I'm feeling you [Joe & Ilyès] ~ Terminé

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Le propriétaire des lieux se servit à son tour. Il semblait de bonne humeur puisqu’il affichait un sourire. Pourtant, il ne vint pas l’embrasser. Ilyès était un peu déçu mais il s’attendait à ça. Il n’y avait rien d’étonnant. Il s’était installé à la même table, en face de lui.

- Bien dormi?

Oui. Ça, il avait bien dormi. Il ne s’était pas réveillé une seule fois. Il avait juste dû dormir longtemps. Un peu trop longtemps sans doute.

- Oui et toi ?

Son ami lui répondit que oui. Ilyès n’avait aucune idée de l’heure qu’il était. C’était certainement l’après-midi. Il ne savait même pas qu’elle jour c’était. Après l’épisode de la plage, il avait perdu la notion du temps et des jours qui passaient. Il n’avait aucune idée si c’était le week-end ou la semaine. C’était pitoyable. Il avait l’impression d’être déphasé et il n’aimait pas ça. Il avait promis de tout dire à son meilleur ami, même s’il allait paraître pour un crétin.

- Euh … te fous pas de moi mais, on est quel jour ?

Non, il n’avait pas perdu la mémoire. Il ajouta alors assez rapidement :

- C’est juste que si y’a court, on les a raté …

Oh, lui, il s’en fichait. Ça faisait déjà un certain temps qu’il n’y allait pas. Joe lui répondit que c’était samedi, en se retenant de rire. Ilyès savait qu’il était à l’abri du renvoie, grâce à l’argent de ses parents. Il n’aimait pas ce fric mais pour une fois, autant l’utiliser à son avantage. Mais il savait que Joe n’aimait pas ne pas y aller, qu’il les suivait avec attention. Le brun savait aussi qu’il devrait y retourner. Avant, il fallait qu’il rattrape tout ce qu’il avait raté. Il devait donc rentrer chez lui pour tout remettre en ordre. Il sentait déjà que ça allait l’énerver. Il ne voulait pas partir tout de suite même s’il se doutait qu’il n’allait pas rester chez son ami trop longtemps. Ça paraitrait bizarre et il ne voulait pas imposer sa présence. Doucement, ils avaient dit. C’était le mieux qu’ils pouvaient faire. Il était perdu dans ses pensées et il finit son café un peu machinalement. Il se sentait bien ici, il se sentait bien dans sa tête. Il avait encore du mal à se dire qu’il était vraiment amoureux de Joe et que c’était réciproque. Il ne se disait pas qu’ils étaient en couple. Il ne pouvait pas le voir comme ça pour l’instant et il devinait que c’était la même chose pour l’homme assis en face de lui. Il posa le bol sur la table et lui sourit. Encore. Il ne savait faire que ça.

- Faudrait peut-être que je rentre chez moi, non ? …

Il ne l’avait pas dit méchamment. Il ne voulait pas que Joe pense que c’était à cause de lui qu’il s’en allait, ce n’était pas le cas. Il posa une main sur sa poche. Bien, il avait toujours son portefeuille. Il pouvait payer un taxi jusqu’à son appartement. Il n’avait pas d’autres affaires ici, il ne lui manquait que sa chaussure, restée dans la chambre. Il était sorti de celle-ci pieds nus, ça ne le dérangeait pas. Maintenant qu’il avait retrouvé ses esprits, qu’il était reposé, il tenait à faire une dernière chose. Remercier Joe. Il l’avait déjà fait mais il voulait vraiment recommencer avec de l’ordre dans sa tête. Il voulait faire comprendre que c’était sincère, pas qu’il l’avait dit par principe.

- Je te remercie encore. Je sais pas comment ça se serait terminé si tu n’étais pas arrivé.

Oh, il se doutait bien que ça n’aurait pas bien tourné pour lui. Il y avait repensé sur le chemin pour aller à la cuisine. Il sourit encore, pour montrer qu’il n’était pas traumatisé par ça. Bien sûr, ça avait été violent. Bien sûr, il n’oublierait pas. Mais il n’allait pas développer une crainte des autres et devenir paranoïaque. Certaines personnes, après des agressions, se refermaient sur elles-mêmes. Elles ne sortaient plus parce que n’importe quel individu qu’elles croisaient devenait un potentiel agresseur. Elles étaient sans cesse angoissées par ce qui les entourait et ne vivait même plus. Elles vivaient juste dans la peur. Ilyès n’était pas non plus hyper serein, il savait qu’il y aurait des problèmes. Mais il préférait penser aux bons moments, se focaliser sur le positif. Il n’avait pas vraiment peur, il était confiant. Advienne que pourra. Il alla chercher ce qui lui manquait, sous le regard du blond. Il appela un taxi avec son portable et s’apprêta à partir. Il hésitait encore sur sa façon de dire au revoir. Et puis merdre, prudence ne voulait pas dire zéro contact non plus ! Il embrassa Joe juste une fois, en étant certain que ça ne serait pas mal pris. Il monta dans la voiture avec un dernier regard vers l’habitation. Il savait qu’il reverrait bientôt le jeune homme. Il ne pouvait cependant s’empêcher de ressentir un manque. Ah, ce que l’amour pouvait être compliqué ! Il faisait ce qu’il voulait, quand il voulait. Au détriment des humains. Ilyès espérait simplement qu’il serait plus constructeur que desctructeur.

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Dormir. Quel bonheur. Retrouver la chaleur de ses draps, la forme de son matelas, de son coussin, pouvoir s'étaler... ah non. Joe avait plusieurs fois tapé ses pieds dans les jambes d'Ilyès, ce qui l'avait alors ramené à la réalité et que faisait-il? Il souriait, se rendormant alors paisiblement. A semi-conscient, il ne devait pas tout réaliser, m'enfin bon. La nuit se passa sans encombres. Puis quelque chose vint chatouiller ses narines, une odeur qu'il affectionnait plus que les autres : celle du café. Souriant alors, il finit par s'étirer dans son lit, gardant les yeux fermés. Il ne buta plus sur son meilleur ami, mais c'était probablement lui qui avait fait le café, donc ça ne le perturbait pas tant que ça. La chambre était sombre, il faisait chaud et ça sentait légèrement le fauve. Joe bailla et resta quelques minutes dans son lit, profitant de ce moment, avant de finalement se lever. Comment ça allait se passer ce matin? Il fallait agir selon d'habitude et suivre les envies qu'il ressentait, non? Il se répétait sans cesse : ne te pose pas trop de question. Après tout, les problèmes allaient venir bien assez tôt, il fallait profiter de ce répit. Le jeune homme se leva alors de son lit, poussant les draps au bout de ce dernier. S'approchant de la fenêtre, il tira un peu sur son boxer et alla ouvrir les vitres de son appartement, ainsi que les volets. Le soleil lui éblouit les yeux. Il faisait incroyablement chaud, c'en était indécent. Joaquin sourit et alla à la salle de bain afin de se soulager. Passant devant le miroir, il se rendit compte que les coups de la veille étaient bien plus ressortis qu'hier soir et surtout : que ces connards ne l'avaient pas loupé ! Il tira la chasse, se lava les mains et quitta le coin nuit pour arriver dans la cuisine. Là, une vision lui arracha un sourire, tandis qu'il brassait ses cheveux d'une main, la tête un peu penchée. Ilyès était là, installé à table, buvant un café apparement frais. Le jeune garçon le salua, chose à laquelle Joe répondit. Il n'était pas trop du matin et surtout : il lui semblait bien que ça soit la première fois que quelqu'un, autre que sa famille, partageait un petit déjeuner avec lui. La plupart du temps, les filles qu'il ramenait de soirée, il les dégageait avant la levée du jour.

Williams s'avança vers la table en souriant à son ami, mais ne vint pas l'embrasser. Il se servit un peu de café et fut content que son ami se soit débrouillé tout seul. Il lui demanda alors :

« Bien dormi? »

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Joe accepta de se laisser soigner, Ilyès en profita pour nettoyer son arcade. Il était juste concentré sur ça. Heureusement qu’il ne l’avait pas connu du temps où il faisait de la boxe et où il était souvent dans des états comme celui-là parce qu’il serait devenue fou ! Il n’aurait pas supporté de le voir se battre comme ça, et accessoirement tomber sous les coups d’un autre. Il trouvait ce sport parfois trop violent, même si ce n’était pas un sport d’extrêmes brutes non plus.

- Tsss. Arrête ça. C'est pas toi le coupable. Tu ne pouvais pas savoir que tu tomberas sur des cons pareils, ça s'arrête là. Mais il faudrait que tu sois prêt, au cas où. Parce que je ne serai pas toujours là et même si je le suis, ce qui s'est passé ce soir risque d'arriver à nouveau. Faudra être prêt pour ça. On t'enlève ton plâtre la semaine prochaine non? Faudrait que je t'apprenne quelque trucs de défense et puis on va investir dans les bombes au poivre. Ça sera toujours ça.

Ilyès hocha la tête. Oui, normalement, on lui enlevait ce putain de truc gênant dans une bonne semaine. Si tout allait bien. S’il n’y avait pas eu de complications. Il avait encore un peu mal par moment mais ça devait être normal. Ça ne se remettait pas comme ça. De plus, il s’était déjà cassé cette jambe par le passé, elle était plus fragile maintenant. Il ne restait qu’à attendre et à voir. Oui, il voulait bien apprendre quelques trucs de défense. Ça pouvait toujours servir, même s’il savait qu’il ne serait pas très doué. Les bombes au poivre aussi étaient une bonne idée. Ce n’était pas compliqué d’appuyer sur un truc du genre, il était sûr de réussir.

- Je vais me doucher, je reviens. Fais comme chez toi...

Ilyès hocha la tête. De toute façon, il n’avait pas l’intention de faire quoi que ce soit. Il était trop fatigué pour se lever. Il attrapa le verre d’eau qui était toujours sur la table de chevet et qu’il n’avait pas touché. Il le but en entier et le reposa. Il voulait juste dormir à présent. Tout était tiré au clair et il n’en pouvait plus. Cela faisait presque trois semaines qu’il n’avait pas dormi correctement. Il était étonné d’avoir tenu aussi longtemps. Il s’installa un peu plus au fond du lit, remettant l’oreiller à plat. Il posa sa tête dessus et resta sur le dos. Avec sa jambe, il n’avait pas autant de liberté qu’il ne l’aurait souhaité. Il ne prit même pas la peine de remettre son t-shirt. Il avait viré les sacs et il ne cherchait plus que la chaleur réconfortante des draps. Au bout d’un moment, Joe revint dans la chambre. Il avait fini de prendre sa douche.

- Je suis crevé. Je ne sais pas quelle heure il est mais faut que je dorme...

Il alla voir l’heure. Quatre heures trente. Effectivement, il était tard. Il était temps de dormir, surtout après cette soirée. Il demanda au brun si ça ne le dérangeait pas qu’il s’installe à côté de lui. Il était chez lui ! Il pouvait faire ce qu’il voulait. Il se glissa à son tour dans le lit et se tourna vers lui. Ilyès ne tourna pas la tête. Ça lui semblait encore un peu trop bizarre pour regarder Joe dormir dans le même lit que lui. Il ferma les yeux et s’endormit presque aussitôt. C’était un sommeil sans rêve, sans cauchemar. Il ne se réveilla pas en sursaut comme tant de fois il l’avait fait en trois semaines. Il ne revit aucune image, rien. Il dormait juste, c’était ce dont il avait besoin.

Pour la deuxième fois, il se réveilla dans cette chambre. Pour la deuxième fois, il se demanda ce qu’il y foutait. Sauf que là, il finit par se rappeler. Il tourna la tête pour vérifier : son meilleur ami dormait tranquillement à côté. Ilyès ne voulait pas le réveiller mais il fallait qu’il se lève. Il avait soif et même s’il n’aimait pas trop ça, un café lui ferait du bien. Il aperçut ses béquilles adossées au mur à côté du lit. Il s’extirpa donc de celui-ci et s’assit à son bord. Il attrapa ce qu’il voulait et se hissa sur sa jambe. Il allait sans doute avoir un peu de mal à se déplacer, il fallait donc qu’il prenne son temps. Joe lui avait dit de faire comme chez lui et le brun avait toujours fait plus ou moins comme ça. Il n’y avait pas de raison que ça change. Il récupéra son t-shirt et l’enfila avant de sortir de la chambre et de refermer doucement la porte. Il alla lentement vers la cuisine. Il faisait jour, la journée devait être bien avancée vu comment le soleil brillait dehors. La cafetière était vide. Ah, mince, il ne savait pas où trouvait tout ce dont il avait besoin pour refaire du café. Il ne voulait pas trop fouiller dans les placards, ça ne se faisait pas. Pourtant, il voulait vraiment boire quelque chose. Tant pis, Joe ne lui en voudrait pas, si ? Il ouvrit quelques portes avant de trouver. Il lança alors la machine et attendit qu’elle se termine pour se remplir un bol. Il s’assit à l’une des chaises qui se trouvaient dans la cuisine et but quelques gorgées avant d’entendre quelqu’un qui s’approchait. Joe devait être réveillé. Ilyès se tourna vers l’endroit d’où venaient les bruits de pas. Il sourit avant de lancer assez joyeusement un « Bonjour ! ». Il allait s’excuser pour avoir fouillé dans les placards mais se ravisa. Son ami n’aimait pas les excuses de ce type. Il se contenta donc de garder son sourire et de voir si le blond était bien réveillé.

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Joe était revenu dans la chambre, demandant à son ami où il avait mal. Ce dernier avait retiré son tee-shirt et Williams pouvait alors voir les nombreux bleus qui recouvraient sa chair. Il ne supportait pas de le voir dans cet état. Des gens s'étaient amusés à le frapper, à l'humilier, à le détruire et c'était impardonnable. Intolérable. Il n'espérait qu'une chose : ne pas avoir à vivre ça trop longtemps, ni même tous les jours, parce que leurs vies allaient rapidement devenir un réel enfer. Le jeune New Yorkais déposa les sacs gelés sur la peau de son ami, s'excusant mentalement de la douleur qu'il devait ressentir à ce contact. Mais rapidement, Ilyès prit les devants, s'armant de désinfectant et de coton, il lui demanda s'il pouvait s'occuper de lui. Joe ne pensait pas être si touché que ça, en fait, il n'y avait pas prêté attention. Il bailla et fit un hochement de tête positif afin de le laisser faire. Ca ne faisait pas mal du tout. Ilyès et lui étaient en cet instant, proche et Joe se sentait bien. Etrangement, cette soirée avait tellement mal commencée qu'il n'aurait jamais pu se douter qu'à cette heure -qu'il ignorait- ils se trouveraient dans un tel état d'esprit. Enfin pour sa part, il se sentait apaisé, soulagé. Il avait juste sommeil. Juste envie de s'écrouler sur son lit, comme une merde et de dormir des heures durant.

Soudain, Ilyès prit de nouveau la parole pour s'excuser. Joe fit une moue surprise. S'excuser de quoi au juste? Le garçon lui expliqua alors son sentiment de culpabilité. Joe répliqua alors :

« Tsss. Arrête ça. C'est pas toi le coupable. Tu ne pouvais pas savoir que tu tomberai sur des cons pareil, ça s'arrête là. Mais il faudrait que tu sois prêt, au cas où. Parce que je ne serai pas toujours là et même si je le suis, ce qui s'est passé ce soir risque d'arriver à nouveau. Faudra être prêt pour ça. On t'enlève ton plâtre la semaine prochaine non? Faudrait que je t'apprenne quelque trucs de défense et puis on va investir dans les bombes au poivre. Ca sera toujours ça. »

Sa voix était calme, grave, mais posée. Il bailla à nouveau puis retira son marcel pour voir s'il avait des bleus, lui aussi. En effet, des coups étaient bien marqués sur sa peau. Il sentait la sueur, après tout, il avait couru avant de venir aider Ilyès. Et là, c'était comme si sa douche l'appelait. Une bonne douche chaude. Joe lança alors à Ilyès, après qu'il eu finit de nettoyer sa plaie à l'arcade :

« Je vais me doucher, je reviens. Fais comme chez toi... »

Lui souriant doucement, il se leva du lit pour aller dans sa salle de bain. Préparant l'eau chaude, à couler dans le bac à douche, il se déshabilla et se rendit réellement compte de l'ampleur des bleus sur son corps. Punaise ! Joe se regarda un moment, puis se décida à aller sous l'eau chaude. Celle-ci lui fit un bien fou ! Décontractant ses muscles, retirant la sueur, lui apportant une dose de calme et de sérénité qu'il appréciait. Après de longues minutes, il sortit enfin. Il se sentait vraiment bien. A tous les niveaux. Un peu stressé quant à la conversation qu'il devrait avoir avec son frère prochainement, mais sinon, il se sentait bien. Le jeune homme enfila une serviette autour de ses hanches et sortit dans la chambre. Prenant un de ses boxers, il l'enfila et alla près du lit.

« Je suis crevé. Je ne sais pas quelle heure il est mais faut que je dorme... »

Il se déplaça vers la commode et y prit sa montre. Il était quatre heures et demie. Il lu l'heure à voix haute et s'avança vers son lit. Il n'allait pas dormir sur le canapé et Ilyès non plus. Mais ça n'était pas une raison pour dormir collé l'un à l'autre. Il n'était pas encore tout à fait prêt pour ça. Il demanda donc si ça dérangeait son ami, qu'il le rejoigne et après sa réponse, il se glissa sous les couettes. Souhaitant une bonne nuit à Ilyès, tourné vers lui, un bras sous son oreiller et l'autre tombant sur ses côtes, il finit par fermer les yeux. Joaquin Williams venait d'entrer en veille prolongée...

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- Exactement, tu me connais. Tu sais très bien que si je peux te protéger de certaines choses, je le ferai. T'as juste à me faire confiance. Mais j'essayerai d'éviter si tu y tiens...

Il lui faisait confiance. Il savait qu’il pouvait le protéger, il n’en doutait pas. Il regrettait de ne pas pouvoir faire de même. Il ne se protéger pas lui-même, comment pourrait-il le faire avec quelqu’un comme Joe ? Il ne le pouvait pas et ça le mettait en boule de savoir ça.

- Oui je préfère... Enfin. Je vais sûrement en parler à Jeff, mais pas tout de suite. Il faut que je sois sûr de... nous. Après tout, peut-être que ça ne marchera pas du tout? Alors on verra. On va éviter de se poser trop de questions je crois.

Là, c’était beaucoup moins drôle. Il ne connaissait presque pas Jeff. Il n’en avait pas peur mais il craignait sa réaction. Il avait eu la même éducation que son frère, il aurait donc une réaction de rejet, sans doute. Il fallait vraiment être sûr sur ce coup là. Ils n’avaient pas le droit à l’erreur. Joe avait raison. Peut-être que ça n’allait pas marcher. On ne pouvait pas savoir à l’avance. Il fallait juste tenter en espérant ne pas trop se planter.

- Bon. J'pense que l'heure du nettoyage et du traitement des plaies est arrivé.

Haha, encore moins drôle. Il n’était pas spécialement douillet. Mais il n’aimait pas vraiment ça. Joe lui demanda de retirer son t-shirt. Il obéit en grimaçant. Il avait quand même mal. Ça ne le dérangeait pas de se retrouver torse nu. Il lui arrivait de faire du sport ainsi, quand il faisait trop chaud. Ce qui le dérangeait, c’était montrer ses blessures. Il avait honte des marques qui étaient sur son corps. Ça lui rappelait cette soirée. C’était il y a combien de temps d’ailleurs ? Il ne savait pas s’il avait dormi longtemps ou non, il ne savait pas l’heure qu’il était. La chambre était éclairée par l’ampoule, les volets étant fermés. Faisait-il déjà jour ou encore nuit ? Ilyès était perdu dans ses pensées et le retour de Joe le tira de son esprit. Il avait déposé sa trousse sur le lit et il était partie chercher des sacs dans le congélateur. Il lui demanda où il avait mal. Ilyès lui montra deux ou trois endroits sur son torse et sur son dos. Il ne savait pas si c’était les coups de poings ou les coups de pied mais c’était efficace. Il sentait bien la douleur. Le contact avec les sacs le fit frissonner. Ça faisait du bien mais bon sang, ce que c’était froid ! Il regarda Joe. Il saignait à l’arcade. Il fallait faire quelque chose pour ça. Ilyès tendit le bras pour attraper la trousse. Il en sortit le désinfectant et une compresse. Il sourit à son ami et lui montra ce qu’il avait dans ses mains pour faire comprendre ce qu’il voulait.

- Je peux ?

Il voulait aussi s’occuper de son ami. Il pouvait faire quelque chose pour une fois. Il préférait quand même demander la permission, ça risquait de faire mal. Il ne s’inquiétait pas, il savait que Joe avait l’habitude. Il avait fait de la boxe, ce n’était pas la première fois qu’il se blessait et pas la première fois qu’on le soignait. Il attendait une réponse positive de son ami et que celui-ci se rapproche.

- Je suis désolé, c’est de ma faute. Non mais qu’elle idée !

Ça, c’était sûr ! Qu’elle idée il avait eu de se promener tranquillement dans les rues mal famées à une heure aussi tardive ? Il s’en voulait depuis qu’il était réveillé et il n’y avait pas à discuter. C’était de sa faute. Il sourit timidement à Joe. Il espérait qu’il ne lui en voudrait pas pour ça, même s’il savait déjà que non.

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Ilyès lui répondit, lorsqu'il avait parlé de repartir à NY, qu'il préférerait partir à sa place, pour raison qu'il n'avait pas sa famille ici. Mais Joe, lui, avait son entreprise à NY. Donc si jamais un jour, il devait partir d'ici, ça serait pour là-bas, du moins un temps. Ensuite, il partirait sans doute s'installer à Los Angeles, si la vie New-Yorkaise ne pouvait plus se faire... Mais il ne voulait pas entamer cette conversation maintenant. Ca n'était pas le quart d'heure !

Ilyès sourit, à ce que Joe venait de lui dire, sur les quelques règles à suivre pour que leur relation fonctionne aux yeux du jeune homme. A quoi pensait-il? Williams l'ignorait mais il ne tarda pas à lui répondre alors, à la suite de :

« Ça vaut aussi pour toi, hein ? Je te connais assez pour savoir que si tu as un problème, tu n’iras pas demander de l’aide. »
« Exactement, tu me connais. Tu sais très bien que si je peux te protéger de certaines choses, je le ferai. T'as juste à me faire confiance. Mais j'essayerai d'éviter si tu y tiens... »

Faire des concessions faisait partie du jeux dans un couple, non? Sauf que Joe n'y connaissait rien, qu'il allait sûrement mal faire au début, qu'il allait être maladroit et qu'il faudrait être indulgent. Très indulgent. Il n'avait jamais été en couple. Il n'avait jamais été amoureux. Alors il fallait qu'Ilyès le comprenne...

« On sera prudents alors. On en parle à personne ? »
« Oui je préfère... Enfin. Je vais sûrement en parler à Jeff, mais pas tout de suite. Il faut que je sois sûr de... nous. Après tout, peut-être que ça ne marchera pas du tout? Alors on verra. On va éviter de se poser trop de questions je crois. »

Il lui sourit à nouveau et finit par même, laisser échapper un petit rire nerveux de soulagement. Il passa de nouveau sa main sur son visage puis dans ses cheveux, avant de se lever d'un coup, grimaçant comme un con. Il lança alors à son ami :

« Bon. J'pense que l'heure du nettoyage et du traitement des plaies est arrivé. »

Le jeune homme alla dans la pièce d'à côté afin de prendre sa trousse infirmière. Il avait pas mal de chose, étant donné son côté très brutal et puis avec la boxe, il fallait mieux être équipé. Il revint alors dans la chambre et sourit à Ilyès. Il lui demanda alors de retirer son tee-shirt afin de voir s'il était blessé ou non. Déposant la trousse sur le lit, il alla dans la cuisine chercher des sacs de légumes congelés pour les déposer sur les probables bleus existants à son retour dans la chambre.

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Il lui tournait toujours le dos. Il ne disait rien. Il laissait un peu le silence s’installer. Pour prendre le temps de réfléchir sans doute. Enfin, il se retourna, regardant directement Ilyès. Un regarda électrisant. Beaucoup de choses pouvaient passer par les yeux. Le brun aimait croiser ces yeux. Ce n’était pas la première fois. Loin de là. Avant, ça n’avait aucun intérêt. Il n’y faisait pas attention. Mais depuis l’accident, c’était différent. Il savait qu’ils pouvaient causer sa perte, qu’il fallait s’en méfier peut-être. Il n’en avait rien à faire. Il ne pouvait pas les quitter. Joe se réinstalla sur le lit, lui prenant la main. Comme à l’hôpital. Il souriait, Ilyès trouvait que ça lui allait bien. Il trouvait dommage de ne pas le voir comme ça plus souvent.

- Je suis d'accord avec tout ce que tu as dis. Tu as raison... Seulement tout se passera en douceur. Il faut que je m'habitue à ça. A tout ça. Alors pour le moment, je ne veux pas trop que ça change. Je ne veux pas qu'on s'embrasse à tout va, je veux pouvoir prendre le temps de faire les choses... Je ne veux pas te faire du mal Ilyès alors oui, j'essayerai. Mais si c'est trop dur pour moi, je préfère te le dire, je partirai pour de bon. Je repartirai à New-York. Parce que comme toi, je n'arriverai pas à faire semblant, en te croisant tous les jours.

Ce n’était pas à lui de partir. Ilyès était arrivé à Miami après. Il n’y avait aucune famille. Il n’avait pas vraiment eu le temps de construire tout ce qu’il voulait. Il avait des amis, bien sûr, mais il pouvait toujours garder le contact, même en partant. Et puis, lui aussi venait de New-York. Il n’était pas exclu qu’il y retourne un jour.

- Non, tu as ton frère ici. Tu viens de le retrouver, tu ne peux pas déjà le laisser. Je peux très bien partir aussi. Si c’est trop dur, nous verrons à ce moment-là.

- Alors on essaie, oui. Mais on y va mollo. J'veux qu'on se dise dès que quelque chose se passe, si on te fait de nouveau chier à ce sujet-là, tu m'en parle tout de suite. Si tu ne te sens pas bien avec moi, dans cette... relation, tu m'en parles vite, ok?

Oui, ça pouvait se faire. Il n’avait pas l’habitude de cacher les choses, de les taire. Bien sûr, il y avait certains moments qu’il n’avait jamais évoqués avec personne et il ne se sentait pas prêt à le faire. Ça n’avait pas d’importance ici. S’il avait le moindre problème, il en parlerait à Joe. Ça, il savait qu’il y aurait des couacs maintenant. Même en y allant doucement, en étant prudents, il y avait toujours un détail qui trahissait, une embrouille quelque part. La communication était importante dans un couple. Un couple ? Pouvaient-ils se considérer comme tel ? Ilyès ne savait pas trop. Il eut un sourire malicieux. Il avait retrouvé un peu de son énergie, de sa joie de vivre.

- Ça vaut aussi pour toi, hein ? Je te connais assez pour savoir que si tu as un problème, tu n’iras pas demander de l’aide.

Il espérait que ça ne soit pas toujours le cas et que Joaquin accepte des conseils de sa part de temps en temps. Si leurs places avaient été échangées dans cette rue, pas sûr que le jeune homme aurait facilement accepté qu’on vienne le défendre. Sauf que lui, il se serait battu, il ne se serait pas laissé faire. Ilyès avait été stupide de ne pas avoir été capable d’essayer. Juste d’essayer de se défendre, de se battre pour sa peau. Il redoutait que son ami ne lui pose des questions. Il ne voulait pas lui mentir, il lui répondrait donc. Ne rien dire n’équivalait pas le mensonge, si ?

- On sera prudents alors. On en parle à personne ?

Il pensait notamment à Erin, une jeune fille qu’il avait rencontrée à Wynwood. Il s’était attaché à elle et la considérait comme sa sœur. Une sœur qu’il n’avait jamais eue. Il lui confiait beaucoup de choses. Il n’était pas sûr de pouvoir lui cacher ça. Il était persuadé qu’elle comprendrait, qu’elle saurait garder ce secret. Il espérait juste que Joe soit d’accord. Il était honnête avec Erin, même si ça faisait longtemps qu’il ne l’avait pas croisée. Il souriait toujours, attendant une réponse, une réaction. Il n’avait plus peur, il était rassuré, soulagé. Il était bien.

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Son meilleur ami se lança alors dans une longue tirade, prit de passion, il se laissa aller à parler également à coeur ouvert. A supprimer toutes les censures, tous les gants. Joe aurait pu se sentir blessé, il aurait pu se sentir presque trahit. Mais non, c'était tout le contraire. Chacun des arguments de son meilleur ami était vrai, était profond. Il avait raison. Qu'est-ce que la normalité? Aux yeux de Joe, ça avait été l'image que son père attendait qu'il soit. L'être qu'il avait sculpté dans son corps. Comme une poterie, son père l'avait construit selon ses idéologies, selon ses principes et les traditions qu'il avait lui même apprises. Mais Joe n'avait jamais désiré aller à l'encontre de tout ça, avant aujourd'hui.
Lorsqu'Ilyès lui lança qu'il était Joaquin Williams, celui qui n'a peur de rien, qui est infranchissable, un sourire se dessina sur ses lèvres. C'était vrai : depuis quand avait-il peur des autres? C'était les autres qui devaient avoir peur de lui. Jamais l'inverse. Ilyès semblait très compréhensif envers lui, ce qui le touchait. Il était prêt à s'effacer un peu, le temps qu'il s'habitue à tout ça. Il était prêt à vivre caché, mais il ne voulait pas renoncer à lui ou plutôt, c'était ce que Joe réussissait à comprendre au travers de sa tirade. Le jeune homme avait de nouveau baissé les yeux, le dos tourné à son ami. Il prit quelques secondes pour réfléchir, pour profiter du silence. Puis il se retourna et regarda, enfin, Ilyès dans les yeux.

Là, c'était comme si la foudre venait de lui tomber dessus. Comme si un éclair lui explosait le coeur, faisant eclater ses maux en poussière. Voilà pourquoi il ne l'avait pas regardé depuis tout à l'heure. Ilyès avait raison, Joe était entièrement d'accord avec tout ce qu'il venait de dire, ce qui confirmait son attachement à ce petit bout de bonhomme. Mais Joe n'était pas prêt à se qualifier de Gay. Il ne le serait jamais d'ailleurs. Non. Il était tout sauf gay. Il était juste raide dingue d'un homme. Un homme à qui il n'aurait jamais pu accorder une telle importance il y a encore quelques mois. Si on lui avait dit ça... Joe sourit.

Il s'approcha du lit, s'assit dessus, regardant toujours Ilyès. Il lui prit la main, d'un geste anormalement tendre, pour cette brute. Il était un peu maladroit, c'était tellement étrange de prendre, de cette façon, la main d'Ilyès... Puis, il finit par lui dire :

« Je suis d'accord avec tout ce que tu as dis. Tu as raison... Seulement tout se passera en douceur. Il faut que je m'habitue à ça. A tout ça. Alors pour le moment, je ne veux pas trop que ça change. Je ne veux pas qu'on s'embrasse à tout va, je veux pouvoir prendre le temps de faire les choses... Je ne veux pas te faire du mal Ilyès alors oui, j'essayerai. Mais si c'est trop dur pour moi, je préfère te le dire, je partirai pour de bon. Je repartirai à New-York. Parce que comme toi, je n'arriverai pas à faire semblant, en te croisant tous les jours. »

Il marqua une pause, conscient que ce qu'il venait de lui dire pouvait choquer son ami. Ils prenaient tout les deux un risque. Un gros risque. Mais rien que le souvenir de leur baiser lui faisait entendre raison. Il se devait de remporter ce combat. Un combat contre lui même, contre son éducation, contre les autres aussi. Il ne voulait pas s'éloigner d'Ilyès, il était trop attaché à cette personne, cet être. Il voulait le préserver de tout, aussi, si la situation tournait au vinaigre, il partirait. Pour se protéger mais pour protéger son ami en même temps.

« Alors on essaie, oui. Mais on y va mollo. J'veux qu'on se dise dès que quelque chose se passe, si on te fait de nouveau chier à ce sujet là, tu m'en parle tout de suite. Si tu ne te sens pas bien avec moi, dans cette... relation, tu m'en parles vite, ok? »

Joe s'était demandé, durant le sommeil de son ami, si ce dernier avait reçu des menaces qui auraient pu amener ces jeunes à l'agresser. Parce que ça semblait louche, une attaque comme ça... non?

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- Si, je crois qu'on parle de la même chose Ilyès... Sinon... je ne t'aurai pas embrassé sur la plage et... je n'aurai pas ressenti tout ça. Je crois que ça a commencé le jour de l'accident. J'ai commencé à ressentir des choses vraiment étranges à ton égard. Et c'était nouveau, je n'avais jamais réalisé cet effet que tu avais sur moi, avant ce jour. Du coup, j'ai été comme frappé d'un grand coup, il fallait que je réfléchisse seul à ça. Je ne pouvais rien te dire avant d'être sûr.

Alors là, c’était juste comme une explosion dans le cœur d’Ilyès. Joe était en train de lui dire ce qu’il ressentait pour lui ! Et apparemment, il l’aimait aussi ! C’était fou, totalement. Ilyès ne le croyait pas. C’était si bon d’entendre ça, de savoir qu’il n’était pas seul. Et de pouvoir comprendre toutes les réactions étranges de son meilleur ami. Tout ce qu’il disait, c’était vrai aussi pour le brun. Il pensait que c’était les médicaments, il disait que l’éloignement avait été difficile. Qu’il avait toujours eu Ilyès dans sa tête. Ce dernier aussi, avait toujours eu l’image de Joe. Elle était imprimée dans son cerveau, sur ses yeux et maintenant, elle était gravée dans son cœur. Il était tellement heureux de voir le jeune homme se confier, parler comme ça. Même s’il voyait qu’il avait du mal. La preuve, il ne le regardait même pas. Ce n’était pas grave, sa voix suffisait. Il avait juste besoin de l’entendre, de se laisser bercer.
Il lui dit qu’il n’avait jamais été amoureux. Il ne pouvait donc pas comprendre ce qu’il lui arrivait. Ilyès, lui, l’avait déjà été. C’était un garçon plutôt sensible et il pouvait s’attacher assez vite. Sauf que ce n’était pas comparable. C’était loin d’être aussi fort que là, les sentiments qu’il avait envers son ami.

- Je me suis dis que toute ma vie allait changer. Que j'étais un de ces...

Ah ça oui, tout allait changer. Radicalement. Sa part « homophobe » ressortait. Il ne pouvait pas prononcer le mot qu’il pensait. Ilyès se doutait que ce n’était pas une appellation positive. Joe se voyait comme un monstre. Non, il ne l’était pas du tout. Ce n’était peut-être pas normal d’aimer un autre mec, le brun s’en fichait. Il n’avait jamais trop porté attention à ces histoires de « normalité » et de choses « naturelles ». Pour lui, les choses étaient ce qu’elles étaient, il n’y avait pas à penser que c’était mal sous prétexte que le voisin ne faisait pas pareil. C’était une manière de penser qu’il ne comprenait pas. Qui avait défini ce qui était normal ou pas ? Et la personne qui avait décidé de tout ça, comment savoir si ce n’était pas elle qui avait tort ? Tous ces préjugés l’énervaient. Mais il comprenait que Joaquin pense ça. Il avait été élevé ainsi. Il avait toujours pensé ça. Il n’allait pas changer d’avis du jour au lendemain, après vingt-deux ans de croyance. Ce n’était pas possible. Il avait continué à agir comme avant. Essayé du moins. Il n’avait visiblement pas réussi. Il était même allé sur internet et avait consulté un médecin ! C’était une énorme remise en question. Ilyès était loin de se douter de tout ça. Lui, il n’avait pas eu besoin de tout ça. Il avait compris tout seul et l’avait plus ou moins accepté sans l’aide de personne. Ça avait dû être terrible pour son meilleur ami. Il le connaissait assez pour savoir ça.
Joe quitta le bord du lit pour faire quelques pas dans la chambre. Peut-être une manière de se détendre. Ilyès le suivit du regard, sans rien dire. Il le vit regarder une photo. D’où il était, il ne pouvait pas la voir. Il se demandait ce qu’elle représentait. Il l’avait sans doute déjà vu accrochée au mur, mais il n’y avait pas prêté attention.

- Je ne suis pas comme ça, je ne... suis pas gay. Je ne peux pas... Je ne peux pas...

Evidemment. Ça ne pouvait pas se finir bien. Il y avait toujours un mais. Joe venait de le dévoiler. Il ne pouvait pas. Il ne pouvait PAS ! Est-ce qu’il le voulait au moins ? Ilyès savait qu’il n’était pas gay. Il n’avait jamais été attiré par un autre homme et il doutait que ce soit le cas à nouveau un jour, si cet homme n’était pas son meilleur ami. C’était aussi une manière de lui faire comprendre qu’il n’y aurait rien de plus entre eux ? Une manière de le rejeter, pas physiquement comme lorsqu’il l’avait repoussé à la plage, mais psychologiquement ? Il ne savait pas. Il allait répondre à tout ce qui venait d’être dit. Le blond ne le regardait toujours pas. Tant pis, il avait des oreilles, il pouvait toujours entendre.

- Tu n’es pas un monstre ! Jamais tu le seras ! Je t’interdis de penser ça. Je ne le suis pas non plus d’ailleurs. Dis-moi, comment sais-tu ce qu’est la normalité ? Explique-moi, dis-moi ou tu as appris ça, dis-moi que tu es sûr à 100 % de ce qui est normal et de ce qui ne l’est pas. Tu n’es pas malade, tu n’es pas anormal. Tu es juste comme tu es. Il n’y a rien à changer à ça.

Il marqua une petite pause. Il ne voulait pas que Joe prenne mal ce qu’il lui disait. Il n’avait cependant pas fini.

- Ecoute, je comprends que tu ne puisses pas accepter tout de suite. C’est normal. Mais de quoi tu as peur ? On s’en fiche des autres ! Ce qu’ils pensent n’a aucune importance. A mes yeux en tout cas. Pourquoi tu ne pourrais pas ? Qu’est-ce qui t’en empêche ? Tu te souviens de ce reportage, le jour de l’accident ? Le gars non plus n’était pas gay. Il était juste amoureux. Tu comprends ? Amoureux. C’était tout ce qui comptait pour lui. Rien d’autre. Je ne m’attends pas à ce que tu fasses comme lui. Tu ne pourras jamais. Je ne te le demanderai pas. Mais pourquoi ne pas essayer ? Je croyais que tu étais un battant, tu ne vas pas te laisser mettre au tapis par ça ? Tous ces préjugées à la con !

Aïe, il avait peut-être été un peu trop loin. Il s’était juste laissé emporter. Il ne voulait pas admettre qu’il n’y ait rien. Parce que ça lui ferait trop mal. Il ne pouvait plus de passer de Joe, c’était trop tard. Il ne voulait pas se priver de lui, être obligé de ne plus le voir, de ne plus l’entendre, de ne plus le sentir près de lui.

- Alors on va faire quoi, si tu peux pas ? On va faire comme si rien s’était passé ? Comme si on était juste ami ? Je suis pas sûr de pouvoir faire semblant comme ça. On va plutôt faire comme si on ne se connaissait pas ? Se croiser sans se regarder, se frôler sans frémir, se parler sans s’écouter ? Juste vivre comme si l’autre n’existait pas ? Je pourrais pas non plus. Qu’est-ce que tu veux faire, dis-moi !

Il se radoucit. Il ne voulait pas s’énervait. Il venait d’admettre ses faiblesses, il espérait qu’elles ne soient pas utilisées contre lui. La dernière phrase, il la prononça plus pour lui-même, pas très fort. C’était plus comme une pensée orale. Joe n’en avait sans doute rien à faire.

- Je suis patient. Je peux attendre …

Invité

« Je vais te dire ce que je ressens. Je crois que j’ai des sentiments pour toi, Joe. Pas les bons, pas ceux que je devrais. Non. Je pense que je suis … amoureux de toi. C’est pas ça qui me fait mal. C’est le fait de ne pas savoir ce que toi tu ressens. Je sais pas quoi en penser, je sais pas quoi faire. Ni même ce que toi tu vas faire. Tout ce que je sais, c’est que je veux pas te perdre. Je le supporterais pas. Je sais pas si on parle de la même chose mais au moins, maintenant, c’est dit. »

Joaquin sentit son corps trembler. Il sentit son coeur devenir de plus en plus chaud, comme une marmite qui sifflerait que le temps est venu pour être d'être libérée. Le jeune homme fixait ses jambes, il n'osait pas affronter le regard d'Ilyès en plus de ses aveux. Le garçon était perturbé par ce qu'il venait d'entendre, c'était à la fois un choc, d'entendre son meilleur ami avouer tout haut être amoureux de soi, mais en même temps, c'était une telle dose de soulagement, que c'en était presque inimaginable. Joaquin était à la fois perdu et à la fois très sûr de lui dans son esprit. La lumière venait de se rallumer, éclairant alors ses songes trop sombres. Ilyès avait eu le courage de lui avouer ses sentiments et il savait à quel point c'était difficile, surtout quand on réfléchit trop. Il passa sa main sur son visage, en partant de son nez afin de ne pas appuyer sur son arcade, puis souffla doucement avant de dire :

« Si, je crois qu'on parle de la même chose Ilyès... Sinon... je ne t'aurai pas embrassé sur la plage et... je n'aurai pas ressenti tout ça.

Je crois que ça a commencé le jour de l'accident. J'ai commencé à ressentir des choses vraiment étranges à ton égard. Et c'était nouveau, je n'avais jamais réalisé cet effet que tu avais sur moi, avant ce jour. Du coup, j'ai été comme frappé d'un grand coup, il fallait que je réfléchisse seul à ça. Je ne pouvais rien te dire avant d'être sûr. »

Joe commençait son monologue justificatif depuis le jour de l'accident. En effet, il n'avait pas toujours eu un comportement exemplaire vis à vis de son ami. Il se devait de lui expliquer tout ça, maintenant.

« J'pensais que ça venait des médoc' mais quand je me suis retrouvé chez moi, je n'arrivais pas à oublier, tu étais tout le temps dans ma tête et ne pas avoir de nouvelle de toi, c'était... insupportable. »

La brute qui parlait à coeur ouvert. Mon Dieu. Il serrait les dents, ne le regardant toujours pas dans les yeux.

« J'crois que c'est à ce moment là que cette hypothèse m'est apparue. C'est celle qui expliquait tout, mais... je n'étais jamais tombé amoureux avant. Je n'avais pas de point de comparaison. Je n'avais rien, aucun bagage. Alors j'ai décidé qu'il fallait que je prenne les choses en main afin d'être sûr. D'où le baiser... et là... j'ai réalisé. J'ai réalisé l'ampleur de la chose. Je me suis dis que toute ma vie allait changer. Que j'étais un de ces... »

Non. C'était encore trop tôt pour pouvoir le dire à voix haute. Il n'était pas prêt à assumer. Absolument pas. Et c'était bien trop lui demander ! Il faisait déjà un effort surprenant pour parler ainsi, fallait pas non plus pousser mémé dans les orties !

« Alors je suis partis. Parce que je ne pouvais pas rester là, je n'avais rien à te dire, je ne savais pas quoi faire. Je me voyais comme un monstre. Je n'étais pas normal. Ce n'est pas normal de ressentir ça pour un mec, non?

Je me suis dis que ça allait me passer, comme un rhume. Fallait que je m'éloigne, ça passerait tout seul. Que si je me tapais une gonzesse, je redeviendrai normal. Mais même ça, ça ne m'attirait plus. Alors je suis allé sur Internet, j'ai discuté avec des gens, j'ai même été voir un médecin... Et ils m'ont dit que j'étais amoureux et que malheureusement, ça ne se soignait pas. Et que le sexe de cette personne importait peu... Mais tu me connais... »

Joe se leva du lit pour marcher un peu dans la chambre. Son regard s'arrêta sur une photographie de lui, accrochée au mur, lors d'un combat de boxe, à New York. Il lança alors, observant la photo :

« Je ne suis pas comme ça, je ne... suis pas gay. Je ne peux pas... Je ne peux pas... »

Baissant alors la tête, il attendit la réaction de son ami.

Invité

Il releva la tête et fit craquer ses doigts. Il se releva en toussant et en grimaçant. A peine quelques secondes plus tôt, il avait confirmé qu’il n’avait pas été consulter de médecin. Parce qu’il jugeait que ce n’était pas nécessaire. Pourtant, ce qu’Ilyès venait de voir montrait le contraire. Joe était têtu et il ne voulait pas qu’on l’aide. Ça ne servait à rien d’insister avec lui. Il alla chercher des verres d’eau dans sa cuisine, laissant son ami seul. Le brun n’avait pas vraiment soif. Il avait mal à sa lèvre, il venait de s’en rendre compte. Le contact du verre, même froid, il le redoutait. Autant ne pas boire du tout. Quand Joe revint, il lui tendit un des verres d’eau et bu une partie du sien. Ilyès lui dit merci et posa le verre su la table de chevet, sans y toucher. Son ami s’était assis sur le lit. Voilà qui était mieux. Ilyès se sentait bien comme ça. Même s’il sentait que quelque chose tracassait Joe.

- Je ne sais même pas si on parle de la même chose Ilyès... Je me sens tellement mal de ressentir tout ça... Je veux dire que c'est trop nouveau pour moi, ça me perturbe trop. Je ne sais pas si...

Ah oui, s’ils ne parlaient pas de la même chose, ils avaient un problème. Joe parlait de ressentir, que c’était mal. Se pouvait-il qu’il l’aime aussi ? Après tout, c’était lui qui l’avait embrassé en premier. Cela voulait dire qu’il s’était posé des questions aussi. Ilyès connaissait son ami, il ne l’aurait pas fait sans une bonne raison. Il décidé de jouer franc jeu, de tout dire sans détour. Même s’il risquait de paraître pour un monstre aux yeux de l’homme assis près de lui.

- Je vais te dire ce que je ressens. Je crois que j’ai des sentiments pour toi, Joe. Pas les bons, pas ceux que je devrais. Non. Je pense que je suis … amoureux de toi. C’est pas ça qui me fait mal. C’est le fait de ne pas savoir ce que toi tu ressens. Je sais pas quoi en penser, je sais pas quoi faire. Ni même ce que toi tu vas faire. Tout ce que je sais, c’est que je veux pas te perdre. Je le supporterais pas. Je sais pas si on parle de la même chose mais au moins, maintenant, c’est dit.

Il n’ajouta rien. Il pensait qu’il avait été suffisamment clair. Dans son cœur, il avait quand même l’espoir que ce soit pareil pour Joe. Ce qui s’était passé à la plage n’était-il pas un argument dans ce sens ? Il fallait qu’il y croit, parce qu’il n’avait rien d’autre à quoi se rattacher à ce moment. L’espoir fait vivre, dit-on. Ilyès attendait une réaction avec anxiété. Son cœur battait très vite, il le sentait dans sa poitrine. Oui, il en était sûr, il était amoureux. Ça faisait autant de bien que de mal, mais il ne voulait pas que ça change. Parce qu’à ses yeux, Joe était parfait. Un peu ronchon parfois, pas toujours très chaleureux avec les autres, mais il s’en fichait des autres. Il avait conscience qu’il avait eu une place privilégiée en étant son meilleur ami. Pouvait-il garder ce statut ou tout allait se terminer comme ça ? Il aurait tant voulu faire un geste pour appuyer ses dires, pour faire comprendre qu’il était sincère. Il ne le fit pas. Il ne voulait pas se faire rejeter. Il ne savait toujours pas ce que pensait Joe, ce qu’il ressentait. Il avait besoin de savoir, c’était presque vital. L’attente, aussi courte qu’elle puisse être, semblait tout simplement interminable.

Invité

Son meilleur ami lui demanda s'il avait été voir un médecin, Joe répondit à sa phrase par un hochement négatif de la tête. Pas besoin de médecin, il était habitué aux coups, son arcade se fermerait sans doute seule et quant au reste, ça finirait par passer, au fil des jours. Joe réalisa qu'il devait toujours, pour tout, y avoir une notion de temps. On dit qu'il faut laisser aux choses, le temps pour se faire. Quant on perd quelqu'un, il faut du temps. Il en faut toujours, comme si c'était l'energie première d'une vie entière. Joe s'était souvent demandé depuis son départ de NYC si tout ce qu'il s'était passé, tous ces bouleversements, n'étaient pas plutôt le fruit d'une perturbation dû à son départ, à ses retrouvailles avec Jeff, à la mort récente de sa mère... Peut-être était-il bien plus perdu qu'il ne le pensait?

« Je peux comprendre. C’est dur aussi pour moi tu sais. Même si je pense que ça l’est moins que pour toi. Mais il ne faut pas que tu rumines trop tout ça. Tu sais que tu peux compter sur moi en cas de problème. N’en doute pas. »

Joe ne préféra pas répondre à ça. Le jour où il demanderait de l'aide de la part d'un autre, les poules auront des dents. Il était débrouillard, il était solitaire et assez fort pour y arriver tout seul, enfin ça, c'était ce qu'il croyait depuis vingt deux ans déjà. Il se trouvait toujours accroupi sur le sol de sa chambre, non loin du lit. Il écoutait la voix d'Ilyès. Une voix dont il ne pouvait se lasser d'écouter, comme une musique, comme une mélodie envoutante...

« Tu ne veux toujours pas rester ? Tu ne veux pas t’approcher de moi ? » Finit par dire de nouveau son ami.

Joe releva doucement la tête, il pouvait apercevoir le visage d'Ilyès. Ce dernier s'était redressé, lui offrant la vue de son visage d'ange. Joe senti des picottements l'envahir de partout. Il prit ses doigts afin de les tirer, de les faire craquer, comme s'il cherchait un soulagement à ses peines. Son ventre lui faisait mal dans cette position, si bien qu'il se décida à se relever, difficilement. Se tenant au mur, il se mit à tousser et à grimacer. Il fallait qu'il boive un peu d'eau. Prevenant son ami qu'il revenait, il alla chercher deux verres d'eau dans la cuisine et revint dans la chambre. S'approchant d'Ilyès, il lui offrit un verre d'eau, tandis qu'il bu le sien de moitié. Il le déposa ensuite sur le chevet près du lit et s'assit au bord de ce dernier, près de son ami. Mais là, c'était comme si c'était plus dur encore de parler de tout ça. De ce qui se passait. Joe ne pouvait pas se livrer sans rien avoir en échange, sans recevoir un signe de son ami, lui disant qu'ils étaient sur la même longueur d'onde... Il ne pouvait pas prendre le risque de parler à coeur ouvert pour se prendre une porte. Il avait déjà prit un risque en l'embrassant sur la plage après tout... Il avait fait le premier pas une fois. Puis avait fuit comme un lache.

« Je ne sais même pas si on parle de la même chose Ilyès... Je me sens tellement mal de ressentir tout ça... Je veux dire que c'est trop nouveau pour moi, ça me perturbe trop. Je ne sais pas si... »

A quoi bon finir sa phrase?...

Invité

- Je faisais mon jogging et je t'ai vu avec ces mecs. Je suis arrivé et j'ai sauté dans le tas, sauf que je... je me surestimais apparemment.

T’aurais dû me laisser là.

Ça ne l’étonnait pas. Joe pouvait être impulsif et avait confiance en lui. Il était fort, on ne pouvait pas en douter. Mais il n’était pas parfait. Seul contre cinq autres gars, ce n’était pas possible. C’était normal s’il avait fini par plier. Ilyès s’en voulait de l’avoir amené dans une galère comme celle-là, même si c’était involontaire. Bon, il ne lui avait rien demandé, il ne l’avait pas forcé à venir l’aider. Mais c’était quand même se sa faute. Il s’en voulait aussi d’avoir été froid avec lui. Il avait le droit de ne plus savoir où il en était. Il avait le droit de douter. Et il avait le droit de s’enfuir s’il ne voulait. C’était un adulte responsable, il agissait comme il le souhaitait. Ilyès n’avait rien à lui reprocher.

- Merci.

Il n’était pas ingrat, tout de même. Ça l’énervait juste un peu que Joe se soit mis en danger pour lui. Il n’aurait pas dû, Ilyès ne le voulait pas. Il ne supportait pas de voir les blessures sur le visage de son meilleur ami. Savoir que c’était à cause de lui était encore pire.

- J'ai demandé de l'aide à un chauffeur de taxi pour t'emmener ici, j'voulais éviter l'hôpital mais si tu me dis que ça ne va pas, on peut y aller?

Non ! Ça, non ! Surtout pas ! Hors de question qu’il retourne là-bas. Il n’avait presque rien. Enfin, il l’espérait. Il avait mal un peu partout mais dans l’ensemble, c’était soutenable. Il avait connu pire. Il s’en fichait de sa propre santé. Ce qui l’inquiétait, c’était celle de Joe. Parce qu’il ne semblait pas en bon état non plus. Il alla s’installer contre son mur, accroupi. Loin d’Ilyès. Encore le moment de la fuite ? Pas vraiment, il était chez lui, il ne pouvait pas partir comme ça.

- T’as été voir un médecin ?

Les explications allaient commencer. Ils en avaient sans doute besoin, tous les deux. C’était une situation trop étrange pour ne pas se poser de questions et ne pas tenter d’y répondre. Quoi qu’il en coute.

- Je te demande pardon Ilyès. D'être partit de la plage... Mais c'était trop pour moi. Je ne pouvais pas rester, je ne pouvais pas te parler. Il me fallait un peu de temps pour analyser tout ça, tu me connais non?... J'étais sous le choc. C'est... c'est quelque chose de dure à... admettre. J'pense que tu peux le comprendre, c'est peut-être aussi ton cas? Enfin... c'était plutôt...

Ça, il s’en doutait bien ! Joe n’était pas seul dans l’histoire. Même si Ilyès était plus ouvert d’esprit, ce n’était pas quelque chose qu’on acceptait facilement. Mais quoi d’ailleurs ? Il fallait bien mettre un mot sur tout ça. Lui, il l’avait déjà fait. Il savait. Qu’il était amoureux. Ça le déroutait, parfois il en doutait. Mais il était presque sûr. Il n’y avait pas d’autre solution. Il n’avait pas le choix. Il devait accepter. Il connaissait son ami aussi. Il savait que ça ne serait pas aussi simple pour lui. Voire même qu’il ne l’accepterait pas du tout. C’était Joe. Une réaction plutôt violente était normale de sa part. Sauf qu’il n’était pas seul. Ilyès était là, s’il avait besoin de quelque chose. Il pouvait peut-être l’aider. Que lui répondre ?

- Je peux comprendre. C’est dur aussi pour moi tu sais. Même si je pense que ça l’est moins que pour toi. Mais il ne faut pas que tu rumines trop tout ça. Tu sais que tu peux compter sur moi en cas de problème. N’en doute pas.

Pourquoi restait-il là-bas, contre le mur ? Pourquoi ne s’approchait-il pas ? Il était dégouté ? Il n’acceptait toujours pas peut-être. Ilyès aurait pourtant voulu l’avoir un peu plus près de lui. Il voulait le voir, pouvoir le contempler. Il avait été privé de sa présence trop longtemps. Il n’osait cependant pas demander directement à ce que Joe revienne à sa place initiale, ce n’était sans doute pas le bon moment. Mais il ne pouvait pas rester comme ça. Il avait trop envie que le jeune homme s’installe à nouveau à ses côtés. Il préféra formuler sa pensée sous forme de questions.

- Tu ne veux toujours pas rester ? Tu ne veux pas t’approcher de moi ?

Il n’avait pas peur, quand même ? Ilyès ne pouvait rien lui faire. Physiquement en tout cas. C’était psychologique alors ? Joe préférait l’éviter ? Ilyès se redressa dans le lit, mettant l’oreiller dans son dos. Il fallait laisser faire le temps. C’était trop rapide, il ne pouvait pas en vouloir à son meilleur ami de ne pas agir comme il l’attendait. Il n’avait pas d’attentes à avoir, un point c’est tout. Ilyès tenta un timide sourire. Il ne voulait pas que le blond pense qu’il était fâché. Ce n’était pas le cas, même s’il l’avait été quelques minutes plus tôt.

Invité

Son ami avait hoché négativement la tête lorsqu'il lui avait demandé s'il se souvenait de quelque chose, de cette soirée. Joe fit un petit bruit avec sa langue contre son palais. Ce n'était pas bon signe, non? Il regardait un peu partout dans la pièce, ne sachant pas où poser son regard étant donné qu'il s'interdisait de le poser sur son ami. Il n'était plus lui même depuis quelques temps. Qui aurait pu dire qu'en quittant New-York, il allait tout perdre? Perdre tout ce qu'il avait toujours été. Il était à Miami et d'un coup, il avait retrouvé son petit frère. Il avait découvert de nouveaux sentiments. De nouvelles choses, sans arrêt. Le jeune homme était déstabilisé et personne ne semblait lui accorder gain de cause. Il était normal d'avoir des réactions extrêmes dans ce genre de situation, non? Alors pourquoi Ilyès ne le comprenait-il pas? Non. Joe devait être plus conciliant. Son ami devait être tout aussi perturbé et encore plus en cet instant, juste après une si violente agression. Ilyès ne tarda pas à lui demander, d'une voix fortement froide au goût de Joe, ce qu'il c'était passé, pourquoi est-ce qu'il était également blessé? Williams finit alors par lui répondre :

« Je faisais mon jogging et je t'ai vu avec ces mecs. Je suis arrivé et j'ai sauté dans le tas, sauf que je... je me surestimais apparemment. »

Première fois de sa vie qu'il se rabaissait ainsi. Ca lui laissait un goût amer dans la bouche. Non, ce n'était pas lui ça. Lui, il était le garçon qui ne doutait jamais de lui, qui se prenait pour un Dieu, dont personne ne pouvait en atteindre la cime... Et pourtant... tout basculait depuis l'accident.

« J'ai demandé de l'aide à un chauffeur de taxi pour t'emmener ici, j'voulais éviter l'hôpital mais si tu me dis que ça ne va pas, on peut y aller? »

Joe lui laissait le choix. Le choix de décider si oui ou non il voulait aller à l'hôpital. Joe pensait qu'il n'avait pas encore assez de force pour supporter des heures d'attente. Il alla en face du lit, près de la porte, s'adossant contre le mur, il finit par se laisser tomber, accroupi, sur le sol. Il déposa ses bras sur ses genoux, tendus. Il baissait le visage, regardant son parquet. De là où il était, il ne voyait pas le isage d'Ilyès, il était trop bas. Aussi, il finit par lui dire:

« Je te demande pardon Ilyès. D'être partit de la plage... Mais c'était trop pour moi. Je ne pouvais pas rester, je ne pouvais pas te parler. Il me fallait un peu de temps pour analyser tout ça, tu me connais non?... J'étais sous le choc. C'est... c'est quelque chose de dure à... admettre. J'pense que tu peux le comprendre, c'est peut-être aussi ton cas? Enfin... c'était plutôt... »

Rattrapant son dernier mot pour le mettre au passé, le jeune homme attendit qu'il lui réponde, le coeur battant la chamade. Il se sentait prêt à discuter mais était-ce le cas de son ami? Peut-être pas après tout...

Invité

Ilyès vit qu’on s’approchait du lit. Pas besoin du préciser qui c’était. Le jeune homme lui sourit. Ça faisait longtemps que le brun n’avait pas vu ce sourire. Enfin, pas vraiment longtemps, quelques jours à peine. Mais c’était trop loin pour lui quand même. Il ne savait pas ce qu’il devait penser de ce sourire.

- Ilyès, tu es chez moi... Tu te souviens de ce qu'il s'est passé ?

Ça, il se doutait bien qu’il était chez Joe, il avait quand même reconnu l’endroit. Est-ce qu’il se souvenait ? Pas de tout en fait. Il se rappelait qu’il avait voulu allait boire un verre (ou plusieurs plutôt) et qu’il était tombé sur un groupe d’hommes. Il avait certaines images en tête et il savait qu’il n’avait rien fait pour éviter ce qui s’était passé. Mais non, rien ne lui revenait en plus. Il préféra hocher la tête négativement. Il n’avait pas spécialement envie de revenir sur cette soirée. Il se trouvait con. Parce que ce n’était pas son genre d’agir ainsi. Il ne sortait pas faire la fête, il n’aimait pas ça. Et surtout, quelle idée de se laisser tabasser ? Il aimait la vie, il aurait pu la perdre aussi bêtement, juste parce qu’il était triste ? Les mecs qui l’avaient attaqué étaient tarés, qui sait jusqu’où ils auraient été ? Mieux valait ne pas savoir.

- Comment tu te sens ? Tu as mal quelque part ? Tu veux quelque chose ?

Il ne savait pas pourquoi, mais la colère commençait à monter en lui. Il ne comprenait tout simplement pas Joe. Le même scénario s’était déjà répété deux fois. A l’hôpital. Il s’était inquiété pour lui, il avait été gentil. Après, il avait pété un plomb. Il s’était radoucit et finalement, ils s’étaient quittés pour ne pas se revoir pendant deux semaines. Et maintenant, là, à la plage et ici, chez Joe. D’abord, ils avaient été contents de se revoir. Il y avait eu leurs baisers, juste un moment inoubliable. Puis Joe était parti, il s’était énervé. A nouveau, la séparation. Enfin, là, il était redevenu gentil. Il s’inquiétait pour Ilyès. Il voulait s’occuper de lui. Mais à quoi jouait-il ? S’il pensait pouvoir agir comme ça sans qu’on ne lui dise rien, c’était raté. Il ne pouvait pas se rapprocher de son meilleur ami quand il lui manquait et le jeter dès que ça allait trop loin. Ilyès en souffrait, il n’était pas un pantin, pas un jouet que l’on vient chercher quand on en a besoin et qu’on range dans sa boite quand on en a marre. Il était un être humain, avec des pensées, des envies, des sentiments. Il n’avait pas l’intention de se laisser faire cette fois-ci. Ce n’était pas dans ses habitudes d’être méchant mais il ne voulait pas ressentir à nouveau la tristesse d’être rejeté.

- A ton avis ?

Sa voix était dans doute un peu plus froide et un peu plus sèche qu’il ne l’aurait voulu mais tant pis. Il n’avait pas envie de sourire, pas envie qu’on s’occupe de lui. Il n’était pas un môme et Joe en avait déjà fait assez pour lui. Il ne voulait pas abuser. Ilyès remarqua alors le sang sur le visage de son meilleur ami. Quelque chose lui disait que ce n’était pas bon. De toute façon, il était coincé ici, il ne pouvait pas partir de ce maudit lit, de ce maudit appartement. Autant poser des questions. Il prit quand même un ton plus neutre.

- Comment j’suis arrivé ici ? Pourquoi t’es blessé ?

Y avait-il un rapport entre les deux ? Pourquoi n’arrivait-il pas à se souvenir ? Ça l’exaspérait. Il soupira. Tout partait en vrille ces derniers temps. Il n’avait plus aucun contrôle sur rien et ça allait finir par le rendre fou. Il avait déjà l’impression de l’être, vu la tournure de sa relation avec son ami. C’était juste complètement fou.

Invité

Il avait remercié le chauffeur de taxi, il avait quitté les lieux en lui souhaitant un bon courage. Dans la voiture, il avait même osé demander à Joe ce qu'il s'était passé, mais ce dernier n'avait pas répondu. Ca ne le regardait pas et beaucoup trop de monde allait déjà le lui demander d'ici peu. Joe s'était donc retrouvé seul avec son ami, il l'avait veillé une heure, puis avait dormi les deux heures suivantes sur ce fauteuil, près de la fenêtre. Après quoi, il fut réveillé et décida d'aller se faire un café, histoire de tenir le choc aux côtés de son meilleur ami. Joe ne se sentait pas bien, tout simplement parce qu'Ilyès ne se réveillait toujours pas. Il regrettait déjà de ne pas l'avoir emmené à l'hôpital. Il retourna alors dans la chambre, à son fauteuil, soufflant sur sa tasse fumante tout en ne quittant pas Ilyès des yeux. Il était vraiment salement amoché... Joe s'en voulait de ne pas avoir été plus concluant que ça mais depuis la révélation de sa... préférence sexuelle, il doutait de plus en plus de lui... Ca n'allait pas rester, certainement, mais c'était une phase pas forcément agréable pour quelqu'un qui se jugeait insubmersible.

Il restait là, fixant le corps d'Ilyès, buvant parfois dans sa tasse, qui lui fit du bien. Il n'avait même pas été se soigner. Son arcade pissait le sang, il en avait sur son visage et puis son ventre lui faisait terriblement mal... Ces types là lui avaient-ils félé une ou plusieurs côtes? Il n'en savait rien... Il n'était pas docteur ! Mais alors que le jeune homme somnolait sur le fauteuil, il entendit une faible voix retentir dans ce silence sépulcrale. Un simple prénom. Son prénom. Joe. Il fit un bon, posant sa tasse sur le chevet le plus proche, il s'approcha du lit. Ilyès avait les yeux ouverts. Joe sourit, comme rassuré, content de ce fait.

« Ilyès, tu es chez moi... Tu te souviens de ce qu'il s'est passé? »

Après un tel choc et une perte de connaissance, c'était souvent normal de ne pas se souvenir de tout. Joe était habitué, avec certains combat de boxe pas très légal. Quand on se prend une bonne déroutée et qu'on perd connaissance, la première chose qu'on nous demande -hormis si on nous entend- c'est la date du jour ou le nom de la personne, afin de stimuler sa mémoire. Et là, il faisait pareil.

« Comment tu te sens? Tu as mal quelque part? Tu veux quelque chose? »

Il était assis au bord du lit, n'osant pas le toucher. Sa main voulu prendre la sienne, mais il s'arrêta avant. Son autre main quand à elle, voulu lui caresser la joue, mais là encore, il n'osait pas le toucher. Dramatique. Oh non : pathétique.

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Ilyès ne s’était même pas sentit partir. Il ne se souvenait pas du moment où il était devenu inconscient. A vrai dire, tant mieux. Il n’aurait pas supporté la suite. Comme par hasard, il fallait que quelqu’un passe à ce moment. Qu’est-ce qu’on allait penser de lui ? Que c’était un faible ? C’était vrai. A cette seconde, il n’y avait rien de plus vrai. Sauf que ce quelqu’un, ce n’était pas n’importe qui. C’était Joe. Evidement. Ça pouvait être n’importe qui, c’était tombé sur lui. Le jeune homme tenta de venir en aide à Ilyès. Bon, ce n’était pas très concluant, puisqu’il se prit pas mal de coups aussi. Heureusement qu’il avait quelques reste de boxe ! Enfin, la bande de mecs finit par partir quand même, jugeant qu’elle avait bien fait son travail. Joe finit par émerger. Il voulut rassurer Ilyès mais ce dernier n’entendait pas. Il ne sentit pas qu’on le transportait dans un taxi, ni qu’on l’amenait dans un appartement et encore moins qu’on l’installait dans un lit. Un lit qu’il connaissait, même s’il n’avait jamais dormi dedans. Il avait besoin de se reposer. De dormir un peu, de récupérer. C’était juste trop. Il n’était pas entièrement remis de l’accident de voiture que ça lui tombait dessus à nouveau. Il ne pourrait jamais être tranquille ! Au moins, inconscient, il ne sentait pas la douleur. Sauf qu’il fallait bien qu’il se réveille à un moment ou à un autre. Il ne savait pas si ça faisait des heures, des jours, ou seulement quelques minutes qu’il était là. Quand il ouvrit les yeux, sans bouger, il ne reconnut d’abord pas l’endroit. Bon, même s’il avait déjà visiter, ce n’était pas la pièce où il avait passé le plus de temps. C’était certain. Et s’il ne reconnaissait pas, c’était aussi parce que dans sa tête, se retrouver ici n’était pas une option. Il ne se souvenait pas vraiment de ce qu’il s’était passé. Juste des cinq mecs qui s’approchaient de lui. Faut dire, il ne voulait pas vraiment se souvenir. Les douleurs qu’il ressentait un peu partout dans son corps lui indiquaient qu’il avait bien été amoché. Il s’était battu ? Ca l’étonnait, il ne savait pas se battre. A la limite, courir. Mais là, il n’avait pas pu choisir cette solution. Déjà, il n’était pas dans un hôpital. Il n’était pas branché, il n’y avait pas de machine, pas la même ambiance ni la même odeur. C’était plutôt une odeur familière et agréable. Il craignait d’avoir deviné où il se trouvait. Non, il ne voulait surtout pas. Il sentait une présence à côté. Il savait déjà qui c’était. Mais il ne voulait pas lui parler. Pas pour l’instant. Pour quoi faire de toute façon ? Se faire repousser, comme sur la plage ? Entendre que c’était un faible, qu’il devait avoir honte de s’être laissé faire ? Non, il ne voulait pas tout ça. Il voulait juste un peu de tranquillité. Pourtant, il ne put s’empêcher de murmurer un nom. Juste un.

- Joe …

Ça ne servait à rien. Ça ne changerait pas les choses. Son meilleur ami devait être dégouté de lui. L’avait-il amené ici pour l’achever ? Ilyès espérait juste que ce n’était pas lui qui était venu tout seul, ça serait vraiment trop pathétique. Il en avait marre d’être du mauvais côté, de paraitre pour une tapette. Il n’était peut-être pas le plus fort mais il n’était pas une fille quand même. Il ne pouvait pas faire grand-chose dans l’état où il était pour le moment. Il prit juste un visage neutre, il ne voulait pas montrer ses émotions. Il attendait de voir ce qui allait se passer. Il ne bougeait que ses yeux pour observer. Décidément, il avait le chic pour se mettre dans des situations plutôt délicates. Pourquoi avait-il fallu que tout ça lui arrive ? Qu’avait-il fait dans une autre vie ? Il avait vraiment dû être méchant pour être puni de la sorte. Parce que oui, il le prenait plutôt comme une punition. Devoir rester loin de Joe était insupportable. Quelqu’un, quelque part, cherchait à le punir en lui mettant des obstacles. L’obstacle majeur qui l’empêchait d’être avec Joe, ba c’était Joe. Ilyès ne savait plus du tout comment réagir. L’avait-il su un jour ? Il n’en était même pas sûr. Dans une situation comme celle-là, une seule solution pour le moment. Ne pas réagir. Analyser et adapter ensuite. C’était dans doute la technique qu’il allait adopter.

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I'm feeling you [Joe & Ilyès] ~ Terminé Tumblr_m9wnxqI8yM1rfykbdo1_500

Cinq jours. Cela faisait cinq jours que la douleur prenait de l'ampleur. De plus en plus. Comme une tâche d'encre sur un buvard, elle s'étendait de plus en plus, détruisant le papier existant en un véritable torchon. C'était insupportable. Joe n'en pouvait plus. Il ne parvenait plus à dormir la nuit, il veillait des heures durant, tel un légume. Il ne mangeait plus tellement, il allait en cours mais n'était pas concentré. Il n'avait eu aucune nouvelle d'Ilyès. Il ne l'avait pas croisé. Il avait été sur son fb, mais aucun statut n'était posté. Il avait regardé ses photos des heures durant. Il avait passé des heures allongé sur son lit, assis sur son canapé. Il n'en pouvait plus. Ca ne lui ressemblait pas tout ça. Il n'avait jamais été comme ça. Il était un gars actif et pourtant... Il ne parvenait pas à oublier son ami, il ne parvenait pas à oublier leurs baisers et toutes ces sensations... Alors il avait été sur Internet, il avait parlé à des gens, il avait consulté un forum et il avait même été voir un médecin. Et tous lui avait répondu la même chose. Il n'était pas forcément gay, non. Mais il était totalement fou amoureux d'Ilyès. Voilà tout. Il se souvint du jour de l'accident, où cette émission était passé. C'était exactement ce que le gars avait dit. Il l'avait trouvé tellement niais ce mec là et pourtant... Seulement quelques semaines plus tard, c'était à son tour de se rendre à l'évidence. C'était la vérité. Aussi étrange que cela puisse être. Aussi morbide que ça pouvait lui sembler. Il était bel et bien amoureux... Pour la toute première fois de sa vie... Pourquoi avait-il fallu que ça tombe sur Ilyès? Son meilleur ami et de plus, un garçon? Pourquoi lui? Que lui avait-il fait? Joe lui en voulait énormément de le priver de sa virilité et pour ça, il ne voulait plus lui parler. Et puis même, il savait qu'il était fâché. Parce qu'il n'avait pas eu la réaction souhaité par son ami sur la plage... Pourtant Joe avait pensé bien faire et au final, malgré tout, il n'avait pas de regrets. Aussi stupide que ça puisse être. Il n'avait aucun regret sur ce qu'il s'était passé, tout simplement parce qu'il se sentait libéré de quelque chose. Libéré d'un poids, d'un mystère. Il savait enfin d'où venait tous ces sentiments qu'il ressentait, toutes ces sensations, tout s'était éclairçi, éclairé. Mais Ilyès lui manquait terriblement. Sans savoir quoi faire pour réparer la situation, il laissait couler. Il se dit que son ami ne reviendrait jamais. Que tout était fichu...

Il fallait qu'il sorte, qu'il se bouge. Et tous les soirs, alors que les autres s'endorment, lui, il allait courir. Il allait se promener, il allait prendre l'air, la nuit. Une nuit, une fille l'avait aguichée et alors qu'il y avait encore quelque jours il aurait pu la ramener chez lui, il l'avait trouvé répugnante. Tellement différente d'Ilyès, de sa fragilité, de sa douceur, de son côté si naturel et presque naïf... Joe sourit. Penser à son ami lui faisait tout aussi de bien qu'également très rapidement, beaucoup de mal... Vêtu d'un jogging en coton noir, d'un marcel de la même couleur, le jeune homme quitta son appartement afin d'aller courir dans le centre ville.

Au bout d'un bon quart d'heure, il arriva vers un secteur pas vraiment occupé par les gens ou alors pas des gens très fréquentables à cette heure. Mais il s'en fichait, sa carrure refroidissait la plupart des malfrats ou petits agresseurs du dimanche. Se focalisant sur sa respiration, Joe ne pensait à rien d'autre et surtout pas à son meilleur ami, ce qui était tellement rare... Au moins, il n'avait plus mal dans ces moments là et c'était bien les seuls !

Seulement, au détour d'une ruelle, le jeune homme entendit des gémissements et des rires gras. Curieux, il fut attentif lorsqu'il passa devant, il faisait sombre, mais il vu un corps sur le sol et pas mal de jeunes autour. Il fronça un sourcil, il ne supportait pas de genre de situation. Il n'était pas non plus du genre à fermer les yeux sans rien dire. Même s'il jugeait qu'il n'avait pas à s'en mêler et que cette larve sur le sol n'avait qu'à se défendre, il ne tarda pas à voir quelque chose qui le perturba : des béquilles. Il s'arrêta alors, essoufflé et fut plus attentif. S'avançant, il se rendit de plus en plus compte de la situation. Son coeur sembla s'arrêter. Son corps tout entier devenir flamme. Il serra les poings et sans réfléchir davantage, il s'avança de plus en plus rapidement, tirant sur l'un des agresseurs par la capuche, il le tira en arrière pour le faire tomber par terre, gueulant alors :

« Non mais vous faîtes quoi là?? »
« Oh tiens ! Sa tafiolle de copain ! » Rigola l'un d'entre eux.

Oh punaise. Alors ça, c'était la phrase qu'il ne fallait pas sortir à Joe et encore moins à ce moment là. Le jeune homme lui envoya son poing dans le visage, merci la boxe ! Il avait été boxeur un petit moment, heureusement qu'il n'avait pas tout perdu en quittant NY ! Le type se retrouva également au sol, mais rapidement, deux gars sautèrent sur Joe, le tenant par les bras. Le gars qui venait de l'insulter s'éloigna alors d'Ilyès, qui semblait très amoché sur le sol. Tous commencèrent à l'encercler et à le ruer également de coups. Dans le ventre, derrière les genoux pour le mettre au sol, sur le visage. Joe encaissa, serrant les poings.

« Alors le PD? T'es content de voir ton mec comme ça? Tu kiffe hein? Sale monstre ! »

Joe ne comprenait pas tout, sa tête bourdonnait, il ne se sentait pas bien du tout. Crachant du sang, il sentit qu'il allait bientôt tomber dans les pommes. Son ventre hurlait de douleur, tout son corps. Et lorsqu'il voyait le corps d'Ilyès au sol, il avait envie de devenir la bête enragée qu'il était. De frapper ces types jusqu'à ce qu'ils en crève. Mais ils étaient bien trop nombreux et même avec sa force et son niveau, il ne parviendrai jamais à bout. Au bout d'un moment, les mecs finirent quand même par les laisser là, après encore d'autres coups, insultes et autre crachas en tout genre. Joe tomba face contre sol. Ce dernier était si froid... mais si agréable. Il ne se sentait pas bien du tout. Il avait envie de vomir. Il essaya d'appeler Ilyès, mais sa voix ne résonnait pas.

Lorsqu'il ouvrit de nouveau les yeux, Joe ne su combien de temps il était rester là, sur ce sol. Ilyès était toujours là. Il ne bougeait pas. Le garçon réussit à se redresser, portant sa main à son ventre. Il grimaça et s'approcha de son ami, inconscient.

« Ilyès?.... C'est moi... C'est Joe... C'est finit... »

Que pouvait-il faire? L'emmener aux urgences? Non. Ils devraient encore supporter l'hôpital et les flics seraient prévenu, chose qu'il ne voulait pas. Peut-être qu'au fond, il ne voulait pas dire la vérité sur l'agression? Qu'il ne voulait pas que ça se sache?... Il retourna donc le corps de son ami pour pouvoir l'observer. Il pissait le sang au niveau de la lèvre et du nez. Joe regardait autour de lui, ne sachant pas quoi faire. Il caressa alors la joue de son ami avant de le laisser là, juste quelques secondes, afin d'aller chercher un taxi. Par chance, l'un d'eux arriva non loin, Joe lui fit signe et lui demanda de venir l'aider. Le chauffeur avait l'air compréhensif, si bien qu'il l'aida à mettre Ilyès dans la voiture, avec les béquilles et accepta de les conduire chez Joe. Ce dernier du néanmoins faire les poches de son ami pour payer la course, puis, demanda l'aide du chauffeur pour le porter à son appartement. Joe coucha alors son meilleur ami dans son propre lit, tandis que le chauffeur partait. Il retourna dans la chambre, complètement déboussolé, sous le choc, ne ressentant pas tout à fait entièrement la douleur de l'agression, encore sous le feu de l'action. Il s'assit sur le fauteuil près de la fenêtre, près du lit et observa son ami. Espérant de tout son coeur qu'il se réveille vite. Il n'osait même pas le toucher, de peur que ses mains, au lieu de le transformer en or, ne le détruise à jamais...

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Il faisait nuit depuis peu de temps. Ilyès n’avait pas vraiment le cœur à s’amuser ce soir. La rue était calme. Il n’y avait que le bruit de ses béquilles sur le sol dur et froid. En fait, il était plutôt en déprime. A cause de Joe. C’était bête. Il savait qu’il l’avait perdu. Il n’avait plus de meilleur ami. Mais ce n’était pas ça qui lui avait fait le plus mal. C’était la réaction du jeune homme sur la plage. Il l’avait embrassé, ok. Il lui avait dit de ne pas s’inquiéter. Et il s’était enfui. En disant juste qu’il ne pouvait pas rester. Ilyès n’avait même pas eu la force d’être en colère. Juste d’être triste. Il était resté quelques minutes, seul, comme un idiot, debout sur le sable. Puis, il s’était résigné à partir. Il avait récupéré ses béquilles et avait repris le bus pour rentrer chez lui. Il s’était senti mal pendant tout le trajet. Mais il n’avait pas voulu craquer devant les autres. Ça ne les regardait pas, il voulait être plus fort que ça. Il ne voulait pas admettre à quel point ça l’avait affecté, à quel point être rejeté lui avait fait mal. Il avait attendu d’être chez lui. Oui, il avait pleuré. Beaucoup. Il était resté enfermé aussi. Pendant plusieurs jours. Il ne savait même pas combien de temps il était resté comme ça. Il n’était pas allé en cours, n’était pas sorti. Il avait mangé quelques fois, s’était douché, s’était couché. Comme un pantin. Il n’avait pas beaucoup dormi. Dès qu’il fermait les yeux, il revoyait tout. Il ne le supportait pas.

Ce soir-là, il avait décidé de faire quelque chose qu’il ne faisait jamais. Sortir. Il voulait aller dans un bar. Il espérait finir bourré, pour oublier. C’était ce que les autres faisaient, non ? Il avait juste eu à chercher sur internet et il avait trouvé facilement. Il s’était préparé vite fait, jean, t-shirt noir, comme sur la plage. Il n’avait pas vraiment le cœur à se faire beau, à s’occuper de lui. Il était donc dans la rue, près des bars, restaurants, magasins, ect. Il ne marchait pas très vite, même s’il était pressé de donner enfin un peu de répit à son esprit. Il n’aurait peut-être pas dû trainer autant. Parce qu’on ne savait jamais sur qui on pouvait tomber. Malheureusement pour lui, un groupe de cinq mecs sortit d’un des bâtiments. Ils avaient déjà bu pas mal de verre visiblement et la discrétion n’était pas leur point fort. Quand ils arrivèrent au niveau d’Ilyès ils s’arrêtèrent et le regardèrent. Ce n’était pas la première fois qu’ils le voyaient. Ils étaient là sur la plage. Ils avaient tout vu. Ils se souvenaient de tout. Et ils étaient décidés à ne pas laisser passer une occasion pareille. Ils se regardèrent, rirent bruyamment et s’avancèrent vers lui. Ils n’avaient pas de bonnes intentions. L’un d’eux, le chef certainement, prit la parole.

- Oh mais regardez qui est là ? C’est la fillette de l’autre jour ! T’es tout seul, ton copain est pas là ?

Ilyès ne voulait pas leur répondre. Ça ne servait à rien. Il voulut juste les contourner. Ils étaient dans un coin plutôt sombre et le jeune homme n’était pas trop rassuré. Il n’avait pas peur mais bon, ce n’était pas une situation où il pouvait avoir extrêmement confiance. Il avait raison de se méfier. Ils lui barrèrent la route. Le même type s’adressa à lui en riant.

- Ba alors, tu parles pas ? T’as perdu ta langue ? Dans la bouche de ton petit ami certainement !

Okay, comprit, ils étaient sans doute homophobes. En plus d’être cons et bourrés. Ils riaient tous. Ils l’encerclèrent même. Ilyès ne pouvait pas se dégager. Seul contre cinq, il n’avait aucune chance. Il tenta quand même.

- Laissez-moi passer s’il vous plait.

Autant vous dire que ça ne marche pas. Du tout même. Ils s’approchèrent encore plus. Le jeu allait commencer. On savait déjà qui allait perdre. L’un des types lui arracha ses béquilles. Ilyès s’y accrocha mais il n’eut pas la force suffisante pour les garder.

- Et les mecs, si on s’occupait de son joli petit visage d’ange ?

S’occuper ? Ils n’avaient pas l’air d’être amicaux. Bingo. En moins d’une seconde, l’un d’eux tapa dans sa jambe. Il ne résista pas, il tombe par terra. Il voulait crier. Mais il se retint. C’était perdu d’avance. Et puis, une autre idée lui traversa l’esprit. De toute façon, il n’en avait plus rien à faire. La douleur physique effacerait la douleur morale. Peut-être encore mieux que l’alcool. C’est pour ça qu’il ne se défendit pas. Parce que sur le coup, il n’en voyait même pas l’intérêt. D’ailleurs, les coups commençaient à venir. De partout. Dans le visage, dans le ventre, dans les jambes. Sur toutes les parties que pouvaient toucher les agresseurs. Ils riaient, encore et encore. Ils avaient l’air de beaucoup s’amuser. Leur victime était toujours consciente. Elle n’avait qu’une hâte : que ça se termine vite.

- Alors, t’as personne pour te défendre, pédale ! Tu sais pas te battre ! Ça m’étonne pas, t’as vu à quoi tu ressembles ?

Sans doute plus à rien à ce moment. Sauf qu’il s’en fichait. Il préférait ça, cette violence, plutôt que le silence de Joe. Un silence à durée indéterminée. Oh, il se doutait bien qu’il ne lui reparlerait plus. Mais c’était trop dur pour lui. Il aurait presque souhaitait que ce soit Joe à la place des cinq hommes. Il aurait compris, il aurait su. Ça valait mieux. C’était ce qu’il pensait. Les autres s’acharnaient toujours sur lui, il n’y avait personne pour les en empêcher. A moins que … ?