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 Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥]

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MessageSujet: Re: Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥]   Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥] EmptySam 4 Oct 2014 - 14:08



Je n'aurais pas dû me rendre à ce foutu truc, je le savais. Tout ça pour rassurer ma mère, quelle connerie. Si c'était la seule et unique raison, elle n'était pas valable. En fait, elle ne l'avait jamais été. J'avais tout fait pour me convaincre que c'était pour elle, pour qu'elle se sente mieux de Sydney, qu'elle se dise que moi, ça allait. Mais ça ne va pas. Pas du tout. Bien au contraire. Venir à cette réunion de brisés anonymes avait été une belle erreur. Et une catastrophe surtout. Une belle et énorme catastrophe. Une de celle que je garderai pour moi, une de celle que je ne partagerai pas avec ma mère pour ne pas qu'elle soit prise de l'envie subite de venir me réconforter. Je n'avais pas besoin de ça. Je n'avais pas besoin que quelqu'un, que ma mère me plaigne, me dise des mots doux, des mots gentils, des mots apaisants. Je n'aime pas ça. Je déteste ça. Je déteste la compassion que je lis dans leurs yeux au moment où ma voix s'élève malgré moi face à cet inconnu. Je déteste les haltes des passants dehors, juste devant la grande porte en bois, trop curieux de savoir ce qu'il se passe à l'intérieur. Trop curieux. Oui, c'était exactement ça. Les gens ... Les gens en général se nourrissent de la souffrance des autres pour pouvoir se dire que finalement, quand on y regarde de plus près, dans leur vie à eux, ça ne va pas si mal que ça. Les gens se satisfont de la douleur des autres, pour se rassurer, se sentir mieux. Je déteste ça. Je déteste ce gars qui se mêle de mes affaires. Je déteste sa façon de me parler, de me regarder. Il a cet air qui laisse échapper un "Je sais tout, crois-moi". Mais il ne sait rien, absolument rien. Alors, qu'il la ferme.

Je hurle. Je passe pour une tarée, une folle. Ils doivent tous penser que j'ai un problème, que je suis instable mentalement. Et bien libre à eux. Oui, allez-y ! Ne vous gênez pas. Regardez moi, perdez votre temps, faites. Je m'en fou, ça m'est égal. Complètement. Non, en fait, arrêtez. Arrêtez. J'ai envie de frapper. De frapper quelque chose. Moi, lui, eux. Peu m'importe. Je veux faire mal. Je veux me faire mal. Je veux libérer toute la haine qui est en moi, toute la souffrance, toute la douleur, toute la colère. Je veux éclater un truc. Taper fort dans un sac de sable. A m'en faire saigner les mains, à m'en casser les phalanges. Je veux souffrir autrement que mentalement. Je n'y arrive pas. J'entends leur voix dans ma tête. Ils parlent. Ils parlent de moi. Ils me prennent en pitié, sont affligés. Ils sont même désolés pour moi. Je ne veux plus les entendre. Il faut que je sorte.
Mais lui, est là. Sur mon chemin, encore. Qu'attend-il pour bouger ? Je m'avance. On s'entrechoque, parce que je l'ai voulu. Je le bouscule violemment. Le plus violemment que je peux et balance entre mes dents "Tu ne sais pas de quoi tu parles, alors mêles toi un peu, de ton cul ...". Et tout s'arrête. Je me retrouve dehors, sous les quelques rayons du soleil d'une fin d'après-midi, qui aurait pu être comme les autres. J'ai l'impression d'être seule, mais ça ne dure pas. Ils sont là, de nouveau. Je les entends encore.

Des docteurs. Des docteurs qui ne servent à rien. Ils parlent. Ils parlent de mon frère, de son état. Toujours les même choses, toujours les même mensonges alors je me pose la question. je me demande quand se décideront-ils à dire la vérité. Quand décideront-ils de nous dire clairement que c'est foutu. Qu'il n'y a plus d'espoir. Jamais. Non, ils ne le feront pas. Pas jusqu'à tant que le coeur du gosse battra encore. C'est des hypocrites. Les plus gros de l'univers. Les gens les plus malhonnêtes qui existent. Je les haïe eux aussi. En fait, je haïe le monde entier, l'univers entier. Tout. Tous. Autant qu'ils sont. Cette vieille dame qui me fixe son panier de course à roulette dans la main. Ce jeune enfant qui a peur de mes cris et qui laisse couler quelques larmes avant de brailler. Sa mère à lui ... Laisser un enfant si près de la route. Inconsciente. Pourquoi ne se fait-il pas écraser lui aussi, pour voir. Comme ça, ça en ferait deux, non ? Non. Non. Non. Ce n'est pas moi. Je ne suis pas comme ça. La seule personne que je veux voir souffrir, c'est cet abruti de père, qui n'a même pas été capable de protéger Antoine. Antoine, son prénom m'est difficile à prononcer. Ça fait tellement longtemps que je ne l'ai pas vu. Tellement que je m'en sens coupable. Je me sens coupable de tout. Je veux partir en courant. Je m'apprête à le faire, mais suis stoppée net. Une main forte sur mon épaule me retient. Qui ? Evan ? Non, il ne peut pas être ici ... Wyatt ? Non plus. J'espère me retourner et voir un visage familier, pour pouvoir pleurer. Pour la première fois, j'ai envie de pleurer, de me laisser aller. Mais ce n'est aucun d'eux. C'est l'autre.

"On sait tous les deux que si j’étais là aujourd’hui, c’est que j’ai quelque chose en commun avec toi. Avec tous ces gens. Et j’ai bien plus en commun avec ton frère que ce que tu pourrais croire ! Tu veux que j’enlève mon polo ou mon pantalon pour te le prouver ? J’ai aussi vécu un accident de voiture. Et j’ai été dans le coma. Et tu sais la première chose que je me suis dit en me réveillant ?! Bordel, ma mère et mon frère doivent être morts de trouille. Je m’en sentais coupable. Tu sais ce que c’est, toi ? Tu crois que t'es la seule à souffrir ? Tu te contentes de crier que c’est affreux, comme une gamine pourrie gâtée en colère, mais ça sert à rien, c’est comme ça, merde ! Après, tu fais ce que tu veux de ta vie. Comme tu le dis si bien, je ne sais pas de quoi je parles, je devrais me mêler de mon cul… Mais au moins, moi je n’ai pas pitié de toi."

Pas de pitié pour moi ? Alors quel est ce sentiment que je crois lire dans ses yeux ? Quel est ce frisson qui parcoure ma main toute entière ? Quelle est cette sensations qui me donne envie de le cogner ? Un accident ? Lui aussi ? Et alors, qu'est-ce que ça peut bien me foutre ? Je me retourne. Je veux partir. Les larmes me montent aux yeux mais la tentation est trop forte. Je n'arrive pas à m'éloigner. Je dois le faire. Je me retourne. Je me rapproche. Mon poings se serre. Mon poings part. Mes doigts craquent. Peut-être même qu'ils se cassent. Le majeur me fait mal. Beaucoup trop mal pour n'avoir que craquer. Ça me fait un bien fou. Je vais mieux. Ou du moins, je le crois. Je fixe ce parfait étranger que je viens de frapper et baisse la tête d'un coup. Les adultes présents à la réunion pointe le bout de leur nez à l'extérieur. Personne ne parle. J'ai l'impression d'être le centre de l'attention, que tout est focalisé sur moi. Je déteste ça. Tout le monde me regarde. Une larmes commence à couler sur ma joue droite. Elle me chatouille. J'ai honte. Honte d'avoir fait ce que je viens de faire. Honte de ne pas l'assumer totalement en le regardant dans les yeux, bien intensément comme j'aurai du le faire, comme je l'aurai fait dans une autre situation. Comme j'ai l'habitude de le faire. Mais la, tout s'écroule. Je suis devenue fragile. Faible. Je ne supporte pas son regard sur moi. Je ne supporte pas de savoir qu'il a raison et pourtant c'est le cas.

"Je ..."

Rien ne sort. Je ne sais pas quoi lui dire. Je ne sais pas quoi faire pour justifier mon geste. Je ne sais pas quoi faire pour me protéger de leurs regards accusateur, de leurs regards dégoûtés. Je me sens mal. La tête me tourne. Et je ne contrôle plus rien. Ni mes larmes, ni mon corps. Je tremble. Énormément. Je lève la tête. Je le regarde. Les yeux baignés d'eau salé.

"Je ne vais pas bien ... Je ne suis rien d'autre que stupide. Je crois que tout va s'arranger. Que tout va passer. Mais c'est pas le cas ! Je crois être la seule. Je ne regarde que moi ! Moi, moi et encore moi ..."

Je prends ma tête entre mes mains. Je les entends encore. Ils ricanent. Les enfants ricanent parce que les enfants sont cons. Voir un jeune handicapé les fait rire. Je ne veux pas de ça pour Antoine. Je ne veux pas la vie de Kurt pour mon petit frère. J'ai mal. Ils hurlent. Ils hurlent trop fort. Mon cerveau est broyé par leurs cris. Mes tempes se crispent. Je ne sais toujours pas quoi faire. Je regarde autour de moi. J'ai peur. Je suis incapable de le cacher. J'ai peur. J'ai besoin d'aide. Mais je ne demande rien. J'ai peur. Et j'attends. J'ai peur. Je le regarde. Je cherche quelque chose à quoi m'accrocher en lui, parce qu'il n'a pas pitié. C'est lui qui me l'a dit. C'est lui qui me l'a dit. Je cherche. Je cherche de quoi relever la tête mais rien n'y fait. Je sombre. Je sais de quoi, j'ai réellement besoin. Une bouteille d'alcool. Je veux boire. Et m'endormir. Pour ne plus jamais me réveiller. Voilà ce que je veux.

HRP:

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MessageSujet: Re: Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥]   Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥] EmptyVen 22 Aoû 2014 - 12:58

Un regard noir comme la nuit. Brûlant comme le feu. Mes yeux auraient pu s’incendier en clin d’œil si elle l’avait voulu. Je n’ai jamais été du genre donneur de leçons. Non pas que je n’en avais jamais eu envie, mais je n’avais pas assez vécu pour me permettre de juger qui que ce soit. Même si parfois, en replongeant dans mon passé, je ne pouvais m’empêcher de me dire que j’avais vu trop, beaucoup trop de choses…

28 Juillet 2003, Sydney

Les rues de la ville sont presque désertes. Seules quelques rares personnes motivées sortent de chez eux pour faire quelques courses ou voir des amis. Il est 21h, et il fait à peine 2°C.

Aujourd’hui, j’ai essayé de faire un feu pour Liam. J’ai pris quelques feuilles, des cailloux que j’ai frottés fort, très fort l’un contre l’autre. J’avais vu ça, une fois, dans la télévision, quand Patrick n’était pas là. Patrick, c’est le papa de personne, ni de moi ni de Liam. C’est l’amoureux de Maman. Mais on est partis parce qu’il était méchant. Il fait peur à Liam. J’ai pas réussi à faire du feu pour Liam… Alors j’ai volé des gants dans un magasin. Je dirai à Maman que quelqu’un nous les a donnés. Mes mains sont presque bleues, je suis gelé, mais je fais comme si tout va bien pour que mon frère n’aie pas peur. Il est trop petit, mon frère, il n’a que 4 ans. Mais c’est un gentil garçon. Il est courageux, même si on porte que des pulls tout petits il se plaint jamais. Maman dit toujours qu’elle est fière de ses petits soldats. Je ne sais pas pourquoi elle dit qu’on est des soldats, on est juste des petits garçons… Mais quand elle dit ça, elle sourit, et j’aime quand elle sourit ma maman chérie. Elle va bientôt rentrer, et on l’attend dans un coin sombre, à l’abri dans nos cartons. Maman va dans la rue demander de l’argent et de la nourriture pour nous. Des fois, elle revient avec du pain, des céréales, mais parfois les gens sont méchants comme Patrick et ne donnent rien. Alors on remercie quand même Maman d’un câlin pour qu’elle arrête de pleurer, et on va chercher avec elle dans les poubelles des restaurants. Une fois, on a même trouvé un gros poulet qui nous a tenu trois jours ! Mais d’autres fois, les gens du restaurant nous crient dessus et nous battent pour qu’on parte. On a juste faim, nous…
Liam est silencieux, assis dans le carton du four qu’on a trouvé y’a trois jours. Il est toujours silencieux, mon frère. Il n’a pas toujours été comme ça. Quand il était bébé, c’était mon bébé sourire. Mais Patrick avait tellement fait peur à Liam en tapant Maman qu’un jour, mon bébé sourire s’était réveillé tout calmement, sans faire de bruit. Depuis, il ne fait plus de bruit, ne sourit pas, il se contente d’être avec nous, et d’être heureux qu’on soit partis. Oui, il est heureux, mon petit frère, je le sens, même s’il ne le dit pas. Et il est content qu’on s’occupe bien de lui. Il est en train de jouer avec ses nouveaux gants et me regarde, ses grands yeux me disent merci. Et je sais qu’il m’aime. Et moi aussi je l’aime. Y’a de la lumière, dehors, je crois que c’est maman…



15 Septembre 2011, Camp d’entraînement, Nouvelle-Zélande

Je suis arrivé depuis deux mois aujourd’hui. Ce n’est pas facile pour moi de tenir un journal ici. Je n’ai jamais beaucoup écrit, je ne sais pas si je ferai des fautes, mais au moins j’essaie. Je dois planquer ce carnet dans des bouches d’aération. Si mes camarades du camp le trouvent et lisent tout ça, je suis foutu. Aujourd’hui, l’ambiance est comme d’habitude, rude. On a couru 20km ce matin avec nos paquetages sur le dos, ça va encore c’était simple comparé aux 35kms de la semaine dernière…J’avais les jambes en feu, et celui qui a osé s’arrêter dans mon équipe a pénalisé tout le monde : pas de pain pendant une semaine, corvées supplémentaires et pompes imposées. On l’a retrouvé deux jours plus tard presque mort sous des coups anonymes dans les vestiaires. Ici, les gens sont cinglés. J’aimerais prévenir mon beau-père, mais ici le courrier est surveillé. Tout est surveillé. Même en étant assis sur ces toilettes, je sais qu’on regarde la montre en m’appelant… J’ai peur. C’est difficile de l’admettre, mais j’ai vraiment peur. Chris avait une bonne raison de m’envoyer ici, c’est vrai. Les soirées, l’alcool, les filles, la drogue… J’avais abusé au point de devenir addict de toutes ces merdes. Une semaine ici et j’avais déjà presque purgé toute la coke qui m’empoisonnait. On avait du m’enfermer dans une cage pour que je ne sois un danger pour personne. Mais ici, tout le monde est en danger. On nous monte les uns contre les autres, on nous pousse à bout, physiquement et mentalement. Certains disent même que deux gars sont morts d’épuisement ici. Ca ne m’étonne pas. Certains ont même tellement envie de se pendre qu’on les renvoie chez eux de peur qu’ils se tuent au camp. Je ne sais plus quoi faire, à part me cacher dans un trou de souris et disparaître…



Tellement de choses se sont passées, après ces évènements respectifs… Des joies après la peur et la douleur… La rue m’a permis de découvrir une nouvelle mère, qui s’est mariée par amour avec un homme, Chris Logan. Et même si celui-ci m’a envoyé dans ce camp de la mort, bien plus proche d’un camp de concentration que d’un camp de redressement, j’y ai trouvé ma passion, le foot US. Et aujourd’hui, en me regardant dans la glace, toutes les cicatrices de mon passé apparaissent. Une tache de naissance, à l’intérieur de la cuisse, qui me rappelle que ma mère ne voulait pas de moi mais qu’elle a fini par m’aimer, une brûlure dans le cou, quand j’avais 3 ans et que ma mère, distraite, avait oublié de me surveiller, des coupures profondes et des fractures datant du camp, et les traces de mon accident… Je suis une grande fresque de ma vie. Entre ça et mes tatouages, je suis une représentation vivante de mon existence tourmentée. Mais quand on me regarde, qu’on me fixe, on ne voit qu’une montagne de muscles d’un mètre 90, couvert de cicatrices horribles. Qu’est-ce que j’aimerais leur dire que je les plains, finalement. C’est bien d’être une personne correcte, bien dans ses pompes, de se faire plaisir de temps à autre en famille, de regarder les autres et de se dire qu’on est mieux que des « cas sociaux »… Mais justement, quand on a l’esprit aussi étriqué, comment peut-on comprendre que toutes ces cicatrices donnent un sens à une vie ? Peut-être ai-je fait les poubelles, peut-être ai-je vu des choses insupportables, subi l’inimaginable, mais je suis encore là. Et toute la colère, la peur, la crainte que j’ai eu à travers tous ces épisodes de ma vie, m’ont donné une force que jamais un de ces propres sur eux n’aura jamais. Je suis fier de mes origines, de ma famille et de notre vie. Et un jour je regarderai mes enfants et leur dirai : « On ne profite jamais vraiment de la vie quand on ne sait pas combien elle vaut vraiment ». Je sais à quel point c’est difficile pour certaines feignasses de se lever le matin, mais ils n’ont jamais eu à le faire en hurlant de douleur. Vous me faites tous bien rire, bande de faux-culs.

Tu sais, quand tu me regardes comme ça, j’ai envie de te dire « mais OUI, énerves-toi, parce que tu as le droit de le faire ! C’est horrible, pas normal, mais c’est comme ça… Tu comprendras bien assez tôt que tu as de la chance de ne pas avoir à fixer ton frère entouré de machines horribles »… Mais je préférais le penser fort, très fort, parce que je ne voulais pas me prendre la tête au départ. Et pourtant, c’est exactement ce qui est en train d’arriver. Ce regard, je le sais, est accompagné d’un ressentiment profond. Tu crois que tu vas pouvoir évacuer toute cette colère, toute cette haine sur moi, et c’est exactement ce qui se passe :

- Qu'est-ce que t'en sais, toi ? Et puis t'es qui d'abord ? T'es qui pour me dire ça ? (Elle se lève, et s’avance vers moi) Non mais c'est vrai. T'es dans la tête de mon petit frère ? Prendre soin de moi ? Pourquoi ... QU'est-ce que ça peut foutre au monde que j'aile bien ou non ?! Antoine va surement y passer alors quoi ? Je sers à rien, je peux rien faire, c'est comme ça !


Elle commence à crier, et elle-même s’en rend compte. Je ne bouge pas et la regarde fixement, neutre. Tu as le droit de t’exciter sur moi, à défaut de l’enfoiré qui a mis ton frère au tapis. Parce que je le mérite. Peut-être qu’au fond, c’est ce que je voulais, ce que je cherchais ? Te provoquer, te foutre la hargne, que quelqu’un me hurle enfin dessus au lieu de me consoler. J’en ai marre d’être une victime, je veux être le grand méchant loup, l’enfoiré de service, celui qui a fait de la merde et qui va devoir l’assumer jusqu’à la fin de ses jours. Les gens croient que c’est facile, que la culpabilité, ça passe, mais c’est faux. Et on ne veut pas de « ce n’est pas grave, tu ne savais pas que… », on veut qu’on nous engueule, qu’on nous insulte. C’est tout ce que méritent les gens comme moi, qui n’ont aucune conscience des vies qu’ils gâchent. Vous me direz, rien de grave, il n’a foutu en l’air que sa propre vie. Et c’est faux. Parce qu’en me moquant de ma sécurité, j’avais brisé l’image d’un fils merveilleux qu’avait ma mère, les espoirs de mon beau-père pour mon avenir glorieux, et plus que tout, j’avais détruit le modèle que mon frère a eu pendant des années. En remontant loin, je sais qu’il a pu toujours compter sur moi et que je l’ai toujours épaulé. Aujourd’hui, c’est moi le grand frère handicapé. J’ai honte, j’ai mal, je suis en colère. Et je veux qu’on s’en prenne à moi, d’une manière ou d’une autre. Me disputer me soulage. Je me sens moins coupable. Mais la pauvre nana était bien pus adepte de péter les plombs contre n’importe qui pour se soulager.

- Quoi ?! Qu'est-ce que vous avez à me regarder comme ça ? J'veux pas de votre pitié ! Foutez-moi la paix !


Les passants la dévisagent comme si elle était folle, et je ne peux m’empêcher de souligner qu’effectivement, ça prête à confusion sur sa santé mentale. Elle me bouscule en sortant :

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, alors mêles toi un peu, de ton cul ...


Je la suis et pose la main sur son épaule.

- On sait tous les deux que si j’étais là aujourd’hui, c’est que j’ai quelque chose en commun avec toi. Avec tous ces gens. Et j’ai bien plus en commun avec ton frère que ce que tu pourrais croire ! Tu veux que j’enlève mon polo ou mon pantalon pour te le prouver ? J’ai aussi vécu un accident de voiture. Et j’ai été dans le coma. Et tu sais la première chose que je me suis dit en me réveillant ?! Bordel, ma mère et mon frère doivent être morts de trouille. Je m’en sentais coupable. Tu sais ce que c’est, toi ? Tu crois que t'es la seule à souffrir ? Tu te contentes de crier que c’est affreux, comme une gamine pourrie gâtée en colère, mais ça sert à rien, c’est comme ça, merde ! Après, tu fais ce que tu veux de ta vie. Comme tu le dis si bien, je ne sais pas de quoi je parles, je devrais me mêler de mon cul… Mais au moins, moi je n’ai pas pitié de toi.


Je restais derrière elle, sans bouger, en attendant sa réaction. Regarde-moi. Défends-toi. Engueule-moi.
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MessageSujet: Re: Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥]   Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥] EmptyDim 20 Juil 2014 - 20:06

Aller à cette réunion avait été une erreur.

Ou du moins, c'était ce qu'elle en pensait. C'était ce que Carry se disait. Or, elle avait tort, et au fond d'elle, elle le savait. Elle savait que ça n'avait pas été aussi stupide que ça. Elle savait qu'en fait, même si ce n'était qu'un peu, ça lui avait fait du bien. Mais, à cause de sa fierté légendaire, il n'était pas une seule seconde envisageable qu'elle l'admette. Non, bien au contraire. Elle restait fermement persuadée que tout cela n'avait servi strictement à rien ... Et pourtant, elle le sentait. Elle se sentait plus légère, moins perturbée, moins torturée par l'idée d'être loin de son frère. Elle se sentait plus détendue, plus courageuse que jamais. Elle se sentait encore plus forte qu'avant, encore plus prête à surmonter cette épreuve, encore plus battante, plus battante que jamais. C'était là, quelque part en elle, enfouie bien profondément, elle était certes, plus que fière, mais pas dupe au point de ne pas s'en rendre compte elle-même. Cette réunion, cette souffrance, ces malheurs que chacun vivait au quotidien, que chacun partageait lors d'instant comme celui qu'elle venait de vivre. Ça avait été quelque chose d'intense, d'éprouvant, de dur émotionnellement. D'ailleurs, malgré tout, elle n'était pas parvenue à retenir ses larmes lorsqu'elle avait eu la parole. Ni même quand d'autres avaient évacué leur douleur. Ça avait été pour elle, quelque chose d'impossible, comme si c'était inutile qu'elle résiste. Et même si elle avait tout fait pour empêcher les larmes de couler, elle avait échoué, et ça, discrètement. Ou le plus possible ! Franchement, elle espérait que ça ne ce n'était pas vu, mais il y avait très peu de chance que ce soit le cas, surtout lorsque ça avait été à son tour de s'exprimer. Difficile de masquer des sanglots, qui ne veulent qu'une chose, sortir. Mais bon, de toutes façons, elle n'avait pas eu à se contenir longtemps. Au début, elle avait essayé de se cacher derrière sa chevelure. Piètre tentative. Puis, après, son visage s'était retrouvé de profil, et ses yeux étaient parfaitement concentrés sur la fenêtre alors ... Et enfin, pour terminer, elle s'était tirée violemment en ne laissant derrière elle qu'un simple "Excusez moi". Ça avait eu tout l'air d'une bonne vieille série où la pauvre petite adolescente ou femme au bord du gouffre s'apprêtait à rencontrer au bout de la rue un charmant jeune homme qui allait remédier à tous ces maux. C'était bien caricatural ces trucs aussi. Une belle merde qui faisait de folles audiences parce que des cons ou des vieux restaient plantés devant leur télévision pour regarder ... Bande d'abrutis. En tous les cas, Carry ne faisait pas partie de ces ... Individus, et c'était pour ça qu'elle n'avait pas pensé à aller plus loin au lieu de rester derrière la porte. Quelle cruche. Il avait fallu que dans sa précipitation, elle referme la porte derrière elle avec force et qu'elle se laisse glisser contre celle-ci pour pleurer. Pleurer vraiment. Pas deux petites larmes de rien du tout. Pleurer dans le sens, se vider entièrement, faire jaillir toutes les larmes de son corps. Pendant une bonne dizaine de minutes. Généralement, c'était le temps minimal de ces crises. De ces vraies crises. De celle où elle ne pensait à rien, de celle où elle envisageait d'utiliser une bonne fois pour toutes ce qu'elle avait acheté à Shane au bal, sans jamais, au final, le consommer. C'était surement là, la véritable preuve de sa maitrise d'elle-même. Bien qu'elle en ait une mainte fois l'occasion, elle n'avait jamais craqué, pas pour l'instant, et même si elle savait qu'elle allait forcément replonger un jour ou l'autre, elle tenait bon.

Minable. Oui, c'était sans doute ce qui la définissait le mieux dans cette situation. Oui, vraiment. Même si les mots "faible" , " vulnérable" ou encore "moins que rien" avaient eux aussi une place pour la qualifier, "minable" correspondait bien mieux encore. Minable. Elle l'était. Tout simplement parce que contrairement à ce qu'elle voulait, elle se lamentait, elle s'apitoyait sur son sort comme si c'était la meilleure des choses à faire, alors que non. Et elle le savait aussi, comme tout le reste. Elle détestait ça. Le fait de se plaindre, de pleurer pour quelque chose. Elle ne l'avait d'ailleurs jamais fait, sauf depuis que son frère était dans l'état dans lequel il était. Le coma. Quelle connerie ça aussi. Puisqu'on y est. C'était une des choses que l'Australienne, ne comprenait pas. Pourquoi ? Pourquoi maintenir les gens en vie ? Pourquoi torturer leur famille en leur annonçant un jour que l'état de leur fils, leur frère, leur femme, s'améliore et le lendemain, que finalement, il se détériore ? Quelle utilité voyaient les médecins la dedans ? Elle, elle n'en voyait aucune, sinon le moyen de faire souffrir chaque jour des gens, de détruire petit à petit leur espoir comme il le faisait à ce moment même avec la demoiselle. C'était juste débile, incompréhensible, clairement sadique. C'était comme une envie, celle de faire croire aux gens qu'ils peuvent faire quelques choses au début puis après, après s'être donné toutes les gloires, après avoir fait comme s'ils avaient fait tout leur possible, ils annonçaient, froidement, la nouvelle. Sans sentiment aucun, sous prétexte qu'ils sont habitués, que ça fait partie intégrante de leur quotidien, mais c'est faux. Des le début, ils savent. Dès le début, ils savent très bien si la personne va s'en sortir ou non, mais ils préfèrent ne rien dire ... Ça, c'était ce que Carry pensait, et aussi bête que cela pouvait paraître pour certain, c'était ample plus logique et véridique pour elle. Elle le pensait, et le penserait sans doute toujours et elle se demanderait jusqu'à la fin, pourquoi ? Pourquoi avoir maintenu son frère en vie, pourquoi l'avoir fait souffrir, pourquoi l'avoir laissé dans un état végétatif alors qu'il n'y avait plus aucun espoir ? Pourquoi ? Tout ça à cause de ces enfoirés de médecins. De réfléchir à tout cela ne l'aidait en aucun cas à sécher ses larmes. Bien au contraire, ça ne faisait que les amplifier, les provoquer toujours plus, les inviter à couler, à humidifier ses yeux et ses joues. Beh oui, malgré sa carapace, la jeune femme était du genre entière, et tout aussi sensible que n'importe qui, d'où sa froideur et son recul trop important. C'était pour se protéger. Pour se protéger des douleurs, des souffrances, de la tristesse que le monde apportait tous les jours en plus grande quantité. Elle n'avait pas besoin de ça, ce n'était qu'un frein à sa vie. Ce n'était qu'un obstacle de plus à franchir, qu'une mauvaise herbe à déraciner. Rien de plus. Rien d'utile.
En somme que des trucs qui l'affaibliraient, qui lui nuiraient et dont elle n'avait, en définitive, pas besoin.
Elle était plus forte que ça, plus forte que toutes ces merdes, que toutes les mauvaises choses qui lui tombaient sur la figure, n'est-ce pas ? En fait ... Plus le temps passait, plus elle se posait la question et plus elle se rendait compte que peut être pas au final ... Peut-être qu'elle n'était pas différente. Peut-être qu'elle était tout aussi atteignable qu'un ou une autre. Qu'elle pouvait être détruite, comme ça, d'un coup, par un seul souffle, minuscule, une seule phrase, un seul coup de téléphone. Peut-être qu'elle ne supporterait plus, peut être qu'elle ne supporterait pas, la mort d'Antoine. Et puis, le perdre lui, c'était se perdre, elle, un peu ... Partir un peu avec lui ...

C'était vrai, elle se sentait coupable. Coupable d'être loin de chez elle, loin de Kyle, loin d'Antoine. Elle se sentait profondément coupable de ne pas pouvoir soutenir Kyle, de ne pas pouvoir être à ses côtés, de ne pas pouvoir le rassurer, de ne pas pouvoir le prendre dans ses bras, de ne pas pouvoir lui dire que tout ira bien. C'était, comme elle l'avait dit, sans doute le plus horrible, le plus dur à accepter, peut être même qu'il lui en voulait. Qu'il lui reprochait de ne pas être avec lui. Peut-être qu'il ne lui parlerait plus, ou que même plus il ne pensait à elle. Et ça aussi, ça lui faisait mal. C'était dur. Dur d'imaginer son retour, dur d'imaginer le pire, dur d'imaginer un enterrement où Kyle la regarderait comme si elle était une inconnue, comme si elle était coupable, qu'il ne voulait plus la voir, lui adresser la parole, entendre parler d'elle. Ce serait véritablement quelque chose d'horrible, il n'y avait aucun doute la dessus, quelque chose d'affreusement douloureux, de plus destructeur que n'importe quoi d'autre. Si Antoine venait à mourir, et que son jumeau la renier, ce serait comme le coup de massue, le coup de grâce. Ce serait comme une mise à mort, l'achèvement, la fin. La destruction final.
Ça pourrait sembler un peu fort, mais c'était exactement ça.
Que lui resterait-il après, si elle perdait les êtres les plus chers à ses yeux, si elle perdait sa raison de vivre, d'exister ? Pas grand chose.
Non, vraiment rien.
Le néant.
La fin.
Rien.
Mais il fallait qu'elle arrête. Qu'elle sèche ses larmes, et qu'elle parte, parce qu'à l'intérieur, la réunion n'allait sans doute pas tarder à se finir et les gens à évacuer la pièce après s'être empiffrer des petits gâteaux qui dans son vague souvenir de la salle, se trouvaient sur une longue table. Parce que oui, il fallait bien ça dans ce genre de rassemblement. Comme un lot de consolation, quelque chose pour ... Oublier ? C'était vraiment le but de ces pâtisseries ? Quelle merde ... Comme le reste en fait.
L'idée de prendre la place de son petit frère, de mourir, lui traversa l'esprit, alors qu'elle ne voyait rien, n'entendait rien, ne pensait à rien si ce n'était à ça. C'est vrai quoi, ce serait plus juste, lui, il a encore tant de choses à vivre ... Moi, je suis finie, un cas désespéré, je n'ai pas réellement d'avenir alors que lui ... Ça, elle se le disait chaque jour qui passait, depuis qu'elle savait. Depuis qu'elle était au courant. Et c'était profondément idiot.



Toutes ces mauvaises pensées devaient disparaître, et pour ça, elle devait bouger de ce quel considérait comme un endroit affreux. Mais elle ne pouvait pas. Elle n'avait pas fini de pleurer, même si ça se calmer. Elle n'était pas prête à sortir dehors, comme elle n'était pas prête à affronter la pitié des gens à qui elle avait raconté sa vie seulement quelque minute plus tôt. Du coup, elle avait décidé de rester encore quelques petites minutes, le temps de s'apaiser, d'aller mieux.
Cinq petites minutes, de rien du tout.
Juste cinq fois, soixante secondes. Ce n'était pas grand chose. Il y avait très peu de chance, qu'en si peu de temps, il lui arrive quelque chose, et pourtant.
Toujours assise sur les marches proches de la grande porte, elle ne s'y attendait pas, mais elle venait de recevoir un coup, plus que violent. Son dos venait d'en prendre un gros, et c'était sans compter sur la présence d'un bleu qui ne saurait tarder à se pointer. Mais bon, tant pis. Le choc décrocha un petit mouvement silencieux à la demoiselle. Quelqu'un sortait, mais elle n'y prêta pas de réelles attentions. Elle le ou la laissait aller. Elle ne voyait que les chaussures, des converses noires. Elle ne voulait pas lever la tête, elle ne voulait pas affronter ce regard rempli de compassion qu'elle détestait.
La personne s'en allait, et c'était tant mieux. Mais, Carry qui espérait fortement que l'inconnue sorte le plus rapidement possible avait du souhaiter trop fort puisque juste devant le palier, cette silhouette aux converses s'arrêta. Aussi discrètement que possible, la brunette fixait les jambes qui s'approchaient d'elle, à nouveau.
Non, elle ne comptait pas lever les yeux, elle ne voulait pas le ou la voir. Son identité resterait secrète jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche, ce que l'Australienne savait qu'il allait faire. C'était un mec. Et franchement, elle aurait préféré qu'il la ferme.

"Dis... Tu crois que ton frère serait content que tu te rendes aussi malheureuse ?... Je sais que c'est difficile, mais crois-moi, il n'a pas envie que tu aies autant de peine. Tu es ici, oui, mais ça ne te définit pas en tant que sœur, tu sais. Tant que tu penses à lui, ça lui suffit amplement, je pense. Crois-moi ou non. Mais au fond de toi, tu sais que je n'ai pas tort. Prends soin de toi."

Se tenant accroupi face à elle, Carry, au son de ces quelques mots, n'avaient eu d'autre choix que de le regarder. De quoi, est-ce qu'il se mêlait ? Elle n'avait qu'une envie, l'envoyer balader, mais elle n'en avait pas la force. Vraiment pas. "Au fond de toi, tu sais que je n'ai pas tort" non, mais il s'écoutait lui ? Qui était-il ? Monsieur-je-sais-tout ?
Alors qu'il s'apprêtait à partir, la brunette n'avait pu se retenir.

"Qu'est-ce que t'en sais, toi ? Et puis t'es qui d'abord ? T'es qui pour me dire ça ? -non sans peine, elle s'était levée, et se frotter le derrière pour le dépoussiérer - Non mais c'est vrai. T'es dans la tête de mon petit frère ? Prendre soin de moi ? Pourquoi ... QU'est-ce que ça peut foutre au monde que j'aile bien ou non ?! Antoine va surement y passer alors quoi ? Je sers à rien, je peux rien faire, c'est comme ça !"

Sa voix avait légèrement augmenté de volume et avait alerté des passants dans la rue ainsi que les couples encore présents dans la salle. Elle venait de se rendre compte qu'elle dégénérait totalement. Qu'elle perdait la tête. Qu'elle s'énervait pour un rien. Qu'elle agressait les autres. Qu'elle n'était rien d'autre qu'une gosse de riche, affreusement égoïste, et même si elle voulait se prouver le contraire, elle était ce qu'elle était. Elle n'était pas différente que toutes ces pouffiasses de WHS .. Pétée de friques, pourries gâtée jusqu'à un certain âge, et égocentrique.
Prise d'une légère panique, elle se retourna vers les gens de la réunion maintenant dans l'entrée et lança furieusement "Quoi ?! Qu'est-ce que vous avez à me regarder comme ça ? J'veux pas de votre pitié ! Foutez-moi la paix !"
Aussi violemment que la façon dont elle était partie de la réunion, elle se dirigea vers la grande porte de bois, qui débouchait sur la rue et percutant l'inconnu qui lui avait dit ce que son frère à elle, penserait, elle lui balança tête baissée avant de disparaître dans la rue "Tu ne sais pas de quoi tu parles, alors mêles toi un peu, de ton cul ..."
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MessageSujet: Re: Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥]   Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥] EmptyJeu 17 Juil 2014 - 17:28

Coupable. On pouvait le voir sur mon visage, le lire sur mes traits torturés. Comme si tout mon être reflétait sa peine, des années de peurs rassemblées en une seule personne. Coupable. Un mot si simple, et pourtant si difficile à entendre, si difficile à vivre. Coupable. Comme une massue qui s’abat sur ses tripes, une épée tranchante qui tombe sur un cou déjà fragile. Coupable de tant de choses, coupable de vivre sans y penser tout le temps. Parce que si certaines personnes vivent dans le déni, je suis conscient de ce que j’ai causé. De la peine, de la tristesse, des déceptions. Coupable. Je reste convaincu qu’un prisonnier à perpétuité, qu’un condamné à mort a de la chance en soi. Parce que lui, il n’a pas à sentir de culpabilité quand il ressent des moments de joie, quand il tombe amoureux, quand il trouve un avenir. Parce que ces gens-là, ils ne verront plus la lumière, la fin du tunnel, la carte de sortie de prison est tombée dans l’oubli depuis bien longtemps. Ils n’ont pas le remord plus facile, car ils sont confrontés à leurs peurs, leurs erreurs, mais au moins ils paient pour ces actions délibérées ou non. Coupable. L’entendre au tribunal, l’entendre de la bouche d’un juge c’est sûrement horrible, mais ne jamais l’entendre et le lire dans les yeux d’une personne qu’on aime, un proche, un ami ou même l’amour de sa vie... C’est une condamnation en soi. Coupable. Toujours regarder derrière soi, regarder les ombres du passé, celles du présent, la tentation de revenir en arrière, impossible mais tant rêvée. Se dire que ce genre de choses arrive à tout le monde, que l’on est concerné parce que c’est normal, que l’on n’est pas différent, plus mauvais qu’un autre. Coupable. Qui a commis une faute, un acte répréhensible. Coupable. Personne qui a commis une faute, un délit ou un crime. Coupable. Du latin culpabilis, qui montre que même nos ancêtres, ceux qui nous ont précédé et ont prié pour que nous ne fassions pas les mêmes erreurs qu’eux, ont échoué en un certain sens. Car même si l’Histoire se répète, les guerres de religions, la destruction pour le pouvoir, les abus d’influence, nous, humains, n’apprenons jamais de nos leçons. Parce que nous sommes des êtres faibles, des êtres nés pour s’entretuer. Pourquoi avons-nous une conscience, si elle nous torture constamment, nous plongeant dans les Enfers avant même le Jugement Sacré ? Un homme dévasté par la culpabilité est déjà plus puni qu’un homme qui savoure les délices des tortures qu’il fait subir à ses victimes. Coupable. Un seul mot, tant de sens et tellement de pouvoir. Ce mot qui envoie des hommes croupir dans leur désespoir, seul ou entourés de personnes qui eux aussi ont entendu ce mot, une fois au moins. Coupable. Ceux qui ne le sont pas et qui sont jugés à tort l’entendent dans tous leurs rêves d’évasion. Comment le monde a pu devenir aussi fou, pour qu’un seul mot ait une influence pareille ? Est-ce les procès de sorcellerie, où des hommes et des femmes furent sacrifiés sur les bûchers sacrés pour expier des démons imaginaires ? Est-ce que l’Homme savoure t-il la souffrance, la destruction d’autrui au point de dire ce mot juste pour voir le résultat ? Quand sommes-nous devenus des monstres ? Nous sommes tous coupables, d’une certaine façon. Certains plus que d’autres, l’Histoire l’a prouvé. Si les nazis sont coupables de crimes contre l’humanité et pointés du doigt, ceux qui ont fermé les yeux devant les processions de juifs sacrifiés pour une quête paranoïaque ne sont-ils pas coupables ? Coupable. J’ai retourné ce mot dans tous les sens pour essayer de comprendre : pourquoi ce mot ? Comment il avait pu influencer ma vie à ce point ? Je n’avais trouvé aucune réponse, mais une certitude : quand un coupable devient sa propre victime, le remord le ronge jusqu’à la fin de sa vie, sans espoir de rédemption.

Quand je me suis réveillé à l’hôpital, que j’ai vu les lumières vaciller autour d’un cadre blanc, avec des murs blancs, un lit blanc, des rideaux blancs, j’ai fermé les yeux et attendu que le cauchemar se termine. Mais d’un coup, une douleur sourde m’a terrassé. Ce n’était pas la première fois que je finissais à l’hôpital, notamment à cause du foot US. Non, ce n’était pas la première fois. Pourtant, cette fois-ci, quelque chose était différent, radicalement nouveau. Comme la première et la dernière fois que quelque chose du genre devait arriver. Et cette certitude ne quitta pas mon esprit quand j’entendis les machines biper près de moi. Mes yeux ne se fixaient sur rien, ne cherchaient ni l’ombre ni la lumière. Je cherchais encore mon équilibre dans ce semi-silence. Evaluai mes blessures. Mon ventre me déchirait de l’intérieur, je sentais la démangeaison de points de suture, la respiration sifflante et douloureuse des côtes cassées. Mes jambes… Je me souvins rapidement que j’avais prié pour qu’elles soient encore là à mon réveil, je ne les sentais presque pas en m’évanouissant quelques heures plutôt. Ou du moins ce que j’estimais être quelques heures plus tôt. Là, ma jambe droite me semblait immobilisée, emprise d’une douleur aiguë que je ne connaissais pas. Toute cette souffrance me donnait envie de vomir, de m’évanouir et de mourir à la fois. J’aurais bien hurlé, mais ma gorge était aussi sèche que le désert du Sahara à l’heure de pointe. Impossible d’avaler, presque. Mes yeux clignèrent deux ou trois fois de plus avant que je ne commence à reprendre conscience. Une ombre. Ca bouge trop vite. Ma tête… Oh mon Dieu, ma tête. Comment est-ce possible que je n’aie pas senti ça avant ? Lancinant, le mal me terrasse. Je tente de gémir mais ma gorge n’émet qu’une sorte de sifflement étrange. La vue revient lentement, et je plisse les yeux pour mieux distinguer la personne à mon chevet. Ma mère. Elle est là. Ma gentille petite maman. Celle qui depuis le premier jour a décidé de m’aimer et de me chérir, faisant passer mes besoins en premier dans sa liste de priorités. Elle m’a raconté qu’un court moment elle m’a repoussé, refusant d’élever un enfant seule à 17 ans. Mais pourtant, quand elle avait croisé mon regard, elle avait compris que jamais plus elle ne lâcherait ma main. Et je remercie le ciel tous les jours qu’elle ne m’ait pas abandonné. Mais ma petite maman a le regard tellement triste, si désespéré. Ses grands yeux rieurs sont tout secs, mais parce qu’ils sont enflés et que les larmes ne coulent plus. Ses lèvres qui aiment esquisser un petit sourire rassurant en permanence tremblent, ses dents claquent. Elle me couve des yeux, comme si j’allais disparaître, m’enfoncer dans le lit et être aspiré dans un néant sans fin. Ses petites rides, sur lesquelles on la taquine souvent, mais qu’elle appelle « les hauts et les bas de la vie », creusent des trous énormes dans son beau visage rond. Elle a l’air amaigrie, défraîchie, fanée. Ma petite maman. J’aimerais lui dire de ne pas s’inquiéter, que je l’aime et que même si je souffre en ce moment, ça ira mieux dans quelques jours. Mais mes lèvres sont si sèches, je crois que j’ai des crevasses, et ma langue est toute gonflée. Maman. Si tu savais comme je t’aime. Comme j’ai pris sur moi, toutes ces années, en te regardant souffrir le martyr pour nous offrir une vie de rêve, à Liam et moi. Les larmes que je versais quand la main de notre beau-père s’abattait sur ta peau diaphane, rougie, bleuie par les coups quotidiens. La force que je lisais sur ton visage à ce moment-là était telle que je ne pouvais m’empêcher de t’admirer, au plus profond de moi. Ma petite maman, ma super héroïne. Et même les jours les plus difficiles, tu prenais le temps de nous border, de nous faire rire et sourire. Jamais tu n’as abandonné. Et pourtant, quand je te regarde là, assise près du lit, dévastée, tu n’as plus rien de cette maman courage, tu es tellement terrifiée. Parce que pour une fois, la personne qui souffre, ce n’est pas toi mais ton petit garçon. Et dans tes yeux je lis l’inquiétude de toute une vie, l’inquiétude de toutes les maman du monde. Que t’aies-je donc fais ?

Les jours passent, malgré tout, dans cet atmosphère stérile, vide de toute forme de vie. C’est fou comme on perd la notion du temps quand notre univers se limite à quatre murs blancs et une fenêtre, seul repère temporel d’une pièce close. Les visites me distraient, mais je n’ai plus le cœur à rien. Quand on m’a annoncé l’étendue de mes blessures, j’ai d’abord fermé les yeux. C’était la seule réaction tangible qui m’ait venu à l’esprit. Peut-être que si je fermais les yeux, je me réveillerai. Que tout cela ne sera qu’une grosse blague, ou un vrai cauchemar. Et puis la douleur. Elle n’était pas due à mes blessures, non. C’était une douleur diffuse, qui partait du fond de mes tripes, qui grossissait vitesse grand V, qui me broyait littéralement de l’intérieur, en remontant vers mon estomac. Je me pliai en deux, du mieux que je pus, pour limiter la propagation de cette boule géante, mais lentement, elle m’envahit complètement. Des sursauts saccadés de ma poitrine déchirée. Les larmes qui refusent de couler, qui me bloquent la vue et rendent mon monde blanc complètement flou. Je ne peux pas avoir tout perdu, si ? Pas aussi vite, pas comme ça. On ne peut pas perdre sa raison de vivre, une partie de sa mobilité pour une soirée de plaisir, pas vrai ? C’est du moins ce que j’essayais de me dire, malgré tout. Mais rien n’arrêtait le cauchemar, les allers-retours des médecins. Le chirurgien qui me disait que j’avais eu une hémorragie interne, mais que tout irait bien. Celui qui venait vérifier l’état de mes fractures. Celui qui regardait mes yeux pour voir si mon traumatisme crânien n’évoluait pas. Que des blouses blanches, des médecins avec ce sourire stressant, celui qui dit « Vous verrez, tout ira bien… Eventuellement ». Non, plus rien n’irait bien. Il n’y aurait plus d’entraînements le matin à 4h30, il n’y aurait plus de Cannonballs, plus de matches, de victoire, d’allégresse. Il n’y aurait plus ma jambe, bien qu’elle soit encore rattachée à mon corps. La première fois que je me suis retrouvé seul dans ma chambre, j’ai voulu savoir. Je me suis assis tant bien que mal sur mon lit, ma cicatrice sur l’abdomen qui me démangeait. En serrant les dents, je me suis levé, par à-coups. Lentement, mais sûrement. La salle de bain n’était pas loin, j’ai mis dix minutes à l’atteindre, mais au moins j’y suis arrivé. Et j’ai allumé la lumière. Ce qui m’a frappé d’abord, c’était ma pâleur. J’étais blanc comme un cachet d’aspirine, les traits fatigués, épuisés même. Pourtant, je me sentais plutôt bien, ce matin-là. Et ensuite, le reste est venu se planter dans mon champ de vision. Du rouge, partout du rouge. De grandes coupures, des fils noirs par-ci par là, ma jambe dans le plâtre… Partout, des blessures. J’étais couvert de mes futures cicatrices. De grands hématomes couvraient les zones qui n’étaient pas trop abîmées, certains parcourant ma poitrine traçant, je pus le constater, la marque de la ceinture de sécurité. Je vis tout cela en moins d’une seconde. L’instant d’après, je sentis les ténèbres m’envelopper, le sol se rapprocher et j’entendis ma mère crier mon nom. Ce corps faisait désormais partie de ma vie, et même mon cerveau voulait me protéger de cette vision d’horreur. Je mis presque deux semaines à me remettre de tout ça, avant de commencer la rééducation. Bien sûr, je refusai de manger, de faire les exercices avec le kiné, parfois de manière passive et des fois agressive. Personne ne me le reprochait, ils essayaient juste de comprendre. Mais plus le temps avançait, plus c’était dur. Savoir que je pourrais revenir à Wynwood m’a motivé dans ce qui a été le parcours du combattant. Le jour où l’on m’a enlevé mon plâtre, je me souviens d’avoir pensé un court instant « Si ça se trouve, je pourrai marcher à nouveau, courir, qui sait ». Mais on m’a enlevé ce rêve également. A peine j’avais posé le pied par terre que la douleur me mit HS. Radios, IRM… Un minuscule bout d’os se baladait près du nerf. Le moindre mouvement, même infime, risque de me faire mal. Mais le risque d’opérer est trop grand, il faudra donc vivre avec. Une fois de plus, le sort s’acharne sur ma carcasse. N’aurai-je donc pas une seconde de répit ? Dieu veut-il vraiment que j’abandonne ? Je ne croyais pas à son existence avant, mais maintenant j’y crois d’une certaine manière. Parce que le destin ne peut pas être aussi cruel avec quelqu’un. On ne peut pas vouloir blesser quelqu’un au point de ruiner sa vie, si ? A moins d’être humain. Ou d’être Dieu. Mes parents m’ont envoyé dans un centre de rééducation pour riches. Au début, je me suis replié sur moi-même. Et j’ai vu ces gens. Leur côté humain. Ils ne me tendaient pas la main par pitié, parce qu’eux n’avaient plus de jambes, ou une seule, mais parce qu’ils avaient fait un choix que je refusais : continuer à vivre. Peut-être était-ce possible. Mais j’avais décidé que non. Mais leur détermination m’a permis d’entamer le processus d’acceptation. Je faisais le deuil de toute une vie, d’un rêve d’enfance, d’un avenir brillant. Je faisais le deuil de l’ancien moi. C’est difficile de vivre un deuil, mais encore plus quand on s’enterre seul. Je suis coupable de mon propre sort, et ça, je ne l’oublierai jamais.

Le retour à Wynwood, à la réalité pré-accident, a été compliqué. Compliqué parce qu’il a fallu quitter de nouveau Sydney, ma mère au regard triste, mon frère que j’aime tant, mon foyer. Compliqué parce que j’ai du recommencer une nouvelle vie. La même vie qu’avant, avec un sérieux désavantage. Perdre mes potes CB, ma confrérie. Oui, tout recommencer. Pour le mieux, j’espérais. Mais comme on dit, l’espoir fait vivre. Revivre dans ce lycée et affronter les regards amis, ennemis ou inconnus, supporter les messes basses, les moqueries, la pitié. Mais j’étais fait d’un bois fort, increvable. J’allais leur montrer. Et tant pis si je devais redoubler, si je devais tout supporter, j’avais vaincu la mort cette nuit-là. Malgré cette décision, je restai en retrait, pour me mêler au moins de monde possible. Ce qui marchait plutôt bien jusqu’à présent. Mais qui devenait difficile, avec les events. J’adorais les fêtes, la foule, les gens. Maintenant je les tolère mais les fuis si je me sens en danger, ou du moins mal à l’aise. Allez construire une vie sociale sur cette base. Assez compliqué, oui. Pourtant, mon intégration chez les SM se passait bien, je suppose. Mais la compagnie des autres êtres humains me rend perplexe. Arrivent-ils à lire dans mon regard ? Arrivent-ils à voir la culpabilité, les remords, les regrets ? La douleur qui me ronge ? C’est pour cette raison, pure et simple, que j’ai décidé de prendre en main mon avenir et ma conscience. Aller à une réunion. J’en avais entendu parler au centre de rééducation, par l’intermédiaire de Sophie, une petite fille qui avait eu un accident de voiture avec ses parents. Ils étaient morts en la sortant de la voiture. Elle n’avait plus aucune sensibilité dans les jambes et était en fauteuil roulant. Je me souviens de son sourire joyeux, de son rire. Elle paraissait toujours heureuse, malgré la peine, le traumatisme. Elle était une petite fille comme les autres, d’une certaine façon. Et le soir, elle venait parler avec moi. Elle me racontait sa journée, les examens, ses rêves… Et un jour, alors que je gardais le silence pour écouter sa petite voix toute douce me parler de tout et de rien, elle me dit très sérieusement « Il faudra bien que tu en parles un jour, tu sais ». Oui, je sais, Sophie. Mais ça voudra dire que, d’une certaine façon, j’aurais accepté mon sort. Et à ce moment-là, à Sydney, je n’étais pas prêt. Pas encore. Mais aujourd’hui, devant la porte, je me sens prêt. Vulnérable, mais prêt. Il me fallait affronter tout ça. Regarder des familles accepter la mort, la douleur d’un proche à cause de gens comme moi, qui n’avaient pas su choisir. J’avais tenté le sort, et même si aujourd’hui, j’étais ma propre victime, je me devais de rompre le cycle de dépression que j’avais entamé. Je soupirai profondément. Etait-ce ce que je voulais vraiment ? Me regarder en face, après avoir passé tellement de temps à regarder en arrière, à m’en vouloir ? Je pensai aux conséquences de mon ivresse. J’aurais pu tuer la nana qui a refusé de monter dans ma voiture. J’aurais pu tuer un piéton. Une femme enceinte, un père de famille, le fils ou la fille de quelqu’un. Quel égoïsme peut pousser un homme riche à ne pas prendre un taxi au lieu de sa voiture de course pour rentrer chez lui ? Quelle stupidité. Mais me voilà devant le fait accompli. Je poussai la porte, complètement tétanisé.

La pièce était grande, comme une salle de bal, avec des chaises disposées en cercle. Un cercle. Je m’étais toujours demandé pourquoi, dans les films, on disposait toujours les chaises en cercle. Pour créer un contact ? Une intimité ? Je ne me sentirai pas à l’aise sur une de ces chaises, dans un cercle auquel je n’appartiens pas. Un buffet de gâteaux et de boissons était installé un peu plus loin, histoire de détendre les gens après une discussion difficile je suppose que c’est nécessaire. Il y a plein de sorte de cupcakes, apporté par des participants, je suppose. Je me sens stupide, si stupide de ne rien avoir emmené. J’aurais du y penser, pourtant. On emmène toujours quelque chose dans une réunion comme ça, non ? Je passe la main dans mes cheveux, perplexe. Sur ma droite, quelques personnes discutent. Deux femmes, trois hommes. Ils sont proches physiquement, je suppose qu’ils se connaissent, ou du moins qu’ils ont fait quelques réunions ensemble. Ils parlent à voix basse, comme dans une église ou un sanctuaire. Je pense que pour eux, c’est tout comme. Ils viennent célébrer un proche, un enfant, un ami. Ils viennent parler d’eux, échanger des souvenirs, douloureux ou non. Je me demande ce que je dois faire. M’approcher ? Rester dans mon coin ? Et puis, qu’est-ce que je vais dire ? « Bonjour, je m’appelle Zac, et contrairement à vous, je n’ai pas enterré un proche, mais mon avenir et ma fierté » ? Je me sens comme un intrus dans cette grande pièce. Mais c’est déjà trop tard, j’ai été repéré. Une femme d’une trentaine d’année s’approche de moi, me parcourt du regard (très rapidement, histoire de ne pas être malpoli) et m’invite à m’asseoir sur une des chaises. Je suis le premier à me poser, suivi du petit groupe que je suivais du regard, qui a suivi mon exemple en me regardant marcher avec un air empreint de pitié. J’ai envie de partir, parce que je déteste qu’on me regarde, mais je tiens bon. J’ai pourtant l’air du type le plus normal du monde, avec un polo noir, un jean et des converses noires. Mais on doit distinguer quelques cicatrices sur mes bras, et ma démarche n’est pas celle d’un homme normal. Oui, ils doivent se dire, dans cette curiosité qui fait le genre humain « Mais qu’a-t-il donc eu pour avoir de telles blessures ? ». Mais ils n’auront pas la réponse aujourd’hui. Je me contenterai de les écouter, de les comprendre. Peut-être, si je parvenais à supporter cette séance, que je parlerai, dans une ou deux séances, qui sait. Je me recroquevillai sur moi-même, histoire de ne pas me faire remarquer, ce qui est un exploit pour un gars d’un mètre 93 avec une carrure comme la mienne. J’entendis vaguement les gens s’installer, sans lever les yeux vers quiconque. Et puis, lentement, la réunion commença. Les premiers récits me firent baisser les yeux, serrer les dents. Entendre tellement de douleur, dans le discours d’une personne… Ca vous atteint en plein cœur. Des gens heureux, qui aiment leurs familles, qui rendent les autres heureux aussi. Et ils disparaissent dans des circonstances tragiques. Tenir son fils, bébé, dans ses bras et savoir que 29 ans plus tard, il mourra d’un AVC. Se dire que c’est ainsi, que c’est la vie. Qu’on y peut rien, et que de toute façon, tout est déjà écrit. J’ai envie de partir en courant, pour ne pas laisser la douleur sourde m’envahir de nouveau, au souvenir de ma vie brisée. Les gens parlaient, et plus ils parlaient, plus ma carapace se fendait. Comment peut-on risquer de causer ça à quelqu’un ? Lui arracher l’amour de sa vie, juste pour une soirée fun ? Le mettre à terre, le briser, sans aucune pensée pour le lendemain ? Sans se dire que celui qu’on vient de renverser a une famille, qui ira le voir à l’hôpital et pleurera sa mort ? Le silence se fit dans la salle. Quelqu’un devrait parler, mais personne ne bouge les lèvres. Je lève enfin les yeux pour distinguer une petite brune en face de moi. Elle avait le visage caché par ses cheveux, mais elle tremblait légèrement, comme pour résister à la douleur ou la fureur qui l’envahissait, je ne saurais dire. Elle respirait de manière erratique. Je détournai le regard, histoire de ne pas la perturber. Elle commença son récit :

- J'ai ... J'ai un petit frère ... Enfin ... J'en ai deux ... Deux adorables jumeaux de ... Quatorze ans ... Kyle et ... Et Antoine ... C'est ... Deux parfaits abrutis, carrément attachants ... -elle tentait désespérément de retenir les sanglots qui la secouait, et je sentis mon cœur se serrer brusquement - Je ne les vois pas souvent c'est vrai ... Ils sont loin et je m'en veux parce qu'au fond ... C'est ma faute. C'est moi qui suis partie comme une véritable imbécile et ... Et ... – elle essuya une larme - Il y a deux mois ... Le petit dernier, celui qu'est né après l'autre a eu ... Enfin ... Il a .. -elle renifle- Une voiture lui ait rentré dedans, et l'abruti qui conduisait s'est barré. Comme ça, il ne s'est même pas arrêté.


Là, mon cœur fut instantanément écrasé par un sentiment de culpabilité. Oui, la culpabilité. Vous vous en souvenez ? Je vous en ai parlé au début de cette histoire. Ce sentiment malpropre, douloureux, qui vous donne l’impression d’être une mauvaise personne. Mais en soit, vous en êtes une, si vous ressentez ça, non ? Mais quand bien même je n’étais pas responsable de l’accident de son frère, j’étais une de ces personnes. Une de celles qui auraient pu le renverser, car trop occupé à me préoccuper de moi et de mes désirs plutôt que de la sécurité des autres. Et si j’avais été cet homme-là, celui qui l’a renversé ? Mon beau-père aurait payé la famille pour être tranquille, et j’aurais écopé de la carte « sortie de prison », comme à chaque fois. C’était injuste. Parce que ce petit garçon, il avait une sœur qui s’inquiète pour lui, un jumeau, des parents morts d’inquiétude. Comme ma mère à mon réveil. J’avais causé la peine que je voyais dans cette fille. Je l’avais imposée à ma mère. Sans même penser au lendemain. Qu’est-ce que je suis con, comme mec. Et puis, ce petit garçon, ça aurait pu être Liam. Mon petit frère, mon petit bout, même s’il a déjà 16 ans. Il reste mon petit gars, mon petit frère, que j’ai envie de protéger contre tout, parce que c’est le rôle d’un grand frère non ? Et pourtant… tout comme la jeune femme en face de moi, je suis loin de lui, et je ne peux rien faire pour rattraper mon absence auprès de lui. Il a peut-être besoin de moi, mais il ne le dira pas. Je suis parti de manière si égoïste… Oui, la première fois c’était contre ma volonté, mais j’étais retourné à Wynwood de ma propre volonté. Etais-je donc un si mauvais frère ? J’eus envie de l’appeler à l’instant, mais j’étais en pleine réunion, je ne pouvais pas me le permettre. Toute cette tension, cette douleur ambiante eut finalement raison de moi. Une larme coula, et je reniflai un coup. Non, je ne pleurerai pas devant des inconnus. Encore cette stupide fierté, j’en crèverai sûrement de cette merde. Je ravale mes larmes pour écouter la suite du récit de la jeune brune.

- Je n'y suis pas ... Je ne suis pas là-bas, avec lui, à ses côtés. Il est dans le coma et moi, je vis ma petite vie tranquille ici, au soleil ... C'est surement ça le pire ... J'aurai préféré que ce soit moi. Il ne méritait pas ça, pas lui !


D'un côté je pouvais comprendre ce qu'elle vivait. Déracinée, loin de sa famille, à penser à toutes les choses qu'elle aurait aimées dire à son frère, à tout ce qu'elle ne vivait plus avec lui, tout ce temps qu'elle avait perdu sans penser au fait qu'il pourrait lui arriver quelque chose... On ne pense jamais qu'un proche peut nous quitter, comme ça, sans raison. Que demain il pourrait mourir, violemment ou d'une maladie qui le rongera jusqu'à la fin. On ne pense pas assez aux gens qu'on aime. A ceux que l'on veut écouter rire, qui savent nous consoler, nous faire sourire. En l'écoutant, je pensais à mon frère, à ma mère restés au pays. Il y avait tant de choses que je ne leur avais pas dites. Tant de choses qui me brûlaient les lèvres... Oui, moi aussi j'avais vécu trop tranquillement, posé sur mes lauriers, à attendre qu'on me donne tout ce que je désirais. Le luxe, la fortune, la gloire étaient mes principaux intérêts. J'avais perdu ce pour quoi j'étais doué. Mon unique chance d'avenir. Mais j'avais compris tellement de choses, depuis mon accident. J'avais réalisé à quel point on pouvait souffrir, physiquement et mentalement. J'avais pris conscience que ma famille était mon roc, et qu'ils m'aideraient quel que soit mon choix pour le futur. Et la vie n'est pas chose facile. Alors si je dois ramer pour mériter ce qui me revient de droit, tant mieux. Au moins, j'apprendrai la valeur des choses à mes enfants. Je leur raconterai l'histoire de ce petit garçon, qui s'est fait renverser par un abruti comme leur père, et de son combat pour la vie. Je leur parlerai du travail qu'il m'a fallu pour changer. De ce qui m'a amené là, et de mon envie de me battre contre tout ça. Mais là encore, ce ne sont que de belles paroles, parce qu'en l'écoutant, je me sens terrifié. Terrifié à l'idée de tout ce que je vais encore devoir vivre, endurer, la culpabilité, la faiblesse et la douleur. Je suis mort de peur. Et pas parce que je ne suis pas là où je devrais être, près des miens. Mais parce que je viens de me rendre compte à quel point je suis loin de devenir quelqu'un de bien. La jeune femme se leva brusquement, emportant ses affaires en s'excusant. Elle tourna la tête et je pus voir des larmes couler sur son visage que je ne distinguais qu'à peine. Elle s'enfuit vite, loin de sa douleur, loin de notre douleur à tous. Je pouvais la comprendre. J'entendis la porte claquer, et le silence fut. Chacun regarda son voisin, et je baissai les yeux. Puis, lentement, tous se levèrent et se dirigèrent vers le buffet. Je pris mes affaires et décidai de m'en aller avant que la blonde qui gérait la réunion ne veuille me parler. J'avais évité le tour de parole aujourd'hui, mais je n'y échapperai pas une fois de plus, apparemment. Je poussai la porte et butai contre quelque chose... Ou quelqu'un. La petite brune était recroquevillée sur les marches, en larmes. Je baissai la tête et sortis. Je m'apprêtai à repartir dans la rue quand quelque chose me retint en arrière. La brunette. Je m'avançai vers elle et me postai juste devant. Puis, non sans difficulté, je m'accroupis et lui dit :

- Dis... Tu crois que ton frère serait content que tu te rendes aussi malheureuse ?... Je sais que c'est difficile, mais crois-moi, il n'a pas envie que tu aies autant de peine. Tu es ici, oui, mais ça ne te définit pas en tant que sœur, tu sais. Tant que tu penses à lui, ça lui suffit amplement, je pense. (Je me levai et tournai le dos pour repartir) Crois-moi ou non. Mais au fond de toi, tu sais que je n'ai pas tort. Prends soin de toi.

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MessageSujet: Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥]   Parler, ça fait du bien parfois ... [Ft Zac' ♥] EmptySam 12 Juil 2014 - 17:56



Zacchary M. Durden & Carry Chainsaw
❝ Parler ça fait du bien, parfois ... ❞

Ou:
Une adresse, une boule au ventre, un regret. Celui de ne pas pouvoir être à ses côtes, de ne pas pouvoir l'accompagner dans cette épreuve, mais à bien y réfléchir, sa présence changerait-elle quelque chose ? Le fait d'être là-bas, en Australie pourrait-il aider. Est-ce que Kyle ... Est-ce que son état de santé se serait amélioré au lieu de ... De se dégrader. Parce que oui, plus tôt dans la journée, c'est ce que Carry avait appris. "Ma chérie, Antoine ne progresse plus. Les médecins ont constaté une chute importante dans son état de santé. Ils ne sont plus sur de rien". Et c'était tout. Tout ce qu'elle avait retenu du long appel qu'elle avait eu dans la matinée avec sa mère. Un appel téléphonique qui avait duré une bonne heure, où la brunette n'avait presque rien dit. Ça avait été trop difficile, trop dur. Si elle avait commenté quoi que ce soit, si elle avait seulement essayé d'y croire, elle aurait éclaté en sanglots, et elle ne voulait pas. Elle savait qu'elle ne le devait pas. Elle savait que ça n'aurait fait qu'augmenter l'inquiétude et la tristesse de sa mère. Et elle ne voulait pas en rajouter. Il ne le fallait pas ... C'était bien assez compliqué comme ça.

Ces quelques mots l'avaient brisé, déchiré intérieurement. La seule pensée de perdre son frère, son petit frère, lui arrachait le cœur, lui donnait envie de tout quitter, de rentrer, de se précipiter à son chevet et d'y rester chaque jour, chaque heure, chaque minute qui passeraient. Perdre ce gosse, c'était comme perdre une partie entière d'elle-même. S'il partait, beaucoup d'elle s'en iraient avec lui. Pourquoi était-elle partie ? Ou du moins, pourquoi si loin ? Il y avait aussi des villes en Australie ! Des villes dans lesquelles elle aurait pu se réfugier, mais non, il avait fallu qu'elle vienne en Amérique, sur le continent, bouffer des frites et des hamburgers, se dorer la pilule sur Miami Beach et coucher avec qui elle jugeait assez bien pour ça. Elle vivait tranquille, loin de son connard de père, mais jamais, jamais elle n'aurait pensé qu'une telle chose pourrait se produire. Pas avec elle, pas dans sa famille. Ça n'arrive qu'aux autres ... Non, c'était faux. Ça arrive à n'importe qui. Que les gens soient riches ou pauvres, ça arrive à n'importe qui. Il n'y a pas de barrières, pas de privilèges. Ça frappe, du jour au lendemain et c'est la fin. Il n'y avait pas d'autres alternatives, d'autres possibilités. C'était comme ça, et c'était tout. Carry le savait, elle le vivait depuis deux mois. La vie de son petit frère ne tenait plus qu'à un fil. Il allait peut-être mourir.

Peut-être sa mère avait-elle raison avec son discours sur les "réunions deuils" ou quelque chose comme ça. Pour être honnête, l'Alpha n'avait pas tout compris. Elle n'était pas parvenue à se concentrer. Comment l'aurait-elle pu ? Comment vider sa tête des horribles pensées qui la torturait, qui lui bouffait le crane l'estomac, le cœur. Comment enlever cette image de son frère inerte, dans un lit, ou au fond d'un cercueil ... Comment ? Il n'y avait aucun moyen. C'est impossible. Impossible pour elle. Elle avait toujours vécu dans la souffrance, dans la douleur, dans le mépris, et elle avait appris. Appris à surmonter. À surmonter le dégoût que son père éprouvait à son égard et qu'enfant, elle ne parvenait pas à comprendre, les actes vicieux dont il était responsable et qu'il effectuait dans le dos de sa femme ... Elle savait encaisser, elle savait enfermer au fond d'elle la douleur, la peine, la tristesse. Mais ce n'était plus possible. Ça, elle n'y arrivait pas. C'était le coup de grâce, le tir en pleine cible, la découverte de ses faiblesses. S'il existait un dieu, il voulait qu'elle aille en enfer, et à ce rythme, elle irait. Il voulait qu'elle souffre, il voulait qu'elle paye pour tout, pour son départ, pour son caractère, sa façon d'être, sa méchanceté, pour tout. Et c'était réussi. A présent, elle était fissurée, elle se brisait petit à petit. Elle mourrait elle aussi..

Non, il avait d'abord était hors de question de se rendre dans ces réunions de dépressifs. La réponse avait été catégorique, elle avait été "Jamais de la vie, je vais bien." Mais ça n'avait pas été convaincant. Ni pour elle, ni pour sa mère. Elle cachait tellement mal sa tristesse qu'elle s'en voulait presque. Mais, compréhensible qu'elle était, Madame Chainsaw n'avait pas insisté plus que ça, ce n'était pas nécessaire. Carry n'était pas bête à ce point. Elle savait qu'elle en avait besoin, qu'elle voulait parler, vider son sac, mais impossible de faire ça au téléphone. Et impossible de faire ça tout court. En parler, oui, mais à qui ? La solitaire rebelle n'avait personne. Ou si, mais où était-il ? Où était Evan ? Il avait disparu. Littéralement. Et Joy. Non. Cette petite avait déjà trop de soucis pour que la brunette ne vienne en rajouter. Elle était seule. À bien y réfléchir, elle n'avait personne. Et c'était entièrement de sa faute. Quelle idiote. Si seulement elle n'avait pas été et n'était pas ce qu'elle est, tout aurait pu être plus simple, moins difficile. Tout aurait pris des dimensions meilleures. Elle ne devrait pas tous supporter seule. Elle n'aurait pas à subir seule, à encaisser seule, à souffrir seule. Elle était entière responsable de sa situation, elle l'avait voulu.

Un bout de papier dans la main, plantée devant ce bâtiment, elle soupira longuement. Finalement, aussi stupide paraissait-elle, elle avait fini par faire une ou deux recherches. Ça ne lui avait rien coûté après tout. Une lourde porte en bois se tenait devant elle, ornée de deux anneaux métalliques qui servaient sans doute à toquer. D'une main tremblante, Carry en saisit un, et le fit battre contre la porte. Une femme, blonde, mince, et ayant surement la trentaine lui ouvrit, un sourire rempli de tendresse sur les lèvres. Ça devait être elle. Une certaine Caroline Hammer, organisatrice de ce genre de réunion. C'était à croire qu'elle n'avait pas l'habitude d’accueillir des jeunes gens dans le style de l'australienne puisqu'à l'arrivée de celle ci elle lança d'un ton agréable "Ah ! Entrée mademoiselle ! C'est rare de voir des jeunes filles comme vous, à part l'autre garçon, il n'y a souvent que des couples ici, mais je suppose qu'il est inutile que je vous explique pourquoi ...". Sa joie de vivre s’éteignit d'un coup. C'était comme si elle s'était rendu compte que son ton et son air joyeux n'étaient pas appropriés. Mais Carry n'en dit rien, seules ses lèvres s'étirèrent légèrement laissant apparaître un sourire sans grande conviction. Il n'y avait pas de quoi sourire, pas ici.

À la suite de la dite Caroline, l'Alpha entra dans la salle prévue pour la réunion, tout y était. Bouteilles d'eau, chaises en cercles ... Déjà tout le monde semblait être là. En fait, toutes les places étaient prises, il fallut donc rajouter une chaise pour que la brunette puisse s'asseoir. Ce qu'elle fit. S'asseyant, elle posa son sac à ses pieds et n'accorda le moindre regard à personne. Elle n'avait aucune envie de lire la souffrance, la tristesse et la douleur des personnes présentes dans leurs yeux. La sienne lui suffisait largement, elle ne se sentait pas d'en supporter d'autre. Déjà que c'était dur avec juste sa propre, à elle ... Non, elle ne voulait pas.
Au début personne ne parlait, et personne non plus ne semblait décidé à se lancer. C'est alors qu'un vieille homme -elle ne le vit pas mais le devina à sa voix éteinte et fatiguée - commença à raconter le décès tragique de son fils, il y avait à peine deux ans. À l'évocation de son histoire, Carry, l'écoutant peinait à retenir ses larmes qui montaient dans ses yeux. Que lui arrivait-il ? Ce n'était pas elle. Non, ça ne lui ressemblait pas. Elle n'avait jamais partagé la douleur de quelqu'un et pourtant, là ... C'était comme si ... Comme si elle le vivait, comme si c'était à elle qu'on arrachait un fils, comme si c'était sa vie qui se détruisait. Mais n'était-ce pas le cas ?

Les gens racontaient un à un, tandis qu'elle, déclinait chaque fois son tour, laissant les autres passer d'abord. Puis, elle ne pouvait plus y échapper. Elle devait parler. Mais elle ne se sentait pas prête, ce n'était pas le moment, pas encore. Elle ne pouvait pas. C'était trop ... Dur, trop compliqué. Trop éprouvant. Elle avait l'impression que son cœur remontait dans sa gorge et qu'elle était sur le point de l'expulser de son corps, comme si de cette manière tout allait disparaître. Comme si rien n'avait été vrai, comme si tout n'était qu'un cauchemar intensément réaliste. Mais ce n'était pas le cas. Tout était bel et bien réel. Ce n'était ni un mauvais rêve, ni une mauvaise blague. C'était vrai. Et là, elle ne pouvait plus fuir, même si c'était ce dont elle avait le plus envie, elle ne le pouvait pas. Elle était coincée. Mais elle ne devait pas sombrer. Elle n'avait jamais sombré. Elle avait même réussi à résister à ce qu'elle avait acheté à ce Shane au bal de promotion alors elle ne devait pas chuter maintenant.

Tête baissée, Carry cherchait inconsciemment à se cacher derrière ses cheveux qui encadraient son visage par de longues mèches brunes. Mais c'était inutile, elle ne pouvait pas. Tandis que ses mains se serraient en poings sur ses cuisses, elle se mordillait la lèvre inférieure, pour essayer de ravaler les sanglots qui remontaient dans son organisme. C'était une sensation horrible. Tous les regards étaient rivés sur elle alors que le sien ne cessait de suivre les lignes du carrelage. Un silence pesant s'était installé et elle entendait déjà ce que chacun devait penser. Tous devaient avoir pitié d'elle. Tous devaient ce dire "Pauvre enfant, ce doit être dure pour qu'elle ne parvienne pas à en parler, et récent surtout." La pauvre, la pauvre, la pauvre. Les gens n'ont que ce mot à la bouche. Ils ne savent que faire preuve de pitié, de compassion, parce qu'ils sont incapables d'autres choses.

Cinq minutes, dix minutes, quinze minutes et toujours rien. Rien, absolument rien. Rien ne voulait sortir de sa bouche, aucun mot, pas un seul. Juste des débuts de mot, de phrases inachevées. Sans aucun sens. Elle était incapable de s'exprimer. En fait, elle avait peur. Peur du regard des autres, peur du regard de ces gens-là, de ces gens qui sont pendus à ses lèvres, attendant qu'elle se décide à dire quelque chose. Peur de leur jugement, peur de se confier. Mais il était trop tard. Elle aurait dû y penser avant. Inspire ... Expire ... Inspire ... Expire.

"J'ai ... J'ai un petit frère ... Enfin ... J'en ai deux ... Deux adorables jumeaux de ... Quatorze ans ... Kyle et ... Et Antoine ... C'est ... Deux parfaits abrutis, carrément attachants ... -elle marqua une pause pour ravaler ses pleurs qu'elle n'arrive pratiquement plus à contrôler et reprend - Je ne les vois pas souvent c'est vrai ... Ils sont loin et je m'en veux parce qu'au fond ... C'est ma faute. C'est moi qui suis partie comme une véritable imbécile et ... Et ... -d'un geste furtif, elle essuie la première larme qui coulait sur sa joue - Il y a deux mois ... Le petit dernier, celui qu'est né après l'autre a eu ... Enfin ... Il a .. -elle renifle- Une voiture lui ait rentré dedans, et l'abruti qui conduisait s'est barré. Comme ça, il ne s'est même pas arrêté."


Pause. Reniflement. Reniflement ? Quelqu'un d'autre pleurer, ou bien avait-il juste un rhume ? Carry ne se rendait pas bien compte de ce qu'il se passait. Elle n'eut même pas le réflexe de regarder d'où venait ce bruit, la seule chose qu'elle avait faite, c'était de s'adosser confortablement sur sa chaise, de croiser les bras sur sa poitrine et de plonger son regard dans le vide, en direction d'une fenêtre par laquelle les rayons du soleil couchant pénétraient dans la salle. Ses yeux s'embuaient, elle voyait flou, mais ça n'avait pas d'importance. Elle ne pensa même pas à les frotter pour enlever le sel dû aux larmes. En fait, les autres n'existaient plus, il n'y avait plus qu'elle et cette fenêtre. Juste elle et son histoire. Juste elle et son frère.
Nouveau silence. Elle sentait les regards rivés sur elle mais elle ne les calculait pas, elle s'en foutait.

"Je n'y suis pas ... Je ne suis pas là-bas, avec lui, à ses côtés. Il est dans le coma et moi, je vis ma petite vie tranquille ici, au soleil ... C'est surement ça le pire ... J'aurai préféré que ce soit moi. Il ne méritait pas ça, pas lui !."

Sur ces derniers mots, la jeune fille, les joues humides et marquées de coulées d'eau, se leva, attrapa violemment son sac et se dirigea vers la sortie de la pièce, laissant tout de même échapper un "Excusez moi." avant de disparaître. Cette fois, elle ne se retenait plus. C'était inutile. Personne ne la suivait, personne n'était dans les environs. Elle n'avait donc aucune raison de se cacher, vraiment aucune. Et puis, elle n'y parvenait plus. C'était comme un ras de marrées, un véritable tsunami qui la submergeait. Qui la noyait. Elle mourrait. C'était trop difficile, trop dur. Mais elle avait réussi. Elle avait parlé.

Et là, elle pleurait. Parce que, que pouvait-elle faire d'autre ? Rien dans le fond. Elle n'était qu'une spectatrice. Qu'un pion inutilisable du jeu qui se déroulait. Un second rôle d'une pièce qui défilait. Qu'une étincelle dans un incendie. Elle n'était rien. Assise contre la porte fermée, la tête entre les bras, eux même pliés sur ses genoux, repliés sur son torse, elle n'entendait rien, ne voyait rien. Et c'était bon. C'était paisible et libérateur. Aucun problèmes. Juste elle. Pas de soucis. Juste elle. Elle était tranquille. Elle voulait rester comme ça, tout le reste de la journée. Pour le reste de sa vie. Elle ne voulait plus souffrir, comme elle souffrait là. Elle voulait mourir. C'était sa la liberté. Ça le paradis. Si elle le pouvait, elle prendrait la place d'Antoine sur son lit d’hôpital. Ne serait-ce pas plus juste ?

© Mzlle Alice.
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