[TERMINÉ] You have to think before acting... || Bluberry

Bluberry a pris sa décision. Je sens ses mains me repousser. Je l’observe pour essayer de comprendre. Elle ne veut donc pas ? J’essaye de trouver une réponse dans ses yeux. Il me suffit d’un petit quelque chose… Un rien. Un truc. Un mot peut-être. Elle me dit que j’ai raison et qu’il serait plus prudent de sortir des toilettes dès à présent. Elle ne veut pas prendre de risque. Elle a sans doute raison. Oui, c’est plus sensé d’agir ainsi. Quitter les lieux avant qu’une quelconque personne nous surprenne. Pourtant je ne comprends pas. Une larme roule sur sa joue. Ça me fait mal de la voir ainsi. Je lui ai fait du mal ? J’ai dit quelque chose de travers ? J’ai… J’ai joué les cons en voulant aller plus loin avec elle, je le sais déjà. Je n’ai pas compris pourquoi elle ne m’a pas repoussé. Et maintenant je ne comprends pas pourquoi elle est si triste. J’ai l’impression que me colère m’a aveuglé. En fait, je suis sûr que je vais regretter cet incident. Elle n’aurait pas dû passer dans ce couloir. Elle aurait dû me laisser seul. Ma rage m’a retourné le cerveau. Elle aurait dû fuir tant qu’il en était encore temps. Et maintenant c’est trop tard. J’ai réussi à la capturer dans les toilettes. Maintenant nous risquons le pire. Bluberry tente de s’échapper. Elle doit croire que je suis fou. Elle doit me haïr. Comment continuer d’apprécier un ami qui ose faire ça ?
Je la vois ramasser son haut. Elle me tourne le dos. C’est trop tard. J’aimerai la retenir pour m’excuser. Mais je ne peux pas… Je n’ai pas les mots. Comment expliquer ça de toute façon ? Quand je suis désespéré j’agis de la pire des manières ? Quand la colère vient percer mon cœur, elle fait de moi l’esclave de mes sens, de mes besoins. Elle censure ma raison pour me faire agir comme bon lui semble. Je ne peux pas lui dire ça…

La main tremblante de Bluberry se pose sur la poignée de la porte. Elle la fait pivoter et sort de la pièce sans un mot de plus. C’est maintenant ou jamais. Je pourrais faire quelque chose. Ramasser mes affaires, la suivre, la rattraper, la regarder droit dans les yeux et lui dire tout ce que je pense. Mais c’est stupide. Comment pensez-vous qu’elle réagira face à un « on oublie tout et on reste juste amis ?». Ça l’anéantira, ça la détruira. Car dans le fond, je sais pourquoi elle a si facilement accepté mes avances. Je sais pourquoi elle a répondu à mes baisers… Dans le fond c’est clair comme de l’eau de roche. Bluberry a toujours eu des sentiments pour moi. Peut-être qu’au début je n’étais pour elle qu’un ami, mais elle a forcément développé autre chose. Un truc bien plus fort… Quelque chose que je n’ai pas vu car j’étais trop aveuglé par notre amitié. Pour moi ça n’aurait jamais pu aller plus loin. Et elle secrètement elle espérait le contraire… Comment n’ai-je pu rien voir venir ? Comment est-ce arrivé ? Qu’ai-je fais ? Il y a forcément eu un malentendu, un geste, un mot… Quelque chose a réussi à convaincre Bluberry que nous deux, ça pourrait aller plus loin… Alors que non. Je ne…

Je secoue la tête. Elle doit déjà être loin maintenant. Je ramasse mon polo et l’enfile. Je me regarde un instant dans le miroir. Et maintenant ? Qu’est-ce qu’il va se passer ? Évidemment je recroiserai Bluberry. Nous sommes dans la même confrérie ! Nous ne suivons pas les mêmes cours et je ne dors pas dans le bâtiment des Sigma Mu mais… Je suis footballeur et elle est cheerleader. Nous mangeons tous les deux au self. Nous parcourons tous les jours les mêmes couloirs… Comment éviter quelqu’un de son lycée ? Et que vais-je dire si je tombe nez à nez avec elle ? Je dois être mature. Je dois faire face à mes responsabilités. Un jour nous aurons une discussion d’adultes. Nous parlerons de tout ce qui s’est passé et on mettra les choses au clair, voilà tout !

« Et là il me dit, Ali tu dois me dire ce que tu pens… Hé ! Sors de là, pervers ! » Ah oui ! Je regarde la demoiselle et souris. Bon, ok, pour le coup ça fait encore plus bizarre. Je secoue la tête et répond.
« Désolé… Je vous laisse les filles ! » J’ai toujours réussi à avoir des phrases parfaites pour mettre à l’aise. Je donne sans arrêt mon sourire de séducteur aux femmes résistantes. Mais là, je n’ai plus le courage de faire quoi que ce soit. Les mains en l’air, comme un gangster attrapé par la police, je sors des toilettes des filles.

Et maintenant ? J’ai comme envie de sécher pour le reste de la journée. Je vais m’installer sur le canapé de la villa pour jouer à un jeu vidéo. Tuer me défoulera.

Boum… Boum… Boum… Vous entendez ce rythme ? Un bruit sourd. Le claquement d’une batterie. Un… Deux…Un… Deux… Toujours le même rythme. Le bruit si fort, si puissant, si rapide, incontrôlable. Il envahit mes oreilles. Je n’entends plus que lui. Il fait battre mon cœur. Il impose la vitesse de la pulsation. Mon cœur se contracte à chaque battement de la mélodie. Ou bien est-ce chaque battement de mon cœur qui créent la musique… Ça me rend fou. Ça contrôle mon corps. À chaque nouveau bruit, je dois bouger. Je n’ai pas assez d’oxygène. Je me nourrirais d’elle si je le pouvais. Il n’y a qu’elle. Elle seule. Son corps. Sa peau. Son parfum. Son souffle. Ses lèvres. Son cou. Sa poitrine. Ses mains. Son être entier. Je le veux. Je la veux pour les mauvaises raisons. Tout ça ne tient pas la route. Elle et moi. C’est n’importe quoi. Je me suis toujours promis d’être un gentleman. Je ne profite pas des femmes. Je les fais se sentir bien, je leur procure du plaisir tout en m’en accaparant une part. Je les écoute. Je privilégie dialogue. Je ne suis pas un animal. Je dois me contrôler. Je dois prendre mes responsabilités. Je dois assumer mes actes. Je dois prendre conscience que si je fais tout ça à ce moment-même c’est simplement parce que je ne suis plus tout à fait moi-même. J’ai perdu la raison. Mon être s’enflamme. Je ne suis qu’un pantin dirigé par ses sens. Le combat entre le cœur, la raison et les sens est perdu d’avance. Je pourrais y arriver si seulement j’en avais l’envie. Le seul problème dans l’histoire c’est le mal que je vais probablement causé. Bluberry est une très bonne amie. Je passe tellement de bons moments avec elle. Je vais tout gâcher. D’un revers de la main, j’envoie valser notre amitié. Parce qu’après ça, rien ne sera pareil. Je ne pourrais plus la regarder de la même manière. Et même si nous pouvons être des amis avec bénéfices à la clé, je ne crois pas en ces choses-là. Il y en a toujours un qui finit par s’attacher un peu trop à l’autre. Je sais que ça ne sera pas mon cas. Je ne cherche pas à tomber amoureux. Et quand bien même, Bluberry n’est pas le genre de fille avec qui je voudrais former un couple. C’est une amie parfaite, elle est sûrement une petite-amie tout aussi extraordinaire. Je ne remettrais jamais ça en question. Le fait est que son caractère ne colle pas à mes critères. C’est une amie et ça ne dépassera pas ce stade. Elle est incroyablement sexy, très bien faite, avec les atouts qu’il faut où il faut. C’est étonnant qu’elle n’est d’ailleurs personne dans sa vie. Le truc, c’est qu’elle est encore jeune. Elle a besoin de voir le monde, de faire des expériences, de s’ouvrir à de nouveaux types de relations. Elle n’en est qu’au début alors que je suis déjà loin. Je ne veux pas attendre sur le bas-côté qu’elle soit prête. Je sais que c’est égoïste de dire ça. Mais je ne veux pas attendre parce que je ne sais pas de quoi sera constitué demain. Le présent est instable et mon futur des plus flous. Je ne peux rien promettre. Je ne peux m’engager. Je suis coincé dans une voie à sens unique qui ne correspond pas à de nombreuses personnes. Je suis destiné à être un solitaire.

Je ralentis le rythme. Ses pensées viennent me freiner dans mon élan. C’est comme si ma raison venait fouetter mon corps trop rebelle. La douleur me saute aux yeux pourtant ça ne parvient pas à me calmer complètement.
La sonnerie de la cloche vient tenter de m’achever. Voici la fin d’une nouvelle période de cours. Je me fige brusquement et fixe Bluberry dans les yeux. Je suis collé à elle. Nous avons tous les deux perdus nos yeux. Entrelacés, nos corps se chauffent. Du bruit dans le couloir attire un peu plus mon attention. J’hésite un instant. On fait quoi ? Je continue ? Je prends ce risque ? Ou je fuis avant d’être repérer ? « On…» Je ne sais quoi dire. J’inspire profondément et regarde une dernière fois la poitrine de la jeune femme avant de diriger mes yeux dans les siens. Un instant de silence se glisse entre nous, comme une période de flottement… Les bruits de l’autre côté de la porte s’intensifient… Je lâche Bluberry et m’écarte légèrement. « On ferait mieux de…» Partir ? Oui. C’est ce que j’ai envie de dire. Mais je n’arrive pas à m’y résoudre. Mes yeux ne quittent pas le corps de la demoiselle tandis que je vais à la recherche de mon t-shirt. Je me baisse le récupère. Une voix crie à côté de la porte. « Partir…» Le mot sort au ralenti. Je me redresse. Sans réfléchir je retourne trouver la bouche de Bluberry et je l’embrasse à nouveau avec toute la fougue de tout à l’heure. On peut aussi se cacher, faire ça en silence tel des clandestins. On peut attendre et reprendre du début. On peut s’enfuir en courant et faire ça dans le jardin derrière un buisson. Je peux mettre ma main sur sa bouche et l’empêcher de faire le moindre bruit. Mais je ne peux pas prendre cette décision. Je m’arrête et la questionne du regard.

Vous connaissez cette incroyable sensation d’être invisible, que rien ne peut vous arrêtez. Comme un guerrier sur le champ de bataille, courant vers l’ennemi. Le poing levé, la rage au ventre. Un fou emporté dans son élan qui ne réalise pas qu’il court vers sa perte. Il est trop enivré par la folie du sauveur. Il n’est plus tout à fait lui-même. Il ne devient qu’un pion prêt à tout pour son roi. Et en face de lui, il y a sa réplique exacte. Aussi fou. Sans la moindre trace de peur. L’arme à la main, la détermination et cette certitude d’en ressortir vivant. Pourtant, les deux souffriront. Les deux mourront sans doute. Mais s’ils ont un peu de chance, ils en ressortiront blessés, meurtris, cassés, dévastés. Peut-on vraiment dire que c’est la chance qui les a épargnés ? Bien au contraire ! Le destin les a tirés du carnage pour qu’à chaque instant ils se rendent compte qu’ils n’étaient pas eux-mêmes. Il l’est sort de là pour qu’ils se souviennent qu’ils étaient prêts à abandonner leurs familles, leurs vies, leurs êtres chers pour un combat. Un simple combat. Un de plus parmi des milliers. Qu’allait-il leur apporter ? Rien. Pourtant, ils l’ont fait. Ils ont foncé dans le tas, sans réfléchir aux conséquences.

Je suis un de ces stupides soldats à ce moment précis. Et Bluberry est mon adversaire. Ce n’est pas un combat dans lequel nous nous lançons. Mais nous courons également à notre perte. Nous ne pensons ni aux conséquences, ni à ce qu’apporte véritablement cet acte. Nous sommes aveuglés par le désir tout comme les guerriers sont aveuglés par leur rage, leur soif de victoire. Nous jouons à armes égales. Mon désir, le sien, nous corps, nos lèvres, nos souffles se mêlant l’un à l’autre.
Elle enroule ses jambes entourent de ma taille. Je me resserre toujours un peu plus à elle. Mon jean n’est plus qu’un obstacle m’empêchant d’atteindre mon but. Je la veux. Je la désire. C’est ainsi que j’aurais ma victoire. C’est ainsi que je gagnerai. Et j’en ressortirai aussi minable que ces foutus soldats sans cervelle. Et je dois bien avouer que je n’en ai pas plus qu’eux. Je ne pense à rien. Je ne pense qu’à elle.
J’ai si chaud. Mes mains ne sont plus que deux chardons ardents se promenant sur la peau de ma proie. Je sens les siennes venir se promener sur ma peau. Elles glissent sur mon torse tel deux serpents empressés de planter leurs crocs pour injecter du venin. Je me laisse faire. Rapidement, mon pull se retrouve en boule sur le carrelage. Je le regarde un instant. 1-0 pour la demoiselle. Elle a pris l’avantage. Elle continue. Elle me cherche. Elle me pousse. Elle m’empêche de fuir. Elle m’attaque. M’embrasse.
Bluberry descend du perchoir sur lequel je l’avais installée. Je la jauge un instant tout en reprenant mon souffle. J’ai l’avantage de la taille. J’ai la faiblesse de l’esprit. Mon désir est si grand qu’il me pousserait à faire n’importe quoi. Les doigts de la jeune fille viennent se poser sur mon torse. Elle est actuellement ma kryptonite. Ma faiblesse. A dix doigts, elle parvient à me contrôler. Je me laisse entièrement faire, un léger sourire sur le coin des lèvres. Un pas… Deux pas… Trois pas… Bientôt un obstacle froid vient m’heurter m’empêchant ainsi de reculer d’avantage. Me voilà bloquer contre l’un des murs. Je ne sais même plus où nous sommes. De quel côté. Dans quelle pièce. Dans quel bâtiment. Dans quelle ville. Dans quel pays… Il n’y a qu’elle. Nous continuons à nous embrasser.

Je n’aime pas être ainsi piégé. Alors sans rien lui dire, je reprends les rênes. Je reprends le pouvoir. Je ne sortirais pas de ce combat sans avoir montré ce que j’ai dans le ventre.
Brutalement, j’échange les positions. Je fais pivoter Bluberry en maintenant ses épaules. Je la plaque contre le fameux mur. Mes mains partent chercher les siennes et je les coince contre la paroi lisse au niveau de la tête de la jeune fille. Elle est ma prisonnière. Désormais, si je ne lui offre pas mes lèvres, elle ne peut rien faire. Elle est alors esclave de mes baisers. Je les laisse descendre le long de son cou. Je descends toujours plus. Je lâche l’une de ses mains pour aller caresser sa poitrine. « Blu…» Entre deux baisers, les mots sortent de ma gorge sans que je les contrôle réellement. Je ne raisonne plus. « Qu’est-ce que…» Je continue sans réfléchir. Mes mains attrapent son haut est le remonte tout doucement pour l’enlever. «… tu faisais là ?…» Une façon pour moi de lui dire que tout aurait été différent si elle ne m’avait pas croisé à cet instant précis dans le couloir. Pourquoi elle ? Pourquoi a-t-elle pris cette direction ? Pourquoi est-elle passée devant moi ? Pourquoi m’emmener dans les toilettes ? Pourquoi un lieu discret ? Pourquoi pas un lieu public ? Pourquoi pas le parc ? Endroit où j’aurais pu crier, respirer… Pourquoi nos deux corps ainsi liés ? Pourquoi nous ? À quoi tout cela rime-t-il ? Allons-nous aller toujours plus loin ? Quelqu’un va-t-il ouvrir la porte ? L’a-t-elle déjà fait ? Pourquoi continue-t-elle de m’embrasser ?

Cet endroit est loin d’être romantique. La situation aussi. Mais je m’en moque. Bluberry connaît mes habitudes. Elle sait sans doute très bien que j’ai déjà eu de nombreuses aventures. Ce n’est pas faute de lui en avoir parlé ! Je lui dis beaucoup de choses. Dont ça… Mon aventure récente avec une fille plus vieille que moi chez ma mère. Nos deux corps nus dans la piscine, la chambre, la cuisine, le salon… Bref, je ne m’étais pas gêné de lui raconter quelques détails sur ce côté privé de ma vie. Parce que pour moi, c’était un pote. Et aux potes on peut tout dire. Surtout ça ! Alors me retrouver avec elle, avoir les mêmes désirs que lorsque je me suis retrouve en tête à tête avec une femme… C’est contraire à toutes mes règles. Je ne couche pas avec des amis. Je ne touche pas les petites copines ou ex de mes amis. Je ne drague pas mes professeurs. Je ne couche pas avec des lycéennes célibataires à la recherche du grand amour. Bref. J’ai quelque peu contourné certaines de mes règles. Notamment concernant mon adorable professeure brésilienne. Mais ce n’est pas le moment pour en briser une nouvelle ! Merde.
Le problème c’est que Bluberry ne fait rien pour m’aider. Ses mains passant sur mon corps n’ont fait qu’éveiller la flamme qui brûle en moi. Son corps est à ma merci. Elle est là. Ses lèvres sont miennes. Elle s’accroche à moi. M’empêchant de me dire qu’elle ne veut pas. Je ne peux pas raisonner. Je ne peux pas réfléchir. Mon corps dicte sa loi sur mon esprit. Ma langue cherche une ouverture, une brèche, un passage. Elle caresse. Elle joue. Je joue. Je me rapproche d’elle. Le désir tord de plus en plus mon ventre. Ma respiration se mêle à celle de la jeune fille. Nous partageons notre oxygène. Ce gaz nous permettant de vivre. Je veux vivre, profiter, m’amuser. Je veux ressentir tous les plaisirs qu’offre la vie. Je veux vibrer. La faire vibrer. Je ne sais si c’est bien ou mal. Je ne sais si je m’en voudrais ou non. Je m’en moque. Le présent est la seule importance. Il n’y a que Bluberry. Son corps de femme. Ses formes. Son parfum. Sa chaleur. Ses mains. Ses lèvres. Sa langue. Son cou. Sa peau…

Mes mains glissent dans le bas de son dos. Elles passent sur les fesses de la jeune fille. Je ne sais même plus ce que je fais. Mes instincts agissent. Tout est si naturel à mes yeux. Son corps et mon corps ne formant qu’un… À cette idée, une violente poussée d’envie me submerge. Comme un tsunami venant recouvrir mon âme, balayant toute présence de bon sens. Mes baisers s’accentuent un peu plus. Son cou, sa bouche, le lobe de son oreille, ses épaules… Mes mains viennent attraper les cuisses de la demoiselle. Je la soulève pour venir la faire s’asseoir sur le rebord de l’un des lavabos.

Une idée vient traverser mon esprit. Et si quelqu’un débarquait ? Si une lycéenne venait se remaquiller ? Nous serions pris sur le fait. Tels des hors la loi, nous recevrions un regard dégouté puis nous fuirons en courant. Cette idée ne fait qu’augmenter mon envie de continuer. Elle aurait pu me calmer. J’aurais pu me raisonner en me disant que ce n’est pas sérieux, pas ici, pas dans ses conditions… Et en y réfléchissant, j’aurais compris qu’embrasser Bluberry n’était définitivement qu’un coup de tête et une mauvaise idée. Mais ce n’est pas le cas ! Au contraire, l’idée de prendre un risque m’excite plus que tout. Le goût du risque. Cette pensée que l’on peut être découvert à tout moment… Ça me donne envie d’aller encore plus loin. De pousser les limites toujours plus loin tant que personne n’ouvre cette porte.

Je sens son souffle, son parfum, la douceur de sa peau. Je ne réfléchis pas. Mes lèvres collées aux siennes dans une infime caresse. Je sais qu’elle va me repousser. Pourquoi ferait-elle autre chose ? Alors je profite de ce petit instant éphémère. J’ai toujours su trouver un certain réconfort dans mes relations avec la gente féminine.
Mais il ne se passe rien. Rien de ce que j’attendais. Au contraire. Je sens soudainement Bluberry répondre à mon baiser. Ses lèvres s’activent contre les miennes. J’ouvre les yeux alors qu’elle se recule doucement. Je ne comprends plus rien. Je pensais l’embrouiller avec un geste complètement fou et finalement c’est moi qui en ressors plus perdu qu’autre chose. J’entends cette petite voix me souffler d’y retrouver. J’ai envie de l’embrasser, de la caresser, poser mes mains sur son corps. Mais j’entends également la raison me crier que tout cela est complètement insensé. Je ne suis pas dans mon état normal. Je ne réfléchis pas convenablement. Je n’arrive pas à entendre cette seconde voix beaucoup plus sage. C’est comme si je savais qu’elle était là mais je la censure. Je la bloque, la met sur muet. Je laisse mes instincts ressortir. Je ne suis plus qu’une bête. Je suis un mâle enfermé avec une proie. Une proie complètement consentante. Et je dois avouer que ce n’est pas pour déplaire à cet autre moi qui est dans les toilettes.

Je suis tourné vers Bluberry. C’est comme si je la voyais sous un nouveau jour. Mon regard glisse sur son visage. Je passe de ses lèvres, remonte le long de son nez, fixe ses yeux. Son regard est également plongé dans le mien. Je le lâche un instant pour laisser mes yeux dégringoler dans la cascade que forment ses longs cheveux lisses. Je ne résiste à l’attraction de la forme de sa poitrine moulée dans son t-shirt. J’avale ma salive et relève les yeux vers la jeune fille. Elle s’approche à nouveau de moi pour cette fois-ci être poser ses lèvres sur les miennes. Sans rien me dire. Chacun son tour. Je sens sa main se nicher dans ma nuque. Je pivote un peu plus pour être véritablement face à elle. Notre baiser devient plus fort, plus puissant. Je bouge un peu plus. Je n’ai pas envie de rester ainsi assis au sol. Je me lève un peu. J’essaye de faire en sorte que Bluberry suive le mouvement.

Une fois debout, je baisse la tête pour l’observer un instant. Je ne sais ce qu’il se passe à cet instant. Elle et moi… Ça ne rime à rien. Je ne sais pas si elle comprend. Tout ça… Tant pis ! Je fonce sur elle comme une tornade. Un ouragan dévastateur. Ma rage, ma haine, ma tristesse… Tout vient se mêler pour ne former qu’une boule assoiffée de désir. Tant que je ne serais pas rassasié, je ne m’arrêterai pas. C’est sûr Bluberry que c’est tombé… Voilà tout. Je la pousse contre les lavabos. Je la bloque ainsi et vient déposer mes lèvres dans son cou. Sa peau à un léger parfum sucré et appétissant.
Mes mains viennent glisser dans son dos. Je descends progressivement mes doigts tout en remontant mes lèvres vers sa bouche.

Mon cœur bat fort. Un rythme si régulier comme le battement d’une batterie dans une musique de rock. Une pulsation rythmée, impossible à suivre sans un véritable don. Tous les yeux se rivent sur le batteur. Sur mon père. Il est là. Sa nouvelle femme dans le public. Est-ce qu’il a eu des enfants ? A-t-il pensé à moi depuis qu’il a quitté la maison ? S’est-il un jour dit qu’il avait ruiné mon enfance ? Pourquoi est-il parti ? Pour la même raison que moi ? En apprenant la nouvelle, il a eu peur et a fui dans une tournée en Amérique du Sud. Comme moi. J’ai tout fait comme lui en fait. Je suis aussi lâche que mon père ! J’ai appris la nouvelle. J’ai fui. Et je ne suis pas revenu à la maison. À part après avoir reçu la nouvelle. Celle de la mort de maman. J’ai fait comme lui. Les deux hommes de sa vie ont quitté le foyer pour l’exacte même raison. J’ai fait souffrir ma mère. Je me souviens de la peine qu’elle a eu quand papa est parti. Alors j’imagine facilement ce que je lui ai fait. Je ne suis qu’un abruti fini ! Un crétin qui ne mérite pas de vivre. Je mériterai des baffes !

Je sens la main de Bluberry. Juste dans la mienne. Elle est plus chaude que la mienne. Plus rassurante. Elle m’entraine derrière la porte à laquelle je m’appuyais. Nous pénétrons à l’intérieur. Les toilettes des filles. Mon regard incapable de se poser à un seul endroit. Je parcours la pièce de fond en comble. Plus propre que celle des garçons, il y a également plus de lavabo, de portes et cette odeur bien moins désagréable. Un bruit strident vient jusqu’à mes oreilles. Je mets du temps à réaliser que c’est une fille mécontente. Et je comprends encore plus tardivement que c’est contre moi qu’elle crie. J’ai l’impression qu’elle parle un autre langage. Ou bien que je descends d’une autre planète. Je suis complètement externe à toute la scène. Heureusement pour moi, Blu prend les choses en main.

Quelques minutes ou bien secondes, je n’arrive plus trop à savoir, je me retrouve à nouveau seul avec mon ami. Elle est assise, au sol, le dos appuyé à la porte. Je la regarde tendrement un instant. Sans ça présence, je serais sans doute en train de péter un câble. J’aurais probablement commencé à frapper dans la première chose à ma portée, puis j’aurais couru jusqu’à ma voiture. Je me vois très bien en train de conduire comme un fou jusqu’à la villa où je me serais terré dans le garage. Pompes, tractions, abdos etc… Tout y serait passé. Je ne me serais arrêté qu’à l’écroulement. Mes idées auraient vagué d’un souvenir douloureux à un autre encore plus. Et comme il y a deux ans, j’aurais été dans ma chambre, j’aurais fait ma valise et aurais à nouveau claqué la porte. Je sais que ça peut sembler excessif. Et j’avoue que je le suis très souvent. Je n’aurais probablement pas été jusqu’au bout. J’aurais trainé en ville, mon sac sur l’épaule. J’aurais bu quelques verres et me serais raisonné. Mais ça ne change rien… Sans Bluberry, j’aurais agi comme un con.
Je m’assois à côté d’elle et l’observe en silence. Je me sens mieux. « Merci. » Je la regarde un instant droit dans les yeux sans rien ajouter de plus. J’espère qu’elle comprend ce que je veux dire par ce simple mot. Je ne suis pas un grand bavard. Il ne faut pas m’en demander trop. Je ne sais plus quoi lui dire. Qu’est-ce que tu fais dans les couloirs à cette heure-ci ? Pourquoi tu n’es pas en cours ? « Ça t’arrive souvent d’emmener des mecs dans les toilettes comme ça ? » Cette phrase est sortie naturellement de ma bouche. Je n’en suis pas responsable. Ou presque. En fait… Je ne voulais pas dire ça à voix haute. J’aurais dû lui poser une question par rapport à ses cours… Ça aurait été beaucoup plus simple. Mais en réalité, je m’en fous. J’ai envie de la remercier, pas de lui faire un long monologue sur mon état mental actuel. Je n’ai pas envie de réfléchir. Je suis seul avec elle dans ces toilettes vidées de toute autre présence humaine. Il n’y a que nous deux et le robinet qui goutte. Nous, deux amis. De simples amis ? En fait, je suis tellement à côté de mes pompes que j’ai l’impression que je pourrais agir n’importe comment aujourd’hui. Il y a mon esprit, debout à attendre de retourner dans mon corps. Et il y a cet être inconnu qui aveugle mes sens et me fait agir n’importe comment. C’est lui qui fait que je me décale un peu plus vers Bluberry tout en lui souriant.

Je l’ai toujours considérée comme une simple amie. Je lui raconte tout. Les filles que j’ai rencontré en boîte, les anecdotes des vestiaires après les matchs de foot, mon amour pour les hamburgers, les comptes rendus des matchs des Chicago Bulls et aussi mes journées. Bref, je parle de tout. Comme si elle est mon égale. Ce n’est pas vraiment une fille à proprement parlé à mes yeux. C’est une amie. Je ne ressens aucune attirance, aucun sentiment autre que de l’amitié. Elle est comme les Cannonballs. Rien de plus. Rien de moins.
Pourtant je lui offre mon sourire le plus tendre en déposant ma main sur la sienne. « Merci… Vraiment. D’avoir été présente pour moi…» Ma seconde main remonte pour remettre une de ses mèches de cheveux.

Ce n’est pas moi qui agis. C’est lui ! Ce deuxième Edward incontrôlable et impulsif. C’est ma haine, ma rage et ma colère qui censure ma raison. Je m’approche doucement du visage de la demoiselle. Je quitte ses yeux pour fixer ses lèvres. Et bientôt me voilà collé à cette bouche si attirante. Un baiser tendre et doux. Mais je sens la force et l’envie monter en moi. Je suis énervé et j’ai besoin de me défouler. Ce ne sera pas en faisant du sport. Enfin…
Il faut que Bluberry me repousse. Il faut qu’elle me giffle, qu’elle m’engueule. Je le mérite. Je le veux. Je veux qu’on me crache au visage. Je veux qu’on me traite de tous les noms. Je le mérite. Je ne suis qu’un lâche, un faible, un traitre, un imbécile. Si ma mère ne peut plus me punir. Que Bluberry le fasse ! Qu’elle me jette dehors et me traite de tous les noms.

Le couper en morceaux. Lui lancer des pierres jusqu’à ce que mort s’en suive ! Non, des stylos ! Des stylos rouges ! Comme ceux qu’il utilise pour corriger ses tests. Je lui ferais comprendre qu’on ne parle pas ainsi de ma mère. Que personne ne dise rien ! Surtout pas les profs. Je vois déjà le rendez-vous dans le bureau du principal. Le professeur blâmant mon comportement agressif et inapproprié pour un étudiant de dernière année. On me demandera alors ce qui ne va pas chez moi, si j’ai des problèmes de concentration etc… On m’obligera à avoir des rendez-vous chez la conseillère d’orientation. Et là, bien sûr elle lira mon dossier. Elle me demandera de parler de la mort de ma mère. Elle me posera des questions sur ma fugue. Parce que oui, sur mon dossier c’est inscrit comme ça ! Parce que je suis mineur, que j’ai disparu du foyer familial et que j’avais pris de l’argent sur moi… Il faut quand même préciser qu’avec mon passeport, mon âge en deçà de la majorité j’ai réussi à passer la frontière ! De toute façon ma mère a su comprendre que ça ne servait à rien de me chercher. Et eux… Le système ! Il faudrait qu’ils comprennent la même chose. Ça ne sert à rien de savoir pourquoi j’ai fait ça, pourquoi je réagis ainsi… Bien sûr il y a une raison évidente. Ils pourront même la trouver facilement s’ils cherchent un minimum dans leur tonne de papiers. Mais ce n’est pas ça qui compte ! On se fout du pourquoi, du comment, du quand, du qui… Tout ce qui compte c’est qu’aujourd’hui je suis là, que ma mère est morte et que je fais tout pour qu’elle soit fière de moi. Même si je ne suis pas tout à fait à la hauteur. Même si je ne fais rien de la bonne manière… Mais ils ne sont pas capables de voir plus loin que le bout de leur nez. Non, évidement ! C’est tellement plus simple de me mettre tout sur le dos ! Ils ne se rendent pas compte de la pression permanente que je subis ? Ma solitude dans la maison familiale. Mon oncle qui veut être mon tuteur et donc faire tout pour être vu comme la bonne personne. D’ailleurs il est mon tuteur légal… Mais n’est-ce pas que pour récupérer un peu d’argent ? Mon cœur se bloque. Je sens toute la rage, la colère et la tristesse m’envahir à nouveau. J’ai dû mal à respirer. Je…« Je suis là. » Je sursaute presque. Je l’avais vu se rapprocher mais je n’avais pas réalisé qu’elle était vraiment là. C’est comme si un voile blanc me coupe du reste du monde. Un voile de sentiments que je n’arrive à maitriser. Bluberry. Je pivote lentement la tête vers elle. Mon cœur est encore rythmé par la rage. « J.. Je..n…» Je n’arrive pas à aligner convenablement les mots. C’était comme s’ils restaient bloqués en moi. C’est qui, je dois l’avouer, a le don de m’énerver. Ça me fait penser à ma mère aussi… Quand elle guettait le moindre bégayement, quand elle avait dû mal à parler à son tour… Je cligne des paupières et tente de me concentrer. « J’ai… J’ai pas envie de parler… Pas ici ! Pas d’vant tout l’monde ! » Je regarde le couloir. Il n’y a personne mais on ne sait jamais ! Je ne veux pas que tout le monde puisse me voir dans cet état. Quelle heure est-il ? Où sont tous les élèves ? Pourquoi Bluberry est-elle là ? Pourquoi vient-elle me parler ? Est-elle réelle ? Tout cela n’est-il pas un cauchemar ? Vais-je m’énerver contre elle aussi ? Je bouillonne de l’intérieur. J’ai besoin de me calmer… Que l’on me calme…

« M. Bird… Vous m’avez déçu… Un D- ! Et encore j’étais prêt à vous mettre un E… Que s’est-il passé ? Je croyais que vous faisiez tout pour rattraper votre retard. Vous sembliez plein de bonne volonté mais cela n’était que des paroles en l’air, n’est-ce pas ? Un beau tissu de mensonges… Si votre mère vous voyez ! Croyez-moi elle serait sans doute terriblement déçu par vos résultats et votre comportement. » Mes poings se serrent, ma vision se trouble, mon cœur accélère brutalement, mon estomac se retourne, des papillons se battent en moi, mon sang vient stagner dans mon cerveau. Je vais exploser. Je n’en peux plus. Ce prof, ces lunettes, cette classe, ces reproches… Je crois que je vais tuer quelqu’un. Lui ! Je vais l’assassiner de mes propres mains. Lui et sa voix horripilante ne vont plus faire long feu. Je me lève brutalement de la chaise installé devant le bureau. Le bruit sourd de ce mouvement coupe mon professeur dans sa tirade. Je le darde du regard. Mes poings sont toujours fermés et ma mâchoire peine à desserrer. Je ne sais que dire, que faire. Mais je ne peux rester comme ça ! Je ne me laisserai pas insulter sans réagir. « Allez-vous faire foutre avec vos grands airs de je sais tout et ne parlez plus jamais de ma mère. Jamais ! » J’attrape le devoir et le froisse dans ma main tout en sortant précipitamment de la salle de classe. Des élèves attendent pour rentrer, ils attendent pour s’installer dans la salle où se trouve le diable. Voilà le nouveau surnom de mon professeur d’anglais. Je claque la porte mais elle ne tarde pas à s’ouvrir. « Revenez M. Bird ! Je ne vous permets pas de me parler sur ce ton ! Revenez tout de suite ! Vous ne faites qu’empirer votre cas ! » Sans réfléchir, je commence à courir. Mes foulées s’enchainent sur le sol lisse des couloirs de Wynwood High School. Je n’en peux plus. Je suffoque. J’ai du mal à respirer. Mon cœur s’affole. La colère broie mon bon sens. Je n’arrive plus à réfléchir convenablement. Mon poing heurte un casier. Le métal froid se froisse légèrement sous la force du coup. Si quelqu’un vient me reprocher quelque chose tout de suite, je le frappe. Je m’acharne sur lui. Ce n’est pas le moment. Je transpire un peu trop à mon goût. Mon colère brûle mon corps de l’intérieur. Je me sens mal. Le stresse fait bouger mes doigts convulsivement sans que je m’en aperçoive. « Ma mère… Qu’est-ce qu’il en sait putain ! Qu’il aille au diable merde ! Non mais… » Je donne un coup de pied contre le mur puis je recommence à tourner en rond. Je passe mes mains sur mon crâne tout en essayant de retrouver mon calme. C’est peine perdue. Je ne remarque même pas que les couloirs se sont vidés. Il n’y a plus personne. Tout le monde est en cours. Tous sauf moi… Je crois qu’il vaut mieux pour mes professeur, mes camarades et moi-même que je m’autorise une petite pause. Histoire de souffler, de respirer, de retrouver mon calme et surtout d’éviter de péter à nouveau mon câble. Les scandales ne sont pas bons pour mon image. Je m’en moque totalement de cette fameuse image mais… Mais ma mère aurait vu ça d’un mauvais œil. On en revient toujours à elle. Je sais que je l’ai déçue. Je sais que je l’ai blessée. Et maintenant qu’elle est morte ces erreurs remontent sans arrêt à la surface. Je culpabilise bien assez ! Si les profs s’y mettent aussi… Ce n’est plus une vie que je vais avoir ! Je serais dans un enfer de remords et de déception. Je me dégoute, je me hais. Et ma mère doit ressentir la même chose pour moi. J’espère que de là où elle est, elle comprend. Non… En fait, je sais qu’elle comprend. Je sais qu’elle m’a pardonné et qu’elle m’aimera toujours. Alors pourquoi enfoncer le clou ? Je suis déjà bien assez mal dans ma peau. Je retrouve presque mon calme. Je m’appuie contre une porte, Je crois que c’est celle des toilettes des filles, mais ça n’a aucune importance. Je ferme les paupières et tente de retrouver une respiration normale. Sauf que là… Je visualise le visage de mon prof. Ses mots résonnent en moi. Mes poings se ferment à nouveau. Qu’il aille au diable !