Remonter en selle. Alma.

« Wouaw... » souffla la jeune femme lorsque Fierce fit ce que tout cheval un peu gourmand aurait fait à sa place.

Je ne pus m’empêcher de sourire, satisfait de ma combine. Elle se tourna vers moi, un sourire éclairait son visage et je la trouvai beaucoup plus jolie comme ça. On voyait qu’elle était dans son élément. Quoi qu’elle en dise, Alma avait encore des choses à vivre avec ces animaux. L’étalon se pencha vers elle et fouilla sa poche, sans doute à la recherche de quelque chose d’autre à grignoter, ce qui nous fit tous les deux rire.

« Hey, mais arrêtes, ça chatouille !! » s’exclama-t-elle, sans se départir de son sourire. « C'est un sacré gourmand celui là ! »

« Je ne te le fais pas dire ! » approuvai-je en riant, tout en l’observant, un peu en retrait.

Fierce redressa ensuite la tête, et les mains d’Alma se glissèrent sur son encolure qu’elle caressa doucement. Elle semblait se trouver dans un rêve, si ce n’est qu’elle était réveillée. Et moi… j’étais content pour elle. C’est bête, je ne la connaissais même pas, mais de la voir à nouveau toucher du doigt sa passion – qui était aussi l’une des miennes – me faisait vraiment plaisir. J’avais l’impression d’être une éponge et de boire littéralement le bonheur que ça devait lui procurer. Pourtant, je n’étais pas particulièrement empathique en temps normal. Pas avec n’importe qui, en tout cas.

« Tu avais raison, regarde ! Je le touche ! » ajouta-t-elle en se tournant encore vers moi, comme si elle cherchait mon approbation, ou alors à se convaincre que tout ceci était bien réel.

Elle semblait toute excitée par la situation, ce qui me fit rire. Je m’approchai d’eux et posai la main sur l’encolure du cheval, que je caressai, comme pour le féliciter d’avoir fait le premier pas vers Alma.

« C’est super, je suis fier de toi Alma » lui dis-je en souriant. « Le plus dur, c’est de faire le premier pas. Tu vois, un peu comme si tu devais sauter à l’élastique… une fois que tu as sauté, le plus dur est fait et tu peux profiter du reste. Je suis content que tu l’aies fait ».

Je m’étirai un peu et étouffai un bâillement. Il était tôt le matin et ma nuit n’avait pas été très longue.

« Ça te dit de m’accompagner à la ferme où je monte ? Pas forcément aujourd’hui, je ne sais pas ce que tu as prévu de ta journée, mais quand tu es libre ? » lui proposai-je alors, avant de préciser : « Tu pourrais faire la connaissance de la propriétaire, c’est une femme adorable… et elle cherche toujours des gens pour venir bichonner les chevaux qu’elle recueille. C’est une ferme associative, en fait. Là-bas, ils sauvent les chevaux des abattoirs, récupèrent les animaux battus ou mal nourris… C’est vraiment un chouette endroit, quand tu y es tu te sens vraiment utile ».

« Tu n'es pas un allumé. C'est ce que je crois aussi » me dit-elle, ce qui me confirma qu’elle avait vraiment aimé et compris ces animaux.

Bien que, cela faisait un moment que je l’avais compris. Rien qu’au son de sa voix, en fait : c’était clair comme de l’eau de roche.

« Quand j'ai perdu mes chevaux, je me suis juré que je ne remonterais plus à cheval, jamais, pour ne pas avoir à revivre une telle épreuve... » m’expliqua-t-elle alors. « Tu vas peut-être trouver ça stupide, mais... j'ai peur. Tout ça me paraît tellement loin maintenant, et pourtant... Je ne sais pas si je serai prête à remonter un jour. Avant, c'était un besoin vital... mais on me l'a enlevé, alors j'ai du faire sans. Et maintenant, après ce que j'ai vécu, je ne suis plus sûre que ce soit bon pour moi. J'ai l'impression que je ne retrouverai jamais ce que j'ai perdu... »

« C’est normal d’avoir peur, Alma. Je comprends tout à fait, surtout dans ces conditions, que tu ne veuilles pas remonter. Mais parfois, il faut prendre des risques… Certaines choses en valent vraiment la peine ».

C’était mon avis, mais je n’allais pas non plus la forcer. Je n’étais pas là pour gâcher sa journée. La jeune femme s’approcha alors de l’étalon et tendit la main dans l’air, dans l’espace qui les séparait. Elle resta ainsi quelques secondes, la main en suspend. Je l’observais avec attention, cherchant à deviner ce qu’elle ressentait à l’instant présent. Tout à coup, elle laissa tomber sa main et se tourna vers moi, une étincelle furieuse dans les yeux.

« Je n'arrive même pas à le toucher ! » me dit-elle.

Pas d’elle-même, en tout cas. Je me pinçai les lèvres. Pourquoi est-ce que cela devait forcément venir d’elle ? Après tout, je pensais que les chevaux pourraient l’aider. Alors, pourquoi ne pas laisser faire Fierce, maintenant ? Il fallait un début à tout. Je n’étais pas thérapeute, ni rien du même acabit. Pourtant, je n’avais pas l’impression de me lancer dans quelque chose d’impossible. J’avais confiance. Je me tournai vers l’étalon et posai mes iris bleus sur lui, lui adressant une prière muette. Il pouvait le faire. Je repris doucement la main d’Alma et la tendis entre nous, paume vers le haut.

« Et si c’était lui qui venait, tu n’aurais plus qu’à te laisser faire… » lui dis-je.

Je lui fis un clin d’œil, et plongeai la main dans une de mes poches. J’en sortis un morceau de sucre, que je prenais toujours avec moi avant de venir au manège… histoire de laisser un petit cadeau à Fierce quand je repartais. Je le posai dans la paume d’Alma.

« Le mange pas, hein » plaisantai-je, pour détendre un peu l’atmosphère.

Je fis ensuite claquer ma langue sur mon palais à trois reprises, pour attirer l’attention du cheval, puis reculai d’un pas, en tirant un peu sur sa bride pour l’amener à tourner la tête dans la bonne direction.

Alma hocha presque imperceptiblement la tête, pour approuver ma proposition de marcher un peu. Les rênes de Fierce dans une main, je me mis donc en route d’un pas tranquille. La jeune femme l’emboita et nous nous retrouvâmes côtes à côtes à longer la mer, bercés par le doux bruit des vagues et le murmure des sabots de l’étalon, sur le sable, qui accompagnait notre balade de son rythme serein. Je ne disais rien, prêt à recevoir – ou pas – les confidences de l’adolescente. Je ne la forçais à rien, et si ma présence ou celle de mon cheval suffisait à son bien-être, alors très bien, qu’il en soit ainsi. Au bout d’un très court laps de temps, elle prit cependant la parole de sa voix fatiguée.

« En fait, je vivais dans un ranch au Texas. Le cheval était toute ma vie, mon grand frère me disait toujours que je savais monter avant de savoir marcher... Je pense qu'il disait vrai » commença-t-elle par raconter.

Évidemment, elle capta mon attention en moins de temps qu’il ne faut pour le dire : le Texas ! État béni où j’avais moi-même grandi une bonne partie de ma vie, qui m’avait transmis l’amour des chevaux et de l’équitation. Néanmoins, nous n’étions pas là pour parler de moi, je notai l’information dans un coin de ma tête, nous y reviendrons plus tard quand elle aurait terminé de me raconter ce qu’elle avait sur le cœur. Je regardais l’étendue de sable devant moi, si bien que je ne vis pas le sourire triste qui étira un court instant ses lèvres.

« On avait une vingtaine de chevaux, il ne se passait pas un jour sans que je monte. Je ramenais le bétail à cheval, je faisais des excursions de plusieurs jours, des compétitions aussi... » poursuivit-elle, d’une voix trop triste pour les choses qu’elle me décrivait.

C’était… la définition du bonheur, mais déclamée d’une voix si triste que l’on devinait aisément qu’il était perdu. Un état dépassé, un temps révolu. Alma s’arrêta. Je fis encore un pas avant de le remarquer, puis me tournai vers elle pour plonger mes pupilles bleues dans les siennes.

« Et puis il y a 5 ans, il y a eu un incendie, et tout a brulé. On n'a jamais su ce qu'il s'était passé... Il ne restait plus rien » acheva-t-elle d’une voix blessée.

Pas besoin de me faire un dessin, je compris que tous ses chevaux avaient péri dans les flammes de l’incendie. Je sentis mon cœur se serrer, je me mettais à sa place et je ne pouvais que comprendre sa douleur et compatir. Une vague de tristesse s’empara de moi, mais je savais que ce n’était rien comparé à ce qu’Alma avait du ressentir. Si, pour moi, il s’agissait de chevaux, d’animaux que j’aimais, que j’admirais… pour elle, c’était SES chevaux. Ceux avec qui elle avait sans doute appris à monter, ceux avec qui elle avait du partager tellement d’aventures. Perdre un animal que l’on aime est une douleur immense. Je le savais, comme beaucoup de gens je suppose. Mais tous les voir s’envoler, d’un coup, brutalement, sans même être préparé par la maladie ou la vieillesse. C’était terrible. Traumatisant. Je comprenais mieux sa réaction, j’aurais eu la même à sa place.
Alma se remit en route, ce fut moi cette fois qui lui emboitai le pas. Elle n’avait pas pleuré, même si ses yeux avaient brillé sous le coup de l’émotion. Sans doute avait-elle déjà versé trop de larmes depuis cette histoire.

« Ensuite on a déménagé en ville, à Las Vegas ».

Je ne dis rien durant quelques secondes, la main serrée autour des rênes de Fierce. Elle avait du voir dans mes yeux que je comprenais ce qu’elle avait du ressentir – même si c’était sans doute à moindre mesure, je n’avais jamais eu de cheval à moi – et je ne savais pas quoi rajouter de plus.

« Est-ce que… est-ce que tu es remontée en selle, depuis l’accident ? » lui demandai-je d’une voix douce.

Elle me répondit que ce n’était pas le cas * et je réfléchis rapidement à cela. J’avais envie de l’aider. Savoir qu’elle était du Texas et avait un jour partagé une de mes passions me faisait dire que c’était peut-être ce qui, instinctivement, m’avait poussé à m’arrêter pour lui parler. Le problème, c’est que c’était trop… pas trop bête, mais presque. Je ne pourrais jamais qualifier cet événement de bête, jamais de la vie. Mais je sentais qu’il fallait qu’elle le surmonte. Il fallait qu’elle remonte. J’essayai donc de lui expliquer quelle était ma vision de la chose.

« Tu sais… Alma, moi aussi j’ai vécu au Texas. Je n’avais pas de ranch, mais je travaillais tous les jours que Dieu faisait dans celui d’un riche propriétaire d’une exploitation de coton. Un type plein aux as, qui avait besoin de gamins comme moi pour s’occuper de ses chevaux. C’était au Texas Panhandle, dans le Comté de Hemphill. Et même s’ils n’étaient pas à moi… je les aimais vraiment. Je n’ose pas imaginer ce que serait ma vie sans eux, même ici à Miami j’ai besoin d’être en contact avec des chevaux, c’est... vital. Je crois que tu comprends ce que je veux dire. Alors, je me mets à ta place. Je pense que je ne peux pas imaginer ce que tu as du ressentir, mais ce que je sais… c’est toi-même qui me l’as dit, c’est que les chevaux, l’équitation, c’était toute ta vie ».

Je repris mon souffle, m’arrêtai et attrapai sa main pour l’inviter à en faire de même et à se tourner vers moi.

« Je pense que tu dois remonter. Je sais ce que tu te dis, tu te dis que ça te rappellera sans cesse l’accident. Et au début, oui… sans doute. C’est même certain. Mais les chevaux, ils ont cette sensibilité, ils ressentent nos émotions mieux que quiconque, c’est pour ça que je les aime tant. Je sais que j’ai l’air d’un allumé quand je dis ça, rares sont les gens qui me comprendront, mais… ils t’aideront. Ils t’aideront à aller mieux, à faire le deuil de toutes ces vies perdues, ils te réapprendront à vivre ».

Je devais sans doute passer pour un cinglé, mais dans le fond… j’espérais qu’elle me comprenne, qu’elle ait un jour ressenti cette sensibilité dont je lui parlais, et qu’elle décide de se lancer. J’étais sûr que sa vie s’arrangerait si elle retrouvait cette ancienne passion. En attendant, je tenais toujours sa main comme un con. Je la lâchai et lui fis un sourire, comme pour m’excuser de m’emporter aussi facilement.



* Désolée j’ai un peu PNJisé pour te donner plus de matière pour répondre, si ça ne va pas n’hésite pas à me le dire.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais tendance à comparer la situation avec celle que j’avais vécue quelques semaines plus tôt avec Victory. Pourtant, les deux jeunes femmes n’avaient pas grand-chose à voir l’une avec l’autre. Si c’était l’Alpha Psi qui s’était presque jetée sous les sabots de Fierce, ici je m’étais arrêté pour parler à Alma. Cette dernière avait saisi la main que je lui tendais sans aucune crainte, comme s’il était naturel qu’elle me fasse confiance. Quant à Victory, elle avait longuement hésité avant de le faire… voir même avant de se détendre complètement. Le seul point commun, en réalité, était Fierce, le bel étalon blanc. Et le fait que nous allions devenir vraiment proches, tant Victory et moi qu’Alma et moi. Mais cela, je ne le savais pas encore. Seul l’avenir m’ouvrirait les yeux à ce sujet.

Je voyais que la jolie brune aux traits fatigués était fascinée par le cheval… je lui expliquai donc quelques particularités sur la race pour essayer de la détendre et lui fis ensuite remarquer – n’y tenant plus – qu’elle avait l’air vraiment éblouie par le lipizzan, et captivée par sa présence.

« Oui… Je montais quand j'étais plus jeune... Mais j'ai tout arrêté il y a 5 ans. Je... Je suis désolée... » me révéla-t-elle avant de s’excuser, ce qui me surprit.

Elle secoua la tête de droite à gauche, ses cheveux bruns vinrent caresser son cou à plusieurs reprises, de chaque côté, en rythme. Droite, gauche, droite, gauche, droite. Elle lâcha ma main et fit un pas en arrière assez brusquement, ce qui fit réagir Fierce. Comme la plupart des cavaliers, j’étais convaincu que les chevaux étaient des radars à émotions humaines. C’est sans doute en grande partie pour cela que je les trouvais aussi exceptionnels. La réaction de la demoiselle me laissait supposer qu’elle avait connu un traumatisme pour agir de la sorte. Sans doute une chute, peut-être soldée par une hospitalisation plus ou moins longue. Si elle avait arrêté, il devait y avoir une raison. Quelqu’un qui arrête l’équitation par simple manque de temps, par exemple, ne réagit pas comme cela en présence d’un cheval. En réalité… Alma avait peur.

« Ne t’excuse pas, ce n’est rien » lui dis-je d’une voix calme.

« Je crois que je ferais mieux de rentrer... » ajouta la jolie brune, néanmoins elle ne fit pas un mouvement, comme si elle était pétrifiée… et toujours sous le charme de Fierce.

Je souris, presque attendri par son attitude. J’avais envie de l’aider, mais je ne savais pas vraiment commun. Je lui proposai donc la première chose qui me passa par la tête, inspirée par l’impatience de ma monture.

« Tu veux qu’on marche un peu ? » lui proposai-je donc, en désignant la plage qui s’étendait à des kilomètres à perte de vue.

« Je ne suis pas vraiment curieux de nature, mais je sais offrir une oreille attentive à ceux qui ont envie de parler » lui dis-je ensuite.

Ce n’était qu’une proposition, je ne voulais pas la forcer à quoi que ce soit. C’était à elle de voir si elle voulait en parler ou pas. Et parfois, parler de ses soucis à un inconnu peut se révéler bien plus bénéfique que de le faire avec quelqu’un de proche qui profite de cette occasion pour nous poignarder dans le dos à la première occasion.

Je l’observais avec attention, tandis que ses pupilles vertes se posaient tour à tour sur Fierce et sur moi. Elle avait un joli visage, c’est vrai… mais cet air triste qui l’accompagnait rendait l’ensemble mélancolique. Les cernes sous ses yeux témoignaient de son état de fatigue, et je sentis une vague d’empathie m’étreindre. Sans que je ne sache dire pourquoi, je ressentais le besoin de faire quelque chose pour elle. Pourtant, je n’étais pas un saint en puissance… mais cette jeune femme avait attiré mon attention. Il suffit parfois de peu.

« Moi c'est Alma » me répondit-elle d’une voix presque éteinte.

Elle se redressa, elle devait en avoir marre de lever la tête pour me regarder. C’est vrai que j’étais plutôt grand, et même debout elle devait lever le menton pour croiser mon regard. Ses yeux mélancoliques se détournèrent de moi et glissèrent sur le corps puissant de l’étalon, que je tenais toujours par les rênes. Elle semblait fascinée par la force qui se dégageait de lui, et moi je l’étais tout simplement par elle. Elle était le genre de personne qui me donnait envie de me faufiler dans leur tête pour voir ce qui pouvait bien s’y passer. Quel film projetait son cerveau, lorsqu’elle fermait les paupières ? A quoi pensait-elle, seule sur cette plage, avant que je n’arrive ? Et maintenant, que trahissaient ses regards envoutés ?

« Il est magnifique ».

Je décelai de l’admiration dans sa voix, Alma avait l’air d’apprécier ce qu’elle voyait, mais contrairement à la plupart des gens, elle ne se précipitait pas pour caresser la robe éclatante du lipizzan. Je m’approchai du cheval et posai ma paume rugueuse sur son encolure, pour le caresser tendrement.

« Il s’appelle Fierce*… mais il est doux comme un agneau » lui dis-je d’une voix posée, en observant son visage avec une attention toute particulière.

Je lui tendis la main, paume vers le haut et attendis de croiser son regard pour lui sourire et lui expliquer ce que j’avais en tête.

« Approche, n’aies pas peur… les lipizzans sont des chevaux adorables, et celui-ci a dépassé la fougue de la jeunesse depuis un moment. Cela se remarque à sa robe blanche. A la naissance, elle est foncée et s’éclaircit au fur et à mesure que le temps s’écoule, pour devenir blanche après 6 à 10 ans. C’est un peu comme nous, en fin de compte… » lui dis-je, en prenant la même voix qui avait calmé Victory des semaines plus tôt.

Une voix apaisante, douce et rassurante. Je ne savais pas qu’elle s’y connaissait en chevaux, ce pourquoi je lui expliquais cela. A vrai dire, j’essayais surtout de la distraire pour la faire approcher un peu.

« Tu as l’air captivée par lui… je me trompe ? » lui demandai-je ensuite, tout en laissant courir ma main sous la crinière du bel étalon.

Il piaffa légèrement d’impatience, comme si la vue de la plage qui s’étendait à des kilomètres face à la mer lui donnait envie de s’y élancer et de courir, simplement pour le plaisir de le faire.

* Féroce, au cas où.

Au début de l’été, j’avais repéré une offre d’emploi dans un petit journal, qui demandait de jeunes hommes barbus avec des airs de pirate, pour travailler sur un bateau corsaire qui partait toute la journée en croisière avec une foule de touristes à son bord, tous les dimanches durant les vacances. J’avais donc postulé et le patron m’avait engagé tout de suite, quand il avait vu ma dégaine. A Miami, c’est grâce à mon look particulier que j’avais réussi à me faire embaucher à deux endroits différents, alors qu’en général mon allure était plutôt un frein à l’emploi considérable. Ces dimanches, avec Keagan notamment – un Sigma Mu et un de mes potes par la même occasion – m’avaient beaucoup amusé, et je dois dire que j’avais été triste de quitter toute l’équipe au moment de la rentrée. Mais il y a un côté positif à toute chose : depuis la fin de la saison estivale, je pouvais pratiquer l’équitation au moins une fois par semaine, ce qui n’était pas le cas durant les vacances, avec le planning over-chargé que je me tapais. Et autant dire que cela faisait du bien à quelqu’un comme moi, qui avais vécu plusieurs années au Texas et avais développé une passion pour ces animaux nobles et réellement intelligents qu’étaient les chevaux.

Ce dimanche, donc, je m’étais rendu jusqu’à la ferme où je montais, un peu en dehors de la ville. J’avais sellé Fierce, l’étalon lipizzan à la robe blanche comme neige, que j’avais pris l’habitude de monter à chaque fois que je venais. Pour la joute, il n’était vraiment pas approprié, mais cela faisait des mois que je n’avais plus pratiqué ce sport de « combat », me contentant de monter… ce qui était très bien également. Il n’y avait pas de club de joute dans les environs – ce qui dans le fond ne m’étonnait pas – du coup je montais surtout pour le plaisir. J’étais parti tôt le matin pour une randonnée sur la plage, avant que les touristes et les baigneurs n’affluent. Il devait être aux alentours de 8 heures du matin, le soleil s’était levé depuis un moment mais je ne croisai que quelques rares joggeurs. Jusqu’à cette fille… Je ne sais pas ce qu’elle faisait là, elle était seule, statique. Plus j’approchais, au trot, avec Fierce, et plus son regard perdu dans le lointain me perturbait. Je ne sais pas pourquoi, mais une envie de m’arrêter pour vérifier qu’elle allait bien me prit, et je tirai brusquement sur les rênes. Ma monture s’arrêta, je sautai prestement au sol, sans lâcher les brides pour ne pas que le cheval se fasse la malle – on n’est jamais trop prudent.

« Est-ce que ça va ? » lui demandai-je de but en blanc, sans même la saluer.

Je me rendis ensuite compte de mon impolitesse et m’empressai d’ajouter : « Euh… excuse-moi, je ne voulais pas te déranger mais comme tu semblais un peu perdue, j’ai eu envie de m’arrêter pour voir si tu allais bien. Je m’appelle Liam ».

Je lui souris, un peu gêné. J’étais digne de Victory, pour le coup, à sauter sur les gens sans ménagement, simplement parce que mon cerveau me dictait de le faire.

HRP :