[Terminé] Une Häagen-Dazs® cookies, s'il vous plaît ! [Elsa Beth]

Je ne sanglote plus. Seules mes larmes coulent silencieusement. Je m'accroche à Chase. J'ai peur qu'il me laisse. Une minutes se passe. Puis deux. Chase doit réfléchir. Je ne sais pas à quoi. Puis, il se recule légèrement. Un bête réflexe me prend. Je tente de m'accrocher à son bras. Ma main reprend aussi tôt sa place. Chase me prend les épaules. Il me regarde dans les yeux. J'essaie tant bien que mal de stopper mes larmes. J'attends qu'il prenne la parole.

« Elsa, écoutes-moi bien. Tu n'as pas à t'excuser, d'accord ? Ce n'est pas ta faute... »

Je me contente de hocher la tête. Je baisse la tête, j'ai trop honte pour le regarder en face. Il prend ma main. Et on avance en direction du lycée. Je suis un peu en retrait. Le vent souffle encore. J'ai froid. Je frissonne légèrement. Je ne pleure plus. Je me contente d'avancer tête baissée derrière Chase. Il faut que je le remercie tout de même. Pour tout.

« Chase, je.. Hm.. Merci. »

Je lui sourit tristement. Et serre fort sa main.

Elsa tient toujours ma main et s'y accroche comme à une bouée de sauvetage, elle s'y accroche désespérément comme si c'était la seule chose qui la retenait encore ici bas. Dans mes bras, une fois de plus, elle se laisse aller à pleurer. Ses frêles épaules se soulèvent de haut en bas, au rythme de ses sanglots. Dans ma tête, un début de poème résonne...

" Les sanglots longs des violons de l'automne
Blessent mon cœur d'une langueur monotone "

Les sanglots d'Elsa me blessent, je me sens concerné... Sans doute car je pense ne pas me tromper en disant qu'elle ne s'est jamais confiée à personne d'autre avant moi ? Je la tiens bien serrée dans mes bras, et de sa main libre elle s'accroche à mon pull, dans mon dos. Je la laisse pleurer en murmurant des paroles qui se veulent apaisantes à son oreille.

- Shhh, shhhh, Elsa. Je suis là, shhh...

Elle marmonne quelque chose entre ses dents, et je tend l'oreille pour comprendre ce qu'elle essaye de me dire. Ses pleurs n'arrangent rien à tout cela.

- Désolée, Chase...

Je la serre un peu plus dans mes bras, compatissant. Soudain, je remarque sur le sol les restes de sa glace aux cookies. Celle-ci fond lentement, s'éparpillant sur le sol comme une trainée de sang. Sans savoir pourquoi, ce spectacle me donne envie de pleurer. Mais je ne le fait pas, je suis un homme et je me dois de rester fort, après tout. Je me recule légèrement, prenant Elsa par les épaules. Sa main s'accroche à mon bras, à croire qu'elle veut absolument garder le contact physique entre nous. A-t-elle peur que je l'abandonne ? Je la regarde dans les yeux. Je ne suis pas sûr qu'elle me voit bien au travers de ses larmes, mais qu'importe.

- Elsa, écoutes-moi bien. Tu n'as pas à t'excuser, d'accord ? Ce n'est pas ta faute...

Je la prend ensuite par les épaules et glisse sa main dans la mienne. Elle est, il me semble, un peu moins froide que précédemment. Je commence à marcher doucement vers l'école.

Je pleure. Je n'arrive plus à m'arrêter. Les souvenirs me rongent. J'essayai de m'empêcher de sangloter. J' y arrive, difficilement. Puis, je sens Chase qui tire sur ma main pour que je mette debout. Je le dépasse légèrement. Je fus légèrement déstabilisée. J'entendis Chase me murmurer.

« Elsa... Merci de me faire confiance... »

Il me serre dans ses bras. Très fort. Si fort que j'en aurais suffoquer. Puis il me pose au sol. Il me serre toujours dans ces bras. Je pleure un peu plus fort. Les sanglots passent la barrière de mes lèvres. Je serre fort sa main. Les larmes n'en finissent pas de couler. Pourquoi ne veulent-elles pas s'arrêter ? Je sens Chase qui me berce. J'essaye de lui glisser entre deux sanglots.

« Désolée, Chase... »

Je m'en veut. Il va en avoir sur la conscience. Je me laisse aller. Il ne faut pas que je me repose sur Chase. Je ne dois pas dépendre de quelqu'un. J'ai réussi à surmonter ça toute seule, jusqu'à présent. Comment Chase me verra-t-il maintenant ? Je pleure toujours. Je laisse toute la tension s'évacuer. Je sens aussi la parfum de Chase. Il m'apaise un peu.

De petits nuages d'air froid s'élèvent devant la bouche d'Elsa au rythme saccadé de sa respiration. Elle est toujours assise sur le banc, je lui fait toujours face, attendant qu'elle me réponde. Soudain, je sens qu'elle va se lancer. Je crains le pire, son air sombre me laisse imaginer toutes sortes de choses toutes plus horribles les unes que les autres. Elle tend une main vers moi, je m'en empare, surpris. Elle vient y caler sa deuxième main. Elles sont gelées. Je recouvre ses deux mains si fragiles des miennes, toutes chaudes, tentant de la réchauffer un peu. Je m'en veux d'avoir proposé une glace en hiver, tout à coup. Je ne suis pas du genre frileux, mais apparemment c'est le cas de la jeune fille. Elle soupire, se lance. J'écoute, attentif.

- C'était il y a à peu près une dizaine de mois, je suis rentrée du lycée et comme d'habitude, papa avait bu plus que de raison. Il était dans sa chambre, sur son lit, sa bouteille de Vodka à la main. J'ai essayé de le sermonner un peu, encore une fois sans résultat, puis je suis partie de ma chambre. Je me souviens que je m'étais un peu plus énervée que d'habitude ce jour là. Mon père n'a pas voulu me laisser partir. Il était en colère. Il m'a pris le poignet, très fermement et il..

Elsa ravala ses larmes qui menaçaient encore une fois de poindre. Je sentis ma gorge se nouer. Je pensais deviner la suite, mais je voulais en avoir le cœur net. Je ne dis rien, la laissant continuer. Parler est le meilleur remède du monde pour beaucoup de choses. Je ne voulais pas interrompre Elsa, qui était déjà bien assez fragile sans que j'en rajoute.

- Il m'a plaqué sur son lit. Je.. J'ai essayé de me débattre mais il était trop lourd pour moi. Il sentait si fort l'alcool. Je voulais fuir. J'avais peur. Il a commencé à balader ses mains un peu partout et puis...

Elle trembla, et les larmes roulèrent sur ses joues, perles de tristesse, de honte, de colère... Moi, je suffoquais. J'avais envie de prendre une batte de base-ball et de faire payer à cet homme indigne le mal qu'il avait fait à Elsa. Comment un père pouvait-il faire ça à sa propre fille ? Ma gorge était nouée, je déglutis avec peine.

- Il m'a dit que je n'aurais jamais du naître. Que c'était de ma faute si ma mère n'était plus de ce monde. J'étais tétanisée. Il m'a déshabillée et...

Elle ne pouvait plus continuer, un torrent de larmes s'échappait de ses yeux si tristes. Devant ce spectacle, je ne pu empêcher une larme de couler, moi aussi. Je l'essuyai vite du revers de ma main, avant qu'Elsa ne la voit. Elle serrait ma main tellement fort dans la sienne... Aussi fort que son désespoir. Je ne savais pas quoi dire, quoi faire. J'étais tétanisé par cette révélation, en rage. Il fallait absolument que je retrouve l'homme qui lui avait fait subir pareil préjudice, que je la venge... Je la tirai légèrement par le bras, l'obligeant à se mettre debout sur le banc. Elle était à peine plus grande que moi, debout sur ce banc de bois. Elle se cachait le visage d'une main, l'autre étant toujours serrée dans la mienne.

- Elsa... Merci de me faire confiance..., murmurai-je.

Puis, je la serrai dans mes bras très fort, avant de la poser sur le sol, sans la lâcher pour autant.

J'attends que Chase me réponde. Je le regarde réfléchir. Je ne sais pas à quoi il pense. En tout cas, il me regarde et me lance.

« Je te le promets, Elsa. »

J'attends quelques secondes. Chase me regarde. Il patiente le temps que je m'explique. J'ai froid. J'ai une boule dans la gorge. J'ai peur. Je suis mal à l'aise. Je ne sais pas vraiment pas où commencer. Avant de ma jeter à l'eau, je prends la main de Chase dans la mienne, pudiquement, et la serre très fort. Elle est brûlante, comparée à la mienne. Je pousse un profond soupire. Pendant quelques secondes mes lèvres tremblent. Je prends une inspiration et me lance dans mon récit.

« C'était il y a à peu près une dizaine de mois, je suis rentrée du lycée et comme d'habitude, papa avait bu plus que de raison. Il était dans sa chambre sur, son lit, sa bouteille de Vodka à la main. J'ai essayé de le sermonner un peu, encore une fois sans résultat, puis je suis partie de ma chambre. Je me souviens que je m'étais un peu plus énervée que d'habitude ce jour là. Mon père n'a pas voulu me laisser partir. Il était en colère. Il m'a pris le poignet, très fermement et il.. (je ravalai mes larmes) Il m'a plaqué sur son lit. Je.. J'ai essayé de me débattre mais il était trop lourd pour moi. Il sentait si fort l'alcool. Je voulais fuir. J'avais peur. Il a commencé à balader ses mains un peu partout et puis..(des larmes s’échappèrent de mes yeux et ma voix trembla sous l’effet des pleures) Il m'a dit que je n'aurais jamais du naître. Que c'était de ma faute si ma mère n'était plus de ce monde. J'étais tétanisée. Il m'a déshabillée et.. »

Je mettais ma main devant ma bouche pour essayer de réprimer un sanglot. Je serrai toujours aussi fort la main de Chase dans la mienne. Mes larmes tombaient pour de bon. C’était la première fois que j'en parlait. Et le dire à voix haute rendait les choses plus réelles, plus dures. Je ne pouvais plus dire quoi que ce soit.

Quand je reviens devant Elsa, elle a terminé sa glace aux Cookies. En moi-même, je me dit que c'est au moins ça de gagné : elle aura apprécié sa glace. Je lui ordonne de ne pas oublier que je suis là, en cas de besoin. Elle hoche doucement la tête. Je suis déjà prêt à repartir quand elle toussote. Je vois qu'elle hésite, elle se tord les mains, baisse la tête. C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher d'essayer de savoir ce qui l'a met dans cet état lamentable. Je suis quelqu'un de très fidèle, autant en amour qu'en amitié. Elsa Beth et moi ne sommes pas encore à proprement parler des amis... Mais nous pourrions le devenir très facilement, si seulement elle me laissait franchir ce mur recouvert de barbelés qu'elle a érigé tout autour d'elle. Son cœur est comme une forteresse, et moi... Moi, je suis le preux chevalier qui tente par tous les moyens de l'atteindre ! Je ne veux pas - plus ! - sortir avec Elsa, tout ce que je désire, c'est l'aider. Et c'est tout à fait le boulot d'un chevalier, non ? Je suis tout à mes rêveries de contes de fées quand la faible voix d'Elsa s'élève. Je reviens à la réalité, ma jeune amie tente tant bien que mal de soutenir mon regard.

- Promets-moi de ne rien dire, je t'en supplie...

D'abord, je me demande de quoi elle parle... Veut-elle que j'évite de dire qu'elle a pleuré dans mes bras la nuit précédente ? Ce n'est pas mon style, de raconter à tout va ce genre de choses. Plus fidèle que moi, c'est impossible. Même les chiens ne me battent pas, à ce niveau. Alors, l'idée qu'elle va peut-être m'en dire plus s'insinue lentement en moins comme une trainée d'huile s'insinuerait vers le feu destructeur. Je hausse un sourcil, surpris. J'ouvre la bouche pour répondre, mais ne sais pas quoi dire. Et si elle me demandait simplement ça à propos d'hier ? De ses larmes ? Oh... Après tout, qu'y ai-je à perdre ?

- Je te le promets, Elsa.

Je n'ajoute rien de plus. Attendant la suite. Calmement.

Je vois Chase mettre les mains dans ses poches. Il est énervé. Je le sens. Je l'entends jurer, puis le regarde s'éloigner. Je ne sais pas où il va. Je fais un geste pour essayer de le rattraper mais me ravise. Je l'ai bien mériter après tout, s'il me laisse seule. Je le vois s'éloigner. Je finis ma glace. Puis, je reste à regarder la mer. Les vagues sont féroces, violentes. Je reste sur mon banc toute seule, comme une idiote. J'entends alors un bruit sourd un peu plus loin. Je ne regarde pas. Je laisse la mer captiver mes pensées. Chase allait certainement oublier ce qu'il s'était passé maintenant. Tout était rentrée dans l'ordre. Enfin, je crois. Je soupire un coup. Ma respiration forme des petits nuages dans l'air. Alors que j'était complètement absorbée par ma contemplation des vagues, je vois Chase s'arrêter juste en face de moi. Il a les lèvres pincées et fronce légèrement les sourcils.

« Dis-moi juste.. »

Il ne termine pas sa phrase. Il passe sa main dans ses cheveux, comme il a la manie de le faire, puis soupire.

« Okay, ne me dis rien ! Mais n'oublies pas que je suis là, d'accord ? »

Chase est fâché. Et c'est de ma faute. Je sais bien qu'il est là. Qu'il veut m'aider. L'idée de peut-être juste parler un peu, me traverse l'esprit. Je ne raconte pas tout, juste quelques petits fragments. Je me lance, la peur au ventre. Je sens ma gorge se nouer. Je vais de voir me refaire le film dans ma tête. J'essaie de regarder Chase dans les yeux.

« Promets-moi de ne rien dire, je t'en supplie... »

Impuissant, je vois les yeux d'Elsa se remplir de larmes. J'ai l'impression que quoi je dise, j'arriverai à la faire pleurer. Elle a le regard perdu dans le vague, elle ne me répond pas tout de suite. Elle tient mollement sa glace dans sa main gelée. Tout à coup, Elsa Beth se lève, puis s'installe sur le dossier du banc, au dessus de moi. Pourquoi fait-elle ça ? Mystère... Peut-être pour ne pas que je la vois pleurer ? Je ne me retourne pas et fourre mes mains dans mes poches d'un geste rageur. Je suis sûr qu'elle ne se confie à personne, et je ne supporte pas de la voir dans cet état.

- Merci, Chase. Mais comme je te l'ai dit hier, oublies ce qu'il s'est passé. Je... Je n'arrive pas à en parler, c'est tout. Quand je pense à ce qu'il s'est passé, je...

Une fois de plus, les mots meurent sur ses lèvres. Elle ne finit jamais ses phrases, me dis-je intérieurement. Je fronce les sourcils encore un peu plus fort. Mes mâchoires se serrent, et mes poings aussi, tout au fond de mes poches. J'ai envie de cogner la personne qui l'a met dans cet état. Du coin de l'œil, je l'aperçois qui secoue la tête de droite à gauche.

- Merde, Elsa !

D'un bond, je me lève, les poings toujours serrés à m'en faire blanchir les jointures, bien calés au fond de mes poches. Je sens mes ongles qui me rentrent dans la paume, et cela ne fait que doubler ma rage. Je sens que je dois décharger ma colère sur quelque chose... Quelqu'un. Mais je n'ai pas envie de faire peur à Elsa... Elle n'a pas besoin d'assister à ça. Je fait volte face et m'éloigne. Après quelques mètres, je croise un abris-bus. Dedans, il y a un type. Quand il me voit passer, il ricane. C'en est trop pour moi. Je me retourne vers lui, furieux. Il porte sa casquette à l'envers, a des Nike aux pieds et un training sur le dos. Exactement ce qu'il me fallait. La clope au bec, il me demande en ricanant :

- Un problème, blanc-bec ?

Je m'approche de lui, sortant les mains de mes poches. Il n'a pas le temps de réagir que j'ai déjà abattu mon poing sur sa figure d'imbécile. Je suis tellement en rage que je l'assomme presque. Il paye pour celui qui a fait ça à Elsa, tant pis pour lui. Je fait demi-tour et reviens vers Elsa. Elle me regarde approcher, sa glace toujours à la main. Ses yeux sont encore plein de larmes. J'espère qu'elle ne m'a pas vu casser la gueule du type, mais si c'est le cas... Tant pis. Je me plante devant elle, passe ma main dans mes cheveux d'un air rageur.

- Dis-moi juste...

Je ne termine pas ma phrase. Elle ne me dira rien, de toute façon. Je soupire, fâché.

- Okay, ne me dis rien ! Mais n'oublies pas que je suis là, d'accord ?

Je vis Chase se diriger vers un banc sur la digue. Je le suivis, restant toujours quelques mètres derrière lui. Il s'y assit. Je fis de même en m'éloignant assez de lui. Je le vois manger sa glace à plein vitesse. Le vent souffle et l'air est frais, collant. L'odeur iodée de la mer me monte dans les narines. J'attaque ma glace. Je frissonne. J'ai froid. Je sens craquer les petits morceaux de chocolat et de cookies sous mes dents. Je regarde les vagues. Mon regard s'y perd. Je me laisse envahir par mes pensées. J'ai sommeil. J'aimerai dormir un peu. Mais le froid me tient éveillée. Le ciel est gris. Un temps d'hiver, quoi. J'entends alors Chase me parler.

« Elsa... Tu vas me prendre pour un chiant, un boulet, un crétin... Tout ce qui te passe par la tête, mais... Tu sais, j'ai vraiment envie de t'aider. Je ne supporte pas de voir les gens que j'apprécie se rouler dans les problèmes ! J'ai vraiment horreur de ça, en fait. Je sais que je n'ai rien à exiger de ta part, mais dis-moi au moins si quelqu'un t'aide. Si ce n'est pas le cas, tu sais, je suis là... »

Je sais pertinemment que Chase et sincère. Ses paroles me touchent. J'en ai les larmes aux yeux. Mais les mots, les phrases restent bloqués au bord de mes lèvres. Ils ne passent pas la barrière. Impossible de définir ce qu'il s'est passé. Rien que le fait d'y penser me retourne l'esprit, me noue le ventre. Ça me perturbe. Mon regard se laisse à nouveau submerger par la mer. Elle déchaîne toute sa haine. Je me lève et m'assis sur le dossier du banc et pose mes pieds sur celui-ci.

« Merci, Chase. Mais comme je te l'ai dit hier, oublies ce qu'il s'est passé. Je.. Je n'arrive pas à en parler, c'est tout. Quand je pense à ce qu'il s'est passé, je.. »

Merde, mes lèvres tremblent. J'en ai trop dit. Il va encore me poser des questions. Putain, j'ai dit trop de choses. Je sens les souvenirs m'envahir. Je secoue la tête comme pour essayer de les faire partir. Je regarde mes mains, elles sont bleues. Le froid me joue des tours encore une fois. Je laisse ma phrase en suspension, en espérant que Chase n'en tienne pas rigueur.

J'entamai mon sorbet tout en fixant Elsa. Elle tapait du pied sur le sol, impatiente. Je souris, me demandant si c'était la glace qui tardait à arriver ou le fait de devoir rester là qui la gênait tant. Quand elle eut enfin sa glace en main, elle avait l'air contente. Elle se tourna vers moi, essayant vainement de me sourire de façon convaincante. Je payai le marchand de glaces puis me dirigeai vers un banc en bois qui longeait la digue. Je m'y assis et fixai les vagues, en engloutissant mon sorbet citron. Il était bon, mais guère autant que celui que ma mère faisait à la ferme, l'été. Elle savait que j'adorais ça et tous les ans, m'en préparait avec amour pour m'accueillir dignement l'été, une fois que mon père me rendait ma liberté pour les vacances. La petite brune s'assit à mes côtés, concentrée sur sa glace aux cookies. Je la fixais du coin de l'œil, tout en mangeant. En moins de deux minutes, j'eus expédié mon sorbet dans mon estomac de glouton. Je soupirai d'aise avant d'étendre mes grandes jambes devant moi. En face, la mer se déchainait toujours, comme si elle voulait atteindre le ciel de ses vagues furieuses. Un léger vent balayait nos visages. Les passants, en nous voyant assis de la sorte, devaient se demander ce qu'on attendait. Elsa dégustait sa glace avec application, lentement. Je n'avais pas envie de la déranger en pleine séance "cookies" mais je ne supportais plus le silence qui avait dressé un mur invisible entre nous.

- Elsa... Tu vas me prendre pour un chiant, un boulet, un crétin... Tout ce qui te passe par la tête, mais... Tu sais, j'ai vraiment envie de t'aider. Je ne supporte pas de voir les gens que j'apprécie se rouler dans les problèmes ! J'ai vraiment horreur de ça, en fait. Je sais que je n'ai rien à exiger de ta part, mais dis-moi au moins si quelqu'un t'aide. Si ce n'est pas le cas, tu sais, je suis là...

J'avais laissé une distance raisonnable entre nous, pendant que je parlais, même si j'avais envie de lui entourer les épaules de mes bras pour appuyer mes paroles. Si je n'en fis rien, c'est simplement que l'épisode de la veille me restait en tête... Elsa n'aimait apparemment pas la proximité, et je respectais son choix. De plus, je la croyais capable de discerner mon honnêteté dans de simples paroles, sans pour autant devoir en rajouter.

Je regarde mes pieds. Le vendeur nous regarde chaleureusement. Je l'entends nous dire.

« Alors les amoureux, qu'est-ce que je vous sert ? »

Mon sang se glaça. Le vent me transperçait la peau, j'avais froid. Le terme que le mec du kiosque avait employé m'avait assez gêné. Je détestais que l'on m'interpelle comme ça. Ça me met mal à l'aise. Je repensai à ce qu'il s'était passé entre Chase et moi, hier soir. Il m'avait inviter ici pour discuter. J'attendais patiemment qu'il me pose les questions qu'il voulait et je répondrai évasivement ou peut-être même pas du tout. J'étais venue ici parce que Chase m'avait invité et que je voulais trouver un moyen de lui faire oublier l'épisode minable de la veille. Bien sûr, je lui dirai de passer outre à cela. Comme d'habitude. J'entendis Chase passer commande.

« Euh... Un sorbet citron, s'il vous plait. »

Je regardai le monsieur assez corpulent préparer la glace de Chase, le regard vide. Je regardais les parfums disponibles dans les petits bacs en plastique. J'y trouvai mon bonheur. Cookies. Je voyais les petit morceau de chocolat dans la glace. Le vendeur venait de tendre son sorbet à Chase et me souriait. Ce dernier m'adressa la parole.

« Prends ce qui te fait plaisir, c'est moi qui offre. »

Je savais que Chase pouvait être têtu parfois, donc je n'insistai pas la-dessus. Je le remerciai simplement.

« Ahem.. Merci. Une glace aux cookies, s'il vous plaît. »

J'attendais que ma glace soit prête en tapant nerveusement du pied. Quelques secondes plus tard, je la tenais dans ma main. Et j’essayais de sourire à Chase pour le remercier à nouveau. Une petit sourire forcé. Histoire de dire que je vais bien..

Je l'entend qui murmure un vague "mmh mmh" derrière moi. Je souris en regardant où je pose les pieds : décidément, quelle motivation ! Je songeai en moi-même qu'il allait falloir plus qu'une glace pour dérider une jeune fille comme Elsa. Une fois de retour sur la digue, je me retourne pour aider Elsa à monter. Ensuite, on se dirige côtes à côtes vers le marchand de glaces. Elle ne dit rien. Moi non plus. Le silence s'installe confortablement entre nous. Arrivés devant le kiosque, un gros bonhomme au regard chaleureux nous sourit.

- Alors les amoureux, qu'est-ce que je vous sert ?

- Euh... Un sorbet citron, s'il vous plait.

Ensuite, je me retourne vers Elsa d'un air gêné. Si le type voulait mettre les pieds dans le plat, c'était réussi ! Déjà que la conversation avait du mal à décoller... L'épisode d'hier nous mettait clairement mal à l'aise autant l'un que l'autre, et j'étais persuadé qu'elle se demandait comment elle allait me faire oublier tout ça au plus vite. Le gars me tendit mon sorbet puis sourit à mon amie, attendant qu'elle passe commande. J'en profitai pour lui glisser quelques mots. Je voulais lui faire plaisir, mais je ne savais vraiment pas comment m'y prendre ! Et dans ces conditions... La simplicité reste ce qu'il y a de mieux, non ? En plus, Elsa Beth n'était pas le genre de fille à sauter de joie devant une paire de Louboutin !

- Prends ce qui te fait plaisir, c'est moi qui offre.

Chase me fit un énorme sourire et se leva. Il avait l'air content.

« Super ! Rendez-vous à 14 heures sur la plage, d'accord ? »

Je le vis remettre son sac sur son épaule. Il s'approcha de moi et embrassa mon front bruyamment. Mon coeur loupa un battement. Je le vis s'éloigner. Je posai mon coude sur la table et appuyai mon menton contre mon poing. Je sentais les larmes me monter aux yeux.

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Je finis mon repas sans rien manger et remontai dans ma chambre pour poser mon sac. Il était à peu près treize heures et trente minutes. J'avais le temps d'aller à la plage à pieds. Je remis mon écharpe et descendis les escaliers jusqu'à ce que j'arrive dans la cours. Il y avait un peu de vent. Ça devait être pire sur la jetée. J'avais la flemme de remonter. Tant pis. J'avançai dans la rue. Je mettais mes mains dans mes poches, malgré mes mitaines en laine. Je sentais leur froideur à travers les poches de mon jean. Je passe devant les cafés, les magasins. Les odeurs de la ville me filent la nausée. Je presse le pas pour arriver jusqu'à la plage. Lorsque je l'atteins, je vois Chase assit sur un rondin de bois, un peu plus loin. Mes cheveux fouettent mon visage à cause du vent. Je plisse les yeux pour y voir un peu mieux. Je m'avance un peu dans le sable et m'arrête quelques mètres derrière Chase. Il se retourne et me sourit. Il se dirige vers le marchand de glace qui se trouve pas loin, derrière moi. Il me lance :

« Prête, Elsa ? »

Je répond par un truc du style « Hm, hm.. » pour lui affirmer. On se retourne sur nos pas pour aller sur le trottoir, côte à côte. On marche un peu et on arrive jusqu'au marchand de glaces. J'attends qu'il commence sa commande. Je ne parle pas, la tête rentrée dans mes épaules.

Elsa hésita un peu, me regardant d'un air embêté. Finalement, elle soupira avant d'accepter de m'accompagner.

- Chase, je.. Bon, ok. C'est d'accord.

Je lui fis un grand sourire avant de me lever pour lui laisser terminer son déjeuner en paix.

- Super ! Rendez-vous à 14 heures sur la plage, d'accord ?

Je balançai mon sac à dos sur mon épaule. Avant de partir rejoindre Faith et Ulysse pour terminer un devoir, je fis claquer un bisou sonore sur le front d'Elsa, qui parut plutôt surprise par mon geste amical. Je m'éloignai à grands pas pressés... mes amis allaient encore râler pour mon retard !

***

La matinée s'était tranquillement déroulée, comme tous les jours. Aucun évènement exceptionnel n'était venu en perturber son cours. A 14 heures sonnantes, j'étais sur la plage. Je m'étais assis sur un rondin de bois qui trainait près de la mer. Le vent glacial fouettait mon visage, tendis que j'admirais les vagues furieuses qui s'éclataient sur la jetée. Elsa n'était pas encore là, et j'en profitais pour réfléchir. Soudain, j'entendis quelqu'un arriver derrière moi, discrètement. Je me retournai en souriant. Mon nez arborait une belle couleur rouge tellement le vent était frigorifiant. Elsa se tenait derrière moi, adorable dans son tee-shirt beaucoup trop grand pour elle. On aurait dit une petite fée perdu dans les vêtements de son copain... Je me demandai vaguement à qui ce tee-shirt pouvait bien appartenir. Ses jambes toutes frêles n'avaient pas l'air bien à l'aise, dans le sable. Et pour couronner le tout, elle portait une simple paire de Converse en toile... Afin d'éviter qu'elle ne prenne froid, je me levai et me dirigeai vers le marchand de glaces, qui ouvrait même son kiosque à cette période de l'année.

- Prête, Elsa ?, lui lançai-je tout en avançant dans le sable.

La matinée avait été épuisante. Suite à ce qu'il s'était passé la veille avec Chase, je n'avais pas réussi à trouver le sommeil. Je m'étais littéralement effondrée devant lui. Je me sentais ridicule. Tout ça à cause d'un geste. Autrefois, j'en aurait peut-être pris ça à la légère mais plus maintenant. La peur m'envahit à chaque fois. Lorsque je suis remontée dans ma chambre, je me suis allongée sur mon lit. Max dormait profondément et ne m'avait pas entendu entrer. Je gardais es yeux ouverts. Que faire si je recroisai Chase dans les couloirs? Le mieux serait de l'ignorer. Je chassai cette pensée de mon esprit. Chase n'avait pas insisté plus que ça pour que je lui raconte ce qu'il s'était passé. Il m'avait juste pris dans ses bras. Je pense que je devrais faire comme si rien de tout cela ne s'était jamais passé. Peut-être qu'on se parlerait de temps en temps, comme ça. Ça s'arrêterait là. Je regardait le réveil, il était presque cinq heures du matin. Je ne sais pas combien d’heures est-ce que j'ai dormi mais lorsque le sonnerie retentit, j'eus du mal à me lever. Beaucoup de mal. Mes yeux menaçaient de se fermer à tout instant. Ma peau était grise et mes yeux maquillés par les cernes. Je mis un vieux T-shirt, trop grand, à l’effigie des Sex Pistols, un jean, ma veste Vivienne Westwood fétiche et je nouai mon écharpe à mon cou. Je me chaussai de mes vieilles converses. Les cours de ce latin me parurent longs. Et maintenant, j'étais à la cafétéria, devant mon plateau que j'avais à peine touché. J'essayai tant bien que mal de me concentrer sur mon cours de sciences, même s'il était plus soporifique qu'autre chose. Soudain, je sentis une présence en face de moi. Je savais pertinemment qui c'était. Je pris le temps de terminer ma page et posai mon regard sur Chase. Lui aussi avait l'air épuisé. Il me sourit. Je ne sais pas pourquoi, mais j'aimais et j'aime toujours lorsque Chase sourit.

« Salut, Elsa ! Je voulais t'inviter à aller manger une glace sur la plage tout à l'heure, après déjeuner. On pourrait... discuter ? »

Je fermai mon cahier. Que répondre? Comme il l'avait dit, Chase voulait discuter. Il voulait que je m'explique. Mais il fallait que je me fasse pardonner d'avoir eu ce comportement honteux avec lui. Si j'évitai soigneusement ses questions, je mangerai une glace tranquillement sur la plage puis repartir dans ma chambre. Tout rentrerait dans l'ordre.

« Chase, je.. Bon, ok. C'est d'accord. »

Je soupirai. J'essayai de voir un point positif à cet histoire. J'allai peut-être pouvoir manger une glace Häagen-Dazs aux cookies. Ça faisait longtemps.

Après avoir laissé Elsa rentrer dans sa chambre la nuit précédente, j'avais moi-même regagné mes quartiers, essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller Hugo. Toute la nuit, je m'étais tourné et retourné dans mon lit, ne pouvant trouver le sommeil. Je repensais sans arrêt à la détresse de la petite brune, ne sachant que faire par rapport à ça. Bien sûr, la laisser pleurer sur mon épaule avait du lui faire du bien, mais... J'avais l'impression de n'avoir pas tant servi que ça. Laisser les gens dans la merde, pardonnez-moi l'expression, ce n'était pas mon genre. Pourtant, j'étais presque persuadé qu'Elsa ne me dirait rien. Je décidai finalement, sur le coup de 4h30 du matin, de l'inviter le lendemain manger une glace. Certes, on était en plein mois de décembre, mais personnellement, j'adorais manger une glace en observant les remous furieux des vagues, l'hiver. De plus, les hivers à Miami n'étaient pas si terrible que ce à quoi on pourrait s'attendre.

Je ne dormis pas beaucoup, et quand je me levai le lendemain, j'avais d'énormes cernes sous les yeux. Je pris une douche rapide, enfilai un pull en laine beige ainsi qu'un jeans. En passant devant le miroir, je soupirai bruyamment. J'avais une tête de zombie ! Je souhaitai une bonne journée à mon coloc' et me rendis dans la cafétéria pour y chercher Elsa. Par chance, je l'aperçus qui déjeunait tranquillement à un bout de table, lisant un bouquin. Je vins poser mon sac près d'elle puis m'assit en face d'elle. J'attendis patiemment qu'elle daigne lever ses grands yeux vers moi. Elle ne se pressa pas, termina même sa page avant de me regarder. Je tapotais impatiemment la table de mes doigts. Quand elle posa - enfin ! - son regard sur moi, je lui souris. Elle n'avait pas l'air d'avoir mieux dormi que moi. Je plantai une paille dans un berlingot de lait, bu une gorgée avant de prendre la parole.

- Salut, Elsa !

Avant qu'elle n'ait eu le temps de me répondre, je m'empressai d'ajouter :

- Je voulais t'inviter à aller manger une glace sur la plage tout à l'heure, après déjeuner. On pourrait... discuter ?

Je ne savais pas si elle accepterait ma proposition, mais qui ne tente rien n'a rien.