[Terminé] [X] Cours de boxe. Seulement ? [Dexter]

Ilyès avait voulu savoir simplement si Dexter partait en vacances. Il ne faisait aucune proposition, n’avait rien en tête, même s’il devait avouer que quelques jours loin d’ici en compagnie de son ami ne lui feraient aucune mal. Au contraire. Se changer les idées un peu. Même si dans sa vie ça allait mieux en ce moment, il n’avait pas eu l’occasion de prendre l’air, de passer du temps ailleurs. Ça ne serait pas de refus. Etre dans un autre environnement, loin de ceux qu’on connait, même s’il y a une personne qui nous rattache à notre vie à Miami. Découvrir aussi, et se reposer sans entendre les histoires étouffantes du quotidien.

-Je retourne à Atlanta voir mon père et ma petite-soeur mais je peux bien m’octroyer une ou deux semaines de vacances avec toi. Je te jure que j’ai envie de partir loin de Miami, j’ai pas envie de voir la mer. Je veux partir dans le Vermount. Ca te tenterait? Je sais que c’est pas le genre d’endroit branché et urbain mais j’ai envie de quitter la ville pendant quelque temps. Je veux juste être seul avec toi et la nature. J’arriverais peut-être à oublier Neil dans ses conditions.

Le Vermont ? Ilyès connaissait un peu, ses parents l’avaient déjà trainé pour rencontrer. des clients importants. Enfin après, tout ce qu’il avait vu, c’était la piste d’atterrissage de l’avion,  l’hôtel trop luxueux et la salle de réception qui puait l’argent sale. Ça ne lui suffisait pas pour se faire une idée. Encore moins positive. Pour le coup, ça le tentait bien. Ça le dépayserait un peu. Il en avait marre de cette ambiance de riches snobinards, comme à New-York avec ses parents ou avec tous ces fils à papa de l’école. Dexter dégagea sa main et vint plutôt l’enlacer. Ilyès avait l’impression qu’il ne voulait surtout pas le laisser partir, qu’il avait peur de se retrouver seul à nouveau. Qu’il se rassure, ça n’allait pas arriver. Il était bien contre lui, il n’y avait pas de raison pour qu’il s’en aille et qu’il ne revienne pas.

- Justement, ce n’est pas branché et urbain. C’est parfait comme destination, ça me tente beaucoup. On va s’éloigner de Miami et de tout ce qu’il y a ici, ça nous fera du bien, ça te fera du bien. Juste nous deux.

En fait, ça lui rappelait un peu quand il était parti en vacances avec Joe. Non, c’était du passé et il s’était juré de ne pas y repenser. Ça allait l’aider aussi à ne pas se focaliser sur ce qu’il s’était passé avec son ex, il allait faire de nouvelles expériences, en évitant de comparer. C’était ce qu’il lui fallait. Il se trouvait là, sur le lit de Dexter, après un moment spécial pour lui, à planifier des vacances avec un jeune homme qui  n’était qu’un ami pour lui quelques heures plus tôt. Mais il se sentait bien, il n’aurait voulu changer sa place pour rien au monde. Il sentait la fatigue envahir son corps, ses muscles. Déjà, il y avait le cours de boxe, mais pas que. Son esprit aussi était épuisé, bien que vidé, apaisé aussi. C’était ce qu’il voulait. Là, s’endormir dans les bras de quelqu’un, sentir une peau chaude contre la sienne. Savoir qu’il comptait, quelque part, dans le cœur d’une personne, même si ce n’était pas d’une manière certaine. Des vacances au calme s’annonçaient, il se sentait bien mieux que depuis ces dernières semaines, et il n’était plus seul. Que demander de plus ?

-Neil est un garçon formidable mais… Il fait partie de mon passé maintenant… qu’il a tout oublié…

Il faisait partie du passé de tout le monde désormais. C’était bien triste, mais c’était comme ça. Ilyès se demandait ce qu’il se passerait si Neil retrouvait la mémoire maintenant. Déjà, sa réaction en apprenant que Dexter « se consolait » dans les bras d’un autre. Et surtout, est-ce que le boxeur retournerait avec son ex petit-ami ? A vrai dire, Ilyès pensait que Dexter n’avait pas totalement tourné la page et oublié Neil. Il fallait du temps pour ça, et trop peu était passé depuis l’accident. Il en avait marre de se poser toujours plein de questions, sur le passé, sur le futur. Au pire, qu’est-ce que ça changerait ? Il n’avait pas les réponses, alors autant vivre en attendant ! Il embrassa Dexter, mais il vit bien que la tristesse de parler de Neil était encore là. Il enchaina avant que son camarade ne puisse lui répondre. Ce qu’il affirma le réconforta un peu. Il ne se cachait pas non plus. En fait, il ne se cachait qu’aux yeux de sa famille. Son père et sa sœur. D’après ses dires, même, il n’avait pas à craindre leurs réactions. Seulement, il appréhendait tout de même, ce qui était normal. Ce qui le rassura le plus était le fait qu’il veuille se montrer en couple avec lui, qu’il ne veuille pas rester au stade « amis ». Cette fois-ci, ce fut lui qui l’embrassa, langoureusement. Mais ce n’était pas le moment des embrassades, bien celui des discussions.

Dexter lui expliqua alors un peu sa famille. Oui, Ilyès avait entendu parler de sa sœur. Mais pour tout le reste, il ne savait pas. Il écouta en silence ce que son camarade avait à lui dire. Et pourtant, il avait bien envie de dire quelque chose, de faire quelque chose. Parce que ce qu’il entendait le révoltait. Ce qu’avait vécu Dexter était bien pire que tout ce qu’il aurait pu imaginer. Les parents d’Ilyès ne s’étaient jamais occupé de lui, mais au moins, aucun ne l’avait frappé, aucun n’était mort sous les coups de l’autre. C’était horrible. Dexter avait eu le courage de fuir. Ilyès compris qu’il préférait ne pas en parler plus et il respectait ça. Il jeta un rapide coup d’œil au ventre de son ami, comme pour vérifier : les cicatrices étaient bien là.

Pendant un long moment, il ne prononça aucun mot, parce qu’il n’y avait rien à dire. Il se contentait de jouer avec les cheveux de Dexter d’une main, et de serrer de l’autre une de celle du deuxième Rho Kappa. C’était étrange pour lui, il avait plutôt l’habitude de parler tout le temps, même pour dire n’importe quoi. Mais là, l’instant était sérieux et il ne voulait pas tout gâcher. Ce n’était pas un silence pesant, ni gênant. Pourtant, au bout d’un moment, il ouvrit la bouche à nouveau.

- Tu fais quelque chose pour les vacances ?

Simple curiosité. Il n’avait rien à lui proposer, il ne voulait pas le forcer à passer quelques jours quelque part avec lui. Il voulait juste savoir. Lui, il n’avait rien prévu. Même pas rentrer chez lui, il n’avait pas envie de subir les reproches de ses parents. Mais si l’occasion se présentait de se rendre à New-York, il ne dirait sans doute pas non. Ça lui était égal. Il déposa un baiser sur le front de Dexter, attendant sagement une réponse quelconque.

Les confidences étaient lancées et il ne semblait pas y avoir de barrières. Dexter répondit honnêtement à sa question. Il avait toujours su, mais il ne se l’était jamais avoué, jusqu’à Neil. Ilyès en déduisit que c’était le seul homme qu’il avait connu réellement dans sa vie, avant lui. Était-ce pareil le concernant ? L’avait-il toujours su sans le voir ? Il n’avait aucun souvenir d’avoir été attiré par un autre homme avant, de les avoir regardés comme il regardait les filles. Il ne put s’empêcher de le comparer à Joe quand il lui dit qu’il n’assumait tout d’abord pas, qu’il pensait que l’homosexualité n’était pas chose normale. Tout le long de ce qu’il disait, Dexter continuait à passer ses mains sur le corps d’Ilyès, jusqu’à sa hanche. Ilyès sentit une pression de sa main mais pas assez forte pour qu’il en ressente une quelconque douleur. Pour lui, c’était aussi le signe que son camarade n’évoquait pas quelque chose de facile. Puisqu’il avait été honnête, Ilyès décida de l’être aussi.

- Tu sais, à New-York, à un moment, j’étais vraiment mal. Je pensais pas que je me sentirais bien à nouveau un jour. C’est là que j’ai rencontré un adolescent, d’à peu près mon âge. C’était Neil. Il m’a montré que la vie pouvait être prise du bon côté. Il m’a appris à me défouler avec le sport, et à être tolérant, parce que lui il a toujours su qu’il était gay. Mes parents ne l’ont jamais vu, même s’ils savaient qu’il y avait quelqu’un pour m’aider.

S’il lui disait ça, c’était parce que dans un sens, il avait l’impression de trahir son ami. Neil ne se souvenait pas d’aimer Dexter mais quand sa mémoire lui reviendrait, comment allait-il réagir ? Ilyès ne se posa pas plus de question, son ami continua dans ses confessions, le regardant à présent. Il lui avoua qu’il n’assumait pas. Que sa famille n’était au courant de rien. Ça, en soit, ça ne dérangeait pas Ilyès. Chacun faisait les choses à sa manière et s’il ne voulait rien révéler pour le moment à sa famille, ce n’était pas important. Mais l’une de ses phrases choqua l’apprenti boxeur. Je me suis tellement fait tabasser par mon beau-père quand j’étais gamin. Parce qu’il n’était pas exactement comme tous les autres petits garçons. C’était inadmissible, intolérable. Il avait du mal à imaginer quelqu’un lever la main sur Dexter. Il sentit la colère monter en lui. Il avait été tabassé à cause de ça lui aussi. Mais une fois. Une seule toute petite fois. Ce n’était pas régulier, ce n’était par quelqu’un que l’on devait aimer. C’était des inconnus, qui avaient juste trop bu. Ce qu’avait vécu Dexter était pire que tout.
Il faillit se relever brusquement mais il se retint, parce que son amant était contre lui et qu’il semblait fragile à cet instant. Il déposa ses lèvres sur les siennes, doucement, avant de lui répondre.

- Ma famille ne sait rien non plus. Je n’ai rien dit à mes parents quand j’ai eu mon accident, seulement que j’avais eu un problème. Ils n’ont pas su que je suis sorti avec un homme, ils n’ont pas su quand je me suis retrouvé à nouveau seul, ni que j’ai replongé avec les mêmes démons qu’à New-York. Ils ne savent pas que je serai encore en Senior l’année prochaine. Ils en ont rien à faire, parce que ce sont mes parents et qu’il en a toujours été ainsi. Je connais pas ta famille, mais ils ne te rejetteront peut-être pas. Et si ça ne leur plait pas, que ce soit maintenant, dans quelques mois, ou dans quelques années, ça ne changera rien. Tu ne veux pas essayer ? C'est horrible pour ton beau-père et je doute que lui l'accepte. S'il ose encore tu faire du mal, tu m'en parles ?

Il ne savait pas s'il pouvait y faire quelque chose. Mais il voulait savoir. Il ne voulait le forcer en rien, juste comprendre un peu, parce qu’il n’avait pas le même point de vue. Si ses parents posaient des questions, ils n’auraient aucune mal à y répondre. Il ne leur mentait pas, il ne disait juste pas ce qu’il se passait dans sa vie. C’était omettre, pas remplacer.

- Se cacher, mentir, pour moi, ce n’est pas ce qu’il faut. J’ai l’impression de jouer un rôle, un autre que je ne suis pas. Je n’aime pas ça. Mais je suis patient et si tu ne veux pas te montrer avec moi, je comprendrais. Si tu veux qu’on reste seulement amis, je …

Comprendrais ? Sans doute aussi. Mais ça ne lui plairait pas. Parce qu’il aimait trop la présence de Dexter contre lui pour que ça reste un simple ami. Pour le moment, il avait plus d’importance que ça à ses yeux. Et s’il pouvait offrir un peu de bonheur au boxeur, ne fut-ce que quelques temps, il n’avait aucune raison d’hésiter.

Le geste d’Ilyès eut l’effet escompté. Dexter recommença ses mouvements. Son camarade sentait de moins en moins la douleur, mais le bien-être l’envahir. Les mains du boxeur se baladaient sur sa peau, il aimait ce contact. Il en raffolait et il se demandait comment il avait pu ne pas le vouloir avant. C’était juste magique. Cette sensation d’harmonie, d’osmose. Ce moment lui prouvait quelque chose de très important. Qu’il ne savait pas avant, qu’il n’avait pas imaginé jusqu’à il y avait quelques mois, qu’il n’avait pas vérifié. Il en était désormais certain. Il aimait les hommes. Il aimait être avec Dexter. Et il aimait le moment qu’il passait avec lui. Il ne savait pas s’il aimait encore les femmes, mais ce qu’il pouvait dire, c’était qu’il n’était pas hétéro. Savoir ça le libérait d’un poids et libérait son esprit.
Après quelques temps de ce manège, les vas-et-viens de Dexter se firent plus intenses et Ilyès laissa échapper plusieurs gémissements d’entre ses lèvres. Bientôt, son camarade fit un mouvement plus puissant que les autres, ce qui lui arracha une légère grimace. Dexter finit par se laisser tomber à côté de lui, faisant vagabonder ses doigts sur son torse. Ils étaient tous les deux à nouveau en sueur. Leur douche n’avait, en gros, servi à rien. Hormis à les rapprocher. Le garçon reprenait son souffle et ses esprits quand son amant commença le temps des discussions.

-Ilyès, dis-moi… Je vais te demander quelque chose d’un peu polémique mais… Est-ce que tu aimes vraiment les hommes ou tu aimes les femmes? Ou… Tu aimes les deux? Je suis curieux, je sais mais… Je veux savoir. Quand on sait une chose, on l’accepte mieux… Enfin, moi, c’est comme ça que j’ai réussi à accepter que j’étais homo. En tout cas, une chose ne changera pas : tu es vraiment mignon!

Il vint l’embrasser avant de poser sa tête sur son torse et de prendre sa main dans la sienne. Ilyès ne savait pas réellement quoi répondre. Il avait envie d’être honnête avec Dexter, mais il n’était même pas sûr de l’être avec lui-même. Comment pouvait-il être certain qu’il ne se trompait pas ? Il ne savait pas, mais il répondit sans détour.

- Je vais pas te mentir, je sais pas. En arrivant ici, je pensais aimer les femmes. Et il y a eu Joe. Ça a complètement changé ma vision des choses. Sauf qu’avant aujourd’hui, je savais pas encore si j’aimais réellement les hommes ou si c’était que lui.

Il marqua une petite pause, passant une de ses mains dans les cheveux de son compagnon, doucement.

- Je crois que j’aime aussi les hommes. Mais je suis un peu perdu à vrai dire. Je pense qu’il faut encore un peu de temps pour que tout soit clair dans ma tête. Comment tu as … su, toi ?

Accepter, c’était autre chose, et Ilyès n’allait pas avoir de problème à ce sujet-là. Il avait toujours été ouvert d’esprit et lorsqu’on l’avait aidé, à New-York, c’était un homosexuel. Il n’était donc pas homophobe et il savait que ce n’était pas une tare que d’aimer quelqu’un du même sexe. Surtout qu’en plus, celui qui lui avait tendu la main était Neil … Il ne savait pas si Dexter était au courant de ce détail de son passé. Il ne savait pas réellement si c’était une bonne idée d’en parler. Déjà, il avait fait une légère bourde quelques secondes plus tôt, en prononçant le nom de Joe. Personne n’était censé être au courant pour eux deux parce que l’ainé des Williams ne voulait pas que ça se sache. A son retour à New-York, Ilyès n’avait pas non plus parlé de ça, surtout qu’il était parti en déprime. A croire que c’était une sale habitude chez lui. Ça non plus, il ne savait pas si le boxeur était au courant. De sa mauvaise passe, après la mort de sa meilleure amie. Il s’était senti souvent tellement seul et détruit qu’il n’avait pas envie que ça recommence. Et si Dexter ne voulait finalement pas de lui ? S’il n’avait suivi qu’une pulsion passagère et qu’après, il ferait comme s’il n’y avait rien eu ? C’était inconcevable pour lui. Il se crispa légèrement, voulant le serrer contre lui pour ne pas le laisser s’échapper mais se retint de le faire.
Il avait terriblement envie de lui dire de ne pas le laisser, de ne jamais l’abandonner, mais il n’osa pas. Il garda le silence, contemplant seulement le garçon qui se tenait contre lui.

Ilyès n’avait pas vraiment pu cacher sa douleur. Il était très mauvais menteur et de toute façon, Dexter était assez proche de lui pour savoir réellement ce qu’il éprouvait. Il lui demanda même si ça allait. Le jeune homme lui répondit que oui, plus ou moins, même si on pouvait sentir qu’il avait mal. D’ailleurs, son camarade le lui fit remarquer.

-Ilyès, ne me mens pas. Ca te fais plus mal que tu ne veux bien l’admettre, hein? Si tu veux, on peut échanger nos positions. Je ne veux pas te voir souffrir comme ça et je suis habitué alors on peut faire ça…

On pouvait sentir sa tristesse dans sa voix. Ça faisait mal au cœur au garçon d’entendre ça. Bien sûr qu’il avait connu mieux et qu’il souffrait sans doute un peu plus qu’il ne le disait. Dans un premier temps, il ne répondit pas, réfléchissant à ce qu’il voulait vraiment. Dexter arrêta ses mouvements et se colla contre lui. Ses lèvres et ses mains parcouraient le corps d’Ilyès et ces dernières descendirent une nouvelle fois, passant partout là où elles pouvaient. Elles avaient le don de le rassurer, en même temps que de le faire frissonner.
Ilyès savait ce qu’il voulait, il était sûr. Là, maintenant, il voulait Dexter. Et sa douleur passait au second plan. Déjà, il se sentait mieux, sous les mains et les baisers de son amant. Il profita d’un moment où leurs lèvres n’étaient pas soudées pour lui répondre.

- T’en fais pas, ça ira. Je veux partager ça avec toi, d’accord ? Si vraiment ça va pas, je te le dis, c’est promis.

S’il le voulait, il pouvait recommencer ses vas-et-viens, Ilyès s’était quelque peu habitué à sa présence en lui et il se sentait prêt. Malgré la douleur, il sentait toujours son désir, et celui de son camarade aussi. Ça faisait déjà longtemps qu’il se posait des questions sur sa sexualité. Avant d’arriver ici, il se pensait totalement hétéro. Assez sentimental, il avait aimé plus d’une fille, réellement. Mais ce qu’il s’était passé avec l’ainé des Williams avait changé sa vision des choses. Là, le problème était de savoir si ce n’était qu’un passage de sa vie, si son meilleur était le seul homme qu’il aimerait. Ou s’il en aimerait d’autres par la suite. Et dans ce dernier cas, était-il bi ou gay ? C’était tout un tas de questions dont les réponses n’étaient pas évidentes. Dexter était-il un moyen de savoir ? Sans doute un peu, mais Ilyès ne le considérait pas comme tel. Pour lui, c’était différent, même s’il ne savait pas encore en quoi.
Ce moment inattendu avait quand même quelque chose de très doux. Surtout, Dexter faisait très attention à son ami. Ça lui faisait du bien, de savoir qu’on se préoccupait quand même de ce qu’il ressentait. Il n’avait plus l’habitude, il avait vécu une période de solitude, et c’était lui qui préférait prendre soin des autres. La seule qui était venue le voir pour lui remonter le moral était Inaya, une jolie asiatique. Qui était quand même assez bizarre, très câlin et très gentille. Trop, avec une idée derrière la tête. Mais Ilyès était bien trop naïf pour le voir. Si la jeune fille savait ce qu’il était en train de faire !

Il s’en voulait un peu d’être si passif et de faire culpabiliser son camarade à cause de la douleur qu’il lui causait. Surtout que désormais, ça allait mieux. Ils continuèrent de s’embrasser, toujours dirigés par la même envie. Ilyès plaça ses mains sur les hanches du boxeur, pour l’inciter à continuer ses mouvements. Vraiment, si ça n’allait pas, il le dirait. Mais ça allait et il n’avait pas envie d’attendre plus, il avait envie de Dexter. C’était aussi simple que ça.

A son tour, Dexter laissa échapper quelques gémissements, qui confortèrent Ilyès dans l’idée qu’il n’avait plus à être aussi hésitant. Si proches l’un de l’autre, on aurait presque cru qu’il était impossible de les coller encore plus. Cependant, Dexter se détacha de son ami, pour finir le travail que celui-ci avait commencé, et se mettre entièrement à nu. Dans ses yeux, on pouvait lire autant d’envie qu’Ilyès. Tous deux attendaient la même chose, même si c’était avec plus d’anxiété de la part de l’apprenti-boxeur. Son camarade, quant à lui, était tellement pressé qu’il avait du mal à ouvrir l’emballage qu’il avait posé sur le lit quelques minutes plus tôt. Il aurait bien ri en voyant ça, si le moment n’avait pas été aussi sérieux, dans un sens. Il était même prêt à l’aider quand il vit que son ami réussi enfin. Le moment était venu. Ilyès l’observa enfiler le préservatif et sentit un peu d’appréhension. Les lèvres de Dexter se posèrent dans son cou plusieurs fois et il se détendit quelque peu.
C’est à ce moment qu’il le sentit entrer un lui. Il s’était préparé pourtant, mentalement. Déjà quand il était avec Joe, il y avait pensé plus d’une fois. Et là, ça faisait déjà quelques minutes qu’il était en très bonne compagnie. Pourtant, il n’aurait jamais pensé à ça. Il retint un gémissement, mais de douleur cette-fois. Il fit une légère grimace cependant, pas trop marquée, mais assez visible. C’était normal après tout, d’avoir mal. Il le savait. Mais il ne voulait pas regretter, surtout pas. Dexter l’embrassa à nouveau. Il ne voulait pas le brusquer.

-Ca va, je ne te fais pas mal? Tu me le dis si je te fais mal, hein?

Si, bien sûr qu’il avait mal. Mais pour le moment, ça restait supportable. Il avait connu pire, il pensait. Si Dexter savait … Mais ce n’était quand même pas super comme sensation. Il serra un peu les dents et essaya de se détendre un peu plus.

- C’est pas très … agréable. Mais ça va.

Ça ne pouvait qu’aller mieux maintenant, non ? Son ami passa ses mains sur son torse et les arrêta finalement à ses hanches. Il s’approcha de lui pour lui dire autre chose.

-Tu sais, tu es le plus adorable et le plus mignon des gars du lycée.

Un sourire marquait son visage. Ilyès ne put s’empêcher d’étirer ses lèvres aussi. Ah bon, il était adorable ? Tant mieux alors. Visiblement, ça lui avait bien servi jusque-là. Autant en profiter ! Le jeune homme récupérer les lèvres de son camarade -son amant à présent- et vint jouer tendrement avec sa langue avant de lui répondre.

- Tu sais, tu n’es pas mal dans ton genre non plus …

Ilyès ne lui collait pas de « genre »particulier, c’était une façon de parler, mais il pensait vraiment ce qu’il disait. Il avait toujours trouvé que Dexter était beau, même s’il ne s’y était jamais intéressé plus que ça. Pas consciemment en tous les cas. Parce que ces derniers temps, il fallait bien admettre que le jeune homme lui plaisait. Il se demandait aussi depuis combien de temps son ami considérait sa présence de manière différente. Comme quoi, il y avait toujours tout un tas de sentiments dont on ne soupçonnait pas l’existence.
Le Rho Kappa commença des vas-et-viens, doucement, pour ne pas faire souffrir Ilyès. Pour lui laisser le temps de s’habituer à lui. Ça lui faisait toujours mal, mais il ne retenait de trop le faire voir. Parce que c’était normal et parce que ce n’était pas non plus la fin du monde. Ce n’était qu’un moment à passer. Il fallait juste un peu de temps pour que ça aille mieux. Mais combien exactement ?
Au bout de quelques minutes, Ilyès attira le visage de son ami vers le sien pour l’embrasser. Et aussi pour le rassurer, pour lui dire que ça allait. Peut-être pas à merveille, mais assez bien quand même. Il ne fallait pas qu’il s’inquiète pour le moment. C’était aussi un -petit- encouragement à continuer. Il jouait avec les lèvres de son camarade pour se laisser aller un peu plus. Pour, dans un sens, se rassurer aussi, parce qu’il avait tout de même un peu peur. C’était humain après tout.

Ilyès aimait beaucoup ce moment avec Dexter. Même s’il ne faisait pas grand-chose, il arrivait à faire comprendre qu’il voulait que ça continue. Aussi qu’il n’osait pas vraiment, même s’il aurait bien aimé être un peu plus actif, moins « figurant » dans l’histoire. Il ne savait pas comment s’y prendre et c’était bien ça le problème. Il avait peur que Dexter pense qu’il ne voulait pas de lui, qu’il s’en fichait, qu’il préférait s’en aller. Mais c’était loin d’être le cas. C’était ce qu’il l’avait poussé à passer ses mains sur le pantalon de son camarade, sans oser toutefois le retirer lui-même. Le jeune homme d’ailleurs cessa de l’embrasser et s’éloigna de lui. Ilyès suivit ses gestes du regard, se demandant bien ce qu’il allait faire. Il se dirigea vers sa table de chevet, à côté de son lit, et en sortit un petit emballage bien connu de la plupart des élèves de cette école. Un sourire radieux sur le visage, il le posa sur le lit et enleva son pantalon, en gardant son sous-vêtement. Il se réinstalla au-dessus du corps d’Ilyès et vint de nouveau jouer avec ses lèvres. Sauf qu’il ne se contenta pas de ça.

Il fallait bien quand même qu’à un moment, Ilyès fasse quelque chose. Et Dexter décida de l’y aider, en prenant sa main et en allant la mettre dans son caleçon, à la rencontre de son sexe tendu. Ça le surprit légèrement, mais c’était ce qu’il lui fallait pour l’encourager, pour le pousser un peu. Son ami lui tenait le bras, pour ne pas qu’il enlève sa main, mais il en avait nullement l’intention. Il se colla aussi à lui et ses doigts se faufilèrent dans la tignasse brune d’Ilyès.
Le garçon voulait rester sous les baisers de Dexter une éternité. Il ne voulait pas quitter ses lèvres, ni quitter ses yeux, encore moins quitter son corps. Il ne voulait pas le quitter lui, purement et simplement. Il sentait son cœur battre contre lui, il répondait à son baiser ardent. En même temps, il caressait le sexe de Dexter, toujours sous sa main. Là, maintenant, il avait envie de plus. Ça ne pouvait pas s’arrêter là, ça ne devait pas s’arrêter là. Il ne voulait quand même pas trop brusquer les choses, même s’il savait qu’il était maladroit, ou qu’il allait l’être. A regret -sans doute plus de son partenaire que de lui-même- il retira sa main du boxer. Mais ce geste n’avait qu’un but : retirer ce sous-vêtement qui était le seul survivant jusqu’ici et qui était devenu une gêne. Il le fit glisser le long des hanches du Rho Kappa, profitant au passage pour passer ses mains sur sa peau nue et douce. Il ne tarda pourtant pas à venir caresser de nouveau la virilité de son camarade, faisant passer sa deuxième main sur une des fesses du boxeur.

A ce moment, il suivait un peu plus ses pulsions, se collant lui aussi au deuxième homme. Il ne savait pas encore comment gérer ce désir qu’il ne connaissait pas vraiment, qui le rongeait presque, puissant. C’était très différent de ce qu’il avait vécu avec les femmes et pourtant, il n’avait pas du tout envie de reculer. Après tout ce temps passé à broyer du noir, à ne plus savoir quoi faire, à se dire qu’il ferait mieux de retourner à New-York, il avait totalement oublié ce qu’il l’avait empêché de sourire. Pour Dexter, il avait envie de sourire, envie d’être heureux, de le rendre heureux aussi. Parce que ces derniers temps, il le savait, ce n’était pas la joie. Sauf que pour Ilyès, il méritait de retrouver un sourire et une vie ensoleillée.
Il se fit un peu pressant dans ses gestes. Il n’était pas impatient, c’était juste qu’il était maladroit et qu’il avait du mal à gérer toutes les émotions qui l’envahissaient en même temps. C’était un peu bête de sa part. Mais au moins, au vu des gestes de Dexter, il savait que son envie était partagée.

A nouveau, Dexter fit courir ses lèvres sur le corps d’Ilyès, empruntant le même chemin, descendant de plus en plus bas. Ce qui, évidemment, attisa le désir du jeune homme. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas retrouvé dans le lit de quelqu’un, trop occupé à voir la vie en noir, et que ce soit un homme ce soir-là ne le dérangeait nullement. Au contraire, ça avait tellement bien commencé, et la suite promettait d’être meilleure, qu’il n’avait aucun problème à se dire que la personne en face de lui était du même sexe.

Arrivé vers son bas-ventre, Dexter ne s’arrêta pas cette fois-ci, remarquant qu’Ilyès avait enlevé ce qui pouvait potentiellement les gêner. Il l’embrassa à un endroit un peu plus intime, ce qui le fit frémir. Mais bientôt, il sentit les lèvres de Dexter prendre possession de son sexe. Un peu -mais agréablement- surpris, il mit légèrement la tête en arrière. Il avait envie de passer une main dans les cheveux de son compagnon mais il ne le fit pas. Il se contenta de laisser échapper un râle de plaisir. Le jeune homme ne savait pas si son ami avait l’habitude et il ne se posa même pas la question à vrai dire.

Après quelques minutes pourtant, le garçon quitta le bas de son corps pour remonter vers son visage et s’allonger à côté de lui. Encore une fois, il fit courir ses doigts un peu partout. Ilyès appréciait énormément ce contact. Ainsi, il se sentait désiré, peut-être un peu aimé aussi. Ça faisait longtemps qu’il ne s’était pas senti comme ça, si bien, ça lui avait manqué.

-Ca te plais, ce que te fais? J’expérimente des nouveaux trucs, je veux te laisser les meilleurs souvenirs possible.

Tandis qu’il parlait, il descendait sa main, pour aller caresser le sexe d’Ilyès. Ce qui lui fit beaucoup d’effet, évidemment. Comment ça pourrait ne pas lui plaire ? C’était sûr, Dexter savait ce qu’il voulait, et le faisait bien comprendre. Il savait ce qu’il faisait aussi, même s’il avait visiblement peur que ça ne plaise pas. Ilyès ne répondit pas à sa question. Enfin, pas oralement. Il préféra plonger ses yeux dans ceux du deuxième Rho Kappa et l’embrassa encore une fois, trouvant que décidément, le gout des lèvres du jeune homme lui manquait. C’était inexplicable. Quelques heures auparavant, il n’aurait jamais pensé être aussi proche de Dexter. Pas de cette façon. Il aurait dû se sentir un peu coupable. Parce que jusqu’à il n’y a pas très longtemps, le boxeur était en couple et heureux. Avec un des amis d’Ilyès, Neil. Ce n’était pas comme une trahison mais il y avait quand même un petit problème. Qui ne vint pas du tout à l’esprit du jeune homme.

Il passait un très bon moment et il ne voulait pas que ça s’arrête. Mais voilà, il ne savait pas comment s’y prendre. Il avait eu plus d’une aventure avec des femmes, mais il n’avait jamais rien fait avec un homme. Alors même si son ami le rassurait, il n’osait rien faire. Il en était un peu gêné, parce que pour lui, il ne servait à rien. Et puis, il ne voulait surtout pas couper ce que Dexter lui faisait, il ne voulait pas arrêter son geste en faisant quelque chose. C’était bête, il le savait. Il était comme un gamin lors de sa première balade à vélo. Excité de pouvoir pédaler tout seul, de pouvoir découvrir le monde. Mais prêt à se casses la tronche à chaque virage. Sauf qu’il n’était plus un enfant ! Normalement, il aurait dû avoir son équilibre, savoir qu’il ne tomberait pas si facilement de son vélo.
Il fit quand même courir ses mains sur le pantalon de Dexter, tout en continuant de jouer avec sa langue, pour lui faire comprendre que ce serait quand même beaucoup plus pratique s’il ne le portait plus. Oui, il ne perdait quand même pas le nord, le petit Ilyès.

Au début, Dexter ne dit rien en attendant son « aveu » informulé. En même temps, que pouvait-il bien dire ? Ilyès se sentait honteux quand même, c’était pour ça qu’il avait baissé la tête. Son camarade lui prit la main et l’entraina sur le lit. Il avait ce truc pour le réconforter, pour le faire se sentir mieux. Ilyès le regarda dans les yeux.

-Tu n’as jamais couché avec un homme, c’est ça? Tu as déjà couché avec une femme? Tu sais, tu n’as pas vraiment à réfléchir, il faut juste te laisser aller. Tu voudrais qu’on en parle un peu avant de le faire ou… Enfin, tu sais, il n’y a pas qu’une seule position pour faire l’amour quand tu le fais avec une personne du sexe différent… Pour les gays, c’est pareil. Euh… Je ne sais pas quoi te dire d’autre… Et si on arrêtait de se poser des questions et qu’on se laissait aller?

Un peu plus, et il allait sentir le rouge lui monter aux joues. C’était ... bizarre de parler de ça, surtout avec un autre mec de sa confrérie. Vraiment, ça le mettait légèrement mal à l’aise mais plus que tout, ça le déstabilisait. Heureusement que le jeune homme était là pour le mettre en confiance, sinon, il n’osait même pas y penser ! Celui-ci retira d’ailleurs leurs deux t-shirts, et vient l’embrasser de nouveau. Ilyès se laissa faire, profitant de ce contact qu’il n’aurait jamais pensé autant apprécier. Il sentit sa main parcourir son dos pour finir sa course dans son pantalon. Là, ça devenait chaud ! Il aimait de plus en plus sentir Dexter parcourir son corps. Comme à cet instant, où il déposait ses lèvres un peu partout, descendant de plus en plus bas, changeant leurs positions aussi. Ilyès ferma les yeux, sentant le désir l’envahir. Il sentit aussi son pantalon être baissé vers le bas, ainsi que son boxer. Mais pas totalement. Et puis, il rouvrit les yeux et croisa ceux du deuxième Rho Kappa. Etait-ce de l’inquiétude sur son visage ?

-Ca va? Je ne vais pas trop vite? Je ne veux pas te faire peur, je ne veux pas te brusquer, tu sais. Tu me le dis si quelque chose ne va pas.

Il l’embrassa encore et entrelaça ses doigts aux siens. Cette proximité lui donnait chaud. Non, tout allait très bien pour lui, vraiment. Il était même presque déçu que Dexter se soit arrêté pour lui poser la question. Il lui sourit et le dévora de ses yeux brillants.

- Tout va bien, je ne compte pas m’en aller en courant, ne t’en fais pas …

Il récupéra ses lèvres avec avidité, l’incitant à continuer. Il passa ses mains un peu partout sur le torse de son ami, comme pour vérifier qu’il était bien là, bien réel. Il arriva rapidement bien plus bas, là où les choses devenaient intéressantes. Il déboutonna le pantalon de son compagnon et baissa un peu plus le sien. Il se sentait prêt à aller beaucoup plus loin, même s’il était encore un peu anxieux. Son angoisse disparaissait cependant à mesure qu’il sentait Dexter contre lui, que leurs lèvres se trouvaient. Ses craintes s’envolaient. C’était un instant que l’on pouvait qualifier de « magique » pour lui. De nouveau, d’incroyablement excitant, sans doute d’inoubliable aussi.

Ilyès n'avait pas réellement réfléchi, il avait suivi une force invisible, son envie du moment. Parce que oui, il ne s'en été pas aperçut avant, mais Dexter lui plaisait beaucoup. Il avait cette force en lui, surtout lorsqu'il faisait de la boxe. Mais en même temps, il avait une certaine manière de ne pas le brusquer, d'être tout de même doux et agréable à vivre. Il aimait sa présence et il ne s'était pas aperçut plus tôt d'à quel point c'était le cas. Ce baiser lui avait ouvert les yeux, montré à quel point il tenait à son camarade de confrérie. C'était principalement ce qui l'avait poussé à le rejoindre dans la cabine de douche. C'était ce qu'il l'avait poussé à retrouver un contact, ce contact qui l'avait tant surpris mais lui tellement plu.
Dexter ne bougea pas, comme Ilyès quelques instants plus tôt. Il finit quand même par lui attraper l'épaule et par positionner sa main dans le bas de son dos. Après sa remarque tout à fait débile, il fut attiré contre la paroi par son ami qui en profita bien largement. D'ailleurs, il pleurait. Mais il n'avait plus l'air triste du tout, donc Ilyès ne fit aucune remarque. Même s'il aurait bien aimé connaître la raison de ses larmes. Ce fut au tour de Dexter de se détacher de lui.


-Ilyès, j’aimerais vraiment que tu restes dormir avec moi cette nuit… On pourrait peut-être faire… Des trucs…

Il sourit, mourant d'envie de lui répondre quelque chose d'idiot, comme il le faisait souvent. Son humour était assez spécial et parfois gamin. Il était vrai que ces derniers temps, il ne l'avait pas beaucoup utilisé, un peu dans une période de déprime. Il n'aimait pas ça et il était heureux de pouvoir enfin sortir ses âneries. A espérer que ça n'énerve pas son camarade, il ne savait pas encore s'il était sensible à ce genre de blague. D'ailleurs, ça l'avait toujours étonné, Joe était réceptif à ses boutades. Mais Joe faisait partie du passé maintenant. Autant se concentrer sur le présent, qui était beaucoup plus intéressant, il fallait bien l'avouer …

- Je sais pas jouer au poker …

Dexter posa ses lèvres dans le cou d'Ilyès, descendit dans ses épaules, puis plus bas, sur son torse. Un long frisson lui parcourut l'échine. Il ne dit rien, il avait bien saisit le genre de « trucs » que lui proposait le Rho Kappa. Et même si ça lui faisait un peu peur, la suite, il ne dit rien. Il se contenta de se laisser faire avec délectation. Les yeux de Dexter plongèrent dans les siens et un sourie éclaira son visage.

-Allez, il faudrait qu’on soit sérieux et qu’on arrête de s’embrasser dans les douches. J’ai pas envie que la Voice lance des rumeurs sur toi. Tout le monde sait que je suis gay mais je ne veux pas que quelqu’un puisse ruiner ta réputation.

Aha, Ilyès, sérieux ? La blague ! Même s'il ne plaisantait pas tout le temps, il n'était pas d'un sérieux extrême au quotidien. Sauf que là, il comprit que ça l'était. Il s'en fichait de la Voice remarque. Ce n'était qu'une langue de vipère. Il n'avait aucune réputation à garder, il faisait ce qu'il voulait de sa vie. Et si ça ne plaisait pas, tant pis. Lui, il n'avait aucun problème à se montrer en public. Ce qui clochait, c'était les autres, intolérants à toute forme de différence. Les deux jeunes hommes se lavèrent sagement, bien qu’Ilyès en profita pour laisser trainer ses yeux. En toute innocence, parole de scout ! Enfin, ils finirent par sortir et il put récupérer ses affaires et se rhabiller un peu. Et s’ils croisaient du monde dans le couloir ? Que penserait-on, vu qu’il ne venait jamais ici ? Après tout, il s’en fichait du regard des autres. Il avait bien le droit de passer un moment avec un ami, non ? Après, ce qu’ils faisaient ne regardaient qu’eux.
Le jeune homme suivit Dexter sans rien dire, encore un peu étourdi de ce qu’il se passait. Jamais il n’aurait parié sur leur rapprochement mais il n’aurait changé cet instant pour rien au monde. Il avait été mal pendant longtemps, bien trop pour laisser échapper le bonheur qui venait de se glisser dans sa vie. Pas question de le laisser filer, pas question de tout gâcher.

Quand la porte se referma sur eux, Ilyès se retourna vers Dexter, sourire aux lèvres. Il laissa tomber ses affaires et s’avança vers lui, les yeux rivés sur ceux de son ami. Dans son regard, on pouvait voir bien des choses …

- Alors … on en était où ?

Ce n’était pas vraiment une question qui attendait une réponse. Sans en espérer d’ailleurs, il passa ses mains sur le torse du boxeur et l’embrassa à nouveau, sans retenue et sans aucune gêne. Ça ne lui faisait pas bizarre, pas pour le moment. Peut-être plus tard. Pour le moment, il avait bien d’autres choses en tête. D’ailleurs, partis comme ils l’étaient, il y allait avoir un problème. Il finit par se dégager, un peu gêné, et baissa la tête.

- J’ai … jamais …

Il ne finit pas sa phrase, mais c’était quand même compréhensible. Oui, il n’avait jamais rien fait avec Joe, ni avec aucun homme. C’était donc quand même assez délicat. Il espérait que Dexter comprendrait et que tout se passerait … bien.

Quand Ilyès s'assit à terre, Dexter s'accroupit près de lui et leurs regards s'accrochèrent. Le jeune homme appréciait son camarade. Il avait une présence plutôt réconfortante. Il ne parvenait pas réellement à décrire à vrai dire. Et puis, il avait été là, avait accepté d'aider Ilyès après une période plutôt difficile. Surtout que le garçon avait déjà touché le fond, à la mort de sa meilleure amie. Son moment de trouble à Miami n'avait pas été aussi grave, heureusement. Mais il n'avait pas envie de retenter l'expérience.

- Si tu es trop fatigué, tu peux rester te reposer. Je n'ai pas de colocataire dans ma chambre alors … Enfin, tu n'es pas obligé d'accepter, hein. Viens au moins prendre une douche dans notre bâtiment. Les douches du gymnase ne sont pas forcément super bien entretenues …

Ilyès fronça les sourcils, un peu surpris par la proposition. Il avait pensé prendre une douche bien chaude chez lui et aller se coucher directement. Et puis, il ne connaissait pas vraiment le coin « chambres et douches » de sa confrérie, vu qu'il n'y était jamais allé. Mais en même temps, il en avait un peu marre de sa solitude. Rentrer chez lui, n'avoir personne à qui parler, ne retrouver que le silence d'une habitation vide et froide. Il n'en pouvait plus. Alors pourquoi pas ? Que risquait-il ? Rien du tout. Il fit un grand sourire à Dexter, celui d'ange qu'il affectionnait parce qu'il pouvait faire passer sa joie.

- C'est une bonne idée, ça va me permettre de me mêler un peu aux miens ! Je te suis.

Sans qu'il le prévienne, Dexter lui prit la main pour l'obliger à se lever. Il la lui lâcha pour ranger quelques affaires et Ilyès en profita pour faire de même. Une fois qu'ils eurent fini, le jeune brun saisit de nouveau sa main et l'emmena au bâtiment des Rho Kappa. Ilyès ne dit rien, bien qu'il était toujours dérouté. Mais par quoi ? Le fait que Dexter l'embarque comme ça ou le fait d'apprécier peut-être un peu trop ce contact ? Toujours est-il qu'ils arrivèrent rapidement aux douches et que la porte fut fermée par son camarade. Celui-ci d'ailleurs plongea ses yeux dans les siens. Ce qu'Ilyès y vit le déstabilisa. Un peu de tristesse. Mais ça, c'était normal. Le jeune homme avait vécu des moments difficiles avec Neil, avec qui il n'était plus en couple désormais. Ilyès était un de ses amis et son amnésie était des plus étrange. Cependant, pourquoi avait-il l'impression qu'il y avait aussi du … désir dans son regard ? Se faisait-il des idées ? Ça n'était pas impossible. Dans ce cas-là, qu'est-ce que ça signifiait ? Il n'eut pas le temps de se poser plus de question, le boxeur l'attira à lui, les mains posées sur sa taille. Et l'embrassa. Toujours surpris, Ilyès n'opposa aucune résistance. Mais Dexter coupa le baiser très rapidement. Il s'éloigna de lui, la tête basse.

- Désolé, je n'aurais pas dû. Mais ne t'inquiète pas, je te materais pas sous la douche. Je suis gay certes un peu porté sur le sexe mais je ne suis pas un pervers voyeuriste.

Il alla s'enfermer dans une cabine de douche, purement et simplement, sans rien ajouter. Ilyès resta là, interdit, incapable de penser et de bouger. Comme un con. Il ne s'y attendait vraiment pas. Avait-il été aussi aveugle ? Pourquoi n'avait-il rien vu ? Et lui, où est-ce qu'il en était ? L'eau qui commençait à couler dans la douche de Dexter le réveilla un peu. Après tout, ils étaient là pour ça. Alors il entra dans l'une des cabines, comme un robot, et se déshabilla. L'eau bouillante fit du bien à son corps mais pas à son esprit. Pourquoi se sentait-il si perdu ? Bien sûr, il aimait beaucoup Dexter. Il était là pour lui, l'aidait, ils s'entendaient très bien. Ilyès aimait sa présence et il avait toujours pensé que c'était parce que le garçon était son ami. Mais aujourd'hui, il n'en était plus sûr. Il était vrai que ces derniers temps, il suivait les cours peut-être un peu plus pour son professeur que pour le sport en lui-même. Sauf que ce détail ne lui avait pas sauté aux yeux. Dexter avait eu l'air si mal en entrant dans la cabine. Ilyès avait eu un pincement au cœur de le savoir dans cet état. Et il ne pouvait pas nier la sensation si agréable des lèvres de son camarade sur les siennes. Se pouvait-il que … ? A vrai dire, depuis qu'il était seul, il n'avait pas cherché à se recaser, ni à se poser de question sur sa sexualité. Il savait que son ami était gay et ça ne l'avait jamais dérangé. Mais pour lui ? Joe était-il une exception parmi les filles ? Aimait-il plutôt les deux sexes ? Ou finalement, préférait-il les hommes ? Tout autant de réflexions que son esprit avait bloquées. Sauf que là, elles étaient en train de s'imposer à lui. Il porta une main à ses lèvres et soupira. Il fallait qu'il le rejoigne ! Avait-il verrouillé sa porte ? En sortant de la cabine, il ne suivit qu'un instinct, un espoir fou, son cœur, nullement sa raison.

Il n’hésita pas une seule seconde à pousser la porte de la cabine où s'était engouffré Dexter, même s'il craignait de la trouver fermée. Il ne réfléchit pas au fait qu'il était entièrement nu, que ses affaires étaient de l'autre côté, qu'ils étaient dans le bâtiment de la confrérie. Tout ce qu'il voulait, c'était se retrouver avec Dexter, qu'importe ce qui se passerait ensuite. Il envoyait volontiers le reste du monde en enfer.
Il sentait son cœur battre plus fort, plus vite. Comme si tout était amplifié. Encore plus quand la porte s'ouvrit doucement et qu'il aperçut le jeune homme, le visage triste et abattu. Pleurait-il ? Comment savoir avec l'eau qui coulait de la douche ? Il ferma la porte derrière lui et ne laissa pas le temps au Rho Kappa de faire quoi que ce soit. Il plaqua ses lèvres contre les siennes, venant jouer avec sa langue. Il passa une de ses mains dans la nuque de Dexter, ne profitant que de l'instant présent. Il n'avait pas envie que ça se termine. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu cette sensation de bien être. Sa seule peur, c'était que Dexter ne veuille finalement pas de lui. Qu'il juge que c'était vraiment une erreur qu'il n'aurait pas dû commettre. Mais à ce moment, il ne pensait plus à rien, hormis à se coller un peu plus contre lui pour l'embrasser avec passion. Au bout de quelques secondes, qui lui semblèrent trop courtes pourtant, il brisa le contact pour murmurer quelque chose. Il s'en fichait d'être trempé, d'avoir les cheveux qui collaient et qui lui tombaient dans les yeux.

- Je suis pas désolé du tout …

Il fit un petit sourire en coin, il se sentait bien. Juste bien. D'ailleurs, il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour récupérer les lèvres du garçon en face de lui, un peu plus sauvagement.

Depuis quelques temps, Ilyès allait mieux. Il retrouvait son sourire, sa joie de vivre. Il avait décidé de reprendre sa vie en main. Totalement. Surtout, de bien repartir. Déjà, il y avait eu un changement. Un très grand changement.
Il avait mis du temps avant de prendre sa décision, l’avait réfléchie. Pesant vraiment le pour et le contre. Il voulait vraiment être sûr de ne pas se tromper. Régulièrement, le week-end, pas tous, et aussi quand il séchait les cours, il se rendait à New-York. Pour voir Joe, son petit-ami. Mais celui-ci était assez occupé avec son entreprise et dès que le lycéen retrouvait son appartement vide de Miami, il déprimait à nouveau. Il se sentait seul, triste. Enfermé. L’éloignement avait changé ses sentiments et malgré la volonté de ne pas « lâcher l’affaire », il avait dû se résigner. Il n’aimait plus l’ainé des Williams comme avant et leur relation, à ses yeux, était désormais du temps perdu. Il ne voulait pas continuer dans l’hypocrisie. Et pour lui, et pour Joaquin. Il avait envoyé un message un peu vague évoquant sa venue et une conversation qu’ils devaient avoir. Il savait que son meilleur ami était un esprit vif, il avait deviné sans doute à l’avance ce qui allait se produire. Donc, quand Ilyès était arrivé là-bas, il n’avait rien eu à faire. Joe n’était pas quelqu’un que l’on quittait et il avait repris sa liberté tout seul. Il n’y avait pas eu de cris, pas de pleurs, bien qu’un peu de tristesse tout de même de la part du brun. Ils n’étaient pas partis fâchés. Juste plus amoureux ni en couple. Ilyès ne savait pas encore s’il avait fait le bon choix, mais il se sentait mieux, il se sentait plus libre. Ça ne l’empêchait pas d’avoir un petit pincement au cœur tout de même.

Il avait repris simplement le cours de sa vie, en ne suivant pas plus sérieusement les cours et en allant çà et là, comme l’envie le menait. La seule différence, c’est qu’il prenait désormais des cours de boxe. Au départ, c’était pour faire une surprise à Joe. Mais désormais, c’était plus pour se protéger. Parce qu’il avait tout de même peur qu’une agression se reproduise. A tout moment, ça pouvait arriver. Pour n’importe qu’elle raison. Et en particulier parce qu’on l’avait vu en couple avec un autre homme. Ce que le monde pouvait être homophobe parfois, il trouvait ça déplorable. Enfin bon, il avait trouvé quelqu’un de sa confrérie pour lui apprendre la base, ce qu’il devait savoir. Et il fallait dire que c’était à peu près le seul cours que le jeune homme suivait avec sérieux. Dexter et lui, au fil du temps, étaient devenus amis. Ils s’entendaient bien et à vrai dire, Ilyès trouvait que ces cours étaient la seule chose intéressante qu’il faisait de sa vie en ce moment. Ce jour-là, justement, ils devaient se retrouver. Le jeune homme n’était pas un pro, loin de là, mais il commençait à savoir un peu se défendre et il était plutôt content de lui-même.

Il enfila sa tenue, comme chaque fois, mis toutes les affaires qu’il avait besoin dans son sac et prit un taxi au pied de son appartement. Il avait filé directement au gymnase. Comme d’habitude, Dexter était déjà là. Il le salua et après une poignée de main amicale, ils se mirent au travail. En fait, c’était assez physique pour Ilyès et il était souvent épuisé après ces séances, mais il était bien. Parce qu’il arrivait à se vider un peu l’esprit et parce qu’il appréciait la présence du deuxième Rho Kappa. Pour lui, c’était donc également régénérateur. Surtout qu’en ce moment, il en avait quand même besoin.
A la fin, Ilyès prit deux minutes de pause pour boire et souffler un peu. Il s’affala dans un coin de la salle et leva ses yeux brillants vers Dexter.

- Pfiou, je suis exténué moi !

Heureusement qu’il était venu en taxi parce que pour le moment, il ne se sentait même pas la force ni l’envie de conduire. Tout ce qu’il voulait, c’était rentrer chez lui, être tranquille. A moins que d’autres projets plus intéressants se dessinent, évidemment.