Round 1. Dexter.

« Ah oui, Edgard. Excuse-moi, j’avais totalement oublié qu’il était ton frère mais je me souviens de lui… Il était chez les Alpha Psi, non ? C’était un mec bien ».

Rien que de prononcer le nom de mon frère me faisait mal… mais entendre ça me faisait encore plus de peine. Oui, c’était un gars bien. Beaucoup trop bien pour finir comme ça, à se vider de son sang sur un trottoir. Si j’avais pu revenir en arrière, je me serais débrouillé pour être là où il était mort à sa place, et lui en sécurité à la mienne. Je baissai les yeux sur mes chaussures, sans savoir quoi dire à Dexter sans me mettre à chialer comme un con. Je murmurai un vague « oui » en réponse à sa question, mais c’est tout. Peu de sujets me touchaient réellement, certes, mais Ed’ était et resterait l’un de mes points faibles. Je préférai enchainer sur sa mère, et sur le fait qu’il aurait du tuer celui qui l’avait assassinée.

« Tu crois vraiment que j’aurais pu laisser s’en sortir l’homme qui a tué ma mère et qui a battu ma petite sœur ? Et qui m’a aussi battu mais ça, c’est une autre histoire. Mon beau-père était juste un salaud, faible, raciste et homophobe » me dit-il, ce qui me fit relever la tête.

Je croisai son regard. Est-ce qu’il venait réellement de m’avouer une chose pareille ? J’allais lui répondre lorsque l’infirmière revint, ce qui me replongea dans mes pensées. Je ne savais pas ce que je devais penser des paroles de mon ancien ami. Quand elle repartit faire je ne sais quoi, nous changeâmes de sujet… mais le précédent resta dans un coin de ma tête. Je suggérai à Dext’ de prendre sa revanche sur un ring, parce que c’était l’endroit où nous nous étions toujours le mieux entendu, lui et moi. Contre toute attente, le Rho Kappa m’expliqua qu’il n’avait plus envie de se battre, et que s’il était violent avant c’était uniquement parce qu’il était mal dans sa peau. Ce que… très honnêtement, je comprenais. Simplement, je préférais me voiler la face, tout comme lui l’avait fait jadis en essayant de se penser bisexuel. Nous étions décidément plus proches que ce que je ne le pensais, lui et moi. Il fallait que je réfléchisse à tout cela. A cette conversation… sauf que sa présence de mon ancien ami m’empêchait de le faire à tête reposée. L’infirmière revint, une fois de plus.

« Je ne t’oblige pas à rester plus longtemps. Tu ne me dois plus rien. Merci » me dit alors Dexter.

Je sautai sur l’occasion pour m’éclipser, mal à l’aise à cause de ce qu’il s’était passé et de la conversation qui avait suivi.

« Désolé » lui dis-je en croisant un quart de seconde son regard, et je filai ensuite dans le couloir sans me retourner.

Au début, je n’avais pas fait le rapprochement. Je ne me souvenais pas qu’il avait eu un lien de parenté avec Edgard et pourtant, je me souvenais d’Edgard. Je me mordis la lèvre inférieure. Comment avais-je pu oublier? Et je lâchai un :
 
-Ah oui, Edgard. Excuse-moi, j’avais totalement oublié qu’il était ton frère mais je me souviens de lui… Il était chez les Alpha Psi, non? C’était un mec bien.

 

On disait souvent que les meilleurs partaient les premiers. Je crois bien que c’était vrai. Les personnes vraiment pourries partaient tôt elles aussi car elles étaient tuées par des mecs avec la rage ancrée au corps. Des mecs comme moi. Des mecs comme Trevor. On avait cette rage qui nous permettait de survive entre les trop bons et les trop mauvais. J’harquais un sourcil lorsqu’il me dit que j’aurais dû tuer l’assassin de ma mère. Sans réfléchir, je demandais :
 
-Tu crois vraiment que j’aurais pu laisser s’en sortir l’homme qui a tué ma mère et qui a battu ma petite-soeur? Et qui m’a aussi battu mais ça, c’est une autre histoire. Mon beau-père était juste un salaud, faible, raciste et homophobe.
 
L’infirmière revint à ce moment. J’espérais qu’elle n’avait rien entendu. Ce que je venais de dire était grave. J’attendais qu’elle reparte. Génial, j’allais avoir à faire des radio. Ca me saoulais mais bon, c’était pas comme à l’époque de Greg Carter. Je n’étais plus envoyé à l’hôpital toutes les semaines. Trevor me parla durement. Etrangement, j’aimais quand il me parlait comme ça. Je retins un petit sourire quand il me dit qu’il n’était pas suffisamment con pour penser que l’homosexualité était une maladie. J’étais content que Trevor me surprenne. Je restais silencieux et le Rho Kappa reprit la parole. Il me confessa qu’il y avait peut-être une autre chose mais qu’il ne voulait pas m’en parler. Je pouvais le comprendre. Il me proposa de prendre ma revanche sur le ring.
 
-Trevor, je n’ai plus envie de me battre et surtout pas contre toi. Si j’étais aussi violent avant, c’était parce que j’étais mal dans ma peau. Je n’acceptais pas qui j’étais, je n’acceptais pas d’être homosexuel parce que, comme toi, je pensais que l’homosexualité était contre-nature… C’était pour ça que je le cachais et que je préférais me croire bi parce que c’est plus facile de cacher sa bisexualité que de cacher son homosexualité. Je me suis longtemps dégoûté mais bon, c’est passé et toute la haine que j’avais pour le monde entier s’est évaporée. Quand je me bats, tout ressurgit, tout ce que j’ai été, toute la haine que j’ai éprouvé, tout le mal-être que j’ai ressenti. Tout. Je te jure que je suis mal de t’avoir menti mais je respecte ton choix., dis-je d’une voix calme.
 
Peut-être était-ce le temps de l’apaisement pour moi? L’infirmière revint une nouvelle fois mais cette fois-ci, c’était pour m’emmener faire des radios. En passant près de Trevor, je lui dis :
 
-Je ne t’oblige pas à rester plus longtemps. Tu ne me dois plus rien. Merci.
 

J’étais sûr que Trevor s’en irait aussi vite qu’il était arrivé. Mais qui pouvait prévoir les actions de quelqu’un ?

Je préférais rester loin de Dexter, appuyé contre le mur en face du lit sur lequel il était installé. Je pouvais voir les lits à côté, mais comme ils étaient vides ce n’était pas un problème. Je croisai les bras sur ma poitrine, ne sachant pas trop si je devais rester là avec lui ou partir. Je décidai de voir si l’infirmière me chassait ou pas, dans un premier temps. Elle avait dit qu’elle reviendrait avec des antidouleurs pour son bras, c’est qu’elle ne tarderait pas.

« Je ne savais pas que tu avais un frère. Je suis sincèrement désolé, toutes mes condoléances… Il m’a fallut beaucoup de temps pour me remettre de la mort de ma mère et encore, il a surtout fallu que je voie son assassin mourir pour pouvoir commencer à “guérir” » me dit le Rho Kappa, à voix basse.

Je haussai les épaules, il devait être complètement con ou alors trop sonné pour se souvenir d’Edgard. Ce qui, dans le fond, m’énerva un peu. Moi, je n’arriverais pas à l’oublier.

« Il était dans l’équipe de foot » lui dis-je, avant de préciser : « Edgard Callahan ».

Prononcer son nom amena une grimace sur mon visage. Il me manquait, surtout que j’avais pensé être seul pendant des années, en ayant été adopté. Mais il s’était avéré que mon père biologique était le même que le sien, et que celui d’Evangeline. Un sombre connard, qui avait maintenant payé pour ce qu’il avait fait. Mais, comme disait Dexter, cela ne m’avait pas vraiment soulagé. Tout au plus, je commençais à m’y faire. On ne guérissait jamais de ce genre de choses.

« Et désolé pour ta mère. Tu aurais du le tuer, ce type » ajoutai-je d’une voix dure.

La mienne, je ne l’avais jamais connue. Sachant qui elle était, ce n’était pas plus mal. Notre seule rencontre s’était déroulée sur sa pierre tombale. Mais vu l’importance que j’accordais à ma famille – qui n’était vraiment plus nombreuse, en réalité je n’avais plus que ma petite sœur à qui me raccrocher – je ne savais pas comment Dext’ avait pu faire pour attendre. Ce que je supposais qu’il avait fait… mais qui sait.

« Trevor, une chose me chiffonne. J’ai, moi aussi, reçu une éducation homophobe et raciste et pourtant, vois le mec que je suis devenu. Je suis sûr qu’il y a autre chose. Tu sais, à part mon homosexualité et mes origines afro-américaines, je ne t’ai rien caché et j’ai été honnête avec toi. Je dois bien t’avouer que ton amitié va me manquer mais il fallait bien que la vérité éclate un jour ou l’autre » me dit alors mon ancien ami.

J’allais répondre, lorsque l’infirmière revint avec des antidouleurs. Elle vérifia que Dexter les prenait correctement, puis s’éloigna en précisant qu’on ne tarderait pas à venir le chercher pour des radios. Je la regardai partir et finalement, me retournai vers le Rho Kappa pour croiser son regard.

« Ce n’est pas parce que tu as été élevé par un homophobe que tu ne l’es pas devenu, Dext’. C’est parce que tu es gay, c’est tout » lui dis-je d’une voix dure. « Il y a des gens qui pensent que c’est une maladie, mais je ne suis pas assez con pour ça. Je sais très bien que tu ne l’as pas choisi… il n’empêche, ça me dégoûte, c’est contre nature ».

Je soupirai et passai une main dans mes cheveux en détournant la tête.

« C’est vrai, il y a peut-être autre chose. Mais ça ne te regarde pas. Je ne peux plus être ami avec un gars comme toi, et je ne vais certainement pas m’abaisser à te faire des confidences. Au pire… quand tu te seras remis, tu n’auras qu’à venir prendre ta revanche, on s’est toujours mieux entendus sur un ring qu’ailleurs ».

Je ne m’étais pas vraiment attendu à ce qu’il décide de m’emmener. Peut-être avait-il vraiment de la valeur après tout? Mais, en tout cas, il n’avait pas oublié qu’on avait été amis avant.
 
Bien sûr, il ne ménagea pas. Il est sec et dur avec moi. C’était tant mieux, je préférais que ce soit comme ça. Sur le parking, il m’emmena à la voiture d’Emeric. C’est vrai qu’il n’avait pas de voiture. Quand nous fûmes sur le parking de l’hôpital, après que j’eu prié pour arriver à l’hôpital en vie, je fis mon petit speech à Trevor. J’étais curieux de voir sa réponse et… Il me répondit pas du premier coup. Il me dit… ou plutôt il me grogna de descendre. Bon, c’était clair. Je croyais qu’il me répondrai pas et qu’il me laisserait sur le parking mais non, il descendit à son tour de la voiture. Je lui jetais d’un regard surpris. Je restais sur place, ébahi. Quand je le vis se déplacer vers l’entrée de l’hôpital, je le suivi. Là, il m’expliqua que son racisme et son homophobie étaient inné et que je n’avais qu’à mettre ça sur le compte de son éducation. Même si j’avais certaines choses à lui dire, je n’ouvri pas la bouche. Ce fut d’ailleurs lui expliqua mon cas à une infirmière. Cette même-infirmière nous demanda de la suivre et elle nous conduisi dans une chambre. Elle m’invita à m’installer sur l’un des lits. Puis elle quitta la pièce pour aller chercher des antidouleurs. Trevor m’annonça qu’il avait perdu son frère. Il avait un frère? Je ne le savais même pas. Il était encore un peu agressif et finalement, il me dit qu’il était désolé de m’avoir cassé le bras.
 
-Je ne savais pas que tu avais un frère. Je suis sincèrement désolé, toutes mes condoléances… Il m’a fallut beaucoup de temps pour me remettre de la mort de ma mère et encore, il a surtout fallu que je vois son assassin mourir pour pouvoir commencer à “guérir”., murmurais-je. Trevor, une chose me chiffonne. J’ai, moi aussi, reçu une éducation homophobe et raciste et pourtant, vois le mec que je suis devenu. Je suis sûr qu’il y a autre chose. Tu sais, à part mon homosexualité et mes origines afro-américaines, je ne t’ai rien caché et j’ai été honnête avec toi. Je dois bien t’avouer que ton amitié va me manquer mais il fallait bien que la vérité éclate un jour ou l’autre.
 

L’infirmière revint avec un petit gobelet contenant des gellules. J’avalais la totalité des anti-douleurs. J’avais l’habitude des hôpitaux même si j’y allais beaucoup moins souvent qu’avant. Je tournais mon regard vers Trevor. Il était toujours là. Allait-il partir? Me laisserait-il ici? Ou… Notre amitié avait-elle encore un sens et il restait là à cause de notre “amitié”? Je n’en savais rien et je n’en saurais probablement jamais rien. Je devais faire avec. Je tentais vainement de faire un petit sourire qui voulait dire : “Ca va, je vais bien. Si tu veux partir, tu peux.”. Mais ce n’était absolument pas convaincant. Pendant ce temps, l’infirmière était repartie pour ensuite revenir mais je ne faisais pas attention à elle, j’étais trop intéressé par les réactions de mon ancien ami.

Je le regardai tomber, poupée de chiffon, en m’insultant mentalement de ne pas m’être retenu. Dexter ne tarda pas à se redresser, c’était un dur à cuir. Le bras pendant à ses côtés, le sportif s’appuya contre le mur et nos regards se croisèrent. Il semblait furieux – sans blague, Trey – et même si je savais qu’il devait avoir mal, il ne s’en plaignait pas. A la place, il préféra m’insulter. C’est ce que j’aurais fait aussi.

« Espèce d'enfoiré ! Tu m'as cassé le bras. Tu te rends compte de ta connerie ? Aide-moi à me relever et emmène-moi à l'hosto. C'est la seule chose que tu aies à faire » me dit-il.

Je voyais sa mâchoire se serrer, la mienne en faisait autant mais sans doute pas pour la même raison. J’hésitais, en fait. Le laisser crever de douleur, tout seul dans le couloir ? Pourquoi pas, après tout… ? Mais, non, je ne pouvais pas être connard à ce point-là, c’est pas comme si lui et moi on avait jamais été potes. Pendant que j’hésitais, Dexter se releva tout seul en grimaçant. Une fois qu’il fut debout, ma décision était prise.

« C’est bon, je t’emmène » dis-je, entre mes dents, parce que ça me faisait clairement chier de transporter un gay mais bon – je l’avais bien cherché.

Il se dirigea sans un mot vers les escaliers, et je poussai la première porte du couloir, celle d’Emer’ et de ma sœur. Personne, mais je savais où mon meilleur ami planquait ses clés de bagnole. Il ne m’en voudrait pas de lui emprunter sa caisse, j’en étais persuadé. Je pris donc rapidement les clés et rejoignis à la hâte Dexter, qui descendait les escaliers. Une fois sur le parking, je lui désignai la voiture de notre Chef de Confrérie du menton, lui indiquant ainsi de monter dedans. Ce qu’il fit, en silence. Je mis le contact après avoir bouclé ma ceinture et démarrai l’engin, en faisant attention – j’avais pas l’habitude de conduire, et c’était pas vraiment le moment de faire un accident –. La radio crachait un vieux son pourri, qui m’énerva rapidement. Je la coupai et le trajet se déroula dans un silence de plomb. Un peu comme celui qu’on avait, lui comme moi, dans la cervelle. Une fois sur le parking des urgences, je me garai non loin de l’entrée et coupai le contact. Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, Dexter prit la parole… en commençant par un mot qui m’étonna. C’est vrai, quoi, c’était de ma faute si on en était là, il n’avait pas besoin de me remercier.

« Merci. Je vais pas t'obliger à me supporter plus longtemps, je vais me débrouiller. Je veux juste savoir une chose : qu'est-ce qu'on t'a fait pour que tu deviennes ainsi ? Je sais très bien que tu n'as pas été que battu. Moi aussi, je l'ai été. Mon beau-père m'a même poignardé une fois mais je n'en suis pas devenu mauvais pour autant. Et, peu importe ce que tu en penses, je suis sûr qu'il reste encore un peu de bonté en toi ».

Je serrai la mâchoire, crispé. Qu’est-ce qu’il me sortait encore, comme conneries !

« Descends » lui dis-je d’un ton ferme. Je sortis les clés du contact et quittai moi-même le véhicule.

S’il voulait causer, soit… mais autant qu’il se fasse soigner en même temps. Nous prîmes la direction de la porte des urgences, et je lui répondis en chemin. Enfin, plus ou moins.

« D’aussi loin que je me souvienne, Dext’, j’ai jamais aimé les mecs dans ton genre. T’as qu’à te dire que ça vient de mon éducation » dis-je, alors que mes parents adoptifs n’étaient pas particulièrement racistes ou homophobes. « Mon passage à l’armée a juste achevé le boulot ».

J’ouvris la porte et me dirigeai vers l’accueil, en poussant une femme qui me gênait – elle était debout en plein milieu du jeu de quilles, cette cruche –. Avisant une infirmière, je désignai Dexter du pouce et l’informai de sa situation.

« On se battait, je lui ai cassé le bras ».

Passée la surprise, l’infirmière nous fit signe de la suivre vers le couloir des urgences, à proprement parler. Elle nous entraina vers une chambre où se trouvaient plusieurs lits, séparés par des rideaux.

« Installez vous là, jeune homme, on va venir vous chercher pour un scanner dans un instant. Je vais revenir avec un antidouleur ».

Je me tournai vers mon ancien ami et fourrai les mains dans mes poches.

« Entre le Trevor d’avant et moi, il y a une grosse différence. Et tu sais pourquoi ? Parce qu’entre les deux, j’ai perdu mon frère ».

A mes yeux, cela expliquait bien des choses. Et sa bonté, il pouvait se la garder.

« Désolé pour ton bras » ajoutai-je, plus calmement.

J’hésitai ensuite, en regardant l’entrée du couloir… qui était aussi la sortie. Est-ce que je devais l’attendre là ?!

Je vis le sang s'écouler du nez de Trevor et pendant deux secondes, je me demandais si je le lui avais cassé mais ce n'était pas le plus important à mes yeux. Je m'étais arrêté de le frapper pour lui avouer de quoi j'avais le plus peur à l'instant. Quand les mots franchirent mes lèvres, je les trouvais bêtes, stupides. Pourquoi laissais-je Trevor s'immiscer un peu plus dans ma vie et dans mes pensées alors qu'il me détestait ? Sur ce, Trevor inversa le rapport de force et je me retrouvais par terre, sous Trevor. Je suffocais. Je percevais sa colère mais le sens des mots qu'il proférait ne parvenait pas à mes oreilles. Je ne répliquais pas et il me bourra de coups de poings. Je commençais à me sentir mal. Je commençais à revoir mon beau-père. Je commençais à sentir la présence de cette haine viscérale en moi et à l'extérieur de moi. Néanmoins, je ne parvenais pas à exécuter le moindre mouvement. Je me laissais faire comme un simple pantin. J'atterris, je ne sais pas comment, face contre le mur. Sous la violence du choc, l'air fut expulsé hors de mes poumons. Il me semblait avoir entendu l'une de mes côtes craquer. Je préférais me dire que j'avais rêvé. Sans que je n'ai eu le temps de me relever ou de bouger pour éviter Trevor, il revint à la charge. Il me tordit le bras droit dans mon dos. Bordel ! Il avait de la force. S'il voulait, il pouvait m'éclater le bras. Cette fois-ci, je compris ce qu'il me dit. Oh si seulement il savait que ce n'était pas le premier passage à tabac que je connaissais. J'eu l'un de ses rires étranges digne d'un méchant de film de super-héros lorsqu'il expirait son dernier souffle. J'allais répliquer lorsque ce con m'écrasa le bras en le relevant. Sur le coup, je n'eu pas mal. C'est en entendant mon bras craquer que j'eu mal. Il m'avait cassé le bras ! Quand il me lâcha, je m'affalais par terre comme une poupée de chiffon. La surprise passée, je me redressais et m'adossais contre le mur. Mon bras droit pendait mollement à mon côté comme le bras d'un pantin désarticulé.

La douleur était puissante. J'aurais pu en pleurer mais j'avais trop de fierté. Il y avait Trevor en face de moi et je ne voulais pas qu'il me voit dans le dernier des états. Je le fixais avec, dans mes yeux, de la haine. Là, je ne pourrais pas échapper à l'hôpital.

-Espèce d'enfoiré ! Tu m'as cassé le bras. Tu te rends compte de ta connerie ? Aide-moi à me relever et emmène-moi à l'hosto. C'est la seule chose que tu ai à faire., crachais-je, furieux.

Je serrais les dents pour ne pas crier. J'en avais vécu des choses douloureuses physiquement mais je ne m'habituais jamais à la douleur. Pendant quelques instants, je me demandais si Trevor allait m'emmener à l'hôpital. Après tout, il pouvait bien faire ça pour aider l'un de ses anciens potes. D'un autre côté, j'étais gay et lui homophobe... Je doutais qu'il m'aiderait. Il me laisserait probablement crever dans mon coin s'il en avait l'occasion. J'allais devoir me débrouiller seul. J'allais sûrement devoir demander l'aide de Rose mais c'était ça ou rester ici.
Pour me relever, je m'appuyais sur mon bras valide et parvins bientôt à me remettre sur mes pieds. Je m'apprêtai à passer la porte lorsque Trevor accepta de m'emmener à l'hôpital. Bon, peut-être qu'il avait un cœur finalement... Peut-être qu'il avait encore un peu de considération pour moi...

Je redescendais les escaliers, Trevor sur mes talons. Il me sembla que quelques regards se posèrent sur mon ancien ami et moi. Ca devait faire bizarre de le voir avec moi. Je me rendis sur le parking avec Trevor.

Je trouvais ça très ironique qu'un homophobe emmène un gay qu'il avait tabassé à l'hôpital. Pendant le trajet, je me posais une unique question. Qu'est-ce qui l'avait fait devenir comme ça ? J'étais persuadé que Trevor n'était pas mauvais de nature mais qu'il l'était devenu. Il m'avait bien qu'il fallait plus qu'un passage à tabac pour devenir comme lui. Que voulait-il dire ? En plus, il savait très bien que mon beau-père me tabassait régulièrement quand j'étais gamin. Je ne dis rien de tout le trajet, je me contentais de ne pas crier sous le coup de la douleur.

Finalement, sur le parking de l'hôpital, j'eu le courage de l'interroger sur ce qui me trottait dans la tête depuis un bout de temps.

-Merci. Je vais pas t'obliger à me supporter plus longtemps, je vais me débrouiller. Je veux juste savoir une chose : qu'est-ce qu'on t'a fait pour que tu deviennes ainsi ? Je sais très bien que tu n'as pas été que battu. Moi aussi, je l'ai été. Mon beau-père m'a même poignardé une fois mais je n'en suis pas devenu mauvais pour autant. Et, peu importe ce que tu en pense, je suis sûr qu'il reste encore un peu de bonté en toi.

J'étais sincère quand je parlais de sa « bonté ». J'avais été ami avec lui et même s'il avait beaucoup de défauts, il avait des qualités et j'avais envie de me concentrer sur ses bons côtés plutôt que de voir que son homophobie et son racisme. J'attendais sa réponse et je serais prêt à partir pour me faire soigner. Je ne voulais pas lui imposer ma présence. J'étais persuadé que ça lui avait coûté de m'emmener à l'hôpital alors je ne voulais pas le déranger plus.

Je sentis son poing s’écraser contre mon ventre, ce qui me coupa un instant le souffle. Il avait beau être gay, je l’avais toujours respecté pour sa manière de se battre. Dans le fond, c’était même sans doute en pensant à lui et à nos combats dans la salle de sport des Rho Kappa que je m’étais mis sérieusement à la boxe, lorsque j’avais quitté Wynwood pour partir à la recherche de mon paternel. Le savoir homosexuel, ces mecs que je détestais du plus profond de mon âme… ça m’énervait deux fois plus. Il y avait peu de gens que je respectais. Savoir que la liste s’amoindrissait, ça me décevait. J’étais déçu, et en colère. Je savais qu’il m’avait menti, puisqu’apparemment c’était quelque chose qu’il avait compris depuis un moment. Je ne sais pas ce qui m’énervait le plus. Tout à ma réflexion, pas assez concentré ou simplement pas assez vif pour parer, je n’en sais rien, je me laissai plaquer au sol. Bêtement. J’étais plus lourd que lui, je n’aurais pas du tomber. Je ne sais pas ce que je foutais, ou ce qui me retenait de vraiment le descendre. Dexter me maitrisa au sol et m’envoya 4 coups dans la figure, je me sentis vivant, on peut le dire. Un liquide chaud coula de mon nez. Je m’étais battu bien assez souvient pour reconnaître l’odeur âcre du sang. Nez cassé ? Peut-être. Ça ne serait pas la première fois. En tout cas, j’étais bien sonné. Personne n’est indestructible, moi le premier. Il aurait pu continuer à me tabasser, il était en bonne position pour le faire. Au lieu de quoi, Dexter s’arrêta pour me toiser.

« Je n'ai pas peur de toi. J'ai juste peur de devenir comme toi ».

Qu’est-ce qu’il croyait ? Qu’il m’impressionnait ? Je serrai les mâchoires et le projetai sur le côté pour reprendre le dessus. Plaquant mes genoux sur ses avant-bras, j’écrasai mon coude et mon bras sur sa gorge en approchant mon visage du sien.

« Qu’est-ce que tu crois, connard ? Que c’est un choix, peut-être ?! » lui dis-je, la voix vibrante de colère.

Je me redressai alors et lui assénai un violent coup de tête, suivi de plusieurs coups de poings. Je voyais rouge, j’étais un peu comme les personnages de jeux vidéos pour gamins attardés : en frénésie. Je me relevai et l’attrapai par le col, pour lui balancer un coup de pied retourné qui l’envoya se casser la gueule sur le mur. Et avant qu’il n’ait eu le temps de faire quoi que ce soit, je le plaquai contre ce dernier en attrapant son bras droit, que je tordis avec force dans son dos.

« Tu devrais te sentir rassuré, pour devenir comme moi il en faut plus qu’un passage à tabac » sifflai-je à son oreille.

Et d’un geste sec, j’écrasai son bras en le relevant… trop fort, beaucoup trop fort. Un craquement sinistre se fit entendre dans le couloir. Ce bruit me fit frissonner, je me rendis compte de ce que je venais de faire, et lâchai Dexter aussi sec. Mais trop tard, le mal était fait.

Lorsque Trevor prononça les mots « ton petit copain », je sentis toute la haine qu'il me vouait maintenant qu'il savait que j'étais homosexuel. Heureusement pour Ilyès, Trevor fit ce que je lui avais demandé, c'est-à-dire de le laisser sortir et de le laisser en dehors de mes histoires. Une fois que nous fûmes seuls tous les deux, je retrouvais vraiment le Trevor que j'avais connu, le prédateur, l'ordure avec qui j'étais pote alors qu'il ne savait rien de moi ou presque. Trevor était devenu une personne insignifiante dans ma vie : je me fichais tellement de lui que j'avais totalement oublié s'il était encore là quand j'avais commencé à sortir avec Neil. Visiblement, il était encore là. Bon bha, c'était une preuve de plus qu'il était vraiment con : il n'avait rien vu alors que c'était plus que visible même si je le cachais. Quand je lui parlais de mon ascendance, de mon père, Trevor éclata de rire. Au moins, il savait tout maintenant, il allait pouvoir bien me tabasser comme il le voulait. J'en étais arrivé à un point, un peu suicidaire je le conçois, tel que je me fichais bien de ce qu'il pouvait m'arriver. Je savais que j'allais déguster mais j'en avais l'habitude.

Lorsque je le frappais, je remercie ma rapidité car il ne pu parer le coup et il ne répondit pas à ce que je venais de dire. Malheureusement pour moi qui sous-estimais « l'intelligence » de Trevor, l'homophobe s'était amélioré et il savait feinter maintenant. Après avoir feinté, il m'attrapa par la nuque et je me pris son genou dans le nez. Lorsqu'il me lâcha, je portais mes mains à mon nez pour voir s'il était cassé et s'il saignait. Il était bel et bien cassé, une fois de plus. Bon, je m'en occuperais plus tard mais j'étais bon passer ma soirée aux urgences. Alors le grand con me demanda qui avait peur de qui et ponctua sa phrase d'un petit mot courtois « Pédale » … Comment pouvait-il m'appeler maintenant qu'il savait ? Pédale, tafiole, tapette, pédé... seront mes nouveaux surnoms aux yeux de Trevor. Je me redressais, regarda Trevor dans les yeux. Je n'avais pas peur de lui. Je vis aussi mon ancien ami tenter de m'en recoller une mais je l'avais vu venir et je parai son coup et lui donnai un violent uppercut dans le ventre.

Trevor ne me connaissait peut-être pas très bien en tant qu' « ami » mais en tant que boxeur, je savais qu'il connaissait ma valeur et il ne me sous-estimait pas. Il savait que j'étais plus petit que lui et moins baraqué que lui mais que j'avais cette rage en moi, la même rage que lui. Néanmoins, je ne pourrais jamais plaquer Trevor au sol, il était trop fort pour moi et pourtant j'avais envie de le voir à terre pour que je puisse le frapper encore et encore au visage jusqu'à le voir saigner. Devais-je le faire ? Mon impulsivité pris le dessus et dans élan de bêtise ou d'espoir, j'essayais de déséquilibrer Trevor. Pendant quelques instants, je cru que j'allais me faire rétamer mais...

Non, la ruse marcha. Finalement, mes quelques leçons d'arts martiaux m'avaient servi à quelque chose. Je me trouvais bientôt sur Trevor et là, je ne me gênai pas. J'assénais mon poing fermé sur son visage deux, trois, quatre fois avant de m'arrêter. Qu'est-ce que je faisais ? Si je me comportais ainsi, je n'étais pas mieux que lui. Je répondai par violence à la haine. C'était stupide. La violence et la haine réunies ne faisaient que de s'envenimer l'une et l'autre. Ma part d'ombre avait repris le contrôle. Mon passager noir me traquait à l'intérieur de mon esprit. Je regardai brièvement Trevor et lui dis d'une voix glaciale et calme :

-Je n'ai pas peur de toi. J'ai juste peur de devenir comme toi.

Pendant ce temps de répit, je savais très bien que Trevor pouvait retourner la situation. Il n'était pas bête, il était intelligent pour ce qui était du combat. Je lui laissais volontairement des ouvertures parce que, en moi, c'était devenu un combat incessant entre ma part d'ombre et ma part de lumière.

A sa façon de pousser l’autre mec derrière lui, Dexter affichait clairement que c’était lui le bonhomme… enfin, si on peut encore le considérer comme un homme après ça. Ou alors, c’était parce qu’il savait pertinemment bien que j’allais le défoncer et qu’il valait mieux pour sa tantouze de copine qu’elle se trouve loin de moi au moment où je frapperais. Je vouais une haine incommensurable à ces gens-là. Je ne comprenais pas, c’était ignoble, contre nature ! Ça me débectait, rien que d’y penser j’en avais des frissons et des envies de gerber. Dexter se releva et me toisa, il était plus petit que moi mais je savais que la taille ne signifiait rien : il était aussi teigneux que moi, ce n’est pas pour rien qu’on passait notre temps à se défouler l’un sur l’autre, avant mon départ.

« C’est vrai que ça fait un bout de temps qu’on ne s’est pas battus. Je veux bien que tu me “défonces” la gueule mais tu laisses mon petit-copain partir » me dit-il en avançant vers la porte – et donc vers moi, entrainant son mec, muet comme une carpe.

« Ton petit copain » articulai-je d’un air dégoûté, sans masquer le fait que je trouvais ça absolument ignoble.

Je me poussai pour les laisser passer et scannai le visage de l’autre gay… juste au cas où je lui retombais dessus un jour, on ne sait jamais. Une fois le mec filé – quelle bravoure, d’ailleurs, il ne restait même pas pour assister à la déconvenue de son chéri – Dexter se tourna vers moi et me fit un léger sourire, qui n’avait rien de sympathique. Je répondis à celui-ci, tout aussi carnassier.

« Trevor, au final, tu ne m’as jamais vraiment connu. J’ai toujours été gay… D’accord, au début, je croyais que j’étais bi mais je suis tombé amoureux d’un des mecs de la confrérie et je suis sorti avec lui… Je crois bien que tu étais encore là à cette époque mais je ne suis sûr de rien ».

« Putain de saloperie, évidemment que j’étais là. Ça me dégoûte, espèce de tafiole ».

« Et tu sais quoi ? Je me sens beaucoup mieux depuis que j’ai commencé à m’assumer. Et le fait que je suis homo n’est pas la seule chose que tu ignores à mon sujet ».

« Ah non ? Et qu’est-ce que j’ignore d’autre ? Allons-y, tant qu’à faire, on va faire une pierre deux coups ».

« Je suis peut-être blanc mais mon père, lui, ne l’est pas : il est noir ».

A cette idée, j’éclatai de rire. Son père était noir. Bordel, il cherchait vraiment à se retrouver six pieds sous terre, c’est ça ? La vie manquait de savoir avec sa chochotte ? Il voulait en finir ? Mais pas de problème mon grand. Appelle-moi et dis-moi que tu es gay et noir, y a rien de plus efficace.

« Alors, vas-y, frappe-moi. Je m’en fous ».

« Je vais me gêner, tiens » lui répondis-je en faisant craquer ma nuque.

« Tu es et tu resteras un con peu importe le nombre de métis homosexuels que tu tabasseras. Je ne suis pas fondamentalement différent de toi, je suis un homme. Pourquoi tu as peur de la différence ? Je ne te boufferai pas, je ne chercherai pas à coucher avec toi dans ton sommeil… On ne peut pas définir quelqu’un par ses origines, sa couleur de peau ou encore ses préférences sexuelles ».

Je m’apprêtais à lui répondre, mais il ne m’en laissa pas vraiment le temps. Son poing gauche s’abattit sur ma joue, et je me sentis vivre. J’adorais me battre, et le fait de se sentir vivant comme ça ne devait pas y être étranger. Une douleur vive me percuta le crâne et je me redressai, souriant. Dexter n’était pas un manche, c’est le moins que l’on pouvait dire. Manque de pot pour lui, moi aussi je m’étais mis à la boxe durant mon absence, si bien que niveau technique j’avais compris quelques trucs qui me permettaient de gérer deux fois plus qu’au combat de rue « banal ». Je feintai en faisant mine de balancer mon poing droit vers sa figure, afin qu’il active un mouvement de défense et libère son ventre. Au lieu d’écraser bêtement mon poing serré dans sa petite tronche de gay, j’attrapai sa nuque – aidé par l’effet de surprise, il ne devait pas s’attendre à me voir feinter, moi qui étais si con – de la main gauche et tirai vers le bas, tout en relevant mon genou, qui vint s’écraser sur son pauvre nez avec une violence impressionnante. Je le lâchai et le laissai se redresser tranquillement, tout en me mettant en position de défense.

« Alors, qui a peur de qui hein, connard de pédale ?! » m’exclamai-je, avant de me jeter à nouveau sur lui pour essayer de lui en coller une droite.

Malheureusement, je n’avais plus l’effet de surprise pour moi, et il parvint à parer mon coup. [Hrp : merci le dé]

Etrangement, tout allait bien dans ma vie. Les cours venaient de reprendre, mon couple avec Ilyès se portait bien… Bref, aucune ombre au tableau hormis que je continuais de penser à Neil. J’étais toujours amoureux de lui mais je tentais de me convaincre qu’Ilyès était un meilleur choix que Neil.
 
C’était dans cette atmosphère qu’Ilyès m’avait rejoins dans ma chambre, ce jour-là. On avait rapidement commencé notre séance de baisers et de caresses. On était toujours aussi à l’aise en présence de l’autre et mon appétit sexuel s’était apaisé. Je glissais mes mains sous le t-shirt de mon petit-ami, j’embrassais ses lèvres tendres. Et rien ne me préparait à ce que j’allais subir. On cognait à la porte mais je n’en avais rien à faire. On refrappa à la porte et je ne répondis toujours pas. Le mec s’escrimait mais je ne voulais pas être dérangé. Finalement, le type ouvre la porte et une voix familière résonna dans la pièce. Mes yeux, que j’avais fermé en profitant de toutes les sensations que me procurait la caresse de la chair d’Ilyès, s’ouvrirent brutalement. Non, ça ne pouvait pas être lui! Ca ne pouvait pas être Trevor! Merde! Il était de retour et cette fois, il savait que j’étais gay. Je repoussais Ilyès derrière moi, je n’avais pas envie qu’il pâtisse de mes anciennes relations. Je me relevai et toisait Trevor. Quand il me dit que je lui avais caché des choses, il ne pouvait pas savoir à quel point il avait raison. Mon homosexualité était une chose que j’avais tenue secrète mais il y avait aussi la couleur de peau de mon père biologique.
 
-C’est vrai que ça fait un bout de temps qu’on ne s’est pas battus. Je veux bien que tu me “défonces” la gueule mais tu laisses mon petit-copain partir., dis-je en entrainant Ilyès vers la sortie. Dès qu’il fut sortis, je me tournai vers Trevor.
 
Il était toujours égal à lui même. Toujours aussi con, aussi homophobe, aussi agressif… Il était le seul à rivaliser avec moi en ce qui concernait la violence. Je l’avais apprécié pour ça. Avec lui, ma violence semblait “normale”. J’eu un petit sourire.
 
-Trevor, au final, tu ne m’as jamais vraiment connu. J’ai toujours été gay… D’accord, au début, je croyais que j’étais bi mais je suis tombé amoureux d’un des mecs de la confrérie et je suis sortis avec lui… Je crois bien que tu étais encore là à cette époque mais je ne suis sûr de rien. Et tu sais quoi? Je me sens beaucoup mieux depuis que j’ai commencé à m’assumer. Et le fait que je suis homo n’est pas la seule chose que tu ignores à mon sujet. Je suis peut-être blanc mais mon père, lui, ne l’est pas : il est noir. Alors, vas-y, frappe-moi. Je m’en fous. Tu es et tu resteras un con peu importe le nombre de métis homosexuel que tu tabasseras. Je ne suis pas fondamentalement différent de toi, je suis un homme. Pourquoi tu as peur de la différence? Je ne te boufferai pas, je ne chercherais pas à coucher avec toi dans ton sommeil… On ne peut pas définir quelqu’un par ses origines, sa couleur de peau ou encore ses préférences sexuelles., déclarais-je avant de lui décocher, sans prévenir, un crochet du gauche en pleine pommette. Et je suis bien con de t’avoir fait un petit discours étant donné que tu n’as jamais compris que les coups.
 

Tout avait changé entre Trevor et moi. Avant, j’avais envie de le frapper à la moindre de ses paroles de haine et maintenant, ce coup, certes jouissif, ne m’offrait pas la joie que j’attendais. Je n’avais plus cet excès de violence en moi, il s’était endormi. La violence était bien l’un des seuls points communs que j’avais avec Trevor et je venais de me rendre compte que nous avions perdu cette similitude. Comment pouvions-nous, dans ce cas, continuer à être pote? La réponse était simple : nous n’étions plus potes et ça ne changerait probablement pas.

J’étais de retour chez les Rho Kappa depuis quelques jours seulement. La première personne que j’avais contactée avait bien évidemment été Emer’, puis Evangeline – ma demi-sœur, et sa petite copine accessoirement. Leur relation avait toujours l’air aussi compliquée, et j’avais décidé de ne pas m’en mêler pour l’instant. J’avais d’autres chats à fouetter : la réinscription un rien tardive, l’obtention d’une bourse d’études grâce à ma capacité au foot US, les sélections des Cannonballs pour les nouveaux élèves, la demande d’une chambre au sein de ma Confrérie,… je n’avais pas pu récupérer mon ancienne chambre, je devrais donc un peu attendre pour emménager à nouveau. Bref, j’avais été fort occupé, même si dans le cas des sélections pour l’équipe ça ne m’avait pas dérangé. Diego était toujours Capitaine, il m’avait tout de suite reconnu et avait influencé le Coach Lane – qui lui ne me connaissait pas – pour qu’il me donne le poste que je convoitais, à savoir linebacker. Tout se déroulait selon mes plans, pour le moment. Être de retour ici me rappelait en revanche que mon frère me manquait… du coup je m’occupais le plus possible pour oublier ça.

Les cours étaient un bon moyen de ne pas trop y penser, surtout que c’était le début. L’effervescence de la rentrée des classes était parfaite dans de pareilles circonstances. Je me retrouvais en Senior Year A, avec Diego et Nathan, les deux Capitaines de l’Équipe de foot. C’était déjà un bon point. Il y avait une bridée parmi nous, pour l’instant je me contentais de l’ignorer. Je n’avais pas encore fait la connaissance de tout le monde, mais je sentais que l’année s’annonçait prometteuse. Les cours, par contre… il faudrait que je les bosse un peu – beaucoup –, cette fois, si je voulais être enfin diplômé en fin d’année. Mieux vaut tard que jamais… et après, j’irais à l‘Université, en sports. De toute façon, j’étais trop con pour faire autre chose, je ne me faisais pas d’illusions.

Ce mercredi, deux jours après la reprise donc, je décidai de me rendre à la Confrérie pour faire un peu la connaissance des nouveaux et pour aller dire bonjour à ceux que je connaissais encore. Je pensais par exemple à Ashlyn et Dexter. Je pénétrai dans le bâtiment, il devait être dans les environs de 15 heures. Je trouvai Rose et un mec que je ne connaissais pas, son copain apparemment, dans la salle commune. Je ne lui avais jamais vraiment parlé, mais je savais que c’était la cousine de Dexter. Je m’avançai donc vers elle et me plantai derrière leur canapé. Une main de chaque côté de leurs épaules, je me penchai et leur souris.

« Salut les enfants, tonton Trey est de retour » leur dis-je, pour plaisanter.

Je vis la grimace de la jeune femme. J’avais toujours eu l’impression qu’elle avait peur de moi, et à vrai dire je m’en foutais un peu.

« Fais pas cette tête Rosy, t’es pas contente de me revoir ? Dis-moi plutôt… il est où, Dexter ? »

« Euh… » hésita-t-elle, visiblement mal à l’aise.

« Dans sa chambre » me répondit son mec dans la foulée, sans doute pour que je leur foute la paix.

« Matt’ ! »

« Merci gamin. A plus » dis-je en ébouriffant les cheveux du type.

Je m’éloignais déjà, accompagné par ses protestations, et grimpai les escaliers 4 à 4. Une fois devant la porte de la chambre de mon cher camarade, en espérant qu’il n’ait pas déménagé depuis, je toquai trois fois, bruyamment. Sans attendre de réponse, j’ouvris la porte à la volée.

« Dext’, mon vieux, devine qui est d… » commençai-je avec enthousiasme, avant que mes yeux ne tombent sur un des pires spectacles qu’il m’ait été donné de voir.

Mon ancien ami – pas question de rester pote avec lui après ça – avait la langue d’un type que je ne connaissais pas plantée dans le fond de la gorge. Et apparemment, ça n’avait pas l’air de le déranger. Je serrai le poing contre la poignée de la porte, mes jointures devinrent blanches tandis que mes yeux disparaissaient presque sous mes sourcils froncés comme jamais.

« Tiens, tiens… Il me semble que tu m’as caché des choses, Dexter. Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas battus, tous les deux… et je crois que je vais me faire un plaisir de te défoncer la gueule » lui dis-je d’une voix menaçante.

Je me redressai de toute ma hauteur et fis craquer mes poings dans mes mains, avec l’air du mec qui est prêt à en découdre. Dommage, je l’aimais bien avant ça. Un pote en moins, un.