Don't get too close, it's dark inside... || Mikah et Elena

Remarquant qu’il commence à se faire tard, je demande à Mikah :

« Tu veux peut-être retourner dans ta chambre ? Je te chasse pas du tout ! Bien au contraire, ça me dérange absolument pas que tu restes ! Mais je veux pas te retenir non plus quoi. J’adore discuter avec toi en fait ! T’es vraiment quelqu’un de génial, d’adorable, de juste parfait quoi ! »

Il sourit, rougissant, d’un air trop chou.

« Mais arrête ! C'est embarrassant ! »

Il rit avant d’ajouter :

« Tu as raison, il se fait tard et, il faut mieux que je rentre. De toute façon, tu as retrouvé le sourire, c'est ce qui compte le plus pour moi. »

Je souris encore plus. Ça c’est sûr ! En même temps, comment être triste avec Mikah ? Je crois que c’est juste impossible !

« T’inquiète, je vais pas faire revenir mes méchants démons, je devrais pouvoir rester seule. Au pire je viendrais toquer à la porte de tonton Mikah si je fais un cauchemar ! »

« Haha ! Eh bien n'hésite pas ! »

« Par contre j’insiste pour te raccompagner jusqu’à ta chambre ! »

« D'accord, comme ça je passe encore un peu de temps avec toi et je sais que ça te fais plaisir. »

Il me fait un clin d’œil et c’est à mon tour de rougir. Je suis si prévisible que ça ? Je me lève, mon ami aussi, puis nous quittons le bâtiment des SM pour rejoindre celui des AP, des artistes. Je n’y étais jamais allée. C’est bien plus calme que chez les Sigma Mu où il y a toujours de la musique à fond, des gens en train de gueuler ou alors des joints qui tournent dans les couloirs… Sans un mot, nous arrivons jusqu’à la chambre de Mikah. J’ai remarqué qu’avec les vrais amis, on n’avait pas besoin de parler pour combler les silences, ils ne sont même pas dérangeants. Nous arrivons devant sa chambre. Il ouvre sa porte pour découvrir une pièce parfaitement rangée, assez simple, et sans Carry à l’intérieur (pour mon plus grand soulagement ! Pas besoin de voir sa sale tête ! (que de gentillesse en moi!)).

« Bon bah salut alors. A une prochaine fois ! Passe une bonne nuit ! »

Je plante un pitit bisous sur la joue de mon ami avant de lui faire un ʺau revoirʺ de la main puis me redirige vers ma chambre. Sans Mikah pour me raccompagner, les couloirs semblent plus sombres… Mais je prends mon courage à deux mains, repense aux paroles du jeune homme, et passe à travers les ombres sans baisser la tête.

Je lui demande s’il veut bien m’accompagner au bal de promo puis baisse les yeux. Je sens que je vais me prendre le vent du siècle ! Alors quel n’est pas mon étonnement quand il me répond :

« Ça serait avec joie ! »

Je relève brusquement mon visage vers lui. Peut-être un peu trop vite d’ailleurs !

« C’est vrai ?! »

« Ne t'inquiète pas, t'es la première à me demander et figure toi que je m'apprêtais à faire pareil. Ça ne serait pas drôle pour toi d'être privé d'une soirée sous prétexte que personne ne t'y accompagne. J'accepte avec plaisir d'être avec toi. »

J’affiche un grand sourire. Je pourrais me mettre à sautiller partout dans ma chambre en criant ou lui sauter au cou mais je ne le fais pas parce que je risque de passer pour une folle. Je me contente d’un immense sourire et de battre des mains comme une gamine trop contente.

« Ow ! Merci beaucoup !!! »

Il a raison, ça aurait été bête que je n’aille pas à la soirée. Parce que, clairement, si je n’avais eu personne avec qui y aller, je serais restée dans ma chambre. Ce gars est décidément une perle. Plus gentil tu meures ! Je suis tellement contente qu’il ait accepté de m’accompagner. En fait je crois qu’il ne pouvait pas me faire plus plaisir ! Surtout qu’on va pouvoir danser à nouveau ! Moi qui ne savais même pas si j’allais aller à cette soirée il y a quelques secondes, maintenant j’ai hâte d’y être ! Mikah est un fou, il distribue du bonheur partout autour de lui, mais genre en quantités pas permises ! Je sais pas comment il fait, c’est un distributeur de bonne humeur !

Je jette un regard par ma fenêtre, derrière Mikah. Le soleil commence déjà à se coucher, englobant mon ami dans une lumière orangée comme s’il venait de sortir d’un rêve. Cette pensée me fait sourire. Enfin bon, revenons sur Terre, ça veut dire qu’il commence à être tard. Je vais peut-être devoir délivrer Mikah non ? Je suis un peu con de temps en temps, autant lui demander !

« Tu veux peut-être retourner dans ta chambre ? Je te chasse pas du tout ! Bien au contraire, ça me dérange absolument pas que tu restes ! Mais je veux pas te retenir non plus quoi. J’adore discuter avec toi en fait ! T’es vraiment quelqu’un de génial, d’adorable, de juste parfait quoi ! »

Bon, en vrai, j’aimerais bien qu’il ne parte pas, je n’ai pas envie de me retrouver toute seule. Mais c’est très égoïste de ma part alors évidement que s’il commence à se faire tard, je vais le délivrer. Je lui offre un sourire qui se veut rassurant.

« T’inquiète, je vais pas faire revenir mes méchants démons, je devrais pouvoir rester seule. Au pire je viendrais toquer à la porte de tonton Mikah si je fais un cauchemar ! »

Je lâche un léger rire. Comme quand j’étais petite ! Je me redresse puis me remets sur pieds.

« Par contre j’insiste pour te raccompagner jusqu’à ta chambre ! »

« Non, décidément, un coloc, c’est pas pour moi ! Et il me semble que je vois qui c’est Carry… »

« D'accord, si tu aimes ça au fond, c'est ce qui compte. »

Je crois que je suis en train de passer pour la grosse rabat-joie de service. Oh non ! Je veux pas qu’il pense ça ! Il sourit, mais en même temps, ce gars sourit tout le temps. Je change vite fait de sujet de conversation, cherchant quelque chose d’un peu plus festif.

« J’ai entendu qu’il y avait un bal de promo organisé dans pas longtemps. Tu m’avais pas dit que c’était cool ce genre de trucs la dernière fois qu’on s’est vus ? Tu comptes y aller ? »

« C'est vrai et je maintiens. En tout cas, le bal de Noel avait été une réussite, je m'y étais bien amusé. Je n'ai jamais assisté à un bal de promo alors je ne sais pas comment ça va être. Je vais y aller oui, je suis sûr qu'il y a moyen de s'amuser aussi. Ça me tente bien. Et toi ? Tu comptes y aller ? »

Je réfléchis. Je connais un peu personne en fait… Je sais pas si j’ai envie d’y aller ou pas…D’un côté, j’adore les soirées, danser, m’amuser et tout ça mais… Si je connais personne, je risque de me faire un peu chier non ? Bon, il y aura Mikah au pire mais je ne vais pas le monopoliser pendant toute la soirée ! Je crois que Kyle ne viendra pas, pas trop son genre. Alex ? Ah oui, elle, elle ira ! Déjà qu’à cause d’un défi débile on s’est inscrites à l’élection Roi et Reine de la soirée. Mon dieu, pourquoi j’ai accepté ce défi ! C’est juste pas du tout mon genre ! Surtout que personne ne me connais alors je vais me faire ratatiner, écraser à plate couture. Pfff, ridicule cette idée d’élection ! Ty ? Je sais pas s’il viendra. Et puis je doute qu’il veuille traîner avec moi, la p’tite Elena que personne ne connaît. Un peu trop la honte ! Je ne sais pas si Kurt viendra mais je ne pense pas. Sinon pourquoi pas, ce serait une bonne occasion pour discuter. La liste des gens que je connais s’arrête là… Après il y a les filles du Roller Derby mais c’est pas le grand amour entre nous alors on va oublier. Il y a aussi tous ceux que j’ai vu à la séance de dédicaces de Ty mais bon, entre putes, chieurs, crétins et pyromane… puis on peut pas dire que je les connaisse vraiment. Je sais pas trop quel genre de gens viendra à la soirée. Populaires de service ou plutôt un peu de tout ? Jeunes ou plus vieux ? J’ai vaguement entendu que le thème était quelque chose comme retro, ou Las Vegas, ou les deux en fait… Bref, j’en sais rien. Surtout qu’il faudra venir bien fringué ! Et puis les robes, c’est le genre de truc qui déserte mon armoire. En même temps… ça me coûte pas grand-chose d’y aller… Au pire, si je me fait chier, je retournerais dans ma chambre pour finir la soirée toute seule. Surtout que si je dis à Mikah que je n’y vais pas, je vais encore une fois passer pour la rabat-joie. Bon… Je fais quoi?

« Je sais pas trop à vrai dire… Je ne connais pas grand monde et puis j’ai peur de m’ennuyer. Si j’y vais toute seule, je risque de passer ma soirée à côté du buffet ! »

Je ris légèrement. En plus il me faudrait un cavalier avec qui venir ! J’observe Mikah. Hey mais attends… Est-ce que j’oserais lui demander de m’accompagner ? Comme ça au moins, je lui réserve une danse et… Non non non ! Ça se fait pas ! On se connait presque pas ! En même temps c’est le seul gars avec qui je m’entends plutôt bien ici. Je suis un peu tiraillée des deux côté par mini ange et mini démon qui me disent chacun un truc différent…Roh et puis zut hein ! S’il a pas envie il me dira non !

« Et euh… Je me disais, tu voudrais bien qu’on y aille ensemble ? Je veux dire, comme ça au moins je connaîtrais quelqu’un et… Je te colle pas toute la soirée, promis ! Mais… comme tu connais un peu plus de gens que moi et puis un peu mieux comment ça se passe… Comme tu veux ! Sinon j’irais avec quelqu’un d’autre, je trouverais bien, et puis au pire je viendrais seule, ou alors je viendrais pas. Mais te sens surtout pas obligé hein ! Si t’as déjà une cavalière ou une petite amie ou n’importe quoi… »

J’espère ne pas être devenue trop rouge tomate. Au moins je me suis lancée et puis je serais fixée, savoir si je viens à cette fête ou pas. Parce que quand même, ça me plairait bien d’y aller…

« T’es sûr hein ? Parce que je sais pas très bien gérer mes problèmes mais je suis plus douée pour aider les autres à régler les leurs. Je veux pas que tu gardes tout pour toi. Tu peux m’en parler tu sais ? »

C’est pas du tout que je ne lui fasse pas confiance, loin de là, mais quelque chose me dit que lui non plus c’est pas la forme en ce moment. Je sais pas trop, mon instinct… Enfin, comme j’en suis pas sûre du tout, je ne lui pose pas la question, ça serait bête que je me trompe !

« Ne t'en fais pas, on a tous des petits soucis dans la vie mais je pense pouvoir m'en sortir tout comme d'autres en sont capable. »

Ah, alors je ne me trompais peut-être pas ! Enfin, s’il a pas envie de m’en parler, je ne vais pas le forcer. S’il y a bien quelque chose que je ne peux pas supporter, c’est quand des gens me forcent à leur dire un truc que je ne veux pas leur dire. Alors je me contente d’un :

« Mouais… »

Je lui souris puis vais m’assoir sur mon lit où il me rejoint.

« Tu partages ta chambre avec quelqu'un ? »

« Non, je suis seule et ça m’arrange à vrai dire. Au moins je peux faire ce que je veux ! Et toi ? T’as une chambre à Wynwood non ? T’as un ou une coloc ? »

« Oh...Faut pas croire ça, c'est triste d'être tout seul. Et être avec quelqu'un ne signifie pas forcément ne pas pouvoir faire ce qu'on veut. Moi j'ai une chambre chez les Alpha et je la partage avec Carry, je ne sais pas si tu la connais. Personnellement, moi ça me va parfaitement bien. »

C’est marrant, moi c’est totalement le contraire. Je ne supporte pas d’être en compagnie de quelqu’un 24/24. Enfin, en soi, la compagnie ne me dérange pas tant que ça mais ma chambre, c’est un peu mon petit coin à moi, où je peux enfin être moi-même, alors si je la partageais avec quelqu’un… ça serait pas pareil quoi. Je pense que ça me fatiguerait encore plus, de ne jamais relâcher la pression, de ne jamais reposer ma carapace. En même temps, je comprends très bien que Mikah préfère avoir une coloc’. Ce gars est, à l’opposé de moi, hyper sociable ! Le truc qui me ferait le plus peur, c’est de tomber sur quelqu’un que je n’aime pas. A ce moment-là, je pense que je change de confrérie ou je ne sais quoi mais pas question de rester avec quelqu’un que je ne peux pas blairer ! A la rigueur, être dans la même chambre que Kyle, Alex ou Mikah, à la rigueur même Ty ou Kurt bien qu’on ne se connaisse pas super bien, ça passe, mais vu tous les cons qu’il y a ici… Après je ne dis pas qu’il n’y a pas de gens bien, mais pour moi, les gens avec qui je peux être moi-même représentent une très faible minorité des élèves…

« Non, décidément, un coloc, c’est pas pour moi ! Et il me semble que je vois qui c’est Carry… »

Je ne lui précise pas que pour moi c’est la reine des connes. Encore une du Roller Derby, encore une qui ne m’aime pas. Jamais aimable cette pimbêche ! Enfin, s’il s’entend bien avec elle, c’est l’essentiel. Moi, c’est le type de personne pour qui j’aurais été capable de changer de confrérie ! Je décide de changer de sujet.

« J’ai entendu qu’il y avait un bal de promo organisé dans pas longtemps. Tu m’avais pas dit que c’était cool ce genre de trucs la dernière fois qu’on s’est vus ? Tu comptes y aller ? »

« Et j’imagine que ce n’est qu’une infime partie de ce que tu sais faire ? »

« Tu as raison, je danse depuis quelques années déjà et j'ai très vite appris. Je sais faire plein de choses et je pense que tu les verras en temps voulu. Pour l'heure, je voulais simplement te rendre le sourire que tu as perdu. Je ne pouvais pas te laisser comme ça. »

« Oh, et merci d’avoir pris du temps pour me remonter le moral. »

« Tu m'as assez dit merci je crois. C'est normal voyons, tu ne mérites pas d'être malheureuse. »

Je souris. Il passe sa main dans mes cheveux en me souriant. Je sens mes joues s’enflammer. Non mais c’est pas possible ! Stop ! Pourquoi mes joues se décident toujours à devenir rouges pour un rien ! Pour absolument rien ! C’est pas comme si, je sais pas moi, il était en train de me rouler une pelle ! De toute façon c’est un ami et rien de plus. Je ne veux surtout pas qu’il pense le contraire, surtout qu’il me semble qu’il est déjà en couple avec quelqu’un. Enfin il me semble, je me souviens plus trop. Bref! Je réfléchis très vite puis ajoute, en souriant comme si mes joues n’avaient jamais changé de couleur :

« D’ailleurs si un jour toi ça va pas non plus, bah, tu peux venir m’en parler. J’essayerais de te rendre ce que t’as fait pour moi. Après, je te préviens, je suis pas une grande pro pour consoler les gens mais bon… c’est déjà ça ! »

« J'y penserais ! »

Oula, un peu trop d’entrain dans cette réponse non ? Faudrait pas que lui aussi garde toutes ses embrouilles pour lui ! Je pense le connaître quand même un peu et j’espère qu’il ne se tue pas à tout garder pour lui par peur de refiler ses ennuis à des amis. Il serait bien du genre, toujours penser aux autres et à lui en dernier.

« T’es sûr hein ? Parce que je sais pas très bien gérer mes problèmes mais je suis plus douée pour aider les autres à régler les leurs. Je veux pas que tu gardes tout pour toi. Tu peux m’en parler tu sais ? »

Je lui lance un regard insistant, l’air de dire ʺT’as bien compris ? Je suis sérieuse. Si t’as des embrouilles tu m’en parles ! Tu portes pas tout tout seul !ʺ. Je vais m’assoir sur mon lit puis lui fait signe de me rejoindre. Il s’assoit près de moi puis observe ma chambre.

Je me bénie intérieurement de l’avoir rangée ce matin ! C’est pas très grand mais quand même, il y a relativement de la place ! En entrant, il y a mon lit, contre le mur de droite, à côté duquel se trouve une petite table de chevet. Puis, contre le mur à gauche de la porte d’entrée, un petit meuble à tiroirs sur lequel se trouve ma chaîne. En continuant le long du mur gauche se trouve mon armoire puis mon bureau, dos à la porte, face au mur, avec des étagères au-dessus. A droite de mon bureau se trouve une fenêtre qui donne sur le parc de Wynwood. Enfin, sur le même mur que celui contre lequel se trouve mon lit donc à droite de la porte si vous n’êtes pas tous perdus, se trouve la porte menant à ma petite salle de bain. Bon c’est sûrement pas très clair mais en gros il y a un lit, un bureau, des étagères, une armoire, un autre meuble, une fenêtre et une salle de bain accolée. Sinon niveau décoration, c’est assez réduit. Aucun poster, juste quelques-uns de mes dessins dans le coin à gauche de mon bureau (je crois que j’ai perdu tout le monde…).

« Tu partages ta chambre avec quelqu'un ? » Me demande Mikah

« Non, je suis seule et ça m’arrange à vrai dire. Au moins je peux faire ce que je veux ! Et toi ? T’as une chambre à Wynwood non ? T’as un ou une coloc ? »

Mikah guide mes pas, tout d’abord dans une danse lente, qui se rapprocherait d’une valse. Il me fait tournoyer puis me reprend dans ses bras. Je suis d’abord un peu mal à l’aise : c’est pas que je ne le connaisse pas vraiment mais, un peu quand même… Alors être si proche de lui... Enfin bref, ça passe très vite puisque la danse envahit peu à peu mes pensées. Je ne me concentre plus que sur mes mouvements, qui viennent assez naturellement en fait. Il faut dire que le jeune homme danse effectivement très bien ! J’ai juste à me laisser guider. Au fur et à mesure, il accélère le rythme pour coller avec la musique qui passe sur ma chaîne. La danse se transforme en une sorte de rock. J’adore le rock ! Mon père me l’a appris quand j’étais plus jeune et je me débrouille pas trop mal à vrai dire. Il me retient du bout des doigts avant de me faire tourner pour me ramener contre lui. Oubliés tous mes ennuis, mon sourire ne veut plus quitter mon visage ! Quoi de mieux que la danse pour remonter le moral ? Surtout avec un ami !

Nous dansons ainsi, comme si nous dansions ensemble depuis toujours, complices de ce langage silencieux qu’est la danse, jusqu’à la fin de la chanson où nous ralentissons peu à peu avant de s’arrêter. Je souris jusqu’aux oreilles.

« Merci… Effectivement, tu danses plutôt pas mal, très bien même ! »

Grisée par cette danse je lâche un léger rire. Qui l’aurait imaginé il y a quelques minutes ? Ça m’a redonné la pêche ! Mikah avait raison, j’avais besoin de me changer les idées. Je baisse mes yeux vers mes mains, encore dans les siennes. Je les retire délicatement puis lui sourit. Jamais je n’aurais soupçonné ses talents ! Enfin, si, bien sûr, il me l’avait dit, mais là, il gère carrément ! Encore un peu essoufflée, je lui demande, d’une question rhétorique évidemment :

« Et j’imagine que ce n’est qu’une infime partie de ce que tu sais faire ? »

Je marque une pause. Je devrais peut-être le remercier non ? Mais oui nounouille, qu’est-ce que tu attends ! De temps en temps je mériterais des baffes.

« Oh, et merci d’avoir pris du temps pour me remonter le moral. »

Je réfléchis un peu.

« D’ailleurs si un jour toi ça va pas non plus, bah, tu peux venir m’en parler. J’essayerais de te rendre ce que t’as fait pour moi. Après, je te préviens, je suis pas une grande pro pour consoler les gens mais bon… c’est déjà ça ! »

Mes lèvres s’étirent en un beau sourire. Comme une grosse gamine, j’ai envie de sautiller sur place pour une nouvelle danse mais je me dis qu’il faut pas abuser non plus. Comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin ! Alors je me contente d’aller m’assoir sur mon lit, tapant la couette à côté de moi pour inviter Mikah à s’assoir à côté de moi.

Mikah me sourit avant de répondre, d’une voix réconfortante :

« Bien sûr que je m'inquiète, qu'est-ce que tu crois ? Ça arrive à tout le monde d'avoir les nerfs qui lâchent et pas forcément pour une raison quelconque, des fois, ça peut être de petites accumulations et à force...Enfin tu sais, je vois très bien ce que tu veux dire. Mais ça devrait être intolérable d'avoir l'habitude de souffrir. Après, tu as peut être raison, tu devrais dormir plus. Mais ne t'en fais pas d'accord ? Si je suis rentré, déjà, je suis un peu désolé de l'avoir fait comme ça, je sais que ce n'est pas très correct de rentrer chez les gens comme ça. Mais si j'ai pu t'aider en quoi que ce soit, je ne regrette pas mon geste. Tiens, prends-ça. »

Je hoche la tête et prend le paquet de mouchoirs qu’il me tend.

« Merci… Et heureusement que tu es rentré comme ça, sinon je pense que je serais encore en train de me vider de mes larmes alors t’excuse surtout pas pour ça ! »

J’essuie mes joues et me mouche puis balance le mouchoir dans ma poubelle, à l’autre bout de ma chambre. Je range le paquet dans ma poche puis relève mon visage vers le jeune homme qui ne m’a pas quittée des yeux.

« Je pense que tu devrais te changer un peu les idées. Ce n'est pas bon de rester coincé avec ses démons. Donne leur donc des vacances et prends-en également. »

Il réussit à faire apparaître un sourire, même si un peu triste, sur mon visage. Le sien, qui éclaire constamment son visage, s’agrandit encore.

« Mais à l'avenir, si un jour tu veux vraiment être seule, évite de mettre le son aussi fort ! »

« C’est noté ! »

Dis-je en souriant un peu plus. Je crois que ce gars à un don pour redonner le sourire aux gens. Il me fait un clin d’œil puis enlève sa main de mon épaule pour la glisser dans la mienne. Il prend ma deuxième main avec la sienne puis se relève.

« Allez viens. Viens. »

M’aidant de ses mains, je me remets sur mes pieds. Au début je pense qu’elles ne vont pas me soutenir parce que quand je pleure, je perds toutes mes forces mais finalement, je me tiens debout sans difficulté. Mikah recule, sans lâcher mes mains. J’avance pour le suivre, sans vraiment réfléchir à où il m’amène. Mes mains sont glacées mais les siennes les réchauffent. Ce contact est rassurant, réconfortant. D’un coup de coude, il rallume ma chaine et baisse le son avant que ça nous explose à nouveau les tympans. Il serre un peu plus mes mains et les entraîne, en rythme avec la musique. Oh, mais comment j’ai pu oublier ! Mikah, le grand danseur ! Il m’avait dit qu’il me montrerait ça un jour ! J’adore danser et puis, ça redonne le moral. Alors je me laisse guider, calant mes pas sur les siens, vidant mon esprit pour le laisser s’emplir de la musique. Je le laisse mener la danse et sourit, mes yeux plongés dans ses iris bruns.

Mikah s’accroupit devant moi puis pose une main sur mon épaule. Ce contact est rassurant, comme un peu de chaleur humaine me prouvant que je suis encore là, que j’existe encore. Il me ramène à la réalité, fait revenir mon âme ici, dans ma chambre. D’une voix adorable, compatissante, comme s’il ressentait ma douleur, il me dit :

« Mais pourquoi tu n'as pas le moral ? Quelque chose est arrivé ? On ne se connaît pas tellement mais à moi tu peux me dire des choses. Enfin, si tu le veux bien sûr. »

Je relève mes yeux mouillés pour les river dans les siens. Il a vraiment l’air… je sais pas trop, concerné et compatissant alors qu’il ne sait même pas ce que j’ai. Il est adorable ce mec, juste trop gentil. Je vois bien qu’il essaye de m’aider mais en même temps, pourquoi ça ne va pas ? Je saurais pas vraiment l’expliquer... J’ai peur qu’il ne comprenne pas ce que je ressens, et puis comme je ne saurais pas mettre des mots dessus, qu’il le prenne mal. Je ne doute pas de pouvoir lui parler en toute confiance, de toute façon, dès notre première rencontre il m’a inspiré confiance. Ses grands yeux bruns me fixent d’un regard que je qualifierais de protecteur. Sa main, toujours sur mon épaule, m’aide à me calmer, même si je n’arrive toujours pas à réfléchir très clairement. La déprime, c’est comme l’alcool, ça plonge ton esprit dans un espèce de brouillard opaque qui t’empêche de penser. Je sèche, une dernière fois je l’espère, mes joues, puis bredouille, pas très fort :

« Bah… Je sais pas trop moi-même… Il s’est rien passé de particulier aujourd’hui. Je crois que c’est juste mes nerfs qui lâchent… Je suis fatiguée et puis, le manque de sommeil associé à une journée de cours et à… tous les autres. Je sais pas trop, j’ai l’impression d’être totalement seule, que personne n’arrive à me comprendre, l’impression de pas être à ma place… C’est mes vieux démons qui reviennent. » Je lâche un rire nerveux. « Il y a quelques années je suis tombée dans une grosse déprime et j’en suis sortie mais de temps en temps… ça reviens. »

Tout en parlant, mes yeux ont dévié sur mes mains, croisées sur mes jambes. Je les relève à nouveau pour scruter son visage.

« Mais t’inquiète pas pour moi, on va dire que j’ai l’habitude. Ça va passer. Te sens pas obligé de rester avec moi, t’as sûrement des trucs à faire alors je vais pas te retenir. » J’essaye de sourire, en vain. « En tous cas, c’est gentil d’être entré, ça… ça m’a aidé un peu de parler. »

C’est vrai, je ne veux pas le retenir plus longtemps. S’il passait par là, il avait sûrement quelque chose à aller faire. Je ne veux pas qu’il se tracasse pour moi, j’ai pris l’habitude de porter ça seule alors bon, je vais passer au-dessus, je vais m’en remettre.

Mais en même temps, une présence ça fait du bien. J’ai l’impression d’être un peu moins seule. Et puis, Mikah… c’est un peu une petite lumière qui éclaire tout autour de lui pour répandre la joie. En fait je crois que j’aimerais bien qu’il reste.

Je suis toujours en pleurs quand ma musique s’arrête soudainement. A vrai dire je ne me pose même pas la question de savoir pourquoi elle s’est arrêtée. Ça fait du bien un peu de silence quand même. J’écoute ce silence et le laisse remplir mon cœur, faire le vide en moi, submerger toutes mes pensées et les noyer dans une vague de silence, lourd, épais que rien ne vient troubler…

Pile au moment où cette pensée traverse mon esprit, j’entends des pas. Mais pas des pas dans le couloir, des pas tout près de moi.

« Elena ? »

Je me glace sur place. Je reconnais cette voix. Elle appartient à une des premières personnes avec qui j’ai sympathisé à Wynwood. Mikah. Je relève les yeux et essaye de distinguer son visage mais mes larmes brouillent ma vision. Oh mon dieu, pourquoi il devait arriver à ce moment-là ! J’ai tellement honte. J’aimerais encore plus disparaître. Je sèche mes yeux du dos de la main puis déplie mes jambes sur le sol. Je relève mon visage vers le jeune homme qui paraît très grand vu d’en bas… Les larmes continuent à rouler sur mes joues sans que j’arrive à les arrêter. J’essaye d’articuler quelque chose mais mon cerveau est tout embrouillé, je n’arrive pas à trouver quoi que ce soit à dire et de toute façon, mes cordes vocales refusent de m’obéir.

« Mais qu'est ce qui t'arrive ? »

J’aimerais bien le savoir ! Pourquoi ça va pas aujourd’hui ? Je n’arrive toujours pas à parler. Le silence s’installe dans la pièce, étonnamment présent, comme s’il était compact et qu’il n’avait qu’un but, m’écraser encore plus au fond de moi. La présence de Mikah ne me dérange pas plus que ça. Je n’arrive même plus à penser clairement, alors de là à me soucier que quelqu’un me voit comme ça… J’essaye quand même de me calmer, de stopper les larmes et de chasser toutes mes pensées, me recentrer, me reprendre. Je ferme les yeux et respire le plus lentement possible. Je plaque mes mains sur mon visage. Ma respiration est saccadée, mes joues trempées et mes yeux sûrement tout rouges. Mes épaules sont secouées de tremblements. Il faut que je lui réponde, le pauvre Mikah ne doit rien comprendre à la situation. Quoi que je ne sais pas s’il y a vraiment quelque chose à comprendre… Toujours est-il que ça serait plus sympa de ma part de dire quelque chose. J’enlève mes mains de mon visage puis bafouille :

« Je… je… ça… »

Mais je n’arrive décidément pas à sortir quelque chose de cohérent. Alors je referme la bouche et sanglote encore, le plus discrètement possible. Je réessaye une deuxième fois :

« Je… (grande respiration) je suis désolée… je… j’ai… j'ai juste pas le moral… »

Je marche vite dans les couloirs bondés, poussant ceux qui se trouvent sur mon chemin. Je me dirige vers le bâtiment des SM, n’ayant qu’un envie : être seule et qu’on me laisse tranquille. J’ai pas le moral aujourd’hui, mais alors pas du tout. Pourtant il ne s’est rien passé de particulier…

Je rentre dans ma chambre, claque la porte derrière moi, allume ma chaine et met ma musique à fond. Je jette mon sac dans un coin puis m’assois par terre, dos à mon lit. Je fixe un point imaginaire devant moi, les yeux vides. Je crois que mes nerfs sont en train de lâcher. Je ne supporte plus de devoir être qui je suis, devoir toujours jouer un rôle. Je ne supporte plus devoir surveiller mes moindres faits et gestes. Je ne supporte plus personne mais je ne supporte plus la solitude. Personne n’arrive à me comprendre vraiment, je ne peux faire confiance à personne, je ne peux me confier à personne. Et tout ça, tout ce que je dois garder pour moi, tout ce que j’enfouie au fond de moi me détruit à petit feu. Je n’arrive plus à porter tout ce poids sur mes épaules. Je suis en train de m’effondrer, de m’écrouler, je n’y arrive plus. Si seulement je pouvais être comme tous les autres, ne pas avoir à porter un masque. Mais je n’y arrive pas, c’est plus fort que moi. Je n’arrive pas à me montrer telle que je suis vraiment. Pourquoi ? Même moi je ne le sais pas. Je n’ai peut-être pas vraiment confiance en moi. Je suis super timide et pas très sociable. Je crois que j’ai peur de ce que les autres pourraient penser sur moi. Peur de moi-même en fait. Oui, normalement je devrais être la personne qui me connais le mieux mais même moi je n’arrive pas à me cerner. Je ne sais pas qui je suis. Il y a toujours cette part sombre, cette ombre au fond de moi. Ce genre d’ombres qui se cachent dans la lueur d’une flamme. Derrière la lumière apparente se cache l’obscurité, glacée, mystérieuse un peu aussi. Et je ne veux pas que les gens découvrent cette part sombre de moi, comme si je devais la protéger, comme si j’étais la seule à devoir y avoir accès. J’ai l’impression que cette ombre prend possession de moi par moment, comme un vieux démon, et vole toute ma potentielle joie de vivre. Je voudrais m’enfouir sous terre et ne jamais plus en ressortir. La vie ne m’importe plus vraiment dans ces moments, j’ai juste envie de crier, crier de désespoir, mais aucun son ne sors de ma gorge. Mon cœur se sert, comme s’il se déchirait de l’intérieur. Je souffre mais je ne sais pas comment me libérer de toute cette douleur.

Je cligne des yeux. Mes joues sont trempées par les larmes. Je ne m’étais même pas rendue compte que j’étais en train de pleurer. D’où l’utilité de mettre ma musique à fond, au moins personne ne peut m’entendre. Je sanglote silencieusement, puis éclate totalement et laisse mes larmes couler en hoquetant. Une larme coule le long de ma joue puis s’arrête sur mes lèvres, laissant un goût salé, avant de reprendre sa course et de tomber pour aller mourir sur mon short en jean. Les larmes, perles éphémères qui tracent des sillons humides sur mes joues… Je me recroqueville sur moi-même. J’aimerais être une larme, ne pas avoir le temps de pouvoir regretter n’importe quoi, mourir aussi vite que je suis née. C’est beau les larmes…