[Terminé] Un dernier tour de roue [Ki]

Un dernier tour de roue

-Rentrons assez de sueur froide pour aujourd'hui plaisantai-je. Mais surtout, des souvenirs impérissables avec toi, merci Arwen.

Alors qu’ils allaient sortir de la fête, pour retourner dans les ténèbres de leurs chambres, un « stand » attira l’attention d’Arwen. Un peu cachée dans un unique recoin sombre se trouvait une roulotte. Mystérieuse, elle semblait être là depuis longtemps, elle semblait attendre quelqu’un. La jeune fille riait toujours de ce genre de choses, auxquelles elle ne croyait pas le moins du monde.

- Hey, ça te dit ?

C’était surtout pour passer encore quelques minutes en la compagnie du jeune homme, et pour se détendre un peu.

-Je sais pas trop.

Malgré cette réponse plutôt négative, Ki finit par plier et ils entrèrent tous les deux dans la roulotte, après y avoir été invités par l’occupante des lieux. Sans grande surprise, la lumière n’était pas vive, il y avait des objets partout dans la pièce. Une dame qui semblait plutôt âgée était assise et les attendait. De ses doigts informes elle les invita à s’asseoir sur les chaises prévues spécialement pour les visiteurs. Des cartes tapissaient la table, où se reflétait la lumière terne et dorée de la lampe qui trônait au-dessus de leurs têtes. Dans un mouvement un peu trop superficiel et brusque, elle les salua. Arwen retint un rire, elle savait se tenir. Mais rien que ça, elle devait parier que tout le monde y avait droit.

-Que voulez-vous savoir jeunes gens? Votre avenir? Si la richesse vous sourira? Que sera votre vie amoureuse? Je peux répondre à toûûtes vos questions.

Bien sûr. L’avenir : la richesse et l’amour. Le thème banal par excellence. Et si elle voulait savoir combien de cheveux elle aurait sur la tête dans deux jours ? Si elle voulait savoir quand le chien de ses cousins allait mourir ? Bon, ce dernier exemple n’était pas bon, elle n’avait pas de cousin. Mais quand même. La jeune fille se tourna vers Ki pour observer sa réaction. Elle vit que lui aussi se posait des questions, ce qui ne plut pas à l’espèce de Mme Irma en herbe.

-Bien ! Qui veut commencer?

Ki se dévoua pour commencer. Croyait-il vraiment en ce qu’elle allait lui dire ou voulait-il en finir au plus vite ? Arwen ne savait pas mais elle garda le silence tout en regardant ce que la femme faisait, ainsi que les gestes de son ami. Elle espérait que cette dernière expérience laisserait un aussi bon souvenir que le reste. La voyante à deux sous lui ordonna alors de choisir quinze cartes parmi toutes celles étalées devant eux. Ce qu’il fit sans attendre. L’Anglaise regarda sans vraiment reconnaitre ce que le Coréen retournait. Sagement, elle attendait une explication de la part de celle qui devait avoir toutes les attentions.

- Une personne de l'autre sexe, que tu connais peu, entrera dans ton entourage immédiat en portant un intérêt affectif pour toi. Cette personne n'a présentement pas de lien rapproché avec toi, mais elle fait partie de ton environnement quotidien.  Elle a pour vertu sa beauté ou son attirance physique.  Elle a comme qualité sa serviabilité et son tempérament pacifique. Tes agissements, tes idées et tes pensées concordent avec les siennes et c'est ce qu'elle remarquera par dessous tout. Cette personne aura des sentiments très sincères pour toi. Par ta seule personnalité dans tes plus humbles moments, tu gagneras son admiration. Cette personne aura de la difficulté à retenir ses sentiments pour toi et des développements quelque peu troublants sont à venir avec elle. Par contre, vos liens sur le plan social comporteront des embuches qui vous diviseront l'un et l'autre et la progression de vos rapports interpersonnels sera difficile ou même presque impossible. Malgré les bonnes intentions et les réels sentiments affectifs qui relieront cette personne à toi, tes contacts avec elle devront rester superficiels et rien ne sera envisageable de façon définitive à court terme. Tout dénouement favorable avec cette personne ne pourra donc être possible que beaucoup plus tard.

La jeune fille ne connaissait pas assez le passé et la vie de Ki pour comprendre réellement ce que disait la femme, aussi tenté que ce qui sortait de sa bouche soit la vérité. L’Alpha Psi était rivé aux lèvres de la foraine. Arwen ne dit rien, même si elle était sceptique. Cependant, elle n’osa pas interrompre leur interlocutrice.  

-Un conflit verbal ou écrit est en train de s’amplifier avec un jeune homme. Ce jeune homme n’est pas violent physiquement, mais il est agressif dans sa façon de parler et d’écrire. Il te cause de plus en plus de soucis. Il a un désaccord avec toi et il te rend la vie très difficile. Tu as récemment tenté d’en arriver à une entente avec lui, mais rien n’a été concluant. En fait, il n’est pas du tout intéressé à faire l’effort d’essayer de te comprendre et il n’en fait qu’à sa tête. Il a des paroles blessantes envers toi et ses attaques sont vraiment malicieuses. Ce jeune homme est beaucoup plus jeune que toi et il n’a aucun respect pour ton âge. Même si tu as plus d’expérience et de connaissance que lui, il s’en fout, car il est persuadé que tu as tort. Il a un comportement méprisable et tu aurais intérêt à ne plus t’occuper de lui. D’autres personnes dans ton milieu ont beaucoup plus d’énergie positive  à t’apporter que lui. Ne perds plus ton temps à tenter de le raisonner, car tu n’y arriveras pas et il finira par te rendre malade. Cesse de te tourmenter pour lui, car en réalité rien n’est dramatique. Libère-toi de son emprise et tu te porteras sérieusement mieux.

Encore une énigme. Cette fois-ci, Ki semblait moins plonger dans ces histoires. C’était déjà ça. De la même voix, comme une automate, elle continua son énumération, qui ressemblait plus à un cours appris par la force qu’à une prédiction en bonne et due forme, si tenté soit-il qu’il existe des prédictions en bonne et due forme.

-Le bien va triompher du mal. Ta détermination entrainera la réconciliation de deux éléments opposés qui se confrontent continuellement en toi et qui t’amènent à vivre depuis longtemps de l’angoisse et de l’anxiété. Sans arrière-pensées, tu auras à pardonner à une personne qui t’a fait du mal et alors tu pourras te tourner vers un avenir nettement plus prometteur où une existence magnifique t’attendra. Tu accèderas à une nouvelle vie où un extraordinaire bonheur te conduira sur le chemin d’une prospérité remarquable, d’une sagesse éblouissante et d’un amour sans fin. Tu es impressionné par une personne qui semble posséder toute les qualités qui te sont chères en amour. Cette personne est disponible et à ton écoute. Tu cherches à recevoir des conseils de sa part, non pas pour régler une difficulté, mais bien pour te rapprocher de elle. Tu es si attiré par elle, que tu renonces secrètement à quelque chose d’autre pour être en sa compagnie. En fait, à toutes les fois que tu rencontres cette personne, tu le fais au détriment d’une autre personne avec qui tu as déjà un engagement. Ton esprit est très clairement envahi par des désirs d’infidélité et tes pensées se dressent très nettement contre tes principes de vie les plus élémentaires. Assurément, pour rien au monde tu n’as voulu te retrouver dans cette situation, mais pourtant tu y es. Prends garde, car ta dignité est en jeu et tu dois maintenant considérer chaque petit geste que tu fais. Il est question ici d’une personne qui est un peu plus jeune que toi et qui gravite dans ton milieu professionnel.

Encore du blabla, toujours. La femme finit par faire un résumé de tout ce qu’elle avait déjà inventé. C’était des choses qui étaient prévisibles. Ça touchait un peu tout le monde et elle était presque sûre de toucher la personne en face d’elle avec ses paroles. Non, Arwen n’y croyait toujours pas. C’était trop simple et trop général. Ki se tourna vers la jeune fille avec le même air qu’elle, arborait déjà. Celui de la personne qui se dit que ne rien avoir entendu aurait donné le même résultat. Mais bon, ils avaient voulu jouer, pour le fun, autant qu’ils le fassent jusqu’au bout, non ? La pseudo-voyante tourna son attention sur Arwen, la mettant légèrement mal à l’aise.

-Et toi jeune fille que veux-tu savoir?

Là, la Lambda eu un sourire plein d’assurance. Elle avait envie de s’amuser un peu et elle voulait déstabiliser la femme en face d’elle, même si ce n’était pas grand-chose. Elle plongea ses yeux chocolat dans son interlocutrice.

- Moi, je ne veux rien savoir de précis. Ce que je veux connaitre, c’est ce que vous pourrez me dire. Choisissez un de vos textes et sortez le-moi, que je vois s’il est bien ficelé.

La surprise se vit sur le visage de la latino, qui ne s’attendait pas à ce qu’on la « défie » ainsi. Elle battit des paupières quelques secondes avant de se reprendre et de se redresser sur sa chaise. Elle la fusilla du regard et rangea ses cartes.

- Pour la demoiselle, ce sera la boule de cristal.

Elle sortit la boule d’une étagère et la posa sur un socle. Elle regarda dedans, comme si elle pouvait vraiment y déceler des images. Il y avait de l’espèce de brume à l’intérieur. Elle mit ses mains au-dessus, comme si elle allait la soulever de nouveau, mais n’en fit rien.

- Je vois … le mat. Tu es en couple, mais je peux savoir que ça ne va pas forcément bien. Je vois de la déception, des deux côtés. Pour la même raison ? Fais attention. Si ton partenaire n’est pas celui qui est fait pour toi, ça ne sert à rien de s’accrocher. Ça ne fera que renforcer les tensions et malaises. Tu ne dois pas fuir devant ces difficultés et les ignorer, mais les affronter pour les faire cesser.

Arwen haussa un sourcil. Non, ça allait très bien avec Carter, ça n’avait jamais été mieux. Elle était heureuse avec lui, elle n’avait rien à redire. Il n’y avait pas de tension, pas de malaise, rien. Juste de l’amour et de la compréhension. Ce n’était peut-être pas parfait, mais c’était loin d’être aussi chaotique que ce qu’elle laissait penser. Aucun commentaire de la part de l’anglaise.

- Ah .. la mort. Elle vient de m’apparaitre. Cela signifie que votre amour n’est pas fait pour durer. Un conflit, un désaccord, fais attention à la solitude qui va s’abattre sur toi. Ce n’est que la fin d’un passage, le début d’un autre. Ne te laisse pas abattre pour autant.
Enfin, je vois l’impératrice. Malgré la séparation, nouveau départ, nouvelle vie, nouvel amour. Une union officielle, de la sincérité, quelque chose qui va durer. Un mariage peut-être ? Au-delà des peines, il y aura des joies.

Elle laissa retomber ses mains sur la table et fixa de nouveau ses yeux sur les deux adolescents. Non, la jeune fille ne croyait pas en la fin de son histoire avec Carter. Evidemment, chez les jeunes, il y avait souvent des séparations, des cris, des larmes, tout. Et puis, pour l’union, elle n’avait pas précisé quand, alors c’était sûr qu’elle ne pouvait pas se tromper. Arwen allait bien se marier un jour ! Elle regarda Ki, un peu comme lui l’avait fait. D’un mouvement de tête, elle lui fit comprendre qu’il était temps de s’en aller. Ils se levèrent et saluèrent la voyante, avant de descendre les marches et de revenir à la lumière de la fête. Ils ne firent que quelques pas avant que la femme ne leur dise quelque chose.

- Jeunes gens, l’ambiguïté est dangereuse !

Sur ces mots, elle ferma sa porte et la lumière s’éteignit, comme si elle n’avait jamais été allumée. La masse se fondit dans le noir, on aurait presque pu croire qu’il n’y avait pas de roulotte. Sa phrase était plutôt énigmatique. Ils s’éloignèrent un peu et la demoiselle se tourna vers son ami.

- Tu crois qu’elle a voulu dire quoi ?

Elle haussa les épaules, comme si ça n’avait pas réellement d’importance. Puis, ils sortirent de la fête foraine, avec toutes les peluches dans les bras, et montèrent dans le bus pour les raccompagner jusqu’à l’école. Arwen commençait à être légèrement fatiguée, même si elle ne voulait pas que cette dernière sortie avec Ki se termine. Elle s’installa sur un siège à côté du Coréen et ils se laissèrent porter jusqu’à leur lieu de résidence. Une fois descendus, il proposa de la raccompagner jusqu’à sa chambre. Elle accepta et ils montèrent les étages. Arrivés devant la porte, Arwen se mit sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur la joue du garçon.

- Merci pour cette soirée, elle était super. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente d’avoir un ami comme toi.

Elle se retourna et entra dans sa chambre, en lui jetant un dernier regard. Elle ne savait pas quand elle le reverrait, ni dans quelles circonstances. Elle était loin de se douter que la voyante n’avait pas tout à fait tort sur ses prédictions, mais vraiment pas. Si elle avait su, elle aurait sans doute agit différemment. Mais après tout, ne pas savoir ne faisait-il pas parti du jeu de la vie ?

Un dernier tour de roue

- Oh pardon, cette histoire de sorcière m'était sortie de la tête. J'aurais dû t'en prendre un blanc plutôt.
- Non non, t’en fais pas, il n’y a pas de problème !

Elle lui sourit et tenta à son tour, sans succès. Heureusement qu’il était là pour ramener quelques souvenirs ! Parce que s’il fallait compter sur elle, ils reviendraient les bras vides. Même avec les conseils du jeune homme. Bon, c’était aussi la première fois qu’elle faisait ça, donc si elle s’entrainait un peu, elle réussirait peut-être un jour.

-Oui, chacun son domaine! Alors que vas-tu choisir?

Arwen choisit alors quelque chose de tout nouveau. Enfin, pour elle, le parc entier était une découverte, mais là, c’était une attraction nouvelle pour pas mal de monde. Ça n’était pas aussi vieux et connu que la roue en fait. Des bulles en plastique pour marcher sur l’eau et se prendre pour Jésus. Ça avait l’air plutôt fun, sans être terrifiant pour Ki. Elle lui proposa donc, attendant son accord.

-Oh oui ça a l'air vraiment drôle!

Surtout qu’elle avait hésité avec les chaises volantes et qu’elle avait bien vu le visage de son ami perdre quelques couleurs. Ils se dirigèrent vers la file d’attente et furent enfermés tous les deux dans une seule et même bulle. Sauf que ça ne se passa pas de la meilleure façon. Ils avaient été poussé pour les éloigner du bord et en voulant avance, Arwen ne fit que tomber et faire tomber son camarade sur elle. Elle s’excusa et il lui répondit que ce n’était pas grave, sans la regarder toutefois. Ils retentèrent une nouvelle fois, avec pour résultat exactement la même position, sauf que Ki avait ses mains sur les fesses de la jeune fille.

-Oups pardon.Attends.. j'essaye de me relever, bouge pas.

Elle était légèrement mal à l’aise de se retrouver aussi près de Ki, dans cette position. Elle eut une pensée pour Carter, son copain, qui ne serait sans doute pas très heureux de les voir tous les deux ainsi. Comme il l’avait dit, il se releva, en partie du moins. Il se débrouillait plutôt pas mal quand un nouveau choc vint ébranler leur bulle. Ils avaient avancé par la même occasion mais ils étaient de nouveau couchés. Arwen à califourchon sur Ki, son visage tellement proche de celui de son ami qu’elle pouvait sentir son souffle sur ses lèvres. Ils auraient pu s’embrasser sans avoir à bouger. Mais non. Le garçon recula comme il put, en écarquillant les yeux devant leur situation. Ce geste eut pour effet de la propulser sur le torse du jeune homme.

-Ahh!! Mille pardons Arwen

Toute timide, elle murmura un « non non je .. c’est … ce n’est pas grave ». Ils éclatèrent de rire et tentèrent une nouvelle fois de se mettre debout, ou du moins, de ne plus être étalés l’un sur l’autre.

-C'est ahahaha c'est  vrai... vraiment trop amusant ce jeu et à chaque fois on se retrouve dans de biens étranges situations. Cette fois c'est la bonne! Avançons en même temps!

A quatre pattes, ils avancèrent petit à petit, commençant à comprendre un peu le principe et firent attention de ne pas chavirer de nouveau. Ce stratagème paya et ils rejoignirent le bord. Quelqu’un les fit sortir et ils purent marcher sur la terre ferme et respirer l’air frais. La nuit s’était bien installée mais il ne faisait pas froid pour autant.

-C'était vraiment drôle et bizarre au début de pouvoir marcher sur l'eau.
- Oui, vraiment, on a l’impression que notre corps ne nous répond plus ! Allez, à toi de choisir ce que tu veux faire.

Elle avait un grand sourire, oubliant la gêne qu’elle avait éprouvé quelques instants plus tôt. Si elle l’avait pu, elle aurait passé toute la nuit avec Ki dans ce parc. Mais il fallait bien s’arrêter à un moment, ils devaient rentrer dormir à leurs confréries respectives. Le Coréen choisit donc la prochaine activité : une espèce de grande tour. Lui, il avait choisi quelque chose à sensation, dans le style de ce qu’il n’aimait pas du tout. Quelque chose d’effrayant, qui faisait s’affoler le cœur et perler la sueur sur le front. Arwen en était très heureux et elle espérait qu’il n’ait pas trop peur et qu’il ne le regrette pas. Elle savait qu’il avait le vertige. Mais en même temps, il paraissait que l’on restait tellement peu de temps en haut qu’on n’avait même pas le temps de le remarquer.
Ils allèrent faire la queue et s’installèrent sur les sièges, attendant d’être attachés comme il le fallait par certains employés du parc. C’était très important, parce que dans une attraction pareille, les accidents dramatiques étaient vite arrivés, et ce n’était surtout pas ce qu’il fallait. Arwen sentit l’excitation l’envahir. Elle n’avait jamais rien fait de telle et pour l’instant, la peur ne prenait pas le dessus. Elle en ressentait quand même un peu, ce qui était normal, mais pas de quoi la tétaniser et l’empêcher de s’amuser.
Une fois que tout le monde furent en place, les employés sortirent. La jeune fille sentit qu’ils s’élevaient lentement, pour atteindre le haut de la tour. Elle se tourna vers Ki pour savoir s’il allait bien.

- Ça va, pas trop peur ?

Ils s’arrêtèrent enfin, restant sans bouger un instant.

- Ça va aller, t’inquiète pa…aaaaaahh !

Elle sentit qu’ils étaient comme aspirés vers le bas, à toute vitesse. Elle ne put retenir un cri, même si ce n’était pas spécialement de la terreur. De la surprise, de l’adrénaline, oui, c’était sûr. Elle sentit son cœur battre à toute vitesse et elle en oublia un peu son ami, juste à côté d’elle, qui devait aussi crier, voire plus fort que la demoiselle. Tout le long de la descente, elle garda les yeux ouverts, pour voir tout ce qu’il se passait autour d’elle. C’était vraiment extraordinaire de ressentir tout ça. C’était génial. Elle était fan, même si elle savait qu’elle ne devrait pas en abuser. Une fois c’est bien, deux aussi, à trois, ça commence à faire trop. La voix de plusieurs des personnes faisant l’attraction en même temps qu’eux résonna à ses oreilles. Puis, ils s’arrêtèrent. Ils étaient de nouveau en bas, presque sur la terre ferme. De nouveau, des employés vinrent les libérer et ils purent descendre et rejoindre la sortie. Sans un mot, ils s’éloignèrent de la tour. Un peu éloignés, Arwen finit par prononcer quelques phrases, la voix encore un peu tremblante.

- Ouah .. c’était … ça va toi ? Ça secoue ! J’ai trouvé ça super !

Elle reprit un peu son souffle, pour laisser le temps à son cœur de ralentir. Ils allaient bientôt rentrer, la nuit avançait et ils ne pouvaient pas rester là. Pourtant, elle s’amusait bien. Et il devait y avoir encore beaucoup de choses à faire ! Mais bon, il fallait être raisonnables et savoir s’arrêter. Elle se tourna donc vers l’Alpha Psi.

- On rentre ?

Elle attendit son accord et ils se mirent en route pour sortir du parc. Ils allaient reprendre le bus pour retourner à l’école. Mais sur le chemin, ils passèrent devant quelque chose qui attira le regard d’Arwen. Une espèce de petite roulotte, avec un rideau à la place de la porte. La lumière à l’intérieur semblait vacillante. Un panneau était devant. « Diseuse de bonne aventure ».

- Hey, ça te dit ?

Elle n’y croyait pas, mais elle voulait juste s’amuser avant de partir définitivement. Elle était curieuse de savoir ce que la personne dans cette roulotte allait inventer. Parce que c’était toujours comme ça. Une invention. La voyance, c’était comme la sorcellerie, ça n’existait pas. Ou du moins, la preuve n’avait jamais été présentée à Arwen, donc elle n’apportait pas de crédit à ça. Elle attendit la réponse de Ki, prête à lui prendre le bras pour l’entrainer s’il n’était pas totalement convaincu d’aller rigoler un peu devant une Mme Irma bon marché, essayant de faire croire que ce qu’elle disait était la stricte vérité.

Un dernier tour de roue

La barbe à papa était vraiment quelque chose dont Arwen n’avait pas l’habitude. Les sucreries en général, tout petit plaisir. Le chocolat, elle avait découvert en arrivant à Miami. Elle avait eu une enfance pauvre, pas de place pour les achats superflus, ce qui expliquait qu’elle ne connaissait pas vraiment tout ça. Jusque-là, elle ne s’en été pas plainte mais maintenant, elle se rendait compte qu’elle avait vraiment raté quelque chose. Ce fut justement la remarque de Ki quand il fit fondre le nuage rose dans sa bouche.

-Oui, moi non plus!!! J'adore ça!!  C'est juste un délice. Mais ça fond trop vite!  En Corée, ça existe mais ma grand-mère n'a jamais voulue que je mange des sucreries enfant, alors que j'adore ça puis avec le temps, je me suis habitué à ne pratiquement pas manger de friandise. J'allais raté quelque chose!

Elle acquiesça en silence. Elle était tout à fait d’accord. Et puis, elle était toujours prête à découvrir elle ! Tant que c’était quelque chose de bien. Là, ça l’était. Ce qu’elle avait vu de la fête lui plaisait énormément, même si la maison hantée était un peu effrayante. Elle n’avait encore pas tout vu, mais elle savait qu’elle n’allait pas être déçue par la suite, c’était une intuition.
Au moment de monter dans la nacelle de la roue, Ki fit un commentaire sur le grincement qu’ils avaient entendu. Arwen se moqua gentiment quand il dit, peu assuré, qu’il n’avait pas peur. Il n’avait pas besoin de le dire pour qu’elle le voie. En fait, ce n’était pas sa peur qui l’a faisait rire, mais bien ses tentatives pour se justifier et dire que ce n’était pas ça. Il était mignon à essayer de se défendre. Il était aussi mignon à la questionner sur son couple, pour savoir si ça allait mieux. Elle le rassura et il lui dit qu’il était content pour elle. Elle joua donc à la curieuse, pour savoir s’il y avait quelqu’un qui comptait plus pour lui.

-Non, je ne crois pas. Vous m'êtes toutes chères mais pas une plus qu'une autre.  Je pense que je suis partit pour finir célibataire endurci. Je ressemble déjà à un vieux garçon avec des manies.

Arwen était un peu déçue, parce que l’amour embellissait toujours une vie. Mais bon, il avait l’air de bien le prendre, et au moins, il n’y aurait pas d’adieux déchirants à son départ. Quoi que, avec des amis, il pouvait quand même y en avoir. Il était jeune, il avait le temps.

- Ne perd pas espoir, tu as la vie devant toi pour te trouver une jolie demoiselle !

Ou un joli demoiseau, qui sait ? Arwen ne pensait pas du tout à ça, mais il y avait souvent plus de possibilité que ce qu’on imaginait. La jeune fille se reconcentra sur la vue merveilleuse qui s’étendait devant elle, en se penchant légèrement vers le vide. Elle n’avait pas peur, elle se sentait en sécurité. Elle se disait que si tant de gens montaient dans ces manèges et que si la fête avait le droit de faire fonctionner la roue, c’était que la sécurité était assurée. Pas de quoi avoir la trouille en somme. Sans conviction, il répondit que c’était magnifique, sans regarder non plus d’ailleurs. Non en fait, il avait les yeux braqués sur elle. Elle se sentit légèrement gênée mais ne fit aucune commentaire et préféra porter son attention sur ce qui l’entourait plutôt que sur le jeune homme tout près d’elle, tellement près d’elle. Elle tenta de le rassurer, mais peine perdue. Il fit quand même un effort en essayant de regarder. Mais non.

-Je n'y arrive pas. J'ai le vertige et rien que de te voir te pencher au-dessus de la rambarde, ça me fout des sueurs froides. Je suis désolé, je ne suis pas très drôle. Tu aurais du venir avec Carter ou quelqu'un de moins peureux. Tu dois regretter.
- Tss tss tss, tais-toi. Tu n’y peux rien si tu as peur, ne te tracasse pas. Je ne regrette pas du tout alors ne dis pas de sottise. Je vois assez Carter, je peux bien d’accorder un après-midi, d’accord ?

Elle lui fit un immense sourire et la roue finit par terminer son tour. Arwen en garderait un très bon souvenir, même si elle trouvait dommage que son ami ait eu aussi peur. Ils étaient donc en route pour une nouvelle attraction. Les peluches ! Ki se disait être un pro. Avec un clin d’œil de défi, elle rigola avant de lui dire :

- Vas-y alors, boss, montre-moi l’étendu de ton pouvoir !

Effectivement, il n’avait pas menti. Il avait l’air tellement content de pouvoir jouer à ce jeu, s’en était marrant. Il gagna plusieurs peluches d’affilées et Arwen le regarda avec des yeux ronds, se demandant comme c’était possible d’en ramener autant. Il finit par lui dire de ne pas bouger, parce qu’il revenait. Elle lui obéit tranquillement, et resta devant les machines.  Elle était toute seule, proie facile. Deux mecs ne tardèrent pas à la remarquer d’ailleurs.

- Hey poupée, t’es toute seule ? fit le premier. Tu veux qu’on t’aide ?
- Oui, on connait bien le coin, on sait où on peut s’amuser et comment …

Ok, ils avaient l’air un peu louches ces deux-là. Pas qu’un peu en fait. Grands tous les deux, dans le genre prétentieux et pseudo beaux-gosses, sûrs d’eux, à la limite de l’effrayant. Elle les regarda, légèrement mal à l’aise, mais elle se sentait quand même en sécurité, vu le monde qu’il y avait autour d’eux.

- Non merci, j’attends quelqu’un. Allez trouver une autre greluche, je ne suis pas intéressée.

Les deux types transformèrent leurs sourires de play-boys à la con en un sourire plus carnassier. Bon d’accord, elle n’avait pas été très sympathique. Mais tant pis, elle voulait juste qu’ils lui laissent la paix. L’un des deux s’approcha un peu plus, légèrement menaçant.

- Mais tu es charmante toi dis-moi !

Avant qu’elle n’ait eu le temps de répliquer qu’ils pouvaient s’en aller, elle sentit une pression sur le bras et on la tira. Elle reconnut Ki du coin de l’œil et soupira de soulagement intérieurement. Il déclara alors qu’elle était sa copine. Ça l’étonna mais elle ne dit rien, comprenant que c’était juste un prétexte pour que les deux gros lourds s’en aillent. Ce qu’ils firent, après avoir donné un conseil au Coréen, qui ne sonnait pas réellement comme gentil.

-Tu devrais mieux surveiller ta copine.

Ki finit par la lâcher et s’excuser. Il lui dit même, taquin, qu’il ne pouvait pas la laisser seule sans qu’elle attire les regards des hommes. Elle lui fit un sourire un peu forcé en guise d’excuse, même si elle savait que ce n’était pas de sa faute s’il y avait des mecs en chaleur dans ce parc d’attraction.

- Ce n’est pas mon charme, c’est juste que j’étais toute seule.

Non, elle ne croyait toujours pas pouvoir attirer les hommes comme ça. Elle ne l’avait jamais cru et elle n’allait pas commencer maintenant. Ki lui annonça alors qu’il était parti pour lui ramener quelque chose, qu’il avait cachée dans son dos. Un énorme chat noir.

-Voilà pour toi, les 3 autres seront pour Shin, Aya et puis pour moi, je pense. Elle te plaît? Elle risque d'être un peu encombrante vu comme elle est grosse, j'ai eu du mal à l'obtenir celle-là!  Si elle te dérange, je la porterai et si tu veux échanger pas de soucis.

Elle le contempla quelques secondes, trouvant ce petit chat trop mignon. Elle le prit dans ses bras et se tourna vers son ami.

- Oh merci, elle est trop belle ! Elle rajouta, voulant plaisanter : Comme ça, la sorcière Arwen aura un chat noir de compagnie !

Elle se moquait volontiers des rumeurs idiotes de la Voice, elle savait qui elle était et elle savait qu’elle n’était pas comme on la disait. Elle doutait que l’Alpha Psi ait fait exprès de choisir cet animal, mais elle voulait le taquiner un peu. Elle rit de bon cœur, la douce peluche contre elle. Un peu encombrant, c’était vrai, mais ce n’était pas grave pour elle. Elle était heureuse d’avoir eu une attention, elle n’avait toujours pas l’habitude. Déjà, avec Carter, elle avait du mal à accepter les cadeaux. La tête qu’elle avait faite devant le collier ! Mais bon, elle était quand même très heureuse.

-Tu veux faire quoi maintenant? A moins que tu veux toi aussi essayer d'en attraper une?
- Oh oui, je veux essayer !

Elle sortit quelques pièces de sa poche et les inséra dans la machine, après avoir demandé au jeune homme de garder la peluche. Elle ne savait pas trop comment faire, même si elle avait observé Ki. Bouger la manette pour bouger la main métallique. Elle fit un mouvement et tenter de bien se placer. Pas de chance, trop brusque, et la pince partit comme une folle au fond de la cage de verre. Elle tenta de la rapprocher, mais encore une fois pas comme il le fallait. Après plusieurs essais, elle finit par arrêter les doigts animés au-dessus du tas de peluches. Elle appuya sur le bouton pour les descendre et ils plongèrent droit … dans un trou. Elle réessaya plusieurs fois mais soit elle n’attrapait rien, soit la peluche ne tenait pas dans les pinces. En gros, elle n’était pas très douée, voire pas du tout. Tant pis, elle avait bien rigolé à tenter le coup.

[colot=steelblue]- Toi, ce sont les maisons hantées qui ne sont pas pour toi, moi, ce sont les peluches ! Mais je dois avouer que c’est sympa comme jeu, surtout quand on y arrive. Maintenant, à moi de choisir ![/color]

Sur quoi allait-elle jeter son dévolu ? Elle tourna sur elle-même, pour ne pas changer, et repérer quelque chose d’intéressant. Bon, pas les chaises volantes, Ki avait le vertige. Et les pieds dans le vide, à tourner, ce n’était pas le top. Quelque chose qui ne secouait pas trop, un peu tranquille. Ses yeux tombèrent sur une espèce de grande piscine installée pour l’occasion. L’activité proposée ? Les bulles flottantes *! D’accord, au départ, c’était pour les enfants. Mais visiblement, il y avait un coin « adultes » pour que eux aussi puissent essayer l’expérience de marcher sur l’eau.

- Ça te dit ?

Après les oiseaux, les poissons volants. Ils se dirigèrent vers la queue, après avoir mis leurs affaires dans un casier spécialement prévu, et finirent par avoir le choix. Une bulle chacun ou une bulle à deux ? Arwen préférait rester avec lui, juste au cas où elle ne s’en sortait pas. Au moins, ils seraient deux à sa payer la honte ! Ils se firent enfermer et purent faire leurs premiers pas sur l’eau.
Assez chaotiques.
Déjà, niveau équilibre, c’était très déstabilisant. Et puis, il fallait comprendre comment faire avancer le truc. On les avait poussés pour qu’ils prennent leur élan, donc ils étaient éloignés du bord. Mais il ne fallait pas rester sur place. Et puis, il y avait d’autres personnes tout autour qui essayaient l’attraction. Eux, ils ne s’en sortaient pas trop mal. Les deux jeunes stagnèrent un moment et Arwen finit par essayer un mouvement pour avancer. Mais comme pour les peluches, elle fut trop brusque et tout ce qu’elle réussit, ce fut à tomber, et à faire tomber Ki sur elle au passage.

- Oh, pardon ….

Elle rougit légèrement.  L’un sur l’autre, dans cette bulle capricieuse, il fallait trouver un moyen de se relever avant que ça ne devienne gênant. Sauf qu’elle n’était pas douée, comme on avait pu le remarquer et qu’elle ne fit que retomber en voulant se relever. A espérer que le Coréen y parvienne mieux …

Un dernier tour de roue

Malgré ce que Ki disait, sa peur était palpable. A plusieurs reprises, Arwen se retourna pour vérifier qu’il allait bien. Enfin, plus ou moins, parce qu’il avait quand même peur. Au moment de la momie, ils sursautèrent tous les deux. Pour le rassurer -et pour sauver sa tunique- la jeune fille prit la main de son ami dans la sienne. Elle ne parvint qu’à lui arracher un sursaut de plus. Elle entremêla ses doigts à ceux du garçon, en toute amitié, pour lui dire que ça allait et qu’il n’avait rien à craindre d’elle, qu’elle ne faisait pas partie de ce monde d’horreur et d’épouvante. Leur chemin continua et la salle des monstres se dévoila à leurs yeux par le biais d’éclairs blancs à intervalles plutôt réguliers. Ils s’arrêtèrent un instant et Arwen put voir tout un tas de fausses araignées. Elle n’en avait pas peur, elle était plutôt fascinée mais elle admettait volontiers que cette vision pouvait foutre la frousse à presque n’importe qui. A côté d’elle, elle remarqua que Ki avait fermé les yeux. Tant mieux, elle se doutait qu’il n’aurait pas apprécié le lugubre spectacle.

Le wagon se remit doucement en marche et la lumière de l’extérieur fut visible, ainsi que l’air frais qui vint leur lécher le visage. Sauf que ça ne pouvait pas de terminer aussi facilement. Deux grosses bêtes à huit pattes leur tombèrent sur la tête et il fallait avouer qu’elles semblaient moins fausses que leurs petites sœurs. Le jeune homme sursauta une nouvelle fois en criant et en se cachant contre Arwen. Elle ne riait pas et avait aussi été surprise. Elle entoura son ami de ses bras, en signe de protection. Elle avait l’impression d’avoir un enfant à ses côtés mais jamais elle n’aurait eu l’idée de se moquer de lui. Leur proximité ne la gênait pas une seule seconde.
Une fois à la lueur du jour, ou plutôt de la nuit brillante de la fête, elle desserra son étreinte et parla doucement à Ki.

- Nous sommes dehors, tu peux sortir de ta cachette.

Il s’écarta d’elle rapidement et s’excusa pour ses mains involontairement baladeuses. Il n’y avait aucun mal. Elle lui sourit gentiment et ils descendirent du wagon. Arwen avait quelques fourmis dans les jambes mais elle rejoignit les « rues » de la fête sans problème.

- Je crois que les maisons hantées c’est définitivement pas pour moi ! Tu m’as impressionné, tu as pas fléchi une seule seconde ! Bon alors à toi de choisir ? Une préférence ?
- Tu sais, ce n’est pas parce que je n’ai rien montré que je n’ai pas eu peur. A certains moments, je n’en menais pas plus large que toi !

Elle rit de bonne foi. Si l’occasion se présentait, elle ne dirait pas non à une visite de la maison hantée. Mais elle n’allait pas non plus courir après. Du doigt, elle désigna la grande roue, véritable emblème des attractions. Elle avait bien envie de prendre un peu de hauteur pour contempler la ville.

- Et si nous devenions des oiseaux ?

Pouvoir sentir l’air s’engouffrer dans les cheveux, ne voir que des points à la place de gigantesques bâtiments lointains. Avoir l’impression que les autres êtres humains n’étaient plus que des poupées animées. Voilà ce qu’elle voulait, en espérant que son ami soit d’accord. Elle ne voulait pas le forcer et il était hors de question qu’elle y aille seule.

- D’accord mais avant je nous achète des barbes à papa. Le train fantôme m’a vidé de mon énergie.

Il revint avec les deux barbes à papa et en donna une à la jeune fille. Elle l’observa un instant, peu sûre de la manière dont elle devait la manger. Elle regarda autour d’elle et finit par faire comme les autres : elle détacha un bout avec sa main et le porta jusqu’à ses lèvres. Elle sentit immédiatement le sucre fondre sur sa langue. C’était délicieux et surprenant pour elle.

- On dirait que je viens de manger un nuage ! Alors, verdict ?
- C’est hyper bon ! Je n’ai jamais rien mangé de pareil !

Ils prirent bientôt place dans une nacelle et l’Alpha Psi lui demanda si elle n’avait pas le vertige. Elle n’en savait rien, elle n’avait jamais vraiment fait l’expérience. Elle n’avait pris de la hauteur qu’une seule fois. L’avion qui l’avait menée jusqu’en Amérique. Et elle avait bien d’autres choses à penser que la question du vertige. Elle haussa les épaules en guise de réponse et la nacelle se mit en marche dans un bruit plutôt sinistre.

- Il pourrait les huiler, fit remarquer le Coréen.
- Et tu aurais moins peur ?

Elle lui adressa un clin d’œil malicieux. A son avis, ce n’était pas une histoire de grincement, mais elle ne fit pas plus de commentaire. Ils s’élevèrent lentement et il la questionna sur sa relation avec Carter. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, ça n’allait pas fort. Mais depuis, beaucoup de choses s’étaient produites, en particulier à son anniversaire. A cette pensée, un doux sourire se dessina sur son visage.

- Oui, ça s’est arrangé. Ne t’en fais pas pour nous.

Elle continua à manger tout en observant autour d’elle. Elle finit cependant par céder à sa curiosité. ki lui avait dit qu’il était incapable d’aimer. Seulement, elle le pensait beaucoup plus humain qu’il pouvait le laisser croire.

- Et toi Ki, il n’y a pas une jeune fille qui te manquera plus que les autres ?

Elle évoquait indirectement son départ mais sans tristesse. Elle attendit sagement une réponse de sa part tout en contemplant le paysage. Voir toutes ces lumières, à qu’elle point la ville s’étendait, c’était magnifique. La fête aussi était grande et les gens grouillaient partout, tels des insectes. Elle regarda en bas : ils étaient hauts mais elle ne se sentait pas attirée par le vide. A leur image, le temps était suspendu. Tout semblait calme et pourtant l’agitation alentours était bien visible.

- Tu ne trouves pas ça beau ? On a l’impression que le monde est à nous et que nous en sommes le roi et la reine ! C’est … époustouflant.

Elle se tourna vers lui, un immense sourire sur le visage, et le regarda dans les yeux. Elle espérait qu’il n’ait pas trop peur et s’il le fallait, elle était prête à reprendre sa main. Elle se sentait bien, tout simplement. C’était l’un des meilleurs moments qu’elle avait vécu à Miami depuis son arrivée. Le vide lui tendait les bras, non pas pour la happer, mais pour danser avec elle.

- Tu sais, on ne craint rien. Ce n’est pas le vide qui risque de te faire du mal, mais ta peur. Imagine que tu l’as laissée en bas, qu’elle est de trop avec nous et que je n’en veux pas entre nous deux. Tu peux essayer pour profiter un peu ?

Elle ne savait pas si ses mots avaient le moindre impact sur le jeune homme, mais au moins, elle avait essayé. De son poste d’observation, elle pouvait voir tous les stands qui s’offraient à eux. Les espèces de « casinos ambulants », un dessinateur installé pour faire des caricatures, des panneaux avec plusieurs personnages mis à disposition, tous troués au niveau de la tête. Les stands de tir, de peluches, des tours en calèche. Tout semblait être là, et bien plus encore. Qu’allaient-ils faire ensuite ? C’était à Ki de décider. Mais pour le miment ils étaient tous les deux dans la petite nacelle, au point le plus haut de la fête. Ils pouvaient presque cueillir les étoiles, rares en ce début de soirée hélas.

Un dernier tour de roue

Pour le coup de la barbe à papa, elle vit qu’il hésitait à savoir si c’était vrai ou non. Mais il n’y avait aucun doute sur son visage. Il lui expliqua alors, en utilisant l’image de toile d’araignée. L’image lui revint en tête. Oui, elle avait déjà vu, mais jamais gouté. Il lui raconta une anecdote sur ça justement, en précisant qu’il n’avait pas fait de mal aux arachnides. Sa moue fit rire Arwen. On aurait dit un enfant cherchant à convaincre ses parents qu’il était innocent.

- On n’a pas le choix alors : on devra manger de la barbe à papa !

Arrivés à la fête, la jeune fille jeta son dévolu sur le palais des glaces. Ils y entrèrent donc tous les deux, aussi enjoués l’un que l’autre. Ki l’entraina un peu parmi les dédales. Plusieurs personnes passaient à côté d’eux, visiblement plus sûrs de trouver leur route. Le jeune homme était sérieux, vraiment dans le jeu. Arwen fit également attention. Il était très facile de tourner en rond, de se perdre, ou de se prendre une glace en pleine figure. Ils tournèrent à droite, à gauche, un coup l’un un coup l’autre. Ça donnait presque le tournis. Ils se rentrèrent dedans à plusieurs reprises. Ki n’avait pas besoin de s’excusait, elle savait bien que ce n’était pas volontaire de sa part. À chaque fois, elle lui offrit un sourire pour lui faire comprendre qu’il n’y avait aucun problème.

-Notre sens de l'orientation laisse à désirer! Bon je suis sur que c'est par là!

Elle allait lui répondre que le sien avait toujours laissé à désirer quand il se cogna assez fort contre un des miroirs. Elle allait s’approcher, inquiète qu’il se soit fait mal, quand il se mit à rire de son erreur. Oui, il allait avoir une bosse, le pauvre. Il trouva alors une solution miracle : le sol ! C’était beaucoup plus pratique puisqu’il n’y avait rien pour chambouler les sens. Ils ne tardèrent d’ailleurs pas à trouver le jour. Enfin, le jour, la nuit plutôt, éblouissante grâce aux lumières de la fête.

-C'était vraiment amusant, j'ai bien cru qu'on allait y rester à jamais!
- Moi aussi ! Mais j’avoue que j’ai bien rigolé. C’est déstabilisant, mais justement, c’est ça qui est drôle.

Les yeux de la demoiselle étaient pétillants. Pour l’instant, ça commençait bien. Si ça continuait ainsi, elle allait passer une super soirée. Déjà prêt à enchainer, l’Alpha lui proposa une nouvelle attraction. La maison hantée. Il avait même pris la voix qui allait avec. Arwen lui répondit sur un ton plutôt mystérieux.

- Avec plaisir mon cher, allons voir ce que cette maison a dans le ventre …

Malgré son empressement, elle put comprendre rapidement qu’il était aussi un peu anxieux. Il lui demandait si elle voulait le faire, lui disait que si elle ne voulait plus, il comprenait. Il avoua même que c’était effrayant. Elle le regarda malicieusement, pour se moquer gentiment de lui.

- Je rêve ou c’est toi qui as peur ?! Je ne te force pas hein, si tu veux, on peut faire demi-tour et je n’en parlerai à personne …

Elle se mit à rire légèrement. Surtout qu’elle avait entendu comme lui, une histoire d’araignée. Pourtant, ils restèrent dans la file et ils purent bientôt monter dans une voiture en forme de loup-garou. Déjà, ça mettait dans l’ambiance. Ils étaient serrés l’un contre l’autre et Arwen pouvait sentir que son ami n’était pas trop rassuré. Voire pas du tout, vu comment il s’accrochait à sa tunique.

A l’intérieur, il faisait noir. L’ambiance était un peu pesante, humide aussi, étouffante et chaude. Au bout de quelques secondes, quand ils eurent avancé de quelques mètres, ils aperçurent un peu de lumière. Un peu verte, pas très forte, juste assez pour qu'ils voient ce qui les entourait et qui était très prêt. Une musique se déclencha, qui donnait quelques frissons. Quitte à faire les choses, autant ne pas les faire à moitié. Soudain, un rire légèrement effrayant. Sur la droite, une momie qui se décroche assez violemment du mur. Ils sursautèrent tous les deux, mais Arwen ne cria pas. Elle s’était préparée mentalement et à vrai dire, c’était surprenant, mais pas effrayant pour elle, parce qu’elle savait que ce n’était pas une vraie. Momie, tronçonneuse, bébé au visage de tueur, mariée sanguinolente, tout y passa. Au bout d’un moment, la jeune fille fini par prendre la main de Ki, pour qu’il lâche son vêtement. Si ça continuait comme ça, à trop tirer dessus, il allait le lui retirer ! Pas volontairement, mais bon. Ils passèrent à nouveau des rideaux pour se retrouver dans une autre pièce, totalement noire. Elle se tourna vers lui, même si elle ne le voyait pas.

- Ça va toi ?

Le pauvre, il lui avait dit qu’il avait peur, et elle avait accepté sa proposition de maison hantée. Elle s’en voulait presque. Elle était contre lui et s’il avait besoin de se cacher, elle ne dirait rien. Sauf que pour le moment, il n’y avait plus que le silence. Plus de musique, plus de lumière. Puis, un éclair blanc, qui ne dura pas plus d’une seconde. C’était inattendu et ils ne purent pas voir grand-chose. A nouveau, le son se déclencha. Des rires d’enfants. Une douce musique, évoquant une ballade tranquille dans une prairie. Qu’est-ce que ça cachait ? Un autre éclair. Arwen put distinguer des silhouettes tout autour. Elle tourna sa tête vers le côté de Ki, pour voir ce qui les encerclait, en même temps que de surveiller le garçon. Troisième éclair, légèrement plus long. Elle aperçut quelques détails. Des monstres, voilà leur compagnie. De toutes tailles, de toutes formes. Le premier qu’elle vit était de la taille d’un homme. Il possédait une petite dizaine de tentacules, qui lui servaient de bras et de jambes, et d’on ne savait trop quoi. Il avait les yeux blancs, un corps marron, des crocs qui feraient pâlir n’importe qui, et aucun nez. Il … souriait ? Les tentacules se mirent alors à bouger. Arwen sentit son cœur battre un peu plus vite et fort dans sa poitrine. Ok, ça, c’était flippant. Pourtant, elle ne put s’empêcher de vouloir regarder tout. De l’autre côté, une espèce de boule violette, couverte de boutons qui suintaient. C’était dégoutant. Soudain, un œil bleu s’ouvrit. Puis un jaune, juste à côté. Un vert, à quelques centimètres. Partout, de toutes les couleurs, ils clignotaient, comme s’ils pouvaient sonder votre âme rien qu’en étant braqués sur vous.

- Mais qu’est-ce que …

Elle ne finit pas sa phrase. Les deux jeunes gens étaient tellement absorbés dans cette vision d’horreur qu’ils n’avaient pas remarqué qu’ils perdaient de la vitesse, bien qu’ils n’allaient pas bien vite. Ils finirent par s’arrêter. Ils regardèrent donc devant. A à peine un mètre, un homme, debout, au milieu des rails. On ne le voyait que grâce aux éclairs, qui continuaient d’être la seule lumières. Ils finirent pas cesser et l’homme fut éclairé en continue, par en bas. Il avait les cheveux ébouriffés, les vêtements déchirés, qui ressemblaient plus à des haillons. Il avait les yeux exorbités. La musique enfantine et les rires résonnaient toujours. Puis, la bouche de l’homme s’ouvrit. En sortit des bêtes noires, une, puis deux, puis trois, puis plusieurs à la fois, de plus en plus grosses. Par la bouche ouverte dans un cri de peur, par les yeux, les oreilles. Des araignées. Voilà ce qu’il ne fallait surtout pas à Ki. Arwen le sentit se crisper à ses côtés et elle se tourna vers lui pour voir son visage livide. Sauf qu’il était loin d’avoir vécu le pire. D’ici quelques secondes, un énorme arachnide lui tomberait sur la tête. Mais ça, il ne le savait pas encore …

Un dernier tour de roue

Cette fin de journée s’annonçait presque parfaite. Presque, parce qu’il y a toujours quelque chose pour gâcher les projets. En l’occurrence, le projet avait été fait grâce à la chose qui risquait de le gâcher. Mais bon, ce n’était pas grave. Arwen et Ki allaient à la fête foraine. La jeune fille était heureuse de pouvoir partager ce moment avec lui, même si elle savait qu’il rentrait chez lui, en Corée, et qu’elle ne le reverrait sans doute jamais. Il lui avait dit que, si elle passait dans ce pays, il pouvait l’accueillir. Mais déjà, elle n’avait pas vraiment l’argent pour se payer un billet. Et puis, elle ne savait pas si c’était une bonne idée. Parce que si son copain venait, elle avait peur d’une mauvaise entente entre les deux garçons. Si elle y allait seule, elle craignait la jalousie de Carter. Il n’en montrait pas non plus de trop, mais elle voyait bien que ça ne lui plaisait pas vraiment qu’elle passe beaucoup de temps avec Ki. Surtout qu’elle ne lui avait pas précisé que si elle le voyait souvent, c’était parce qu’il ne serait bientôt plus là. Il n’y avait rien entre eux et elle espérait que son petit-ami ait assez confiance en elle pour ne jamais le penser.
Le Coréen arriva et elle lui ouvrit avec un grand sourire. Un semblable ornait le visage du garçon.

-Coucou Arwen!  Elycia n'es pas là?

Il vérifia par lui-même mais il n’y avait personne d’autre qu’elle. Elle ne voyait plus trop Elycia depuis quelques temps et en cette fin d’année, elle était sans doute repartie en France pour les vacances, retrouver sa famille.

- Elle est rentrée chez elle pour les vacances. Elle reviendra à la rentrée je suppose.

Mais pas toi.

Ils partirent donc dans les couloirs vers la sortie des bâtiments et de l’école, abordant tout un tas de sujets. Ils rejoignirent la sortie et l’arrêt de bus. Ils s’assirent côte à côte et Ki semblait légèrement gêné. Arwen n’y fit pas plus attention, se disant qu’elle se faisait des idées et que ça allait sans doute passer.

-Tu as bien fait d'attacher tes cheveux. Parce que selon les manèges que l'on va faire, ça peut décoiffer.

- Je ne savais pas trop parce que je n’en ai jamais fait, mais j’ai essayé de prévoir.

Elle lui adressa un petit sourire hésitant au moment où il se tourna vers elle. Dans ses yeux, on pouvait voir qu’il était aussi pressé qu’elle d’arriver. Sauf que l’Anglaise était calme en apparence. Il continua sur sa lancée, comme un enfant, ne pouvant s’empêcher de rêver à ce qu’il allait bientôt pouvoir obtenir.

-Tu crois qu'il  y aura de la barbe à papa? J'ai toujours rêvé d'en manger, je me demande le gout que cela peut bien avoir. Oh et des auto-tamponneuses et puis des jeux de carabine, une maison hantée?

La demoiselle fronça les sourcils légèrement puis rit doucement. S’il faisait tous les noms d’attractions, il n’avait pas fini. Elle espérait aussi qu’il y ait tout ça mais quelque chose la gênait un peu.

- De la barbe à papa ? Qu’est-ce que c’est ?

Le nom lui disait quelque chose, mais aucune image ne lui venait en tête. Il allait la prendre pour une folle, tout droit sortir d’une grotte préhistorique. Et il n’aurait pas tout à fait tort. Elle ne connaissait pas le chocolat, les fêtes foraines, la barbe à papa. Sans doute aussi plein d’autres choses. Ses joues rosirent un peu. Elle avait l’impression d’être une idiote. Heureusement que Ki était joyeux à côté d’elle, ça rattrapait un peu sa bêtise. D’ailleurs, il reprit la parole. Arwen oubliait souvent que quand il commençait, on ne pouvait plus l’arrêter. Elle était moins bavarde, mais elle écoutait ce qu’il disait. Elle se demandait pourquoi il parlait tant, parce qu’elle avait l’impression que ce n’était pas toujours naturel. Là, ça devait l’être plus ou moins parce qu’il était excité de se retrouver à la fête.

-Ça fait bizarre, tu ne trouves pas de sortir de l'école tout les 2?

-Si.

A vrai dire, elle ne se posait pas plus la question que ça. Ils étaient tous les deux, en dehors de l’école, et c’était comme ça. Bien sûr, ça lui faisait du bien de voir son ami dans un autre contexte que celui des cours. C’était étrange, mais pas désagréable. Le bus s’arrêta et ils descendirent, apercevant au passage les installations. C’était grand, très grand. Et surtout, il y avait du monde. À croire que toute la ville s’était donné rendez-vous ici. Il y avait le bruit des manèges, l’odeur de la nourriture et une ambiance spéciale. Tout de suite, Arwen aima l’endroit. C’était différent de ce qu’elle avait connu. De plus, elle pouvait se fondre dans la masse. Longtemps, elle avait cherché l’abri des endroits bondés pour se cacher, parce qu’au milieu des autres, on la remarquait moins. A Miami, ce n’était pas vraiment pareil, elle ne se cachait pas réellement, même si elle gardait à l’esprit qu’elle devait être prudente.
Avec des yeux d’enfants, les deux jeunes gens regardèrent ce qui les entourait. La lumière aussi était une des caractéristiques de la fête. Chaque manège brillait comme une étoile. Celle qui se voyait le plus était la grande roue. Mais tout un tas de plus petits stands les entouraient.

-Tu préfères commencer par quoi Arwen?

A en croire sa tête, il préférait que ça ne soit pas la roue. Arwen retint un sourire devant la crainte de son ami. Il lui avait dit, à leur première rencontre, qu’il avait peur. Il fallait donc commencer par quelque chose d’un peu plus calme. De toute façon, ils avaient tout leur temps. La jeune fille tourna un peu sur elle-même pour étudier toutes les options. Elle passa très rapidement sur le stand de tir. Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas essayer, mais son père avait reçu une balle dans la tête. Alors ce n’était pas vraiment ce qu’il lui fallait. A côté, les peluches. Ça semblait marrant mais à faire plus tard. Parce que continuer les attractions des peluches plein les bras, ce n’était pas pratique pratique. Non, il y avait bien mieux à quelques pas. Un palais des glaces. Un vrai petit labyrinthe, rempli de miroirs. Ce quoi faire perdre ses repères à n’importe qui. Elle se tourna vers Ki, un énorme sourire collé au visage.

- Ça te dit le palais des glaces ?

Après accord de sa part, ils se dirigèrent tous les deux vers l’entrée. Des éclats de rire se faisaient entendre et plusieurs personnes ressortaient de l’endroit totalement déboussolés, mais visiblement contents de ce qu’ils venaient de vivre. Ils attendirent quelques minutes, parce qu’il y avait quand même plusieurs personnes qui attendaient, et finirent par entrer à l’intérieur. Immédiatement, Arwen sentit qu’elle allait galérer. Allait-elle rester avec Ki ou allaient-ils se séparer ? Elle n’en savait rien, elle attendait de voir comment lui se débrouiller. Ce qui était sûr, c’était qu’elle, elle allait rester un sacré bout de temps à chercher son chemin !

Un dernier tour de roue

Arwen n’avait jamais fait de manège. Ni de petit cheval quand elle était gamine, ni le château hanté -bien que ce ne soit pas un manège- ni le grand huit. Rien. Pas la roue, ni le tir avec un fusil. Elle n’était jamais ressortie d’une activité en riant. Elle n’avait jamais hurlé de peur pendant une descente du tonnerre. Elle n’était jamais partie de son siège en se disant « Je veux recommencer ! ». En fait, elle avait juste aperçut les installations de loin, du temps où elle se baladait en liberté dans les rues de Liverpool, au lieu d’être en cours. Sauf qu’elle n’avait jamais eu l’argent pour entrer et profiter des attractions. Elle n’avait jamais eu personne pour l’emmener non plus. Et avec le temps, ses chances de découvrir ce divertissement s’étaient amoindries.

Mais le passé était le passé et il fallait le laisser là où il était. Loin, très loin. A des milliers de kilomètres, sur un autre continent, de l’autre côté de l’océan. La jeune fille espérait juste qu’il ne la rattrape jamais. Sous son visage de gentille fille se cachait quelque chose que bien peu de personnes savaient et qui pouvait en étonner plus d’un. Mais c’était quelque chose qu’elle ne voulait pas dire. Parce que c’était trop dur et que ça faisait trop mal. Alors elle arborait toujours ce sourire gigantesque, pour dire « je vais bien », même si ça n’était pas toujours le cas. Elle n’aimait pas mentir. Cependant, elle n’avait pas le choix, donc elle le faisait.
Même à ceux qu’elle appréciait, comme Ki.
Il était désormais son ami, et sans doute un peu plus. Un confident. Elle savait qu’en cas de problème, elle pouvait lui dire ce qu’elle avait sur le cœur. Il pouvait en faire de même. Il n’y avait que cette chose qu’elle ne lui avait jamais avouée. Peut-être un jour, qui sait ? A ce moment, c’était lui qu’elle attendait. Elle se souvenait encore de sa première rencontre avec le Coréen. Un choc. Physique, bien entendu. Elle n’avait pas fait attention et était rentrée dans la salle, alors qu’il dansait. Un peu trop près de la porte. Elle n’était pas lourde et elle avait été projetée sur le parquet. Elle avait alors prit le temps de discuter avec le garçon, et de sympathiser. Presque tout de suite, elle avait senti que c’était différent avec lui et qu’il ne resterait pas une connaissance comme les autres. N’allez pas imaginer qu’elle était tombée amoureuse, ce n’était pas le cas. Son cœur était déjà pris. Mais quelque chose la liait à Ki et elle aimait beaucoup le jeune homme. Elle était heureuse d’avoir pu rencontrer quelqu’un comme lui. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et il lui avait dit qu’il allait rentrer en Corée. Pour ne sans doute plus revenir à Miami. Arwen espérait pour lui qu’il réussisse à vivre son rêve, devenir chanteur. Mais elle était terriblement triste à l’idée de ne plus le revoir.

C’était pour ça qu’elle voulait faire une dernière sortie avec lui. Comme pour se dire qu’il restait encore du temps et qu’on ne pouvait pas les séparer. Pas encore. Et puis, ils avaient parlé d’une fête foraine à plusieurs reprises, alors elle voulait vraiment partager ce moment avec lui. Même si elle savait qu’il avait parfois peur, il était le guide parfait à ses yeux. Pour le moment, elle avait l’impression qu’il lui avait donné beaucoup plus qu’elle ne l’avait fait, alors elle voulait qu’il ait un super souvenir avant de partir. C’était pour cette raison qu’elle lui avait envoyé un message pour l’inviter quand elle avait entendu parler de la fête en ville. Elle espérait qu’il était libre. Mais en même temps, il avait le droit de dire au revoir à tous ceux qu’il connaissait à Wynwood. Aux dernières nouvelles, il lui avait demandé de ne pas dire qu’il rentrait chez lui. Cependant, il était possible qu’il ait changé d’avis et qu’il ait décidé d’en parler à sa colocataire ou aux autres dont il était proche.

La jeune fille avait sagement attendu une réponse, positive de préférence. En ayant son feu vert, elle s’était décidée à se préparer. Il faisait chaud ici, en permanence. Elle avait mis un short le matin-même, avec un top turquoise. Au départ, elle avait laissé ses cheveux libres mais elle les avait attachés en début d’après-midi. Elle ne souhaitait pas qu’ils volent dans tous les sens. Surtout qu’ils étaient tout de même assez longs. Comme à son habitude, elle était légèrement maquillée. Ki devait venir la chercher dans sa chambre. Il n’était jamais venu ici mais elle lui avait donné le numéro. Le jeune homme connaissait même sa colocataire. Mais celle-ci était repartie chez elle pour les vacances. Comme Ki allait le faire, sauf qu’il ne reviendrait pas à la rentrée. A cette pensée, l’Anglaise eut une petite boule au ventre. C’était exactement pour ça qu’elle ne voulait pas s’attacher depuis des années. On est heureux auprès de quelqu’un, que ce soit en amitié ou en amour, et il finit toujours par s’en aller et nous laisser avec de la tristesse et des regrets. Et quand ce n’était pas ça, c’était encore pire. C’était la trahison, ce qui faisait encore plus mal. Tout ce qu’elle voulait, c’était ne pas souffrir à cause des autres. Seulement, en arrivant à Miami, elle s’était laissé retomber dans le piège des sentiments. Elle l’avait payé plus ou moins, notamment au niveau de sa relation avec son petit-ami. Tout n’avait pas été parfait. Mais elle avait tenu bon et elle ne voulait plus se cacher derrière sa barrière. Elle voulait vivre et tant pis si ça lui faisait mal. Tout le monde le faisait, alors elle en était capable.

Elle vérifia une dernière fois ses affaires. Elle avait dit à Carter qu’elle était occupée et lui avait vaguement parlé de la fête foraine. En fait, elle avait un peu peur qu’il soit jaloux, mais elle ne faisait rien de mal. Donc elle n’aurait pas de problème, si ? Elle avait mis de l’argent dans son sac aussi. Elle avait travaillé presque toute l’année et même s’il y avait l’école à payer, la chambre, tout un tas de petites choses, elle avait réussi à en mettre de côté. Elle allait se faire plaisir, pour une fois. Elle était fin prête à partir. Il était l’heure. Justement, elle entendit toquer à la porte. Elle alla l’ouvrir, sourire aux lèvres. C’était bien celui qu’elle attendait. Il faisait presque une dizaine de centimètres de plus qu’elle, aussi elle devait toujours lever la tête pour le regarder. Elle plongea ses yeux dans ceux de Ki quelques secondes avant de les détourner. Pas que ça la mettait mal à l’aise, ce n’était pas ça. Mais même si elle arborait un joli sourire et une bonne énergie, c’était dans ses yeux qu’on pouvait voir une pointe de tristesse. Et elle ne voulait pas gâcher ce moment avec ça. Elle récupéra son sac, prête à partir.

- Bonjour Ki !