La loi du plus fort ... Mais qui est-il ? [Adam] Terminé =)

Invité

La loi du plus fort … Mais qui est-il ?
Shin & Adam

Elle répond enfin à l’une de mes questions, sans devoir s’y reprendre. Elle ne bute pas sur les mots, finit sa phrase. Beau progrès je trouve ! Non, sérieusement, je comprends qu’elle ait eu peur. Mais je lui ai dit que je ne lui ferai rien, que je m’excusais. Donc il n’y a aucune raison pour qu’elle continue à faire sa fille traumatisée. Je l’ai pas frappée quand même ! Enfin, il y a des choses que je ne comprendrai pas je pense.

- Merci. Je n’ai … pas eu le temps de faire grand-chose. Je ne suis pas là depuis longtemps.

Ah euh, oui. C’est vrai, c’est moi qui l’ai coupée. Tant pis. Elle aura tout le temps de revenir et de le continuer, son dessin. Je ne serai pas toujours là pour la déranger. Elle réfléchit à la question suivante, cherchant les meilleurs mots pour m’expliquer. En même temps, elle doit craindre de dire quelque chose qui signera le retour de ma colère. Alors elle fait attention, ce qui est normal. Elle rougit même. En la voyant, je me dis que ça doit être une habitude pour elle. Que ses joues prennent une teinte rosée dans certaines situations. Elle semble toute timide. Je ne fais aucune remarque à ce sujet. Je m’en fiche un peu. Elle est timide si elle veut, c’est pas mes affaires.

- Je suis restée parce que … tu m’as impressionnée.

Moi ? L’impressionner ? Et comment ? Je n’ai rien de spécial pour ça. A part le fait que je suis parfois bizarre. Ce n’est sans doute pas le fait de jouer du piano. On est chez les Alpha Psi ici, il y en a plein qui utilisent cet instrument. Et sans doute beaucoup mieux que moi.

- Et puis, je me suis rendue compte que c’était impoli de rester. Alors j’ai voulu partir.

Elle me sourit timidement. Je fais de même. Je suis curieux de voir ce qu’elle va rajouter. Enfin les réponses à toutes mes questions. Elle a dû croire que c’était un interrogatoire. C’est pas grave, je m’en fiche un peu. D’un certain côté, ça l’est, je vais pas le cacher.

- Je suis Shin. Tu as ici depuis longtemps ? A Miami ?

Wow, attendez, elle vient de me poser une question ? Genre elle s’intéresse ! Ou alors c’est pour se débarrasser de moi plus rapidement. Maligne la petite. J’aurais jamais deviné. Je hoche la tête, de manière à ce qu’elle comprenne que j’ai bien entendu tout ce qu’elle m’a dit.

- Je vois pas en quoi je suis impressionnant mais soit. Tu m’as surpris. Evite la prochaine fois, on sait jamais.

Parce que même si je m’en veux un peu, je suis tout à fait capable de recommencer. Avec la même personne, dans les mêmes conditions. Comme je suis tout à fait capable de ne rien dire de tout et de partager mon moment de musique. Moi-même, je sais pas encore comment ça peut se passer. Surprise !

- Enchanté Shin. Non, je viens tout juste d’arriver. A vrai dire, tu es la deuxième personne avec qui je discute vraiment. Mon deuxième succès !

Là, elle ne peut pas comprendre. Et puis, discuter, ce n’est pas vraiment le mot exact. Ma rencontre avec Cheyenne n’a pas été un échec, même si je sais pas si je peux la qualifier de succès. C’était surtout étrange, comment on s’est parlé, comporté l’un envers l’autre. Je crois que c’est pas comparable. A croire que je vais m’engueuler avec tous ceux qui se trouvent ici. C’est bien parti pour je crois. En espérant que ça continue pas.

Malgré un nouveau sourire sur son visage, je vois que la jeune fille n’est pas plus à l’aise. Il est temps que je la laisse filer je crois. Mais avant, je veux la tester un peu. J’ai l’impression qu’elle a peur de tous les gestes un peu brusques que les autres –enfin surtout moi là- peuvent faire. Je tends le bras rapidement et lui colle son calepin dans les bras avec force. Un peu comme si j’allais la frapper avec. Ce qui n’est pas mon intention, je précise. Comme je m’y attends, elle sursaute et fini par récupérer ses affaires, sans rien dire. Je récupère un ton plutôt froid.

- Aller, va-t’en !

Je crois que ça va pas vraiment m’aider à ce qu’elle m’apprécie ! En même temps, elle serait capable de rester, juste par peur que je ne lui fasse encore quelque chose. Il faut bien que je la prévienne qu’elle peut enfin se débarrasser de ma présence. Elle me sourit encore une fois, gênée. Elle ne rajoute pas un mot et s’en va en vitesse. Je sais déjà qu’elle ne souhaite qu’une seule chose : ne jamais me recroiser. Dommage pour elle, je pense que ça sera inévitable. Finalement, j’ai plus envie de jouer aujourd’hui, elle m’a coupé dans mon élan. Je jette un dernier coup d’œil au piano, que je compte revenir dompter. Quelque chose attire mon regard. Une feuille, par terre. J’ai dû faire tomber un de ses dessins. Je m’avance alors pour le ramasser, je vais pas le laisser là ! Je le regarde. Encore une fois, c’est très joli ce qu’elle a fait. La mer, la lune. Simple mais efficace. Il faudra que je lui rende. La pauvre, elle sera obligée de me revoir plus tôt que prévu. Bon, j’irai le porter dans sa chambre, je suis pas non plus obligé de m’éterniser. J’ouvre la porte et sort, non sans avoir observé un peu la poignée de porte. J’ai même pas le cœur à être fasciné je crois à ce moment-là. Enfin, cette rencontre est finie. Elle a été désastreuse. J’espère que quand j’irai lui rendre son dessin, ça sera mieux. Sans grand conviction pourtant.

made by pandora.

Invité

- Je suis désolée …

Le garçon avait demandé à Shin ce qu’elle faisait ici. Et surtout, pourquoi elle ne s’était pas manifestée. C’était bien simple. Elle ne voulait pas déranger. Elle lui avait donc dis ça, puis s’était excusée. Elle s’excuser souvent, quand elle arrivait à prononcer un mot dans ce genre de situation. Il fallait dire que ça n’avait pas très bien commencé entre eux. L’attraper par les bras et la secouer dans tous les sens n’était pas la meilleure des stratégies pour créer des liens. Surtout face à elle. Il planta son regard dans le sien. Si les yeux de la jeune fille brillaient encore de peur, ceux du garçon respiraient le calme. Comment pouvait-il être aussi calme alors que quelques minutes avant il était dans une colère monstre ?! Il était vraiment étrange. C’était indéniable.

- J’aimerais que tu t’excuses pas encore. Ça suffit il me semble.

Son ton ne laissait aucune réplique. Tout ce qu’elle aurait pu dire, c’était qu’elle était désolée. Or, elle n’avait pas envie de l’énerver à nouveau. Qui était-il, pour être si différent de tous les autres ? Venait-il d’arriver à Wynwood ? Ou bien, il était là depuis longtemps et elle ne l’avait jamais croisé. C’était possible qu’elle ne l’ait jamais remarqué. Elle regardait peu les gens, en fin de compte. Mais s’il avait souvent un comportement comme celui qu’il venait d’avoir, elle n’aurait pas pu le louper. Le cœur de la jeune fille ralentit encore un peu, retrouvant un rythme quasiment normal. Son souhait le plus cher était encore de s’en aller. Mais elle ne pouvait pas le faire tant qu’il ne lui avait pas rendu au moins son calepin. Elle ne pouvait pas se résoudre à laisser l’essentiel de sa vie entre les mains d’un inconnu. Inconnu qui n’avait d’ailleurs pas l’air très sympathique. Il lui fit alors un compliment auquel elle ne s’attendait pas.

- Tu dessines vraiment bien je trouve. C’est dommage que tu ais pas fini.

Dommage qu’elle n’ait pas pu le finir ? En même temps, s’il n’était pas arrivé comme ça, elle aurait pu le finir. Mais voilà, elle n’en avait pas eu le temps. Shin déglutit. Elle avait envie de lui faire la remarque, mais sa timidité –et sa situation délicate, il fallait bien l’avouer- l’en empêchaient. Pas question de risquer encore une fois de le provoquer. Surtout s’il était instable comme il semblait l’être. Elle opta donc pour une réponse banale, mais une réponse tout de même. Qu’elle arriva à prononcer sans trop bégayer.

- Merci. Je n’ai … pas eu le temps de faire grand-chose. Je ne suis pas là depuis longtemps.
- Pourquoi t’as mis tout ce temps avant de quitter la salle ?

Parce qu’elle le regardait ? Non, c’était pas quelque chose à lui dire. Il se remettrait à lui crier dessus, voire à la secouer dans tous les sens. Et pourtant, c’était la stricte vérité. Elle était restée, parce qu’il l’avait intriguée dès son entrée dans la salle. Ce n’était pas de la curiosité mal placée de sa part. Non. Loin de là. Sur le moment, c’était une curiosité amicale. Il fallait dire aussi qu’observer quelqu’un en train de jouer du piano était quelque chose qu’elle aimait faire. Un moment de vie. Avec un objet qui, à son sens, avait acquis sa propre vie, sa propre conscience. La jolie châtain réfléchissait encore à ce qu’elle allait dire quand il reprit la parole. Elle avait repris des couleurs, et son visage commençait à rougir doucement. C’était plus fort qu’elle.

- Je m’appelle Adam, et toi ?

Bon, il était quand même temps qu’elle réponde à ses foutus questions. Elle n’en avait pas envie. Elle, elle voulait partir. Mais il fallait bien passer par là. Il ne lui laissait pas vraiment le choix. Alors, Shin prit son courage à deux mains.

- Je suis restée parce que … tu m’as impressionnée.

C’était une partie de la vérité camouflée. Elle avait été intriguée par lui pour plusieurs raisons, dont le fait qu’il l’avait un peu impressionnée. D’une façon spéciale, mais quand même.

- Et puis, je me suis rendue compte que c’était impoli de rester. Alors j’ai voulu partir.

Elle lui servit un petit sourire timide. C’était surtout pour s’encourager, elle, à continuer.

- Je suis Shin. Tu as ici depuis longtemps ? A Miami ?

Bon, c’était une première ! Elle posait une question à son tour. Mais la petite Coréenne s’était dit que si elle engageait un bout de conversation, elle pourrait peut-être l’écourter plus vite. Et ainsi partir. A voir si c’était une bonne stratégie face à lui …

Invité

La loi du plus fort … Mais qui est-il ?
Shin & Adam

Elle sourit, mais je vois bien qu’elle n’est toujours pas bien. Ses craintes ne se sont pas envolées et je peux aisément voir sa gêne. Elle ne répond pas à mes questions, jusqu’à ce que je précise que je n’aime pas ça. C’est un peu brusque, comme une façon de la forcer à me parler. Mais tant pis. Il faut bien que je trouve quelque chose. Elle finit quand même par, timidement, prononcer quelques mots en retour à mes demandes.

- Je dessine beaucoup. Je voulais pas te déranger … alors je … je préférais partir en silence. Tu vois ?

Je m’en doute un peu, même si j’ai préféré vérifier. Pour le silence, on repassera. Je vois très bien, je comprends. Qu’elle ait voulu s’en aller sans faire de bruit. Mais il y a quand même un détail qui cloche. Pourquoi elle a attendu autant de temps ? Elle aurait dû s’en aller dès le début, et pas attendre que je me mette à jouer. C’est surtout ça qui fait monter ma colère. Qu’elle m’ait sans doute observé avant de finalement choisir de quitter les lieux.

- Je suis désolée …

Bon, j’ai compris là, elle est désolée et tout. Pas la peine de me le répéter cent cinquante fois, je suis pas barge encore. Ça aussi, ça va m’énerver, si elle s’excuse de trop. Je lui ai déjà fait comprendre que je compte pas lui faire de mal. Mais si elle continue comme ça, je crois que je vais changer d’avis. Je pose mes yeux sur cette toute petite jeune fille. Dans mes pupilles, on peut voir que le calme et revenu, en superficie.

- J’aimerais que tu t’excuses pas encore. Ça suffit il me semble.

Bon, j’adopte pas vraiment la bonne attitude. Surtout avec elle. Elle semble fragile et prête à se briser au moindre geste un peu « violent ». Surtout que je lui ai parlé avec une voix assez autoritaire, elle doit se sentir un peu coincée. Tant pis, j’y peux rien si elle est pas capable de se défendre un minimum. Encore une fois, je me radoucis un peu après avoir été sec avec elle. Elle doit se demander à quel jeu je joue.

- Tu dessines vraiment bien je trouve. C’est dommage que tu ais pas fini.

Aha, la blague. Si elle a pas fini, c’est de ma faute. Parce que je suis arrivé et que j’ai pas pris la peine de vérifier si la salle était disponible. J’ai pensé que oui, au premier coup d’œil. Parce que pour moi, c’était logique que si quelqu’un était déjà là, ce serait installé devant le piano. Pas assis dans un coin à griffonner sur une feuille. D’ailleurs, je me gêne pas pour lui poser la question qui me taraude l’esprit.

- Pourquoi t’as mis tout ce temps avant de quitter la salle ?

Ce n’est pas méchant, ni gentil. Elle comprendra que je veux une vraie réponse et que tout dépendra de ce qu’elle dira. Enfin, pas vraiment. Surtout, de comment elle le dira. Mais ça, j’ai juste à attendre qu’elle veuille bien ouvrir de nouveau la bouche. A croire qu’elle ne sait pas parler. Ou qu’elle est bègue, puisqu’elle ne sait pas aligner deux mots sans répéter ou laisser un blanc. Enfin, je me dis qu’il serait bien qu’elle sache qui je suis. On est dans la même confrérie et puis, j’aime aussi savoir à qui je m’adresse. Surtout, qu’on vienne pas me dire dans une semaine « Ah ouais, ya machine qui a eu un problème dans l’atelier » et que je ne sache pas qui est cette machine, justement.

- Je m’appelle Adam, et toi ?

Plus aucune colère dans ma voix, plus de surprise. Juste l’envie de savoir qui elle est. En fait, elle me fait penser à moi, ne sachant pas quoi faire face à mon bourreau de frère. J’aimerais l’aider à ne pas réagir comme ça, à ne plus pleurer et s’emporter. Mais je suis pas le mieux placé pour ça. Et puis, j’hésite entre deux sentiments. L’exaspération, quand elle se laisse faire. Pire qu’une plante verte. Plante qui sait pleurer par contre. Et la compassion, de cet être prêt à craquer à la moindre secousse. J’ai même oublié que je détiens toujours certains de ses objets et qu’elle est nerveuse en ma compagnie. Elle n’attend qu’une chose : que je lui rende pour filer plus vite qu’un enfant pris en train de faire une bêtise. En fait, je sais à quoi je joue. Au yoyo. Et je peux même pas le contrôler. Foutue vie injuste.

made by pandora.

Invité

- Je … Est-ce que … Mes … Mes affaires … Tu pourrais … me les rendre ?

Le silence. Seul le silence lui répondait, pour le moment. Pourquoi mettait-il autant de temps à lui rendre ce qui lui appartenait ? Shin recula d’un pas. Pas très logique, mais elle n’y pouvait rien. Elle avait peur, elle devait s’éloigner de lui. C’était face à quelqu’un comme lui qu’elle se disait qu’elle avait raison d’éviter tout contact social. Il s’était emporté si vite ! Sans vraie raison apparente. La jeune fille inspira calmement. Enfin, elle essaya. Et là, sa réponse tomba.

- Euh … j’aimerai te poser quelques questions avant de te les rendre.

Lui poser des questions ? Mon dieu, l’horreur ! Elle ne voulait pas répondre à quoi que ce soit. Elle, ce qu’elle voulait, c’était s’enfuir loin de lui. Loin de tout. Loin des gens. Loin de la réalité. Souvent, cette envie la rattrapait. Elle était bien seule. Seulement, depuis quelques semaines, sa vision des choses avait commencé à changer. Elle avait trouvé des personnes sur qui compter. Des amis. Et Ethan. Ethan, avant tous les autres, avait su briser sa carapace. Ethan avait su trouver son cœur. Depuis, elle vivait bien mieux. Certes, sa situation avec Jared n’avait pas changé. Pas de nouvelle. Ni de la famille Hope, ni de la famille Bae. Et pas même de l’adolescent. Ce qui était vraiment étrange. Et se sentait mise à l’écart, prise pour une idiote. Un jour, on lui dit « Tu te marieras avec lui pour le bien de notre nom et de notre famille », et dès qu’elle tente d’avoir une explication, on fuit. Voilà à quoi ressemblait sa famille. Elle qui pensait pouvoir au moins compter sur son frère, elle se rendait compte que non. Alors voilà. Mais avec Ethan, c’était différent. Il comprenait. Elle se sentait tellement bien quand elle était avec lui. Elle n’avait pas besoin de jouer un rôle qui ne lui allait pas, elle n’avait pas besoin de mentir ou de démentir les rumeurs.

Shin garda le silence, intimidée. Le garçon allait lui poser des questions. Et apparemment, elle n’allait pas pouvoir y échapper. Elle se résigna. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Et après, elle ferait tout son possible pour l’éviter ou pour ne pas se retrouver seule à seul. Un sourire dessinait ses lèvres, sourire timide et hésitant. Un sourire ornait constamment son visage, c’était comme ça. Un sourire aussi, peut-être, pour lui exprimer sa peur, involontairement.

- Je sais que t’en as sans doute rien à faire, mais je suis désolé. Je sais pas ce qu’il m’a pris. J’ai pété un câble pour rien.

Ah oui ? Ca, elle s’en était rendu compte. Il l’avait effrayée à un tel point … ! Si elle était encore sous le choc, elle était aussi légèrement en colère contre elle-même et contre lui. Elle, pour avoir réagi de la sorte, alors qu’il ne lui avait rien fait. Lui, pour l’avoir presque « attaquée » juste parce qu’elle se trouvait dans la même salle que lui. Néanmoins, elle se garda bien de le lui faire remarquer. Il lui présentait des excuses, après tout. Sa nature gentille lui soufflait de lui sourire un peu plus franchement pour l’encourager. Mais sa nature timide et peureuse lui soufflait une crainte qu’elle ne parvenait pas à dissimuler. Elle hésitait sur les mots à employer. Le laisserait-elle se plonger dans un dialogue à sens unique ? Le garçon se mit à sourire à son tour. Sourire qui se voulait timide, et qui était bien étrange sur son visage tout aussi étrange. A quoi jouait-il ? Passait-il souvent de la colère au remords comme ça ? Tout un tas de questions se mélangeaient dans sa tête. Et pas que. Tout un tas d’émotions aussi. Son cœur battait encore à tout rompre, et son visage rougissait lentement, le choc passé. Parmi tout ce qu’elle ressentait, elle était intriguée par ce personnage singulier. Elle aurait voulu le comprendre, pour pouvoir l’aider. Ce n’était pas agréable de s’énerver pour un rien et de devoir s’excuser après. Du moins, elle ressentait la chose comme ça. Peut-être avait-elle fait des conclusions trop hâtives à son sujet ? Encore une fois, il se remit à parler sans qu’elle n’ait pris la parole.

- Tu es là pour dessiner, c’est ça ? Et je t’ai dérangée ?

Encore une question. Une question à laquelle elle n’osait pas répondre. Elle se contentait de le fixer, ses mains toujours tremblantes.

- Tu n’as pas dit que tu étais là. Pourquoi ? Tu m’as surpris.

Un temps de pause. Et il rajouta une précision.

- Et réponds, j’aime pas poser des questions dans le vide.

Bon. Comme ça, c’était dit. Elle n’avait vraiment plus aucun moyen d’y échapper. Il fallut encore quelques secondes à Shin pour rassembler son courage et sortir de son mustisme.

- Je dessine beaucoup. Dit-elle en secouant la tête puis en fixant son calepin, encore dans les mains de l’Alpha. Je voulais pas te déranger … alors je … je préférais partir en silence. Tu vois ?

Sa voix était plutôt faible, mais il pouvait quand même bien l’entendre, dans cette grande salle à l’acoustique exceptionnelle.

- Je suis désolée … rajouta-t-elle sur le même ton.

Elle fixait toujours ses affaires entre ses mains. Elle remarqua une fine cicatrice à l’une d’entre elles, vers l’extérieur, à côté de son auriculaire. Elle ne dit cependant rien. Il valait mieux ne pas le mettre en colère en évoquant un sujet tabou, si sujet tabou c’était. Poserait-il d’autres questions ? Voyait-il qu’il la mettait vraiment mal-à-l’aise ? Elle attendit, laissant ses bras retomber le long de son corps. Dans sa tête, elle se répétait sans cesse que ça n’allait pas être long, qu’elle allait sortir. Parce que oui, elle pouvait sortir. Mais il était hors de question qu’elle s’en aille sans son calepin. Tant pis si elle devait rester en sa présence. Elle avait bien plus à cacher là-dedans qu’elle n’aurait voulu l’avouer. Et du coup, sa peur passait en second plan. Ses secrets avant toute autre chose.

Invité

La loi du plus fort … Mais qui est-il ?
Shin & Adam

Elle se laisse totalement faire, c’est un pantin. Et moi, je tire les ficelles. Depuis tout à l’heure, c’est moi qui agis, elle ne fait que réagir. Mon comportement ne lui laisse pas vraiment le choix. Pourtant, c’est bien contre moi aussi. C’est mon humeur, qui change tout le temps. Je ne peux rien y faire, c’est aussi dérangeant pour moi que pour celui qui se trouve en face de moi. La malchance a voulu que ce soit cette toute petite demoiselle. Qui n’est pas très résistante apparemment, puisque ses genoux cèdent quand je libère ses poignets. J’espère au moins qu’elle ne s’est pas fait mal. Comme je m’y attendais, elle a un mouvement de recul quand je la touche. Mais je parviens quand même à la relever et enlève les mains de ses épaules. Je crois que je l’ai assez tenue pour aujourd’hui, que ce soit pour la secouer ou pour l’aider à quitter le sol.
La petite brune fixe ses affaires, que j’ai toujours en main. Je me doute bien qu’elle souhaite les récupérer, mais je ne compte pas lui rendre tout de suite. Comment ça, ça ne se fait pas ? Bah, la preuve que si. Je ne veux pas la laisser filer comme ça, sans rien ajouter. Je ne me suis même pas excusé, ce que j’aurais dû faire en premier. Je vois qu’elle a toujours un regard effrayé. Ça ne me surprends pas, ça ne va pas changer en quelques secondes, juste parce que j’ai adopté une autre attitude.

- Je … Est-ce que … Mes … Mes affaires … Tu pourrais … me les rendre ?

Au moins, sa voix n’est pas secouée de sanglots, même si elle tremble un peu. C’est sûr, elle doit me prendre pour un monstre. Je ne sais pas comment changer ça. Le seul fait de ne plus lui crier dessus, même si ce n’est pas exactement ce que j’ai fait, ne suffit pas. L’avoir lâchée non plus. La laisser partir alors ? Je ne suis pas sûr qu’elle me détestera moins pour ça, juste qu’elle sera tranquille, sans me voir. Et je ne vais pas arranger les choses. Elle recule même. Ce n’est pas très logique d’ailleurs. Pour récupérer ses affaires, elle s’en éloigne. Enfin, je garde mon avis pour moi, je ne suis pas toujours très logique non plus. Je ne vous donne pas d’exemple, ce serait vous prendre pour des débiles.

- Euh … j’aimerai te poser quelques questions avant de te les rendre.

Mais je dois m’excuser d’abord, parce que c’est ce que je dois faire. Même si je doute qu’elle veuille bien me pardonner. Au moins, j’aurais essayé. Une tentative, même vaine, reste une tentative. Elle me regard dans les yeux. Son doux regard chocolat brille. Mais pas parce qu’elle est heureuse ou malicieuse, ou quelque chose dans le genre, mais parce qu’il est encore humide des larmes que je lui ai arraché. Pourtant, un timide sourire se dessine sur ses fines lèvres. Je me demande alors : pourquoi ? Comment peut-elle me sourire après ça ? Moi, j’aurai plutôt envie de m’encastrer dans un mur. Mais c’est vrai que j’imagine mal la demoiselle faire ce geste.

- Je sais que t’en as sans doute rien à faire, mais je suis désolé. Je sais pas ce qu’il m’a pris. J’ai pété un câble pour rien.

Et c’est peu dire. Je tente également un sourire timide. C’est tout à fait contraire à ce que j’ai fait juste avant. Comme s’il y a plusieurs personnes en moi. Sauf que ça a toujours été comme ça. Que ce n’est pas près de changer. Je jette à nouveau un coup d’œil au calepin. En première page, le piano. Inachevé, mais déjà très beau. Je peux sentir le talent là-dessus. Je comprends alors pourquoi elle est là. Pour dessiner, pour vivre sa passion à fond. Parce que c’est clair, à voir ses traits de crayon, qu’elle aime ça. Je décide de la questionner à ce sujet.

- Tu es là pour dessiner, c’est ça ? Et je t’ai dérangée ?

Oui, je cherche à comprendre maintenant. J’espère qu’elle me répondra, pas comme mes précédentes questions. Je parle doucement, sans colère. Je ne veux plus l’effrayer. Je veux qu’elle comprenne que je ne lui veux pas de mal, que je ne lui en ferai pas. Comme elle me l’a demandé. Presque supplié même.

- Tu n’as pas dit que tu étais là. Pourquoi ? Tu m’as surpris.

Ça, c’est sûr, elle m’a surpris. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait quelqu’un. Je ne fais aucune allusion au fait que je n’ai pas vérifié être seul. Non, en fait, je repense qu’elle aurait dû se manifester. Je ne comprends pas pourquoi elle ne l’a pas fait. Qu’elle intérêt pour elle d’attendre ? Elle m’a observé, c’est ça ? Je déteste ça. Je sens que la colère remonte, mais je ne veux pas la laisser faire. Pourtant, je ne peux pas la contrôler, tout comme elle ne pouvait pas contrôler ses pleurs il y a quelques minutes.

- Et réponds, j’aime pas poser des questions dans le vide.

Mon ton est plus froid, plus dur. Pas autant que tout à l’heure mais il n’est pas doux et il risque de brusquer la jeune alpha. Tant pis, c’est trop tard. Je vais pas me forcer à être mielleux non plus, pour qu’elle arrête de geindre. Ce n’est pas de ma faute si elle pleure pour un rien. Je n’ai pas hurlé, je ne l’ai pas frappé. J’ai sans doute réagi un peu trop violemment, mais je ne suis pas le seul. Alors non, là, juste à ce moment, je ne regrette pas.

made by pandora.

Invité

Pourquoi était-il autant en colère ? Shin ne lui avait pourtant rien fait. Elle n’avait pas prononcé un seul mot. Elle ne comprenait pas. Elle était totalement perdue. Et pourtant, malgré tout ça, elle n’aurait jamais dû réagir, elle aussi, avec autant de violence. C’est vrai quoi. Elle pleurait à chaudes larmes, persuadées qu’il allait lever la main sur elle, alors que pour le moment, il se contentait de tenir fermement des poignets. Alors pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-elle s’empêcher de pleurer et d’avoir peur ? Dans sa tête, c’était la pagaille. Le bordel total. Tous ses démons se bousculaient, renforçant son malaise. Non, elle ne devait pas le craindre à ce point. Sa réaction était exagérée, beaucoup trop exagérée. Peut-être était-ce à cause de la fatigue ? Elle avait pourtant presque bien dormi. Elle s’était levée tôt volontairement. Etait-ce la surprise d’être dérangée dans un moment de détente ? Elle ne savait pas. Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi est-ce qu’elle ne se maîtrisait plus. Le garçon s’était fondu sur elle avec une telle vitesse et une telle colère. Et ses sens à elle avaient tout décuplé, la poussant au bord du précipice.
Alors voilà. Shin pleurait, et elle ne pouvait rien y faire. Elle avait peur de lui, et elle ne pouvait rien y faire. Elle était totalement ridicule. Et elle ne pouvait rien y faire. Elle bredouilla quelques mots maladroitement. La suite des évènements se mélangea dans sa tête. Elle crut le sentir desserrer son emprise sur elle. Elle tenta encore de se dégager. Elle n’y parvint pas. Peut-être qu’elle ne le faisait que dans sa tête ? Peut-être qu’en réalité, elle ne bougeait pas, se menant à sa propre perte. Ses yeux brillaient, le suppliant de la laisser s’en aller. Elle se serait enfuie, elle serait sortie de ce bâtiment, et elle aurait passé sa journée à marcher et à penser. Elle aurait dépensé son temps à reconstruire les barrières qu’il venait de détruire. C’était ça à chaque fois.
En arrivant aux Etats-Unis, la jeune fille avait mis les choses au clair dans sa tête. Pas de contact avec les autres. Elle avait bien trop peur d’eux. Elle craignait les réactions, les moqueries. Parce qu’au-delà de ce qu’elle avait vécu, une fille riche et pourrie gâtée qui devenait pauvre du jour au lendemain, ça pouvait être sujet à moqueries. Heureusement qu’elle n’allait pas dans une école, en Corée. Enfin, les derniers mois, si. Et elle avait été mise à l’écart, les autres élèves la reconnaissant comme l’héritière de la défunte fortune des Bae. En apprenant à apprécier ceux qu’elle avait rencontrés à Wynwwod, elle avait changé. Elle s’était ouverte aux autres, et elle avait réussi à mettre de cœur cette peur irrationnelle qu’elle avait de la race humaine. Et maintenant ? Maintenant, elle surgissait au plus mauvais moment, appelé par de simples gestes de la part de cet autre Alpha.

La petite asiatique finit par se résigner, en attendant que sa peur passe. Si elle ne la comprenait ni ne la maîtrisait, elle allait prendre son temps pour la refouler. Au fond, tout au fond d’elle. Elle allait l’enfermer à double tour, pour ne pas jamais avoir une réaction excessive de ce genre. C’était tellement … stupide. Tellement minable, pitoyable, lamentable. Tellement ce qu’elle détestait être, et ce qu’elle était à l’instant, malgré elle.
La jeune fille parvint tout de même à articuler deux dernières petites phrases. Elle lui demanda de ne pas lui faire de mal et de la laisser partir. Peut-être qu’il la laisserait s’en aller ? Après tout, n’était-ce pas sa présence qui le dérangeait ? Il s’était bien mis en colère pour ça, non ? Elle le gênait, de toute évidence, et il ne s’était pas attendu à trouver quelqu’un là à une heure aussi matinale. Mais en même temps, il aurait dû vérifier. Il aurait dû faire l’effort minime de se retourner pour la voir, pour ne pas être surpris par sa présence.

Et contre toute attente, il répondit à se demande. Il mit fin au supplice et la relâcha. Totalement surprise, elle ne bougea pas. Ses genoux la lâchèrent au mauvais moment, sous le coup du soulagement et de la peur qui subsistait encore. Elle tomba à terre. Ses larmes coulaient encore, mais c’était là aussi parce qu’elle était soulagée. Il l’avait lâchée. Il ne lui ferait pas de mal. Pas pour le moment. Elle releva le visage vers lui après de longues secondes. Secondes pendant lesquelles seuls ses sanglots brisaient le silence lourd et pesant qui s’était installé entre eux. Elle allait se relever pour ramasser ses affaires et partir sans demander son reste quand le jeune homme s’adressa à elle.

- Aller, relève-toi.

Mais que faisait-il ? Il n’était plus en colère contre elle ? Il avait radouci le ton, comme s’il voulait la rassurer ou s’excuser. Regrettait-il de s’être emporté de la sorte ? S’était-il rendu compte qu’elle, elle n’avait rien fait. Seule sa présence l’avait dérangé. Et elle était entrée dans cette salle avant lui. Si elle ne se comprenait pas elle-même, elle comprenait encore moins l’étrange élève qui la surplombait désormais. Sans prévenir plus que ça, il la saisit par les épaules pour l’aider à se relever. Chose qu’il n’aurait jamais dû faire. Shin eut un violent sursaut et même un mouvement de recul –aussi bien qu’elle pouvait en avoir un, à genoux par terre. Une fois debout sur ses pieds, elle baissa sa tête vers ses affaires. Et au moment où elle allait récupérer ses biens, il se pencha pour le faire à sa place. Décidemment, il avait une longueur d’avance sur elle.
La jeune fille fixa les feuilles qu’il remit dans le calepin. En effet, elle n’avait pas eu le temps de ranger certains dessins dans son carnet ou de les afficher dans sa chambre. Il en restait là, qui attendait qu’elle s’occuper d’eux. Dont quelques-uns qu’elle ne voulait pas montrer. A personne. Pas même à Ethan, avec qui elle sortait depuis déjà plusieurs semaines. Ils représentaient ses secrets les plus inavouables. Et elle n’était pas encore prête à les dévoiler à qui que ce soit. Alors les voir entre les mains d’un inconnu, inconnu qui l’avait limite traumatisée, lui provoqua un frisson.

- Je … ne sais pas vraiment quoi te dire …

Allait-il s’excuser, cette fois ? Shin, elle, s’en fichait. Tout ce qu’elle voyait, c’était ses affaires qu’il tenait encore. Il lui suffisait de les récupérer et de s’en aller le plus vite possible. C’était encore faisable, non ? Mais pour ça, il lui fallait lui demander de lui rendre ce qui était à elle. Et les mots se bloquaient la gorge de la jolie châtain, comme quelques minutes auparavant.

- Je … Est-ce que … Mes … Mes affaires …

Elle déglutit. Elle ne pleurait plus, mais sa voix était encore tremblante. Toujours intimidé par ce gars qui faisait presque une quinzaine de centimètres de plus qu’elle, elle recula d’un pas. C’était contraire au fait qu’elle veuille reprendre son crayon et son calepin, mais elle devait mettre une distance de sécurité entre eux deux.

- Tu pourrais … me les rendre ?

En finissant sa phrase, elle posa ses yeux encore humides dans les siens. Il lui faisait toujours peur, même si la colère ne transperçait plus ses pupilles. Et le fait qu’il n’ait pas les traits fins et réguliers, ce qui lui conférait un visage sans vraie beauté, ne l’arrangeait en rien. Elle osa un sourire, un tout petit sourire timide et hésitant. Peut-être que ça allait aider. Peut-être.

Invité

La loi du plus fort … Mais qui est-il ?
Shin & Adam

La jeune fille a un regard de bête coincée. Mais elle ne prononce toujours aucun mot. Elle n’a aucun instinct de survie ou quoi ? Toujours est-il que je continue de la secouer pour provoquer une réaction chez elle. Mais non. Tout ce que j’obtiens, ce sont de grands yeux ronds emplis de terreur. Mais je n’en ai rien à faire pour le moment. Je ne veux qu’une chose, qu’elle me réponde. Justement la seule chose qu’elle ne fait pas. Elle essaye de se dégager mais n’y parvient pas. Il faut dire que je la tiens bien fermement. Je ne compte pas la laisser s’échapper. Après tout, pourquoi ? Je pourrais la laisser filer, puisque c’est ce qu’elle semble vouloir faire. Et moi, j’aurais ce que je veux : de la tranquillité. Mais non, je ne suis pas comme ça. J’ai posé une question, j’aimerais une réponse. Aussi, je veux savoir ce qu’elle fait ici. Je vois que des larmes envahissent ses yeux.

- Je … je … tu … étais … Enfin …

Très efficace. Un peu plus et je me mets à rire. Mais je suis encore trop en colère pour ça. Quand mes yeux tombent sur ses dessins, je me radoucis un peu. Elle saisit le moment pour tenter à nouveau de se dégager, sans succès. En même temps, elle est vraiment toute petite et, tétanisée, elle a bien du mal à se servir du peu de force qu’elle possède. Maintenant, elle pleure carrément à chaudes larmes. Elle ne peut pas se contrôler. Je continue de la regarder. Ce n’est pas comme ça que j’aurai ma réponse ! Je devrais avoir honte de moi, ce qui n’est pas encore le cas. Ça ne va pas tarder pourtant. Entre deux sanglots, elle réussit à articuler encore quelques mots.

- Pardon … Pardon … J’voulais pas … Me frappe pas … Pardon …

Elle est totalement à ma merci, incapable de se défendre. Je pourrais continuer longtemps. Si j’avais été un psychopathe, j’aurais pu profiter de sa peur, me délecter de la frayeur que je lis dans ses pupilles. Sauf que je ne suis pas comme ça. Je ne l’ai jamais été. A vrai dire, j’ai toujours été à la place de la jeune fille, à supplier mon bourreau d’arrêter. Qui n’était autre que mon frère. Alors le temps est comme suspendu. Je ne le secoue plus, il n’y a plus que ses pleurs. Je me rends compte de ce que je fais. C’est à mon tour d’éprouver de la peur. Non ! Je ne veux pas être comme mon frère. Je ne veux pas profiter des plus faibles, les effrayer sans aucune raison valable. Je peux me maîtriser, je ne suis pas une bête, tout de même. Si ? La jeune fille me rappelle moi en fait, quelques années plus tôt, à ce pas pouvoir échapper à celui qui m’en a fait voir de toutes les couleurs. J’avais beau lui demander de ne pas encore lever la main sur moi, il lui arrivait parfois de le faire. Et en plus de ça, il exerçait sur moi une pression psychologique, presque insoutenable. Je ne supporte pas d’être à sa place, d’être comme lui. Ce n’est pas moi et c’est tout ce que je n’ai jamais voulu être. Je ne m’en rends compte que maintenant, une fois que cette jeune fille est totalement anéantie par ma réaction. Non mais, quel con je suis ! Avant que je ne puisse esquisser un geste contraire à l’attitude que je viens d’avoir, elle reprend la parole.

- Me fais pas de mal … J’ai rien fait. Laisse-moi partir …

Elle baisse la tête, abandonnant toute résistance. Alors c’est ce que je fais. Je la lâche subitement, comme si son contact me brûle la peau. Elle ne s’y attend visiblement pas, puisqu’elle tombe à terre, sur les genoux. Elle continue de pleurer, encore sous le choc de ce que je viens de lui faire subir. Bon, ce n’est pas non plus l’agression du siècle, il ne faut pas exagérer, mais elle semble tellement fragile que c’est déjà trop pour elle. Je m’en veux. Je me demande ce qui m’a pris. J’ai déjà changé de manière de penser et je ne suis plus vraiment en colère contre elle. Elle ne m’a rien fait, c’est vrai. Je ne vois pas pourquoi je la retiendrai ici, c’est idiot. Je ne suis pas un gardien de prison, elle n’est pas une criminelle. Je la laisse alors pleurer un instant, ne sachant plus quoi faire. J’ai peur d’aggraver les choses, de ne faire qu’empirer la situation. Pourtant, je ne peux pas la laisser comme ça.

- Aller, relève-toi.

Je prends une voix plus douce pour lui parler, même si ce n’est pas le mieux que je peux faire. Je la saisis délicatement –autant que je peux- par les épaules pour la forcer à se remettre sur ses pieds. Elle sursaute à l’instant où mes mains touchent sa peau. Elle craint une nouvelle agression de ma part, c’est normal. Je l’aide à se relever, sans chercher à la brusquer. Une fois que je suis sûr qu’elle n’ira pas retrouver le sol, je ramasse aussi ses affaires. Son crayon et son calepin, où je vois que beaucoup de feuilles commencent à être grisées. Je ne regarde cependant pas plus en détail, c’est impoli. Je la regarde, je cherche à croiser ses yeux. Je veux savoir s’il y brille encore cette peur, que je ne veux pourtant pas susciter.

- Je … ne sais pas vraiment quoi te dire …

Est-ce que m’excuser servirait à quelque chose ? Je crois que je suis inexcusable. Comment pourrait-elle me parler après ça ? Comment pourrait-elle me croiser dans les couloirs de la confrérie ? Elle doit penser que je suis un monstre. Et sur ce coup, elle n’a pas tort. Je garde quand même ce qui lui appartient dans les mains. Ça me permettra peut-être de lui poser des questions, de l’obliger à parler. Pas très glorieux comme méthode mais je pourrais quand même savoir ce qu’elle faisait là et si c’était vraiment moi l’intrus. Pour récupérer ses objets, elle n’a d’autre choix que de me demander. Ça serait dommage aussi qu’elle s’en aille sans. Maintenant, je n’espère qu’une chose : qu’elle ne me déteste pas trop. C’est à elle de me le dire.

made by pandora.

Invité

Shin avait certainement poussé l’observation un peu loin. Elle aurait dû sortir dès qu’il était entré, elle aurait dû se contenter d’agir comme à l’accoutumée. Mais là, ça avait été plus fort qu’elle. Elle n’avait pu se résoudre à sortir de la pièce, trop intriguée par le garçon. Elle était comme hypnotisée par l’étrangeté qu’il dégageait. Elle sortait de tout son être et semblait battre dans chacune de ses cellules. Chaque geste l’étonnait, elle qui avait appris à observer les gestes pour prévoir les débordements –enfin, dans la mesure où elle ne fixait jamais les gens, sauf quand elle y était obligée. Oui, il n’était pas comme les autres, elle le sentait.
Quand il avait commencé à jouer, elle s’était rendu compte qu’elle avait abusé. Elle n’aurait pas dû rester aussi longtemps sans signaler sa présence, même s’il aurait au moins du faire l’effort de se retourner pour vérifier qu’il n’était pas seul. Elle s’était levée silencieusement afin de sortir. Mais comme la vie était injuste, elle n’avait pu sortir discrètement. Il avait fallu qu’un de ses crayons tombe, crayon qu’elle n’avait pas rangé dans sa hâte de s’en aller. Elle s’était penchée pour le ramasser, remarquant que la musique à peine commencée s’était arrêtée. Et mince.

Alors qu’elle touchait presque l’objet, une main s’en saisit. Une seconde attrapa violemment son poignet, ce qui la fit sursauter. Son cœur se mit à battre à toute allure. En moins d’une seconde, elle était déjà terrorisée par son attitude. Obligée de lui faire face, elle voyait son visage qui exprimait une colère inimaginable. Mais qu’avait-elle fait ? Rien. Rien du tout. Elle s’était contentée de partir, le laissant seul avec son moment musical. Alors pourquoi réagissait-il avec tant de violence ? Il la dominait de par sa taille, et elle gémit sous la pression de ses doigts autour de son poignet et de la menace qu’il représentait à l’instant même.

- Ça fait longtemps que t’es là ?

Il était tellement intimidant qu’elle n’arrivait pas à lui répondre. Pourtant, elle aurait bien voulut. Elle avait tellement peur qu’elle tenta de se dégager une première fois, mais il la tenait fermement. D’ailleurs, il relâcha son crayon, qui tomba au sol avec un bruit sourd. Suite à sa question, le silence était suspendu dans les airs, oppressant. Elle voulait partir. S’enfuir loin de de cette pièce. Loin de lui. Mais elle ne pouvait pas, emprisonnée contre son grès. Une deuxième main agrippa son dernier poignet de libre et Shin sursauta encore. Elle était prise au piège, comme un animal dans une cage, attendant sa dernière heure. Aucune échappatoire. Rien. Elle ne pouvait rien faire de plus. Et pourtant, les mots se bloquaient dans sa gorge, traîtres à sa libération. Elle aurait voulu lui dire qu’elle était là avant lui et qu’elle partait pour ne pas le déranger. Que ce n’était pas de sa faute. Qu’elle n’en avait pas fait exprès. Mais rien. Rien ! Elle n’arrivait à rien dire, paralysée par la peur. Ses yeux s’étaient agrandis, et son visage était figé.

- Réponds !

Elle n’y parvenait pas. C’était impossible. Son corps refusait de lui répondre. Elle était seule face à lui. Pour la première fois depuis son arrivait ici, elle espéra de toutes ses forces pour que quelqu’un face irruption dans la salle de musique et les interrompe. Il fallait qu’on la sauve. Elle ne s’en sortirait pas toute seule. Il la dévisageait toujours avec défiance tandis qu’elle subissait le fait de devoir soutenir son regard. Il la secouait de plus belle, maintenant qu’il tenait ses deux bras. Au fond d’elle, il ne craignait qu’il ne la frappe, emporté par sa colère incompréhensible. Ses yeux s’embuèrent malgré elle. A cet instant, elle était cette poupée de porcelaine, fragile et sur le point de briser, dès l’instant qu’elle subissait le moindre petit choc.

- Je … je … tu … étais … Enfin …

Prises dans la violence, toutes ses autres affaires étaient tombées au sol. Son calepin s’était ouvert, quelques feuilles en dépassaient. Sur le dessus, le croquis qu’elle avait commencé. Le majestueux piano sur lequel le garçon avait joué l’espace de quelques malheureuses secondes. Le regard de son agresseur s’y posa un instant, et comme par magie il desserra son étreinte. C’était là sa chance de s’enfuir. La jeune fille essaya de nouveau de se dégager, mais en vain. Tétanisée, elle ne parvenait absolument pas à se défaire de sa poigne. Sans qu’elle ne puisse se contrôler, ses larmes se mirent à coupler sur ses joues. Elle ne pouvait rien y faire. Dans un sanglot, elle tenta de se justifier de nouveau, se forçant à aligner plus de deux mots à la suite.

- Pardon … Pardon … J’voulais pas … Me frappe pas … Pardon …

Bon, c’était pas beaucoup mieux. Elle avait peur et elle n’y pouvait rien. Elle était vraiment pitoyable. Incapable de se défendre à la moindre petite agression physique. Elle avait eu beau prendre la décision d’être moins timide, moins ennuyante, moins tout ce qu’elle n’aimait pas spécialement chez elle et qui faisait qu’elle n’avait de contact avec personne. Elle s’était fait la promesse de ne plus avoir peur. Et maintenant ? Maintenant, elle pleurait, elle tremblait, les mains emprisonnées par un mec qu’elle ne connaissait pas. Et qui plus est, de sa confrérie. Elle serait amenée à le recroiser, peut-être même devrait-elle lui parler. Mais là, elle le craignait.

- Me fais pas de mal … Gémit-elle à nouveau. J’ai rien fait.

Désemparée, elle décida d’opter pour une autre option. Elle ne bougea plus, baissant la tête. Peut-être qu’il la lâcherait de lui-même ? C’était tout ce qu’il lui restait à espérer.

- Laisse-moi partir … Supplia-t-elle à voix pratiquement inaudible.

Entendrait-il ses supplications ?

Invité

La loi du plus fort … Mais qui est-il ?
Shin & Adam

Ce matin, il fait beau. Et je ne sais pas pourquoi, mais je suis sensible aux doux rayons du soleil. J’hésite à sortir, à aller marcher. Ou justement, à profiter du fait que tout le monde se promène sous un temps radieux et avoir les bâtiments pour moi tout seul. Je crois que je vais plutôt choisir la deuxième option d’ailleurs. J’attrape un élastique et attache mes cheveux en un chignon assez rapide. Je porte un jean, une chemise et j’ai même une veste en cuir. Seule excentricité du jour : des baskets de couleur verte claire. Un peu flash, mais je m’en fiche. J’avais envie de les mettre en m’habillant ce matin. Je cherche un coin où aller. Je me dirige vers les bâtiments de ma confrérie, que je ne connais pas encore tout à fait bien. Il n’y a pas grand monde, vu l’heure peu avancée. De toute façon, je ne connais personne chez les Alpha pour le moment.

Je pousse enfin une porte et sourit. Je vois, au milieu de la pièce, un magnifique piano. Pas aussi beau que le mieux, bien sûr, mais ça reste le meilleur instrument à mes yeux. Par chance, personne n’y est installé, je peux donc aller m’asseoir sur le tabouret sans problème et jouer. Je ferme la porte derrière moi, sans me retourner. Ça m’aurait sans doute permis de voir que je ne suis pas seul. Première erreur. Une fois mes fesses en contact avec le siège, j’hésite à poser mes mains sur le piano. Je les laisse donc en suspension quelques secondes. De toute façon, il n’y a personne pour me voir alors c’est sans importance si ça parait bizarre. Enfin, je me décide. J’appuie sur l’une des touches et retire immédiatement mon doigt, dès que j’entends le son en fait. Je recommence plusieurs fois. Bah oui, il me faut le temps de m’habituer ! Enfin, je commence à jouer.
Malheureusement, pas longtemps. Un bruit vient m’interrompre. Je m’arrête dans la demi-seconde et me retourne sur le fauteuil. Je vois alors une jeune fille, brune, qui ramasse visiblement le crayon qu’elle vient de faire tomber. Je sens la colère monter en moi. Je pensais être seul, j’avais besoin d’être seul. Les moments que je passais à jouer, c’était toujours sans aucune compagnie, ou presque. Parce que comme ça, j’étais à l’abri de mon frère. Savoir que ça n’avait pas été le cas, là, me dérange plus que je ne peux le dire. Pour moi, c’est une agression de mon jardin secret, de mon intimité. Je m’en fiche si elle était là avant, si elle ne voulait pas me couper ou si elle n’a pas fait exprès. Elle est là et elle va le payer. Je me lève rapidement et fonds sur elle. Elle n’a pas le temps de ramasser l’objet qui m’a permis de savoir qu’elle était là. D’une main, j’attrape le crayon de bois et de l’autre, l’un de ses poignets. Elle fait bien quinze centimètres de moins que moi. Je la transperce de mon regard courroucé. Je veux qu’elle voie ma colère.

- Ça fait longtemps que t’es là ?

C’est de sa faute. Je ne sais pas si je suis arrivé avant elle ou non. Dans tous les cas, elle aurait dû signaler sa présence. C’est elle qui est en tort, pas moi. J’ai le droit de m’énerver si je le veux. Ce que je fais d’ailleurs. Elle ne me répond pas, ce qui m’irrite encore plus. Je la secoue comme je peux et laisse de nouveau tomber son crayon pour prendre ses deux poignets. Je vois dans ses yeux qu’elle a peur, qu’elle se demande pourquoi je réagis aussi violemment, plutôt que de juste m’énerver un peu. Je ne le sais pas moi-même. Enfin si, j’en ai une petite idée. Parce que c’est comme ça, c’est tout. Je ne suis pas d’humeur à réfléchir à ce que je fais, à me dire que ce n’est sans doute pas de sa faute. Il faut que je passe ma rage sur quelqu’un et elle est là. Je m’en fiche du reste. Deuxième erreur.

- Réponds !

A présent, la petite asiatique a même les larmes qui lui montent aux yeux. Mais qu’est-ce que j’en ai à faire ? Son carnet de dessin aussi est à terre. Je vois alors du coin de l’œil ce qu’elle était en train de faire. En train de dessiner le piano. Elle s’en fichait de moi, c’était l’instrument qui l’intéressait. Je me calme alors un peu, desserrant mes mains autour de ses bras, sans pour autant la lâcher. J’attends une réponse de sa part quand même. J’espère juste qu’elle n’est pas muette parce que ça va pas être facile sinon. Et dire que c’est mon premier contact avec ma confrérie. Bravo. Tant pis, elle est responsable quand même, elle n’avait pas à m’observer. Elle aurait dû partir dès mon arrivée où me dire que ma présence la dérangeait. C’est tout.

made by pandora.

Invité

Le soleil commençait à s’élever quand Shin entra dans l’une des salles de musique des bâtiments de sa confrérie. Ce jour-là, elle s’était levée tôt parce qu’elle voulait profiter de sa journée pour dessiner à la lumière du printemps revenant. Elle avait pris une douche, s’était habillée simplement d’un jean et d’un T-shirt manches trois-quarts bleu pastel. Ses ongles rouges carmin ressortaient de sa tenue claire. Ça ne faisait pas très joli, mais elle s’en fichait, pour une fois. Elle n’avait pas prévu de sortir ni même de voir quelqu’un. Et si jamais elle avait soudainement envie de rencontrer du monde, elle retirerait son vernis pour laisser ses ongles à nu. La jeune fille s’était rendu compte que suivre les cours à Wynwood lui prenait plus de temps que prévu, et que quand elle avait un peu de liberté pour les loisirs, elle préférait se reposer ou se détendre –c’est-à-dire dessiner, le plus souvent. Alors voilà, la jolie Coréenne s’était calmée sur les manucures quotidiennes. Sans oublier que tout ça, ça coûtait de l’argent, et que sa famille en avait de moins en moins.

Donc après s’être habillée, Shin avait simplement séché ses cheveux en vitesse, pour leur donner un aspect plus « lisse ». Dernièrement, elle avait décidé de les laisser pousser, tas de son air enfantin accentué par la rondeur de son visage et la longueur de ses cheveux. Sa chevelure châtain touchait maintenant ses épaules. Elle espérait toujours plaire à Ethan comme ça. Sinon, elle les ferait de nouveau couper.

La jeune fille s’était armée de son calepin déjà à moitié vidé et d’une trousse dans laquelle elle rangeait son nécessaire pour dessiner. Ce matin, elle avait décidé de s’intéresser à l’un des pianos de l’établissement, l’un de ceux qui trônaient dans une des salles de sa confrérie. Elle n’en jouait pas. A vrai dire, elle ne jouait d’aucun instrument. Son éducation avait été complète, sauf sur ce point. Elle n’avait jamais su pourquoi ses parents refusaient qu’elle s’intéresse à la musique. C’était pourtant bon pour le développement d’un enfant, d’apprendre à jouer d’un instrument. Elle n’avait pourtant jamais eu le droit.

Ce piano intéressait particulièrement Shin parce qu’il était un objet de vie. Chacun venait vers lui pour un moment unique, un moment choisi. Qu’on soit seul ou à plusieurs, la musique était toujours un instant merveilleux. Et puis, ce piano, c’était un témoin du passé, du présent et du futur. Il avait vu passer de nombreux Alpha Psi, et en verrait d’autres. Elle aimait ce genre d’objets, silencieux, et qui avaient pourtant vécu tellement de choses. Qui avaient une histoire des plus passionnantes.
La jeune fille voulait donc le représenter avec la vie qu’il avait acquise durant toutes ces années. En entrant, l’adolescente fut saisie par la beauté du spectacle. La lumière commençait à inonder la pièce, accentuant sa beauté. Son sourire habituel prit place sur son visage. Elle arrivait encore à s’émerveiller pour une chose aussi banale. En fait, elle s’émerveillait de beaucoup de choses, dès l’instant qu’elles ne concernaient pas directement l’espèce humaine –là, par exemple, il n’y avait que le piano, et personne pour y jouer. Elle aimait la vie, que ce soit la vie naturelle ou la vie qu’on donnait aux vestiges du passé. Mais elle n’aimait pas les Hommes en général. Parce qu’elle avait peur. Parce qu’elle avait été déçue, parce qu’elle avait vécu des choses qu’elle ne parvenait pas à oublier. Peu à peu, elle arrivait à faire confiance aux autres. Elle s’était fait quelques amis ici. Et puis, dernièrement, elle s’était promis de changer, d’être moins timide, moins transparente. Moins ennuyante. Pour elle, mais surtout pour les autres. Alors, elle refoulait ses peurs, elle se forçait à vivre sans appréhension. Ce qui était parfois bien difficile pour elle.

Shin referma la porte doucement. Il n’y avait personne d’autre qu’elle. C’était aussi pour ça qu’elle s’était levée aussi tôt. Les autres se levaient souvent tard, même si ce n’était qu’une généralité. Sans attendre plus, elle s’assit contre le mur sur lequel reposait la porte. Ainsi, elle avait une vision de recul et en contre-plongée pour pouvoir d’abord observer et savoir comment elle allait procéder. En tailleur, elle resta là longtemps, seule le son de son crayon glissant sur la feuille brisant le silence de plus complet. Et puis, la porte s’ouvrit, la faisant sursauter. Un jeune homme entra. Il n’avait pas fait tant de bruit, mais avait brisé son moment de calme.

Shin le détaille rapidement, de dos. Il était brun, les cheveux attachés en chignon. De loin, on aurait pu le prendre pour une fille, mais le jeune Coréenne voyait bien que ce n’était pas le cas –enfin, elle le sentait plus qu’elle ne le voyait. Le garçon ne prit pas la peine de vérifier si la salle était vide et s’installa devant le piano. Il ne bougea pas vraiment, dans un premier temps. Curieuse, la petite asiatique l’observa. Elle détestait faire ça, parce qu’il ne savait pas qu’elle était là. Mais là, c’était plus fort qu’elle. Il dégageait quelque chose de spécial. Après plusieurs secondes, il éleva les mains, les plaça devant lui, au-dessus du piano, et fixa ses doigts. Il avait des manies bien particulières ! Enfin, il effleura une première touche, retirant sa main à juste après le touché, comme s’il avait été brûlé. Il recommença plusieurs fois.
Shin, totalement hypnotisée, le regardait faire. Elle ne l’avait jamais vu, et un mot, unique, s’imposait désormais dans son esprit pour le qualifier : étrange. Elle avait l’impression qu’il arrivait d’une autre planète.

Sa rêverie prit fin quand il se mit à jouer. Surprise, elle sursauta une nouvelle fois. Et puis, elle se rendit compte qu’elle faisait intrusion dans sa vie privée. La jeune fille se leva discrètement, ramassant son calepin et son crayon. Elle parcourut quelques mètres silencieusement avant de faire tomber son crayon, et plutôt bruyamment, ce qui était quand même un exploit ! Le piano n’avait pas suffi à couvrir son bruit.

La musique s’arrêta immédiatement. Elle était repérée. Livide, Shin baissa la tête puis déglutit. Elle se baissa pour attraper ce qui était à elle et filer le plus vite possible.