la poche de ma veste, je repris ma marche vers le lycée.

Ce jour-là, je trouvais qu'il faisait froid. Ce jour-là, cette sensation était bizarre. Immorale, surtout étant donné que j'étais sur la côte est des Etats-Unis, étant donné que je sillonnais Miami. Il n'y fait jamais froid. Ou alors, que très peu, pourtant, là, je me retrouvais obligée de m'auto-frictionner les bras et d'accélérer ma démarche pour rentrer vite dans le lycée. Je risquais de me les geler encore plus une fois arrivé en haut. Le vent y était plus présent, plus libre de circuler qu'en bas. Je n'avais plus qu'à espérer ne pas tomber encore plus malade. Mais avec la chance que j'avais, je ne m'attendais pas beaucoup à ce que ma demande soit exaucée.J'espérais aussi qu'il n'y aurait personne sur le toit. Je n'avais pas vraiment envie de croiser quelqu'un maintenant. À proximité de l'établissement se trouvaient que deux ou trois jeunes que je ne connaissais pas. En fait, en y pensant, je ne connaissais pas grand monde ici. La plupart avaient déserté et je n'étais pas franchement sociable. Bien que je décidais de me rendre en cours plus régulièrement, je ne m'étais pas encore résignée à approcher les autres, à faire les premiers pas. Je n'étais pas douée pour cela alors ... ... Je ne l'avais jamais été à la réflexion. En même temps, la faute à qui hein ? La faute à mon adorable papa, qui m'a privé de tout .. Coupée du monde comme je le faisais maintenant et cette fois-ci, sans son aide. Quelle conne.

J'avais oublié qu'il y avait autant de marche pour atteindre le toit. Oui, j'imaginais ça moins haut. Et moins fatiguant. Depuis quand gravir des escaliers était devenu une épreuve pour une personne de dix-neuf ans ? Il ne me restait qu'un étage à franchir et mon souffle était déjà en peine. Je remarquais pour la première fois que ça craignait. Mon état avait considérablement empiré et à cause de toutes les merdes que j'avais consommées, je ne m'en étais même pas aperçue. J'avais honte de moi-même. Et il y avait de quoi. Je me revoyais à seize ans à peine, à errer dans Miami à la recherche du premier con pour me fournir ou pour me distraire. C'était ce que je pensais. Je pensais qu'ils me distrayaient, mais c'était totalement l'inverse. Combien de temps m'avait-il fallu pour m'en rendre compte ? Beaucoup, et cela, aussi, c'était pitoyable au possible. J'avais été con. Terriblement. Accrochée à la rampe, je franchissais les dernières marches avec une petite difficulté que je ne manquais pas de ressentir. Fais chier... À l'instant où je poussais la porte, j'inspirais fortement l'air frais. Tellement qu'une sensation de picotement vint presque immédiatement me chatouiller la gorge. Il faisait bon. Mais froid. Oh et puis, tant pis. Le jour avait commencé à se lever. J'avais loupé le meilleur moment. Peut-être que si je ne m'étais pas arrêté, j'y aurais assisté. Tant pis, une autre fois. Je n'étais pas prête de quitter Miami et j'aurai l'occasion d'en voir d'autre. D'un côté, ce n'était pas comme si les levers et couchers de soleil m'étaient inconnus. En Australie, j'en avais vu par vingtaine alors.

Mon téléphone vibra. D'un geste, je le sortais de ma poche et regardais ce qui pouvait bien le faire réagir. Nouveau message. Je savais déjà de qui il venait. Déverrouillant l'appareil, je découvrais un message de Michael. Je m'attendais à tout. Des deux jumeaux, il était le plus imprévisible. Il pouvait m'en vouloir comme ne rien me dire par rapport au fait que je n'avais pas souhaité lui parler. J'appréhendais un peu. En lisant le sms, je ne pus que sourire faiblement. Tu nous rappelleras, je le sais. Tu nous manques. J'avais envie de lui réponde qu'eux aussi me manquait, mais je m'étais abstenue. Ils étaient mon point faible. La fissure dans la carapace. Les seuls à pouvoir me faire pleurer. À pouvoir me toucher. Je lui répondrais plus tard. Non, je l'appellerais plus tard. C'était promis. J'avançais alors sur le toit, tranquillement, sans même remarquer la présence de cet homme près de le rempart. Je ne l'avais pas vu et lui non plus, jusqu'à ce que je marche sur un brindille qui s'était posé là, comme si elle avait voulu que je la brise. Non. Ça s'était ce que ma mère aurait pensé. Mais pas moi. «  Hé, c'est interdit pour les élèves d'aller sur le toit !» Ah ... Première nouvelle. L'inconnu se retournait vers moi. Je ne l'avais jamais vu. Peut être était-ce à cause de mon hibernation, ou peut être venait-il vraiment de débarquer. Immédiatement, une remarque désagréable me venait en tête et ne tardait pas à atteindre mes lèvres. Pourtant, je la contenais. Non, je ne dirais rien de méchant que ce gars ne méritait surement pas. Je n'étais pas d'humeur. « Non, je plaisante. C'est Noël, tout est permis ! -Alors parce que c'est noël tout est permis ? Si tout le monde pensait comme cela, on ne s'en sortirait pas vous ne croyez pas ? » Qu'est-ce que je pouvais être chiante parfois. Non mais vraiment. « Je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un si tôt ... Ici. Vous avez  surement eu la chance de voir le lever de soleil ... »  
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MessageSujet: Deux personnes sur un toit ... || ft. Carry Chainsaw   Deux personnes sur un toit ... || ft. Carry Chainsaw EmptyJeu 25 Déc 2014 - 15:42

- Joyeux Noël petite sœur !

On était le jour de Noël. Le 25 Décembre. Bientôt une nouvelle année, trois cent soixante-cinq nouveaux jours à vivre plus ou moins intensément en attendant le jour où quelque chose se passerait et viendrait forcément compromettre la vie de Kenneth et de Jane telle qu'ils la vivaient pour l'instant, émergeant encore à peine d'un courte nuit passée à danser sur de la musique bien trop forte et à chanter faux des chansons de Noël dépassées tout en essayant avec conviction de faire un maximum de bruit pour que les voisins se mettent à hurler de rage ou à taper contre les murs pour leur ordonner de cesser leur cacophonie. C'était comme cela chaque année – ou en tout cas, cela avait été comme cela à chaque Noël que Kenneth avait pu passer avec sa sœur et ses parents dans la grande maison d'Edgewater, qui aujourd'hui paraissait bien vide.

Mais c'était ainsi … même alors que le passé les avait rattrapés, Kenneth et sa sœur Jane étaient les seuls qui restaient ; et cela avait quelque chose de déroutant pour eux, d'un peu effrayant même. Mais il y avait réellement quelque chose d'effrayant à se retrouver à deux dans cette maison aujourd'hui bien trop grande. Trois chambres, deux salles de bain, un garage pour deux voitures, un sous-sol servant à la fois d'atelier et de débarras – c'était là qu'ils avaient grandi, et là qu'ils vivaient à présent, comme un héritage un peu triste, et, surtout bien trop prématuré. Mais c'était ainsi qu'allait la vie … injuste, cinglante et tellement cruelle parfois ; mais deux jeunes gens comme eux ne pouvaient sans aucun doute rien y faire.

Kenneth ne put s'empêcher de bailler alors qu'il donnait avec plaisir son cadeau à sa sœur. Il y avait pensé, naturellement – même s'il avait eu beaucoup de choses à penser ces temps-ci, notamment comment il comptait allier son nouveau travail de surveillant à Wynwood à celui de photographe, qu'il pratiquait professionnellement depuis moins d'un an, mais auquel il avait toujours voué une passion sans limites ; en fait, c'était l'une des seules choses qu'il aimait encore plus que sa sœur et que sa petite amie – faire des photos, voyager, faire une balade en hélicoptère quand il en avait l'occasion ; Kenneth avait sa licence de pilote depuis environ deux ans, et même s'il ne pouvait pas encore se payer son propre aéronef, il adorait emmener ses amis et ses connaissances se promener dans le ciel chaque fois qu'il le pouvait – c'est-à-dire, hélas, très peu souvent en ces temps-ci. Mais ce n'était pas le plus important …

Le plus important finalement, c'est qu'il se trouvait là, près d'une personne très chère à sa cœur le lendemain d'un jour lui aussi très important à son cœur, tant il représentait dans son esprit  la famille, le partage et toutes les valeurs qu'on lui avait inculquées et auquel il tenait énormément – la famille était essentielle pour lui, tant elle constituait une source inépuisable de soutien et d'amour … surtout aujourd'hui, lorsque sa famille n'était plus réduite qu'aux seuls Kenneth et Jane Xander. Et peut-être aussi Sarah, bien sûr … même si le jeune homme et elle n'étaient pas mariés, ni fiancés, ils pensaient souvent à officialiser pour de bon leur relation et même à avoir des enfants dans le futur …

Mais Kenneth hésitait à s'engager, car il avait peur des nouvelles responsabilités que cela impliquerait pour lui ; la fidélité certaine et obligatoire, auquel il avait encore aujourd'hui bien du mal à se résoudre ; les femmes étaient une des grandes faiblesses du jeune homme, et même s'il regrettait profondément chaque fois qu'il passait dans les bras d'une autre, il avait bien du mal à résister à la tentation … - et il avait beau se dire que c'était parce qu'il était un homme, que de nombreux autres étaient comme lui voire pires, rien n'y faisait ; il se sentait toujours coupable, et plus encore quand ce qu'il pensait n'être que de simples histoires d'un soir devenaient une espèce de relation inéquitable, où la fille s'accrochait à lui comme les griffes d'un chat sur un jean tout neuf, alors que lui essayait en vain d'ignorer ses avances et d'oublier ce qu'il avait fait …

C'est ce qu'il s'était passé six mois avant, avec une femme qu'il avait rencontrée par hasard dans un bar. Désespérée de s'être fait quitter par celui qui fut son petit ami pendant trois ans, l'inconnue avait cherché du réconfort auprès du jeune Xander, lequel, après trois ou quatre verres, était devenu bien incapable de se défendre – ils avaient terminé la nuit à l’hôtel et Kenneth avait passé la journée du lendemain à se morfondre sur ce qu'il avait, à profondément regretter d'avoir trompé Sarah. L'autre fille, en plus, s'était attachée à lui – ce qui ne l'arrangeait au rien. Elle le harcelait littéralement au téléphone, lui faisait des avances très suggestives et à peine voilées chaque fois qu'il venait la voir pour s'expliquer avec elle … la désespérée aurait même été prête à se jeter sous un bus pour lui, si elle n'avait pas rencontré le parfait amour et finalement accepté de laisser sa conquête d'une nuit repartir en paix et faire le deuil de sa fidélité.

Ca c'était le passé. Maintenant qu'il était à Miami, il s'était considérablement assagi de ce côté-là, bien que le fait de passer la nuit avec quelqu'un commençait à lui donner à nouveau envie – mais avec la bonne personne cette fois-ci, il en était certain, celle qu'il avait assez lâchement laissé derrière lui en quittant l'Angleterre pour retourner auprès de sa sœur ; lâchement … ce n'était pas vraiment lui. Il avait horreur des lâches et de la lâcheté, et n'aurait jamais pu agir comme l'un d'eux. Ce n'était pas de lâcheté qui l'avait lorsqu'il était parti à Miami sans prévenir Sarah ; c'était tout bonnement la peur que les adieux ne soient trop déchirants, et qu'il passerait bien trop de temps à se languir d'elle et à se maudire qu'elle n'ait pas pu le suivre en Amérique.

De ce côté-là, c'était un échec …

Car elle lui manquait malgré tout, déjà. Il n'était à Miami que depuis trois ou quatre jours, et pourtant déjà il se sentait mal de l'avoir laissée seule, surtout en cette période, alors qu'il aurait pu rester auprès d'elle pour la serrer dans ses bras et lui faire comprendre avec toute sa force et toute sa conviction à quel point il l'aimait … d'ailleurs, rien que d'y penser, il en avait mal au cœur. C'était donc bien vrai que l'amour était réellement lié au cœur, mais si tout ne pouvait se résumer qu'à de la simple chimie ; mais le cœur, c'est vrai, avait toujours été considéré comme un organe très romantique.

Jane sembla avoir lut dans ses pensées, car elle lui dit très sérieuse :

- On pourrait inviter Sarah pour le Nouvel An si tu veux … si elle ne fait rien de son côté.

Kenneth se racla la gorge et regarda ailleurs, gêné de savoir ainsi ses émotions si transparentes, surtout devant sa sœur – alors qu'il considérait qu'il ne devait montrer aucun signe de faiblesse devant elle, être un modèle de solidité et d’impassibilité face aux ardentes difficultés de la vie, lesquelles ne l'avaient pourtant pas épargné. La fratrie avait eu son lot de difficultés et de cruelles épreuves de la vie – la mort de leur père six ans auparavant, puis celle de leur mère une semaine plus tôt ; alors ils se devaient d'accepter les forces et les faiblesses de chacun, même les plus honteuses, sans quoi ils ne pourraient jamais avancer.

Kenneth sentit ses joues rougir alors qu'il répondait :

- Oui, si ça ne te gêne pas, Jenny … Je ne veux pas t'imposer sa présence, continua-t-il avec un petit sourire triste.

La jeune fille haussa les épaules et répondit :

- Tu ne m'impose rien, Kenny. Je sais bien qu'elle te manque. Et c'est de ma faute, je … je n'aurais pas dû te forcer la main pour que tu viennes à Miami.
- Non, ne dis pas ça ! Je serais venu à Miami de toute manière, que tu me l'ai demandé ou non. Écoute, petite sœur … je t'aime autant que Sarah, et je ne pouvais pas te laisser seule. Alors j'ai dû faire un choix, et je ne regrette pas.


Quel menteur. C'était évident qu'il ne pensait pas ce qu'il venait de dire. C'était évident qu'il regrettait, non pas qu'il soit venu à Miami, mais que Sarah n'ait pas pu venir avec lui. Cela se lisait sur son visage, et pourtant Kenneth savait très bien mentir … dans d'autres circonstances. Jane ne préféra rien ajouter. Elle ne voulait pas que son frère ne se sente davantage gêné. Alors elle détourna la conversation en tendant à son frère un petit paquet emballé, qu'il prit avec un grand sourire.

- C'est pour moi ? Merci … mais il ne fallait vraiment pas. Mon cadeau de Noël cette année, c'est d'être ici avec toi.

Jane fit un magnifique sourire, troublée et flattée par tant de vérité et de gentillesse. Car ce n'était pas un mensonge cette fois-ci ; ce serait trop ignoble de mentir sur une chose pareille, et Kenneth n'avait pas ce petit sourire presque invisible qu'il arborait quelque fois après un mensonge comme pour savourer le possible effet que cela pourrait avoir sur les autres. Là, c'était sincère, et cela venait vraiment du cœur – comme quoi, tout était une question de cœur bien plus de cerveau, finalement. Kenneth posa le paquet sur la table basse et étreignit sa sœur, comme il le faisait lorsqu'elle était toute petite afin de l'aider à s'endormir.

Ce geste voulait tout dire ; et leur rappelait à tous les deux de bons souvenirs.

Kenneth relâcha son étreinte, et regarda ailleurs, toujours un peu gêné dans les moments comme cela – car sa sœur n'était plus la petite fille innocente qu'il avait quitté quatre ans plus tôt ; non, elle grandissait à présent, et l'impression de confort et de chaleur qu'il pouvait avoir en la serrant dans ses bras n'était plus la même. C'était différent – mais ce n'en était pas moins agréable. Un peu la même sensation que lorsqu'un petit animal qu'on aime se blottit contre soi en ronronnant ou en respirant bruyamment comme ils le vont pour montrer qu'ils vous aiment … sauf que Jane n'avait rien d'un petit chaton ni d'un petit chiot, et heureusement.

D'ailleurs, en parlant de chiots et de chatons …

Kenneth passa une main dans ses cheveux tout en s'asseyant sur le bord du canapé, et dit nonchalamment :

- Au fait, je pensais nous acheter un chien ou un chat pour Noël, quelque chose qui pourra redonner un peu de vie à cette grande maison vide … tu en penses quoi Jenny ?

Jane se tourna vers lui avec des yeux ronds – incrédule ; elle ne pensait sûrement pas qu'il était sérieux. Leurs parents avaient toujours refusé d'avoir des animaux à la maison, et ce consternant refus était bien entré dans leurs esprits … c'était du moins ce qu'elle avait toujours pensé. Elle lui demanda s'il était sérieux. Il répondit avec un sourire que oui, et que cela pourrait d'ailleurs être un très bon moyen de décompresser, d'avoir un animal de compagnie dont s'occuper et à qui on pourrait raconter ses peines.

- Bon, je te laisse y réfléchir. Je vais au boulot, dit ensuite Kenneth.

Jane le regarda avec un regard d'incompréhension qui lui donnait un air mignon :

- Mais c'est les vacances aujourd'hui !

- Je sais bien, mais … j'ai envie d'être seul pour réfléchir. Et puis … enfin, ce n'est pas important.

C'était vrai, il avait envie d'être seul. Même s'il savait parfaitement qu'il ne pourrait jamais complètement l'être, Kenneth savait qu'il aurait moins de chances de croiser du monde à Wynwood – car c'est vrai, c'était le début des vacances aujourd'hui, il l'avait presque oublié. Mais c'était légitime – il avait eu tellement de choses à penser ces derniers temps, tellement de choses à tenter d'oublier qu'il en avait oublié le principal … mais ce n'était pas important. Ce qui lui importait maintenant, c'était de trouver un endroit au calme pour se poser et réfléchir un instant. Penser à lui … et à Sarah, dont l'absence désormais lui faisait mal comme une douloureuse et éternelle blessure au fer rouge en plein milieu de la poitrine.

Il ne prit même pas la peine de sortir sa voiture du garage – il voulait y aller à pied, car c'était bien plus facile pour méditer, et il avait tout le temps devant soi. Il était à peine huit heures du matin, et, par chance, il n'y avait pas beaucoup de monde dans les rues de Miami. Par réflexe, il remonta le col de sa veste sans savoir que c'était inutile – il faisait chaud, comme d'habitude en Floride, et le fait d'être en hiver ne changeait rien du tout, alors qu'à cette même période de l'année il neigeait en Angleterre. Trop rapide et brutal changement … mais Kenneth demeurait certain qu'il allait s'y habituer. Il le faudrait bien, de toute façon.

Kenneth pénétra dans l'enceinte du lycée sans même s'en rendre compte. Après tout, ce n'était pas si loin … et il connaissait déjà par cœur le chemin et les quelques rues qui séparaient la maison du lycée – il songea, non sans une certaine joie, que Wynwood serait sans aucun doute le lycée où irait Jane l'année suivante … si ses notes suivaient et que cela ne la gênerait pas d'étudier dans le même établissement que celui où son frère travaillait. Même si, sans aucun doute, il y aurait certains avantages à ce que cela se produise.

Il pourrait garder un œil sur elle ; et s'assurer qu'elle ne partait pas en vrille comme lui l'avait fait à son âge.

Kenneth remarqua qu'il était arrivé devant le lycée. Comme espéré, il n'y avait pas beaucoup de monde … tout au plus deux ou trois internes qui se promenaient, peu soucieux d'être sans doute les seuls au monde encore dans le lycée ce jour-là ; mais peut-être était-ce pour eux une façon d'être ensemble pour Noël, ou lieu des habituelles et rébarbatives fêtes chez les gens – c'était un concept qu'il pouvait tout à fait comprendre.

Après tout, à l'âge qu'ils avaient, lui aussi préférait rester avec ses amis plutôt que de vivre un de ces repas de famille de fin d'année barbants et bien trop longs, avec des gens qu'on a parfois du mal à supporter …

Au moins, pour lui, cette situation était réglée – il ne pourrait plus jamais en connaître, des repas de famille, sauf lorsqu'il se sera enfin décidé à se caser pour de bon avec Sarah et à fonder une famille … mais il avait du temps pour cela ; il se donnait huit ans pour prendre sa décision. Quand il aura trente ans, le temps serait venu de lui en reparler. Mais avant, il voulait profiter au maximum de la vie, tant qu'il n'avait pas encore au cou la corde solide et inusable de l'engagement à vie … dont il avait, hélas, un peu peur.

Le jeune homme alluma une cigarette et se dirigea vers l'escalier pour monter sur le toit du lycée – d'habitude, c'était un lieu interdit car dangereux, mais il était l'autorité, et c'était lui qui avait le droit de décider si l'on avait le droit d'y aller ou non – en l'occurrence, il s'était donné ce droit. Il alluma sa cigarette et s'accouda à la rambarde qui ceinturait le toit ; si on pouvait appeler une rambarde ce muret d'un petit mètre de haut, et dont l'utilité lui semblait obscure. Il souffla une petite bouffée de fumée puis se mit à réfléchir tout en observant le ciel beaucoup trop bleu.

Soudain, il entendit quelqu'un arriver derrière lui, et s'écria à moitié sérieux :

- Hé, c'est interdit pour les élèves d'aller sur le toit !


Puisqu'on ne répondait pas et que Kenneth voulait montrer qu'il n'était pas totalement sérieux, il se retourna et reprit d'une voix amusée :

- Non, je plaisante. C'est Noël, tout est permis !
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