"Qui est le plus fou? Celui qui décide ou celui qui suit?" - N. Boleyn [Overoverover]

Id Card ÂGE : 17 ans. DATE DE NAISSANCE : 17 Décembre 1996 LIEU DE NAISSANCE : Leeds, Angleterre CLASSE: Senior Year CONFRERIE : Sigma Mu.   RICHE OU BOURSE D'ETUDE : Riche AVATAR: Joseph Gordon-Levitt SCÉNARIO OU PI ? PI

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→ Joseph Gordon-Levitt [color=red]ϟ[/color] Nans Boleyn

Epuisé, je passai une main dans mes cheveux bruns. Quand je la retirai, ils étaient encore plus indisciplinés qu'à l'accoutumée. Impossible de les coiffer, la seule solution étant de les couper court. J'avais déjà fait l'erreur et n'étaits pas prêt à la recommencer : j'aimais mes cheveux bordéliques. Ils représentaient plus ou moins ma personnalité : rebelle, sauf quand on y applique du gel. Mon gel à moi étant Marlene.

Et puis, mes cheveux courts accentuaient mes traits fins et cet air gentillet que je détestais profondément. Le nez fin, les traits presque parfaitement symétriques, mes yeux d'un marron triste, mes lèvres fines et douces qui s'ouvraient sur des dents blanches : tout cela était trop plat pour moi. Sans relief, sans signe particulier. Je me refusais à être aussi fade que tous les aristocrates de ma trempe. Je voulais détonner.

C'était la seule raison qui me poussait à ne pas me raser quotidiennement. Ca, et le fait que Marlene aimait mes joues rugueuses ; bien que je ne l'admettrais jamais publiquement. Je voulais avoir l'air d'un homme, avec mon mètre 75 ; autant ne pas m’apitoyer sur des sentiments qui n'existaient probablement que dans mon esprit dérangé. Devant moi, un bloc de papier à lettres et un stylo m'appelaient. Je décroisai les jambes, qui s'étendirent jusqu'à faire crisser le tissu de mon éternel jean noir. Je jetai un dernier coup d'oeil à mon matériel et recouvrit ma chemise blanche de la veste en cuir dont je ne me séparais jamais. Mes bottes style motard vinrent frapper le fauteuil d'en face et je grimaçai légèrement. Au prix d'un effort qui me sembla insurmontable, j'attrapai mon stylo et le fit tourner entre mes doigts fins. Puis je penchai le peu de muscle que j'avais vers ma tablette, et m'attela à ma tâche en grinçant des dents. Je détestais avoir besoin d'écrire ces lettres.



Marlene,

Marlene, mon amour, mon ennemie, mon tout ; tu sais mieux que personne que les adieux déchirants n'ont jamais été mon fort. Je préfère de loin la froideur d'une lettre expédiée à la va-vite entre deux vols, entre deux continents. Marlene, je fais rouler ton prénom sous ma langue comme une friandise ; parce que c'est la seule chose qui ne m'aie jamais importée.
Je t'imagine sans peine pester contre ma lâcheté, qui n'est plus à prouver. Je suis capable de tout, tu le sais, je n'ai aucune autre limite que celle de mes sentiments. Ils sont la frontière de ma folie, Marlene, la seule chose que je contrôle encore. Si je les explore, s'ils s'expriment ; je ne contrôlerais plus rien. Je suis anglais, pardonne-moi cette tare, les émotions sont faiblesses à mes yeux. J'en ai, elles me détruisent de l'intérieur, c'est un feu ardent qui brûle dans mes entrailles. Mais je préférerais qu'on étale celles-ci sur un plateau plutôt que de laisser quiconque pénétrer ma tour d'ivoire. Je ne suis pas Raiponce ; mes cheveux ne sont pas assez long pour laisser entrer qui que ce soit. Je suis faible, sous mes grands airs de rebelle. Mais qu'ai-je d'un rebelle ? Je suis noble, et riche. Intelligent ; peut-être trop par moments. Ne ris pas Marlene, seuls les simples d'esprits ne voient pas le désastre qu'ils sont. Je suis parfaitement conscient du moindre de mes défauts. Je cache mes sentiments mais je suis à leur merci. Je suis l'héritier d'une longue lignée d'aristocrates, mais je n'ai ni prestance, ni classe. Je suis la bête noire des Boleyn. Poli en toutes circonstances, respectueux ; mais cynique. Cynique à m'en faire perdre la tête. Je deviens fou de porter un regard noir sur le monde, je rêve d'une étincelle, d'un incendie qui m'éclairerait.

Marlene, je revois le pétillement de tes yeux et ton sourire énigmatique; je pleurerais presque de ne pas savoir sourire sincèrement. Mais tu sais aussi bien que moi que je ne peux plus, plus maintenant. Tu as changé ma vie. En bien autant qu'en mal. J'ai appris à apprécier l'insouciance factice dans laquelle je me pavane depuis notre rencontre. Ce jour maudit, ou bénit je ne sais plus, entre tous. Marlene, toi et les autres Héritiers êtes les seules personnes qui comptent pour moi désormais. Il a toujours été difficile pour moi de lier de vraies amitiés, à cause de cette méfiance livrée avec mon statut. Ne parlons pas de relations amoureuses ; cette étendue désastreuse qui se résume pour moi à une myriade de corps nus dont j'ai oublié la saveur depuis longtemps. Je ne sais pas ce qu'est l'amour, Marlene ; je ne suis pas sûr de t'avoir aimée un jour.

Je parle d'adieux déchirants, mais les nôtres l'auraient-ils été ? Marlene, je quitte l'Angleterre sans t'avoir revue depuis plusieurs mois. J'en suis soulagé. J'aurais été forcé de rester si je t'avais vue, je le sais ; ne serait-ce que par loyauté. J'ai beau te haïr autant que je t'aime, Marlene, je ne tourne jamais le dos à une amie. Tu peux me reprocher tous les maux du monde :lâcheté, oisiveté, orgueil, égoïsme ; tu peux me reprocher mes crises de colère, ma violence, mon manque de considération pour les autres, et même mon absence de limites dans la folie et les ennuis. Mais ne me reproche jamais de n'être pas loyal à ceux que j'ai un jour aimés, même si ceux-ci ne méritent que mon mépris.

Prends soin de toi, Marlene ; j'en ferais de même.

Nans.



Je pliai la lettre et la fourrai sans ménagement dans la poche intérieure de ma veste. Encore une missive qui n'atteindrait jamais sa destinataire. Et pour cause : je ne savais pas où l'adresser. Marlene avait disparu de ma vie quelques mois plus tôt (3 mois et 6 jours précisément), aussi abruptement qu'elle y était entrée, deux ans et demi auparavant. Je n'oublierais jamais cette rencontre qui nous transforma, ma vie et moi.

Je rencontrai Marlene une nuit de Mai 2011, après une soirée alcoolisée dans les rues grises de Leeds. Ce fut facile de la repérer, même dans le noir : autour d'elle, tout était gris. Les murs, le ciel, le béton fissuré par endroits, la vie elle-même. Marlene rayonnait au beau milieu de la nuit, adossée contre un mur recouvert de lierre. Je levai les yeux vers elle, absorbé par la prestance qu'elle dégageait ; et nos regards se croisèrent, provoquant un sourire narquois chez l'énigmatique jeune femme. Elle se redressa, gracieuse dans sa robe de soie bleu ciel, et s'approcha de moi comme si elle retrouvait un vieil ami. « Nans Boleyn », articula-t-elle lentement sans se départir de son rictus. Sans comprendre pourquoi, je me sentis privilégié. Cette illustre inconnue semblait m'attendre, et mieux, me connaître. Je ne réalisai pas encore que j'allais faire partie de quelque chose de plus grand, plus puissant, plus noir que tout ce que j'avais jamais connu. Mais je me laissai faire sans hésitation quand elle enroula ses doigts autour des miens et m'emmena dans son sillage, papillonnant impatiemment « Viens, tout le monde t'attend ». Je n'avais pas la moindre idée de qui était « tout le monde », mais au regard confiant qu'elle me lançait, je su que je n'allais pas tarder à le savoir. De toutes façons, j'aurai suivi cette apparition jusqu'au bout du monde. Dès l'instant où je l'avais vue, j'avais perdu toute notion de ce que j'étais. Oublié, le jeune homme indépendant et sûr de lui, je n'étais plus que l'ombre d'un chien et elle était l'os que je poursuivais. Ce fut le cas durant les deux années suivantes, ce que je ne savais pas encore.

Marlene et moi marchions dans la nuit grise et humide du nord de l'Angleterre, main dans la main, et mon cœur battait au rythme du claquement de ses sandales contre le goudron. Je ne posai aucune question, n'articulai pas la moindre syllabe, ne pensai plus. Je me contentai de la suivre jusqu'à une maison cachée derrière un grand mur de pierre. La bâtisse tenait plus du manoir que de la maison, mais elle restait deux fois plus petite que ma propre demeure. Avec ses murs de brique flanqués de deux tours aux extrémités, elle me fit l'effet d'une maison des horreurs. Ma compagne poussa un portail de fer qui grinça, me sortant de ma torpeur. J'osai enfin poser la question qui me brûlait les lèvres : « Comment tu me connais ? ». Elle émit un petit rire et s'arrêta sur le chemin dallé, plongeant de nouveau ses yeux dans les miens. « Je sais tout, Nans. N'oublie jamais ça : nous savons tout ». Je fronçai les sourcils, soucieux de ce qui m'attendait derrière les murs du manoir : « Nous ? C'est qui, nous ? ». Marlene, dont je ne connaissais pas encore le nom, leva les yeux au ciel. « Les Héritiers. Maintenant, tais-toi ». J'obéis et la suivi jusqu'à une porte en bois massive derrière laquelle nous attendaient sept personnes, les fameux Héritiers.

Ils se présentèrent les uns après les autres, quatre garçons et trois filles, puis vint le tour de mon accompagnatrice qui se présenta sous le nom de Marlene. Juste Marlene. Puis Upton, que j'identifiai aisément comme étant le chef, me tendit un dossier cartonné sur lequel était écrit, en lettre élégantes, « Nans Boleyn, héritier ». Il me sourit et déclara d'un ton solennel : « Nans Boleyn, fils de Lord Elbert Boleyn, duc du Yorkshire, et de Crista Boleyn, duchesse. Tu es un héritier de la Nation, le monde t'appartient. Nous t'ouvrons nos portes, tu es à présent un frère, nous sommes liés par le sang de nos ancêtres. Nous jurons de te soutenir et d'être à tes côtés à chacun de tes pas. Nous sommes les Héritiers, et tu es à présent l'un des nôtres. » J'écarquillai les yeux, tandis que les autres répétaient la dernière phrase en me regardant intensément. Je me senti mal à l'aise, mais Marlene s'approcha doucement de moi et me prit dans ses bras. J'oubliai instantanément la folie de la situation et me laissa aller à l'étreinte, serrant toujours le dossier entre mes mains tremblantes. Marlene me relâcha, désigna mon butin et m'invita à l'ouvrir. Je m'y risquai, impatient et inquiet à la fois.

A l'intérieur, sur des fiches d'un bleu léger, ma vie s'étalait sous mes yeux. La mort de ma sœur, Iris, lorsque j'avais 8 ans. La descente aux enfers de ma mère, et la liste exhaustive des cachets dont elle se gavait pour soigner une folie qu'elle s'était elle-même diagnostiquée après la mort de sa fille adorée. Le montant exact de la fortune de la famille (s'élevant à plusieurs millions de dollars), l'adresse de notre maison dans le centre de Leeds et celle du manoir familial à la campagne, où j'avais passé le plus clair de mon enfance. Les noms de toutes les maîtresses de mon père, qui, ne supportant plus sa femme, préférait passer du bon temps entre des cuisses inconnues ; et ceux du personnel de nos deux maisons. Mes bulletins scolaires, pour la plupart excellents. Puis la liste de mes conquêtes, mes amis (rares, seuls trois noms étaient inscrits). Seuls manquaient quelques éléments. La mauvaise ambiance chez moi, tandis que mes parents s'évertuaient à nous faire passer pour une famille parfaite. Les hurlements de mon père qui résonnaient dans tout le manoir, les journées entières que ma mère passait en pyjama de soie, à se gaver d’anxiolytiques devant Downton Abbey.  Mon enfance heureuse jusqu'à la mort de ma sœur jumelle, dont je ne m'étais jamais complètement remis. Mon adolescence, passée à écumer les bars glauques de Leeds et Londres. Ma vie entière était imprimée sur ces pages, mais loin de me sentir violé, je fus ravi de voir ces gens si bien informés sur moi.

Je passai plus de deux ans à leur côté, passant mon temps dans ce manoir étrange, propriété de la famille d'Upton. Au risque de trahir mes nouveaux frères et sœurs, je ne peux dévoiler en quoi consiste notre cercle. Nous sommes les Héritiers. C'est tout ce que le monde peut savoir à notre sujet. Si vous en saviez plus, vous auriez peur. Peur de respirer, de vivre, de rire, de dépenser votre argent, de manger. Alors restez dans l'ignorance, comme je le fus au début.
Au fil des mois, j'appris à les connaître, et j'avais moi-même de quoi monter un dossier sur chacun d'entre eux. Excepté sur Marlene. Je ne savais d'elle que ce qu'elle voulait bien me dire. Je ne connaissais d'elle que nos étreintes passionnées entrecoupées de disputes haineuses au sujet des Héritiers et de la vie en général. Que la crainte, le respect, l'amour et la haine que cette garce manipulatrice m'inspirait. Je ne connaissais même pas les raisons de son départ précipité au mois d'aout 2013 et de sa disparition mystérieuse de la surface de la Terre.

Tout ce que je savais, assis dans le jet dans lequel mon père s'était empressé de me jeter dès qu'il avait eu connaissance de mes activités, c'était qu'Upton avait raison, ce premier soir : Je suis un Héritier, et le monde m'appartient.

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