En plein dans le mille ! [Arizona]

- Je m'en sors mieux en danse que là-dedans. Ah et puis en sauvetage aussi ! Si un jour tu cool, je suis ta waterwoman!

Je laissai échapper un petit rire. Ça m’amuser de la voir galérer comme ça. Je comprenais. On ne pouvait pas forcément y arriver du premier coup, il fallait de l’entrainement, de la patience, de la passion. Et puis, on ne pouvait pas savoir tout faire.

- Chacun son talent !

Chaque personne avait un don particulier et je trouvais ça triste de ne pas découvrir ce que c’était. Personne ne peut dire qu’il ne sait rien faire, il n’a juste pas encore découvert ce pourquoi il était fait. Je décidai alors de continuer mes tirs, mais de changer de cible. Je me tournais vers elle, sourire aux lèvres.

- Tiens, j’essaie encore.

Cependant, je ne lui révélai pas l’idée que j’avais en tête. Sinon, à coup sûr, elle ne m’aurait pas laissé faire. Je me replaçai, faisant mes gestes lentement, pour être certain qu’ils soient corrects. Il y avait une grande partie de mental. En fait, quand j’étais comme ça, je préférais me vider la tête plutôt que d’être à tout prix bloqué sur ma cible. Il fallait que je nettoie mon esprit. Je visai, et heureusement pour moi qu’Arizona n’avait pas un œil expert. Sinon, elle aurait remarqué tout de suite que ma flèche n’irait pas en direction de la cible circulaire. Non, je préférais me fixer sur autre chose, puisque mes flèches ne voulaient pas aller dans le mille. Je lâchais la corde, laissant la flèche siffler et couper l’air, pour atterrir dans un … lapin. Cette fois-ci fut la bonne. Je ne ratai pas ce que j’avais entrepris. Un sourire se dessina sur mon visage et la jeune fille devait penser que j’étais un psychopathe. J’haussai les épaules avant d’aller récupérer ma flèche.

- Mais t'es un assassin ! C'est un lapin! T'as tué un lapin avec ton engin là !!! Tu comptes le manger ce soir où c'était juste pour le fun?

Là, j’avais juste envie de rire à gorge déployée mais je me retins. Ce n’était pas civilisé, je n’étais pas comme ça. Je la regardais en coin, fier de moi. Oui, vraiment, j’allais passer pour un taré.

- Je sais pas. J’ai deux colocs, faudrait peut-être que j’en tue d’autres …
Cette fois-ci, je ris de bon cœur, sans pour autant paraitre pour un détraqué mental. Son indignation me faisait rire, je n’y pouvais rien. J’allais même jusqu’à lui faire un clin d’œil. Si elle ne me détestait pas d’ici quelques secondes, c’était qu’elle n’avait aucune compassion …

- J'en reviens pas... T'as tué un pauvre petit lapin ... T'es dangereux comme mec toi.

Bon, il était temps que je lui dise quand même … Histoire de ne pas la laisser dans l’ignorance trop longtemps. Puis, je voyais bien qu’elle était choquée et cette mascarade avait assez duré. Je n’étais pas un monstre, malgré toutes les apparences.

- Comment j’aurais pu tuer quelque chose qui n’est pas vivant ? Tu me crois si mauvais que ça ? Tu es bien tendre pour une Sigma Mu … En fait, quand je suis allé récupérer mes flèches tout à l’heure, j’ai remarqué que c’était un faux, en plastique, juste pour le décor. T’inquiète pas, il finira dans aucune assiette, il est pas mangeable.

Je lui fis un sourire rassurant. C’était la vérité. J’avais remarqué aussi un écureuil dans un arbre, un sanglier dans la forêt juste à côté. Elle pouvait reprendre son souffle, même vérifier par elle-même. Je n’étais pas un assassin.

- Tu veux aller manger quelque chose et discuter ?

Il y avait un stand quelque part dans ce centre d’entrainement et je sentais que je devais m’arrêter pour éviter les courbatures demain matin. Je n’avais aucune arrière-pensée en lui faisant cette proposition.

- Hahaha, si tu veux je peux repasser plus tard? Je ne voudrais pas persister à te faire perdre tout tes moyens.

Ça me plaisait bien, elle marchait parfois dans mon jeu, même si mon intention n’était pas de la faire fuir. Non, elle pouvait rester, ou nous pouvions même aller bosser, parce qu’après tout,  c’était pour cette raison que nous étions censé nous voir à chaque fois. Je lui demandai si justement, c’était ce qu’elle voulait là. Elle ne s’était sans doute pas déplacée juste pour me voir foirer mes tirs, alors que je crois bien ne jamais lui avoir dit que mes entrainements étaient ceux de tir à l’arc.

- Oui, mais t'inquiète j'ai le temps, entraine-toi on peut bosser après, c'est pas un problème.
- Je vais pas être long de toute façon, je crois qu’il vaut mieux pas forcer pour aujourd’hui.

Je lui proposai alors d’essayer. Après tout, elle me regardait faire -et rater- depuis tout à l’heure et je sentais que même involontairement, elle devait se moquer de moi. Alors que je pratiquais depuis des années, j’étais incapable de me remettre dans le bain correctement. Je savais qu’il fallait quand même du temps, mais j’avais espéré retrouver ma forme plus vite que ça. Je lui tendis mon arc, m’assurant qu’elle le tenait bien et qu’elle ne pouvait blesser personne. Bon, il n’y avait pas la foule autour de nous, mais je ne voulais pas qu’elle me plante, moi. Instant de survie, vous voyez. Même si je devais ne pas l’avoir pour lui avoir collé mon arc entre les mains.
Déjà, je voyais qu’elle avait un peu de mal à tirer sur le fil. Soit elle n’avait pas assez de force, mais ça ne m’étonnait pas, elle n’avait pas l’habitude, soit le fil lui faisait mal et je comprenais tout à fait, je mettais des gants spéciaux pour me protéger les doigts. Toujours est-il qu’elle réussit à tirer droit. Droit, mais à peine à un mètre de distance. Je retins un rire dans ma gorge avant qu’elle ne se retourne vers moi.

- J'y arrive pas, ça fonctionne pas avec moi ! La flèche va pas aussi loin, même en tirant sur l'espèce de corde là!

Je lui souris. J’étais un peu comme elle à mes débuts. Il fallait de la patience, de la motivation, ne pas baisser les bras. Pourtant, j’avais eu envie plus d’une fois. Tellement que parfois, je me demandais pourquoi je continuais encore. Et puis après, je me disais que j’aimais ça, donc je ne me posais plus de question.

- Ça, c’est parce que t’as pas la technique ! Attends, je vais te montrer.

Je récupérai mon arme et la pris bien dans ma main. J’installai une flèche et levai l’arc à bonne hauteur. Je tirai la corde de mon bras gauche, plaçant ma main au niveau de ma joue. Il fallait que je me concentre. Puis, je lâchai la corde et la flèche fila en fendant l’air rapidement. Dans la cible, plus proche que les précédentes, mais pas encore assez à mon gout.

- Tu vois, je ne suis pas plus doué que toi aujourd’hui. Bouge pas, je reviens.

J’allai chercher mes flèches, parce qu’il ne fallait pas les laisser là, et que je n’en avais plus. Une fois toutes récupérées, y compris celle d’Arizona, je revins à côté de la jeune fille.

- Je crois que cette cible ne veut pas de moi aujourd’hui.

J’étais légèrement boudeur. Comme si j’étais capable de toucher une cible autre que celle proposée ! Ce n’était qu’une excuse en fait, et je m’en servais pour appuyer mes piètres performances.

Je sentis un regard sur moi. Je jurais qu’il n’était pas là quand j’avais commencé. J’hésitai  à me retourner. Je n’avais pas envie de voir un étranger, les yeux rivés sur moi, alors que je n’étais visiblement pas au meilleur de ma forme pour réussir mes tirs. Et si c’était quelqu’un que je connaissais ? C’était encore pire. J’entendis des pas qui s’approchaient de moi. Je me retournais au moment où l’on me parlait.

- J'y connais rien, mais t'étais pas loin, non? Il va falloir perseverer jeune homme!

C’était Arizona, une jeune fille que je ne connaissais pas beaucoup. Elle était venue me chercher pour que je lui donne des cours pendant les vacances. Je ne savais toujours pas pourquoi j’avais accepté. C’était une Sigma Mu et en plus, je n’aimais pas étudier. Mais il fallait croire que sur le coup, ça m’avait paru être une bonne idée. Surtout qu’elle était très gentille et que je n’avais aucun problème avec elle. Enfin, pas vraiment. Parce qu’à chaque fois qu’on devait travailler, on ne le faisait pas. On trouvait autre chose pour remplacer. Je crois qu’en fait, elle n’avait pas avancé dans ses cours. Je la vis déposer ses affaires près de nous. Je répondis alors à sa question.

- En fait, si, j’étais loin. J’ai l’impression d’avoir deux mains droites aujourd’hui.

Oui, parce que j’étais gaucher, donc voilà. C’était ma main droite que je ne savais pas utiliser. Mon arc était mixte d’ailleurs, je ne savais plus pourquoi je n’en avais pas choisi un spécial.

-Qu'est-ce qui t'arrives? Tu perds tes moyens? Tu devrais peut-être songer à laisser tomber ton passe-temps.

Ça sonnait comme un défi. Elle ne me disait pas ça méchamment. J’arquai un sourcil, cherchant à comprendre réellement le sens de sa remarque. Un sourire se dessina sur mes lèvres, légèrement ironique. Je voulais juste plaisanter, j’espérais qu’elle ne prenne pas ma remarque au sérieux.

- C’est parce que tu es là, donc oui, je perds tous mes moyens !

Je n’allai pas jusqu’à lui faire un clin d’œil, je ne la connaissais pas assez. C’était vrai qu’aujourd’hui, j’avais bien du mal. Je baissai mon « arme » pour éviter de la blesser -ou de me blesser- et passai ma main libre dans mes cheveux courts. Il fallait le temps que je m’y remette, mais elle n’avait peut-être pas tort, peut-être qu’il serait mieux que j’arrête. Non, je chassai cette idée de mon esprit et la fixai de mes yeux océan.

- Tu viens parce que tu veux bosser ?

En fait, ce n’était pas vraiment le moment là. J’étais occupé et pas chez moi. Sauf que je me demandais pourquoi elle s’était déplacée jusqu’ici. Elle pouvait très bien m’envoyer un message, elle avait mon numéro, ou attendre que je sois à l’appartement. Je ne me posais pas plus de question, je m’en fichais un peu. De toute façon, elle allait bien me dire pourquoi elle était là. Sauf que je n’avais pas réellement envie de me mettre dans les livres maintenant. Je sentais une légère pointe d’agacement pointer le bout de son nez en raison de mes échecs successifs. Cependant, je ne voulais pas céder à la colère comme ça. Et il me semblait que j’avais moyen de m’amuser. Je la regardai, léger sourire moqueur sur le visage, et lui tendis mon arc prudemment.

- Si tu penses que c’est si facile, tu veux essayer ?

Depuis mon arrivée à Miami, je n’avais pas encore eu le loisir de reprendre le tir à l’arc. Mon arc était rangé dans un carton, attendant bien sagement que je le sorte. Et aujourd’hui, j’en avais bien envie. J’avais fini mon dessin de la cascade, que j’ai mis dans ma chambre, avec les autres.  J’avais aussi fini celui d’Idril, la jeune fille rencontrée au parc. Mais celui-là, je l’avais accroché au-dessus de mon bureau. Depuis mon installation, j’avais eu le temps de tapisser mes murs. Enfin, ce jour-là, j’étais bien décidé à aller prendre l’air et à voir si je savais encore viser.
Je décidai d’ouvrir le carton et y prit mon arc ainsi que mes flèches, un gant de protection (ça abimait les doigts quand même !), enfin, tout ce dont j’avais besoin. Je prévins Raph et Hope que je partais. Je ne savais pas vraiment où se trouvait le camp d’entrainement, je savais juste qu’il était en périphérie de la ville. J’avais ma veste en cuir, mes chaussures de motard, je sortis donc ma belle moto de son garage privé et la démarrai. J’aimais la sentir vibrer, voir la route défiler devant moi. Je me sentais libre et je n’aurai changé ça pour rien au monde.
Je sortis de notre quartier et pris le périphérique. J’étais presque sûr qu’il y aurait des panneaux pour m’indiquer où je devais aller. J’avais raison, je ne tardai pas à voir ce qui m’intéressait. Je pris donc le chemin disponible et me retrouvai bientôt au milieu de tout plein d’arbres. Je m’arrêtai à l’entrée du camp. Il y avait un stand, où il fallait remplir des papiers pour s’inscrire et tout. J’avais cependant le droit de faire un essai, pour voir si je me plaisais ici. J’allai donc vers une sorte de prairie, où étaient installées plusieurs cibles. Oulah, depuis le temps ! Même avant mon départ, je n’avais pas vraiment eu le temps de m’entrainer. Parce que j’étais pris dans les préparatifs, les examens de fin d’année dans mon pays, tout quoi. Même si ne je travaillais pas énormément, mon planning avait été chargé, j’avais dû faire des choix. Enfin bref, maintenant, si je me plaisais là, je pouvais reprendre comme avant, voire même me donner à fond pendant les vacances scolaires.

Je m’installai dans la bonne position, mis mon gant pour éviter de me blesser aux doigts et testa juste une flèche pour essayer. Bon, je ratai ma cible, totalement. Je posai mon « arme » et m’étirai les bras. Parfois, j’avais des courbatures, et je préférais prévenir. Je n’avais pas envie d’avoir mal. Après quelques minutes d’étirement, je reprenais mon arc et mes flèches. Bon, concentration. Je fis le vide dans ma tête, comme chaque fois. J’essayais de respirer lentement. Ce n’était comme lors de compétitions, mais je voulais quand même me détendre et réussir ce que je souhaitais. Je tirai. Raté. Encore en dehors. Bon, encore une fois. Dans la périphérie, là où je ne marquais que 1 ou 2 points, sachant que le maximum était de 10 pour le milieu. Allez, une dernière. 4 points.

- Et merde !

Je ne jurais pas très souvent, mais là, c’était sorti tout seul. J’étais limite prêt à dégommer le premier qui passait pour me défouler. J’étais devenu si nul que ça ? Ça me désespérait. Ce que je ne savais pas, c’était que j’étais observé.