Je ne vous oublierai jamais

Tout était prêt, sauf elle. Depuis le début de la journée, Shin se retenait de pleurer. Dans un sens, elle aurait voulu rester là, mais elle ne pouvait pas. Sinon, elle allait finir folle et enfermée. Sa vie était en train de s’effriter et elle devait la reprendre en main. Pourquoi partait-elle ? Toute personne extérieure pouvait penser que ses raisons n’étaient pas valables. Mais à ses yeux, elles l’étaient.

Pour commencer, elle avait reçu un ultimatum de la part de son père. Si elle ne rentrait pas à la maison, arrêtant ses études au passage, pour lui obéir gentiment et épouser un nouveau prétendant qu’il lui avait trouvé, il lui coupait les vivres complètement et allait lui pourrir la vie. Son père avait pété un câble, à vrai dire. Sa nouvelle entreprise n’arrivait à décoller, et tout ce qu’il entendait sur Wynwood le rendait fou. L’école avait beau être réputée, les parts d’ombre qu’elle cachait le mettaient hors de lui. Il avait donc décidé de prendre la vie de sa fille en main, qu’elle soit d’accord ou non. Et Shin ne voulait plus se faire dicter sa conduite.
Et puis, elle se sentait étouffer. Elle était bien avec Ki, elle avait appris à l’aimer avec le temps, mais elle ne pouvait plus rester ici. Elle avait presque entièrement oublié Ethan grâce à lui, et l’amour qu’elle portait pour l’Alpha Psi était différent de celui qu’elle avait eu pour le Khi Omikron. Ethan, c’était un coup de foudre, une attirance immédiate. Ki, c’était des petites attentions, de l’affection, du bien-être. Rien n’était comparable entre eux deux. Et malgré ça, la petite Coréenne trouvait le moyen de partir, d’abandonner celui qui l’avait en quelque sorte sauvée.
Ces deux raisons n’étaient pas les seules raisons de son départ. C’était un mélange de tout. Elle aussi, elle pétait un câble. La prise d’otage survenue quelques jours auparavant avait été son déclencheur. Sans ça, elle ne serait jamais passée à l’acte, elle n’aurait jamais pris cette décision si importante. Pourrait-elle faire un retour en arrière ? Non, peut-être pas. Certainement pas. Elle se voyait mal revenir dans trois mois et affronter tous les regards sur elle. Parce que bien sûr, ce qu’elle avait l’intention de faire, ce n’était pas juste partir comme ça. Non. Elle allait mettre en scène sa propre disparition.

La jolie châtain n’allait pas emmener grand-chose avec elle. Si elle emportait toute sa garde-robe, personne n’allait croire à ça. Alors le stricte minimum, et encore. Ce qu’elle allait emporter avec elle allait finir par terre, dans une rue. Bien sûr, elle avait prévu un sac avec des affaires en secret, pour que personne ne se rende compte qu’elle en avait emmenées. Elle avait un peu d’argent sur elle, et elle comptait bien en gagner au fur et à mesure de son voyage. Il fallait bien qu’elle vive. Elle avait aussi prévu une perruque et de quoi camoufler un peu les traits de son visage, pour ne pas être reconnue. Elle avait l’impression d’en avoir trop fait. Mais il valait mieux être prudent.
Shin avait donc deux sacs avec elle : un sac de voyage et son sac à main. L’un représentait sa vie actuelle, bientôt passée, et l’autre représentait sa vie future. Dans l’un, toutes ses affaires, tout ce qu’elle aimait et connaissait. Dans l’autre, l’inconnu, la peur. Dans son gros sac, elle avait glissé la peluche que Ki lui avait offerte. Elle n’avait pas pu se résoudre à tout laisser là. Elle n’avait emporté que ça, et uniquement ça. Et elle savait qu’il le remarquerait. Et puis de toute façon, à lui, elle ne pouvait pas mentir et elle ne pouvait pas le laisser aussi inquiet pour elle.

Il était revenu quelques jours plus tôt de New-York. Lui, il n’avait pas assisté à la prise d’otage. Il n’était pas sur le parking ce soir-là, à voir les gens s’inquiéter, hurler, pleurer. Il n’avait pas entendu les coups de feu. Il n’avait pas vu le sang, il n’avait pas senti le spectre de la mort. Shin, elle, elle avait vécu tout ça. Elle n’était pas à l’intérieur, mais elle avait senti la peur pour les autres, la peine, la tristesse. Elle ne voulait plus vivre ça à nouveau, jamais. Alors, dès son retour, elle avait fait quelque chose qui leur avait fait du mal à tous les deux. Elle l’avait quitté. Pourquoi faisait-elle toujours ça pour protéger celui avec lequel elle était ? C’était tellement stupide ! Mais elle s’était dit qu’il fallait qu’elle le prépare à son absence. Elle pensait qu’il allait moins souffrir de sa disparition si déjà elle avait provoqué une coupure entre eux.

Elle soupira quand les larmes gagnèrent enfin sur elle. Ça faisait un moment qu’elle se maîtrisait. Ki était parti assez tôt et elle savait qu’elle était seule pour un moment. Il ne lui restait qu’à se maquiller et déposer quelque chose sur le lit de celui qu’elle avait appris à aimer. Elle sortit donc une enveloppe de son sac à main, qu’elle conservait depuis deux jours. L’enveloppe n’était pas fermée, et Shin en sortit la feuille sur laquelle elle avait soigneusement écrit.

« Ki,

Pardonne-moi. Pardonne-moi pour ce que je vais faire. Mais c’est la seule chose qui peut me permettre de revivre. Tu vas certainement me haïr de partir comme ça, mais s’il te plaît, comprends-moi. Je n’ai jamais été aussi perdue et effrayée que maintenant. Je dois m’éloigner de là, je dois l’empêcher de me faire du mal. Tu sais, je n’ai pas voulu une fin comme celle-là pour nous deux, mais c’est mieux ainsi.
Dans très peu de temps, je dois rencontrer quelqu’un en ville. Mais je ne m’y rendrai pas. J’aurai disparu. Il ne doit pas me retrouver, et je ne peux pas juste partir. Alors s’il te plaît, pardon de ne rien t’avoir dit, mais je ne pouvais pas. On retrouvera mes affaires quelque part dans Miami, mais on ne me retrouvera jamais moi. Je voulais juste que tu saches que je vais bien, que personne ne m’a fait du mal pour l’instant, que je n’ai pas disparu. Je voudrais aussi que tu ailles voir la police demain pour leur dire que je ne suis jamais rentrée. Je suis désolée de te rendre complice de cette mascarade, mais tu es le seul en qui je peux avoir confiance.
J’ai certainement vécu les meilleurs moments de ma vie avec toi, et je ne te remercierai jamais assez pour ça. Tu as éclairé mes jours quand je pensais ne plus revoir la lumière. Tu as tout illuminé en moi, tu m’as rendu heureuse et avec toi, je me suis sentie aimée. Ça n’a pas toujours été facile, mais nous avons toujours tenu bon. Ki, je t’aime vraiment, bien plus que quiconque. N’oublie jamais ça. Peut-être que ça t’aidera à me pardonner. Je t’aime. J’aurais voulu rester avec toi pour toujours, te montrer à chaque instant à quel point tu comptes pour moi, sauf que je ne peux pas. Je penserai toujours à toi, et jamais je ne cesserai de t’aimer. J’emmène avec moi une partie de toi et je promets de la chérir jusqu’à ne plus pouvoir le faire.
Je t’en prie, garde le secret et mets-toi à ma place pour comprendre. Un jour peut-être, je reviendrai. Je ne m’attends pas à ce que tu te jettes dans mes bras ce jour-là, mais je veux revoir ton sourire une nouvelle fois. Je garde cet espoir au fond de moi. Ça m’aidera à tenir. Je t’aime tellement, Ki. Je ne pensais pas que c’était possible, mais si. C’est bien réel, dans mon cœur. Tu m’as tellement donné. Sois heureux, et ne pense pas trop à moi. Reste celui que tu es, attentionné et adorable. Prends soin d’Arwen et d’Ayase pour moi. Tu vas me manquer.

Shin. »

Cette lettre, elle avait fait une dizaine d’essais avant de la rédiger à peu près comme elle le voulait. Elle avait essayé celle où elle était méchante, celle où elle disait toute la vérité, celle où elle suppliait. Elle avait trouvé un milieu. Elle avait dit la vérité sans qu’il ne puisse comprendre le sens de toutes ses phrases. Avant qu’elle ne puisse replier la feuille, quelques larmes s’incrustèrent dessus, faisan légèrement couler l’encre par endroit. Elle n’y prêta pas attention. Son mot restait lisible, mais Ki allait se rendre compte qu’elle avait pleuré. Avant de rejoindre la salle de bain, elle déposa l’enveloppe sur son lit, avec son prénom écrit en évidence dessus.
L’adolescente essuya ses larmes et se força à ne pas pleurer encore. Elle devait encore se maquiller différemment de d’habitude, pour masquer un peu les traits qui étaient les siens. Elle avait pensé à beaucoup de choses, mais elle était sûre d’avoir oublié des détails. Elle espérait simplement que ça ne soient pas des détails qui détruiraient sa mise en scène. Une fois qu’elle fut prête, elle embarqua ses deux sacs, laissant toute sa vie dans cette chambre. Elle avait encore envie de pleurer, mais personne ne devait la voir dans cet état. Si elle croisait la moitié de la confrérie en pleurs, elle n’était plus du tout crédible. Elle baissait la tête pour éviter qu’on ne voit trop son visage. Une fois dehors, elle soupira. Le plus dur était fait. Il ne lui restait plus qu’à se rendre en centre-ville et suivre le plan qu’elle avait mis au point.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre l’endroit qu’elle avait ciblé. Il ne se trouvait qu’à quelques rues de là où elle avait rendez-vous, mais était assez isolé pour que personne ne la voie. Elle se mit au travail tout de suite, pour éviter de se faire surprendre. Elle ouvrit son sac à main, en sortit son portable et alla chercher le numéro de Ki. Elle ne l’appela pas mais resta sur l’interface pour l’appeler. Ensuite, elle jeta son téléphone par terre. Pareil pour son sac à main. Une partie de son contenu se déversa sur le sol. Après, elle attrapa quelques cheveux qu’elle arracha et laissa tomber par terre. Elle tira sur sa veste jusqu’à en déchirer une manche et la retira pour la jeter plus loin. Enfin, Shin sortit un couteau de son sac, prenant soin de le tenir avec sa manche pour ne pas laisser d’empreintes. Elle remonta son autre manche et se mit à trembler. Elle allait aussi loin pour aussi peu, oui. Shin posa la lame sur son bras. Et d’un coup sec, elle entailla sa peau en surface, mais assez pour que du sang coule facilement. Elle secoua alors légèrement son bras, se mordant la lèvre à cause de la douleur. Une fois que ce qu’elle voulait était tombé, elle fouilla dans son sac pour se faire un pansement de secours en attendant de pouvoir se poser et en faire un vrai. Elle vérifia la « scène de crime ». Tout devait être bon. Non, pas exactement. Avisant une poubelle non loin, elle y jeta son couteau. Et si elle avait oublié quelque chose, c’était trop tard.

Shin sortit une autre veste de son sac et l’enfila. Elle fit de même avec des chaussures mais récupéra dans son sac celles qu’elle portait. Elle venait de mettre des escarpins noirs avec des talons assez hauts. Le but, c’était qu’on ne la reconnaisse pas. La dernière étape était une perruque d’un joli roux. Une fois prête, elle sortit discrètement de la ruelle, le plus calmement possible. Elle baissa légèrement la tête, se concentrant sur sa démarche et sur son contrôle. Elle finit par entrer dans un hôtel où elle avait réservé une chambre sous un faux nom. Une fois à l’intérieur, elle se changea et plaça ses vêtements portés et tâchés dans un sac poubelle, sur lequel elle tenta encore une fois de ne pas trop mettre ses empreintes. Quoi que là, c’était toujours possible. Un ravisseur fou pouvait l’obliger à se déshabiller et à mettre ses vêtements dans un sac. Elle le jetterait plus tard en périphérie de la ville. La petite Coréenne opta donc pour des vêtements un peu plus courts, pas très habituels pour elle. Elle sortit seulement une demi-heure après être rentrée, régla sa note en liquide puisqu’elle n’avait plus sa carte de paiement et s’en alla.

Dehors, il n’y avait pas de vent, et la chaleur tombait sur ses épaules lourdement. Shin leva la tête vers ce ciel bleu et ce ciel éclatant. Elle devait dire adieu à Miami, maintenant. Avec une pointe de tristesse, elle monta dans un train, dont elle acheta le billet sur place. Elle connaissait déjà sa première destination. Elle esquissa un sourire quand elle pensa à l’avenir qu’elle allait avoir. Dans sa lettre, elle avait dit qu’elle emmenait une part de Ki avec elle. A vrai dire, elle emmenait la moitié de Ki mélangée à sa moitié. Elle portait la moitié de Ki mélangée à la moitié d’elle-même. Sa lettre, elle l’avait écrite une bonne dizaine de fois. Et dans la dernière version, juste avant celle qu’elle avait laissée, il y avait une phrase de plus, tout à la fin.
« Je suis enceinte. »

HRP : Avant que certains crient au scandale parce que « Vous avez copié Salma et Matthew, bla bla bla », je mets les choses au point. Ce bébé était en négociation féroce avant que Salma le fasse. Ki a mis un temps fou à me convaincre, et si je n’avais pas supprimé Shin, peut-être même qu’il n’aurait pas réussi. Je voyais mal comment elle pouvait faire cette "erreur", mais maintenant qu'elle s'en va, fuck, je fais ce qui me plaît sans avoir à justifier. Alors ceux qui veulent baver, allez trouver quelqu’un d’autre à critiquer. On fait ce qu’on veut, on est dans notre droit, et je peux fournir des preuves (a)
J’espère que son départ n’est pas trop nul pour ceux qui auront lu. J’espère pouvoir la rejouer un jour, peut-être que ce RP est le début de quelque chose d’autre. Merci à ceux qui m’ont suivi avec Shin ♥