Une incrustation inattendue feat A. Shayna Becker (Terminé)

« Pardon mais je n'aie pas peur de toi tu sais ! Je sais me défendre. » Répondit le jeune homme alors que je lui annonçais être simplement une Sigma Mu, voulant défendre mon honneur qu’il avait qualifié de « garçon manqué ». En fait, je n’avais pas vraiment su quoi répondre sur le coup, et c’était la seule chose plausible et logique que j’avais trouvée à lui rétorquer sans être désagréable pour autant. Quand il m’avait répondu cela, mon regard suivi son bras qui me montrais ce qui semblait être des trophées de combat. J’arquais un sourcil et ne put m’empêcher de rire légèrement.

« Ha ouais ? Et tu ferais quoi ? Tu frapperais une fille. Blessée en plus ? La GRANDE classe. Les Pi Sigma sont de plus en plus courageux à  ce que je vois. » J’avais répondu ça du tac au tac, en cachant du mieux que je pouvais un ton moqueur, par un ton plus… amusé, en faisant claquer ma langue sur mon palais. Je lui avais parlé de se vexer, pas de lui sauter à la gorge.  Dans quel cas, en effet, j’aurais compris sa réponse. Je commençais à être fatiguée de devoir faire des efforts de sympathie, ce qui n’était déjà à la base pas mon fort, mais là, avec ce début de journée qui avait mal commencé, j’arrivais à saturation.

Je m'étais donc relevée pour lui demander s’il connaissait Adrian et le numéro de sa chambre, et en avait profité pour lui glisser subtilement une question par rapport aux filles qu’il pouvait fréquenter. Enfin subtilement… C’est ce que j’avais cru. « Tu es sûre que c'est ton cousin ? » me rétorqua-t-il en guise de réponse. J’ouvrais la bouche pour répondre et me défendre à mon tour. « Qu… » Mais il enchaina plus rapidement et me coupa dans ma lancée. «  Arrête de mentir, Adrian n'est pas ton cousin ! Non, non, non ! » Je posais mes mains sur mes hanches, mécontente qu’on puisse deviner qu’en effet, j’avais menti.

Pour le coup, je ne savais quoi lui répondre. Ma répartie avait décidée de se faire la malle et de me laisser me démerder toute seule, comme la grande fille que je proclamais être. « Aaaaah Toi, tu es une Sigma Mu qui vient voir un Pi Sigma parce qu'il te plaît bien, n'ais-je pas raison ? Tu veux lui déclarer ta flamme, hein ? Avoue.» Dit-il, comme pour en remettre une couche. Lui déclarer ma flamme ?! Manquerais plus que ça tiens. J’avais presque failli m’étouffer en l’écoutant. « Mais… Mais pas du tout !   Y’a pas de flamme ou je sais pas quoi, faut juste que je le vois… C’est tout. » Dis-je –presque- faussement indignée.

Puis finalement il me lâche enfin le numéro de sa chambre. Chose que j’avais cru inespérée. Chambre 4 avec Diego. Tiens, ce n’était pas la première fois que j’entendais son nom à celui-là. A mémoriser impérativement désormais. « Merci bien Ty. » Le remerciais-je en lui offrant un semblant de révérence exagérée. Je me dirigeais vers la porte, pour pouvoir définitivement rejoindre cette fameuse chambre 4, et Ty me conseilla de bien m’amuser… et de ne pas oublier qu’il m’avait aidée. « Je n’oublierais pas soit en certain. Mais toi, n’oublie pas que tu ne m’as jamais vu. Sinon… » Je lui offrais mon plus grand sourire espiègle. « Sinon attention à tes fesses mon grand. » Finissais-je à mon tour par un clin d’œil et avant de disparaitre dans le couloir.

Je ne sais pas vraiment pourquoi je n’avais tout bonnement pas foutue le camp d’ici au moment où je mettais rendue compte que je n’étais pas au bon endroit. Et le pire dans tout ça, c’est que je m’étonnais moi-même. Je ne fréquentais que très peu de Pi Sigma, et il faut dire qu’ils ne m’intéressaient pas. Et me voici assise dans la chambre de l’un d’eux que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam, limite en train de tailler le bout de gras. Dans un autre contexte, j’étais quasiment certaine que je n’aurais daigné lui jeter un seul regard, ou que je ne lui jamais adressé la parole aussi gentiment que je suis en train de le faire.

Et malgré les petites choses de son comportement qui m’agaçaient, comme le fait de ne pas totalement faire attention à moi, ou de ne pas consentir vouloir m’aider immédiatement à me soigner, je gardais un calme impressionnant. Certains diraient de moi que je suis bornée, têtue, pas forcément facile à supporter tous les jours, parce que je sais ce que je veux, quand je le veux, et où je le veux. Et si les choses ne se déroulent pas comme je les avais prévue et bien… attention aux retours de flammes. Seulement… Pas aujourd’hui. Aujourd’hui j’avais tout, sauf le courage d’être des plus désagréables.

J’avais pris le temps de choisir mes mots pour ne pas être trop déplaisante en lui faisant remarquer que là, j’avais sans doute besoin d’un peu d’aide pour me soigner. Je lui avait même assuré qu’ensuite je le laisserais tranquille, et qu’il n’entendrait plus parler de moi. J’avais imaginé, dans ma tête, qu’il me répondrait un « Débrouille-toi toute seule » mais il n’en fut rien. Ce que j’appréciais donc. Le jeune homme se leva immédiatement en s’excusant, qu’il pensait que je m’en serais sortie toute seule. En temps normal… Oui surement. Mais pas avec cette « blessure ». Je lui offrais un maigre sourire, en hochant la tête, lui faisant comprendre que ce n’était pas grave. En temps normal, croyez –moi, je me serais bien plus agacée.

En un rien de temps, il avait ouvert cette fameuse bouteille de désinfectant, et délicatement avait pris mon bras pour y déposer une compresse imbibée de Bétadine. Je serais les dents en laissant sortir un sifflement. J’étais loin d’être douillette, mais ce que ça pouvait piquer cette saloperie ! Rapidement, il avait bandé le tout en m’informant que c’était fini. Par reflexe j’observais le travail qu’il avait accompli, et ce n’était pas mal du tout. Même si j’avais de loin préféré de pas être blessée du tout. « Merci, c’est sympa de ta part. » Le remerciais-je simplement.

Je profitais de ce moment de silence pour scruter les alentours, et me demander comment j’allais pouvoir me sortir de tout ça. Et puis le jeune homme, semblant inquiet me demanda si cela me faisait encore mal. Le levais les yeux de ma main pour le regarder, et en faisant un grand geste répondait simplement. « Ça lance un peu mais c’est pas grave, j’en ai vu d’autre ! » Comme les coups de ceinturons de mon beau-père qui m’avaient laissé de jolies cicatrices dans le dos. Par exemple. Et après un moment de silence presque gênant, le Pi Sigma osa finalement poser une question qui semblait lui brûler les lèvres. « Tu ne serais pas...un garçon manqué par hasard ? »

Pardon ? De toute ma vie, jamais on ne m’avait demandé cela de cette manière. Mes yeux s’étaient grand ouverts, et je ne pouvais cacher ma surprise. En général, les Pi Sigma n’étaient pas sensé savoir parler aux femmes ? Je veux dire… Même si Lors de notre première rencontre Adrian n’était pas des plus à l’aise… et même si en effet, mon petit côté garçon manqué ressortait dans mes actes, on ne me l’avait jamais fait remarquer de manière aussi brute. Je jetais un coup d’œil sur ma tenue avant de le regarder, lui, à nouveau. « Hum… Fait attention à ce que tu dis, un Sigma Mu, ça se vexe vite mon beau. »

Je m’étais relevé de la chaise qu’il m’avait proposée un instant plus tôt, et remettais mon jean en place, ainsi que ma veste. Je ne voulais pas perdre mon but premier, à savoir, accéder à cette putain de chambre. Sauf que j’allais encore une fois avoir besoin d’aide. Maintenant que j’étais entrée dans le bâtiment, autant aller au bout des choses non ? « Tu connais Adrian ? Un espagnol, genre… pas très vieux. » Et puis une idée me vint, pas très lumineuse je dois bien avouer, mais une idée quand même. «Tu saurais pas c'est laquelle sa piaule ? Et ça va ? Il fait pas trop de conneries avec les gonzesses ? C’est mon… » ToyBoy « …Cousin, donc je surveille tu vois. »

Quand le jeune homme m’expliqua qu’en général, seules les Eta Iota trainaient par ici, je n’en doutais pas une seconde. C’était le cliché type des lycéens huppés. La belle blonde ou rune parfaitement bien mise sur elle dans n’importe quelle circonstance, qui sortait au bras d’une gravure de mode qui se voulait surement d’être dans l’équipe de foot. Ken et Barbie quoi. J’avais ravalée un bref « Ben, la preuve que non. » Ne voulant pas attiser encore plus le feu que j’avais allumé en débarquant dans sa chambre. Parce que bon, là, il était en droit de me jeter comme une malpropre.

Au bout de quelques minutes, le ton était redescendu. Autant le sien que le mien, et assis tous les deux faces l’un à l’autre, nous avions même commencé les politesses de bases. A commencer par se présenter déjà. Bon ok, j’avais un peu caché la vérité en ne lui donnant que le prénom qui m’arrangeait, et que personne ne connaissait à Miami, mais ce n’était surement pas ça qui allait m’empêcher de dormir cette nuit. Et puis s’en était suivi d’explications évasives et bidon pour justifier mon intrusion soudaine dans sa piaule. Et étrangement… Le garçon ne chercha pas plus loin, bien au contraire, il avait l’air de s’amuser de la situation. Ou de se foutre de ma gueule, je ne saurais dire. Je devais être une sacré bonne menteuse finalement.

Je n’étais pas du genre à m’incruster et à profiter de l’hospitalité des gens, mais là, avec  le sang qui s’échappait de l’égratignure de mon bras, je n’allais pas me gêner pour oser demander ce qui était évident. D’ailleurs, si je ne lui avais pas fait remarquer, je me demande s’il s’en serait aperçu. Sans doute au moment où je serais devenue livide et serais tombée dans les pommes. Pensais-je. Avec une simple égratignure ? Si, c’est possible. Je vous assure. Il se leva tout d’un coup, envoyant valser le paquet de chips qui se renversa partout en jurant une expression que je n’avais jamais entendu auparavant. Je fronçais les sourcils en l’observant faire. Il était sympa, mais un peu bizarre quand même non ?

Il me lâcha des compresses, du désinfectant et des bandes sur les genoux, avant de se rassoir sur son lit. « Je suppose que tu es assez grande pour te débrouiller seule. » Dit-il en plaisantant. Je le regardais perplexe, en me forçant à sourire. Impossible de savoir si le garçon allait vraiment me laisser me demerder toute seule avec ça, ou si c’était juste une « blague ». En effet j’étais assez grande pour le faire, mais un petit coup de main n’aurais pas été du luxe. Très vite, j’eue ma réponse, puisque le Pi Sigma retourna à son activité qui consistait à dévorer le reste de ses Smarties et à continuer la discussion tranquillement. « Et donc tu es en quelle classe ? Moi c'est Senior Year  C, mais là je devrais être à l'université vu que j'ai 19 ans. »

Mais voilà pourquoi il ne m’était pas totalement inconnu ce garçon. Je me disais aussi que je n’étais pas encore totalement cinglée. M’enfin si je m’en étais pas souvenue tout de suite, c’était surement parce qu’au fond… J’étais sans doute un peu trop insociable par moment. « Bah dans la tienne en fait. » Répondis-je simplement. J’étais en train de m’agacer sur le bouchon de la bouteille de Bétadine que je n’arrivais pas à ouvrir puisque j’avais ce bras qui me lançait méchamment. « Tu es sûr que tu n'en veux pas ? Ah ! Tu râte quelque chose ! » Me lança le jeune homme en me montrant les friandises qui avalais goulument. Heu… « Ouais j’suis sure. J’préfère les bonbons… Un peu plus fort.»

J’essayais maintenant d’ouvrir la bouteille avec mes dents, mais elle m’échappa des mains et alla rouler jusqu’aux pieds du Pi Sigma. Dépitée, je déposais les armes, et le regardais en espérant qu’il daigne enfin faire un peu attention aux choses réelles qui se passaient devant lui. « Ty, c’est ça ? T’es très gentil, et je suis encore navrée d’avoir fait irruption dans ta piaule de cette manière, mais tu vois bien que je galère un peu là… Tu voudrais pas m’aider ? Après c’est promis je te laisse tranquille et tu pourras continuer de faire… ce que tu faisais. »

Les secondes me paraissaient être de longues minutes interminables. Mon avant-bras me faisait atrocement mal, et mes semelles ne tarderaient certainement pas à glisser hors du petit rebord sur lequel j’avais pris appuie. Autant ce n’était pas mon genre de paniquer rapidement, autant à cet instant, je me faisais violence pour ne pas hurler à plein poumons et alerter tous les Pi Sigma pour qu’on vienne me chercher. J’aurais eu l’air fine tiens. Je crois que mon mode de discrétion est à revoir sérieusement.

Fort heureusement, je voyais le jeune homme à l’intérieur de la pièce se lever puis se diriger vers la fenêtre pour l’ouvrir. Il me tendit son bras que j’attrapais en furie pour me hisser et réussir à entrer dans la chambre. Il n’avait pas encore posé de questions sur le pourquoi du comment je m’étais retrouvée ici, mais je me doutais que cela se saurait tarder. Je reprenais calmement mon souffle et donnais un coup sur mes fringues pour enlever les merdes que j’avais accrochées. « Nom d'un loup ! Tu te prend pour Spiderman ou quoi ? Tu sais où tu es là, exactement ? Chez les Pi Sigma. Les Eta Iota, c'est de l'autre côté mais dehors! » Voilà. Je m’en serais doutée.

Néanmoins,  ce n’était pas le fait qu’il me crie dessus, et le ton qu’il avait employé qui me choqua, que la fin de sa phrase. Je relevais la tête lentement, un sourcil arqué. Ok, je n’étais pas en position de lever la voix moi non plus, ayant entré quasiment par effraction mais celle-là, on ne me l’avait jamais faite. « Les Eta Iota ? Sérieusement ? Tu me prends pour qui là ? J’ai l’air d’être une de ces pétasses d’écervelées ? » Le ton de ma voix s’était voulu ferme, ainsi que mon regard. Cependant, le jeune homme s’excusa rapidement prétextant traverser une période difficile.  Bon c’était déjà ça… « C’est bon t’inquiète, un point partout. »

Sur une intonation plus détendu cette fois, il me fit remarquer que cela devait être urgent si j’en étais arrivé au point d’escalader le bâtiment. Je levais les yeux au ciel. Cette remarque aurais pu être drôle, en effet, et d’ailleurs, j’en rigolerais surement la semaine prochaine, mais pour le moment, cela me rappelais juste à quel point mon idée était débile. « Tu n’as pas idée à quel point ça l’était… » Dis-je tout bas, si bien qu’il aurait pu de pas entendre ma réponse. Il tira une chaise et m’invita à m’assoir, et je ne me priais pas pour m’affaler littéralement dessus. Je me demandais maintenant comme j’allais pouvoir me sortir de là. Une fille inconnue qui débarque par votre fenêtre, ça n’arrive pas tous les jours. Et je donne à parier que demain tous ses confrère seront au courant… D’une façon ou d’une autre.

Il me demanda ensuite mon prénom, en se présentant à son tour. Ty Noah donc. Mais il m’invita a l’appeler ‘Ty-ty’ ce qui réussissait à me tirer mon premier sourire de la journée. «Shay... Angel. Angel Becker. » Moi qui m’était jurée que plus jamais personne ne m’appellerais pas mon premier prénom… Décidément, ce qu’il ne fallait pas faire pour rester discrète. « Dis moi, ça t'arrive souvent d'escalader les murs comme ça ? » Me demanda-t-il à nouveau sur un ton amusé. Le bon côté des choses pour lui, c’est qu’il aura quelque chose à raconter à ses potes pendant sa semaine.  Encore un peu tremblotante, et sans m’épancher sur le sujet je lâchais  un bref « De vieilles habitudes. Passer par la porte c’est trop banal. » A la base, je ne m’étais pas rendue jusqu’ici pour faire ami-amie avec un de ces playboy que je jugeais être en carton. J’en avais rencontré deux/trois, et ils m’avaient laissés une impression amère.

Mais lui… Je ne sais pas, il avait l’air sympa au fond. Il me proposait même un paquet de chips avec des friandises. Mais je refusais poliment. Je reportais mon attention sur le brun sportif qui me demandait ce qui m’amenait par ici. Réfléchir vite. Trouver une histoire, quelque chose, n’importe quoi. « J’voulais venir voir… mon cousin. Mais j’me suis trompée de fenêtre visiblement. J’t’ai dit, les portes c’est pas mon truc à moi. » Je regardais mon avant-bras tout écorché qui me piquait violemment par moment, hésitant un instant à l’essuyer avec ma veste, mais rien que de toucher le bord de la blessure, me provoquait un picotement aigue. « Dit voir, à tout hasard, t’aurais pas une compresse ou un truc dans le style, j’vais en foutre partout là. »

Un temps pourri, une absence de cours justifié par un bon rhume, et personne avec qui trainer. L’automne prenais place, et cela me déprimais au plus haut point. Je n’aimais pas cette période de l’année, les feuilles mortes, les degrés en moins, la pluie… Autant en hiver, il fait froid, certes, mais on peut faire les cons avec la neige. Au printemps, on commence à se découvrir, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle la saison des amours. En été, c’est le summum de la plaisance. Chaleurs, fêtes, cocktails, bronzage… Mais l’automne, franchement ? Et c’est pour cela d’ailleurs, que je me retrouvais cloitrée dans ma chambre, à regarder les gouttes s’écraser sur la fenêtre, comme une désespérée, dans l’espoir d’avoir une idée lumineuse pour égayer ma journée.

Au départ, j’avais daigné lever mes fesses du lit pour essayer de trouver mes confrères Sigma Mu, mais la bâtisse était aussi vide qu’une maison fantôme. Pourtant je l’avais fouillée dans les moindres recoins, jusqu’à notre bar des pirates, mais personne. C’était dingue ça tout de même ! Vous n’allez pas me faire croire qu’ils étaient tous parti en cours ? Non, parce que là, je risquerais fortement de faire une attaque cardiaque à force de rire. Sans déconner. Du coup, j’avais passé plusieurs heures à trainer sur les sites de réseaux sociaux, à dessiner de nouveaux modèles de tatouages, à essayer de trouver quelqu’un qui ne serais pas occupé aujourd’hui… Jusqu’à ce que je me lasse.

Si je restais dans cet état de léthargie, je risquais de péter un plomb. Je ne supportais pas de rester enfermée, et encore moins de ne rien faire. Et puis en parcourant les photos sur l’écran de mon téléphone, je tombais sur l’une que j’avais prise à la soirée des Sigma Mu, sur l’ile. Une photo d’Adrian et moi sous le fameux palmier, prise en contre-plongée. Un sourire sincère s’étira sur mes lèvres… Jusqu’à ce que je m’en rende compte. Dès lors j’écartais le téléphone de ma vue. Je m’étais interdit de m’accrocher à ce petit con. J’aimais sa compagnie, j’aimais la relation secrète que l’on entretenait, mais c’était tout. Et cela devait rester comme ça. C’était les règles. Pas de sentiments, jamais. Et encore moins avec un garçon de trois ans mon cadet.

Mais de le revoir figer sur ce petit écran… Mes yeux dérivaient sur le téléphone comme envieux. « C’est quand il est pas là qu’il m’emmerde le plus celui-là. » Et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je m’étais relevée, douchée, habillée d’un simple jean troué, et d’une veste zébrée rose, maquillée, bien décidée à aller le voir. Jamais l’un d’entre nous n’avait franchi cette limite, celle d’aller se voir directement chez l’autre, et encore moins par surprise. On dira que ça n’arrivera qu’une fois. Voilà. Capuche sur la tête, je me rendais au pas de course jusqu’au bâtiment des Pi Sigma. Les playboys. Dieu que je ne vous supporte pas.

De ce qu’on m’avait dit, je savais qu’il était difficile pour les filles d’entrer dans le bâtiment sans y être invitée. Ou sans y avoir son petit-copain qui y résidait. Et personnellement… J’avais tout, sauf envie d’inventer une histoire rocambolesque pour avoir accès à la chambre d’Adrian. Parce que si je faisais ceci, alors j’allais devoir assumer mes mensonges, qui en entraineront d’autres, et je me retrouverais dans la merde. Dire la vérité ? Certainement pas. J’allais faire à ma manière. Je contournais la résidence et essayais de repérer une fenêtre qui donnait sur un couloir. Si c’était comme chez les Sigma Mu, normalement… C’était ici.

Je remontais mes manches sur mes avant-bras et trouvais un point d’appui sur le mur et la gouttière. Je n’avais pas une force herculéenne, mais c’était loin d’être la première fois que je devais escalader un mur. Il suffisait juste de bien trouver son équilibre. Par chance, la fenêtre que j’essayais d’atteindre était au premier étage. Mais à mi-chemin, je commençais à avoir les mains et les semelles de mes converses qui glissait à cause de la pluie. Forte heureusement pour moi, je réussissais à me retenir à la gouttière, ne manquant pas d’en dégonder un morceau, et de m’écorcher avec sur la peau nue de mon bras. J’étais prête à jurer, mais un bruit attira mon attention, celle de la fenêtre qui s’ouvrait. Je faisais de mon mieux pour me cacher aussi prêt du mur que je le pouvais.

En quelques secondes, je pouvais reprendre mon escalade laborieuse. Je m’accrochais au rebord de la fenêtre pour m’y hisser, et c’est quand je jetais un coup d’œil à l’intérieur que je m’apercevais que c’était tout, sauf un couloir, pire, ce n’était même pas la chambre d’Adrian. « Et merde… » Dis-je tout bas. Simplement, maintenant que j’y étais, je ne pouvais plus faire demi-tour, si je me lâchais de cette hauteur, il y avait de grandes chances pour que je me pete une jambe, et si je me laissais glisser, ce serais mes mains qui en prendraient un sacré coup. Après une seconde de réflexion, je tentais le tout pour le tout et frappais au carreau de la vitre. « Hey ! HEY ! Tu peux m’ouvrir ? » Dis-je à moitié en gueulant pour qu’il m’entende, et en faisant de grand geste pour qu’il comprenne. « Ça glisse vachement là, J’vais pas tenir longtemps, j’crois qu’je saigne, et j’vais m’écrabouiller si tu le fait pas. »