« Tu veux vraiment une gifle toi non? » | Ryan & Edward

Un cours? Merde ! J'allais être en retard pour mon cours de science ! Je levais mon bras devant mes yeux pour lire l'heure, il était 13 h 56. Je commençais à 14 heures. J'ouvris ma bouteille d'eau et en bu presque la moitié avant de répondre au garçon :

« J'ai un cours dans 5 minutes, il faut que je file. »

Pas vu le temps passer avec tout ça. La dispute, la course poursuite, le fait de rentrer chez les Khi pour me changer etc... au final, mon heure pour déjeuner avait filé à toute allure. Il fallait que je me dépêche pour ne pas être en retard. Mais en 4 minutes, il fallait que je traverse la cour, monte les escaliers et arrive à ma salle. Autrement dit, impossible ! Je commençais donc a avancer vers le bâtiment de l'école, me tournant vers Ed' pour lui dire:

« Passes une meilleure fin de journée Ed' ! »

Sur ce, je lui tournais le dos afin de me mettre à courir pour rejoindre mon bâtiment et ainsi, ma salle de cours. Je me mets à courir à toute allure. Il faut que je récupère mon sac dans mon casier au deuxième étage! Je détale comme un lapin poursuivit par un dangereux tueur. Arrivée enfin à l'école, je grimpe les marches au plus vite, j'arrive à mon casier, totalement ésoufflée et je prends mon sac. Refermant violemment la porte en fer, je passe devant un distributeur de nourriture, mon ventre grogne. J'ai terriblement faim. Je me prends un truc, je suis affreusement en retard maintenant !

Après de longues minutes, j'arrive enfin à ma salle de classe. Je ne m'excuse pas de mon retard, le prof n'est pas encore là. Je m'installe au fond de la salle, comme toujours. Je ne connais personne dans ma classe. Certains se connaissent, moi je suis seule. Après quelques instants, le prof arrive il referme la porte. J'ai faim. J'ai soif et je suis fatiguée. La journée de merde continue.

HRP: Pour une première rencontre, j'ai pensé qu'on pouvait s'arrêter là? Si tu veux, j'aimerai bien qu'ils finissent par devenir ami, ça te dirait?

J’attends sur le perron de sa confrérie. Les Khi… Qui sont-ils déjà ? Je ne m’en souviens plus. Je n’ai pas dû m’intéresser à cette confrérie lors de mon inscription. Déjà que j’ai été tenté de n’en prendre aucune. C’est mon subconscient qui m’a fait comprendre que j’en avais besoin. Faire partie d’un groupe, créer des liens particuliers et ainsi avoir des raisons de rester. Sinon à la première difficulté j’aurais fait mon sac et serais parti à nouveau sur les routes du monde. Donc pour moi, ça a été les sigma mu. Les rebelles… Je ne sais pas trop pourquoi. Parce que j’aurais pu aller chez les sportifs. Mais voilà, j’ai tellement ce sentiment de liberté dans mon être. Je ne supporte pas être sous contrôle même si j’accepte l’autorité d’un patron… Quoi que… Si vous vous demandez pourquoi je change de boss presque tous les mois. J’aurais aussi pu aller chez les dragueurs. J’ai enchaîné pas mal de relations et j’aime les femmes. Vraiment. Bref. Le nom de cette confrérie ne me dit rien. Par conséquent, ils ne proposaient pas quelque chose qui me correspond.

Notre confrérie ne sera donc pas un point commun. Par contre, nous sommes tous les deux nouveaux. Je n’aurais jamais cru ça ! Mademoiselle je montre les crocs n’a pas réagi ainsi pour maintenir sa réputation. Mais par naturel ! Ce qui finalement me conforte dans l’idée que j’ai pu me faire d’elle.
Je m’appuie contre le mur et observe l’intérieur sans pour autant rentrer. J’attends patiemment. Pourquoi est-ce que j’attends au fait ? Elle ne m’a pas donné de raisons pour le faire. Pourquoi j’ai marché avec elle aussi ? Non parce que… Je risque de me faire rembarrer à un moment ou un autre !
Mes mains s’enfournent dans les poches de mon baggy, mon pied monte s’appuyer contre le mur.
La demoiselle finit par redescendre avec un nouveau t-shirt. Blanc cette fois-ci. Encore mieux pour les tâches ! Alors qu’elle n’était pas trop loin de moi, elle m’envoya une bouteille d’eau. Grâce à mes réflexes, j’arrive à la rattraper. J’évite la honte de faire tomber le récipient, les mains bloquées dans les poches. Et mais… Elle a une bouteille aussi ! Elle en a donc pris deux… Elle ne m’a pas ignoré ! Elle ne fait pas tout pour m’éloigner. Étrange… « Au fait, moi c'est Ryan » Et en plus elle se présente ! Wow… On fait des progrès !
Ryan… C’est un prénom plus généralement masculin. Mais je trouve que ça lui va bien. Du caractère et de la surprise. « Moi c’est Ed’ ! Merci pour la bouteille !» C’est bien la première fois en deux ans que je donne mon véritable prénom spontanément. De toute façon, ici je ne suis pas anonyme. J’ai mon casier, j’ai mon nom sur la liste d’une glace, j’ai dû signer des papiers… Je suis Edward et pas Marc, Joe, Samuel ou un autre ! « Tu vas en cours tout à l’heure, toi ? » Question comme une autre… Mon ventre fait accidentellement un bruit. « Shit…» Avec toute cette histoire, je n’ai pas eu le temps de manger. Mais je vais attendre qu’elle s’énerve contre moi et qu’elle me plante tout seul au milieu du parc.

Il était lui aussi nouveau? Et bien ils avaient finalement trouvé un point commun à leurs deux êtres si différents ! Ryan sourit presque invisiblement, tout en continuant son chemin, accompagné de ce garçon. Elle s'était calmée et même si elle restait solitaire et agressive comme jeune femme, sa présence ne la dérangeait pas plus que ça en ce moment précis. Peut-être que d'ici deux minutes ça changerait, mais pas pour le moment.

« Je ne m'excuse jamais, c'est pas pour demander qu'on s'excuse quand on m'agresse »

Bon ok, elle lui avait fait la remarque quant au fait qu'il ne s'était pas excusé suite à leur accrochage, mais elle ne lui avait pas non plus demandé de s'excuser et elle ne l'avait même pas fait elle même. Et même si elle serait en tord -qu'elle l'était- elle ne le faisait jamais. Pour personne. Ca ne serait donc pas avec un pur étranger que ça commencerait. Elle était comme ça, point barre.

« C'est pas comme ça que j'imaginais le miens non plus, ça change. »

Sa voix neutre, ni triste ni gaie. Sa voix, son ton habituels. Ouais, Ryan n'était pas le genre de fille à rire, à sourire et à être drôle, mais on pouvait ressentir certaines choses quand même, quand aux mots qu'elle choisissait. Pour un premier jour, pour une rentrée dans un nouvel établissement, une nouvelle ville, c'est vrai qu'on connait mieux. Mais au moins, c'est vrai, ça changeait de l'ordinaire et c'était.. distrayant. On ne peut pas leur enlever ça, c'était évident. Autant négativement que positivement d'ailleurs.

« Non t'inquiète, j'veux juste aller me changer et puis, j'verrai bien pour détâcher ça plus tard »

Oula, elle s'était vraiment beaucoup calmé, c'en était même perturbant. Ils arrivèrent alors bientôt devant le bâtiment des Khi, entrant à l'intérieur, laissant la porte d'entrée ouverte, la jeune femme monta l'escalier à une vitesse folle puis descendit quelques minutes plus tard avec un nouveau tee-shirt, un marcel blanc. Elle passa par la cuisine et récupéra deux petites bouteilles d'eau fraiches. Avec cette chaleur, il fallait presque tout le temps boire, c'en était limite chiant. Elle en lança une au garçon qui était resté dehors puis referma la porte à clef pour le rejoindre.

« Au fait, moi c'est Ryan »

Pas un mot. Nous n’avons échangé aucun mot durant les minutes où nous nous sommes planqués dans ce placard à balais. Ça me fait sourire parce que j’imagine bien des couples venir ici en cachette. Et pas des ennemis comme nous deux. Mais je me retiens de faire la moindre remarque. Ça ne m’attirerait que les foudres de la jeune fille. Du coup, je me contente d’écouter ce qui se passe de l’autre côté de la porte en bois. Chaque bruit pas, chaque voix… Parfois je retiens mon souffle. Comme si ma respiration pourrait nous faire repérer. Réflexe humain mais stupide.
Alors que mes yeux commencent à s’habituer au noir, que je distingue correctement les formes qui nous entourent, la lycéenne fait entendre sa voix. Elle pense que c’est bon. Moi aussi. Mais je suppose qu’elle dit sûrement ça pour s’éloigner le plus vite de Mister Muscle l’enfoiré, comme elle m’a si bien appelé.
On sort l’un après l’autre après s’être assurés qu’il n’y ait personne pour nous démasquer. Le couloir est vide et silencieux. Mon sweat est plein de poussière, mon baggy aussi. Je passe rapidement ma main dessus pour l’enlever. Quand je relève la tête, l’autre s’éloigne. Sans un mot. Pas de commentaire, pas de critique, pas d’insulte. Rien. Nada. Nothing. Niente. Nichts. Tant mieux ! Je n’ai pas envie d’approfondir une discussion avec elle. Je l’imagine entrain de sauter à la gorge de tous ceux qu’elle croisera aujourd’hui. Autant m’en éloigner tout de suite !

Je n’avais pas imaginé ma première journée ainsi. Penser à mon père. Me faire agresser. Fuir les surveillants. Ma seule chance c’est le problème avec mon inscription. Je ne vais pas avoir de cours aujourd’hui. J’avais demandé des cours du soir, avec profs particuliers pour rattraper mon retard. Seulement, il faut croire que ça ne se passe pas comme ça ici. Je serais obligé de passer des tests de remise à niveau. Et par la suite, ils me placeront dans une classe. J’espère au moins qu’ils me donneront un emploi du temps personnalisé ! « Autant crever ! » Je sors dehors. Je ne dois pas me faire d’illusions. Je suis de retour dans un lycée ! Un génialissime établissement privée pour richissimes élèves dont je n’ai jamais voulu faire partie !
Un soupire sort de ma bouche. Je passe mes mains dans les poches de mon pantalon. Trainant des pieds, je commence à avancer dans les allées de l’enceinte du bâtiment. J’ai du temps à tuer… Je pense que je vais rentrer à la maison. Histoire de vider les affaires de maman. Et puis peut-être acheter des nouveaux meubles pour mettre la décoration à mon goût…

Bref. Je marche. Quand j’aperçois Mademoiselle la Teigne. Un animal nuisible. Une peste dévastatrice. Elle va faire quoi ? Me manger ? Je déglutis. Peut-être que je ferais mieux d’aller m’excuser… Non ! Pas question ! Qu’elle aille au diable ! C’est elle qui m’a agressé ! Et je l’ai sauvée d’une fuite. « Je suppose que tout c’que je pourrais t’proposer pour m’excuser, tu le refuseras pas vrai ? » Envoie-moi bouler ! Envoie-moi boulot ! Je secoue la tête et soupire. « C’est définitivement pas comme ça que j’imaginais mon premier jour…» Nouveau murmure pour moi-même. Je pouvais tout imaginer mais pas ça. Tout sauf ça ! « Tu… T’veux quelque… chose ? euhm... » Je suis nul pour les excuses. Encore plus quand on ne me met pas en bonne posture. J’ai l’impression d’avoir très mal commencer et que ça ne pourra pas s’arranger de si tôt.

Il m'avait rattrapé et bientôt, il fut devant moi. Trouvant enfin une issue à notre course poursuite. Au moins il me servait à quelque chose ce gars là, tant mieux. Il laissa la porte un peu ouverte et je ne perdis pas une seule seconde pour m'engoufrer avec lui dans ce qui était.. un placard. Je me pris un manche à balai dans le visage lorsque je tomba à genoux sur le sol. Aie. Je ferma rapidement la porte et nous nous retrouvâmes alors dans le noir complet. On entendit les bruits de pas et des voix qui se demandaient où nous étions passé. Pourvus qu'ils n'ouvrent pas la porte ! Bon, ce n'était pas l'un des meilleurs endroits pour se cacher, je devais bien l'admettre, mais c'était le seul choix rapide qui s'était offert à nous. Nous étions presque l'un sur l'autre dans ce taudis mais au moins, nous étions à l'abri. Nous gardâmes le silence un long moment afin de ne pas se faire prendre, comme si nous n'avions pas besoin de nous exprimer pour se comprendre. Il venait de marquer un autre point. Bref, après de longues secondes -peut-être minutes- je rompis le silence la première en murmurant :

« Ca doit être bon... »

J'essayais de trouver la poignée dans l'obscurité et bientôt, j'entrouvris la porte afin de laisser mes yeux surveiller les alentours. La voie était libre. A genoux, je sortis la première, continuant à surveiller pour ne pas qu'ils nous tombent dessus par hasard, je finis par me relever, retirant la poussière de mes vêtements, je tourna la tête vers le garçon. Il faisait de même. Plantés dans ce couloir, qu'est-ce que je pouvais faire à présent? Peut-être aller laver mon tee-shirt, ça me semblait être primordiale. Je commençais alors à marcher en direction des salles de bain, ne lançant aucun mot à mon adversaire / complice. Après tout, je ne lui devais rien, on ne se connaissait pas. Grognant à la vue des tâches abondantes sur mon super tee-shirt, je finis par soupirer. La montée d'adrénaline m'avait calmé ma colère d'il y a peu et j'étais un peu plus sereine que tout à l'heure. Bon ok, je m'étais complètement laissé aller avec ce gars, mais il m'avait mit hors de moi et je n'avais pas l'habitude de m'excuser et ce, même si j'étais en tord. Bref, j'avançais vers les toilettes sans dire un mot. Arrivant dans la pièce pleine de Bimbos en train de se mettre une couche de plus de peinture sur le visage, elles me regardèrent amusées et prêtes à se fiche de moi. Faîtes gaffe les pouffiasses, je ne vous louperai pas.

Mettant un peu d'eau sur mon tee-shirt, les tâches ne partaient pas. Merde. Il allait falloir que j'aille me changer ! Je n'allais pas finir ma journée dans cet état ! Surtout qu'on allait me repérer de loin et ainsi donc, me punir. Je jetais l'éponge et lança un juron quand je me rendis compte que je ne pouvais rien faire de plus. Finissant par sortir de la pièce, je jetais un oeil pour vérifier qu'aucun surveillant n'était présent, quittant le bâtiment de l'école, j'avançais vers l'allée des bâtiments pour rejoindre celui de ma confrérie afin de pouvoir me changer et devinez sur qui je tombais sur le chemin? Mon super copain... youpi !

La fille me saute dessus. Sans avoir le temps de réagir je me retrouve plaquer contre une table. Celle où elle a écrasé son ramequin ? Sans doute. Ça expliquerait les brûlures dans mon dos. J’essaye d’éviter ses coups. Elle a une bonne poigne, c’est indéniable. Sa rage décuple sa force et je ne peux rien faire. Enfin si, j’ai plusieurs solutions. Mais je ne veux pas utiliser la force. Je ne veux pas la projeter au sol. Alors j’encaisse les coups. Je sers les dents et attends qu’elle se fatigue. Ça ne durera pas des heures non plus ! C’est une fille ! Même si, là tout de suite, j’en doute un peu. J’entends des sifflements autour de nous. Elle s’arrête. Les gens se sont agglutinés autour de notre duo bien spécial. Ils nous observent. Ils lancent des paris. Bravo ! Je viens de réussir mon entrée dans ce lycée ! Ça faisait longtemps que je n’y avais pas mis les pieds, je me souviens mieux maintenant… C’est la jungle. La loi du plus fort. Dès mon premier jour, je dois faire mes preuves. Merde quoi ! J’ai envie de retourner à la vie active. Ce n’est pas mieux mais je peux tout plaquer et changer de pays quand bon me semble. Moi et mon passeport bien rempli. C’est tout. Pas de demoiselle agressive. Pas d’imbéciles qui filment une scène de bagarre. « … Tu ne t'es même pas excusé enfoiré! » « Tu m’en aurais laissé le temps, ça aurait été plus simple ! Co… » Je retiens une insulte. Je pense que j’en ai assez dit comme ça. Il y a un mouvement sur notre gauche. Mes poings se ferment. Les gens s’écartent dans le fond de la cafétéria. Deux hommes crient de nous séparer. Merde ! Des surveillants. Quand je pivote la tête pour voir ce que fait mon interlocutrice, elle a le dos tourner. Elle court ! Elle s’enfuit ! Pendant un fragment de second j’hésite. Je suis adulte. Je peux gérer ça. Je peux m’expliquer. Et malgré toute ma volonté, mon instinct animal prend le dessus. Me voilà en train de fuir. Purement et simplement. Je cours. Je pousse chaque personne qui se trouve sur mon passage. « Dégagez ! » C’est parfois suffisant, parfois les pousser violement l’est plus. Je vois la fille un peu plus loin. Je n’ai même pas été capable de prendre une autre direction. En fait, je ne sais pas où aller. Alors, elle doit sûrement être plus renseignée que moi ! Je parviens à sa hauteur rapidement. J’ai toujours eu une bonne allure. Aux entraînements de football, nous faisions des allers retours de terrain. Nous cherchions toujours à être les plus rapides. Je dois dire que je me retrouver souvent dans les trois meilleurs. Ma tête vire d’un côté à l’autre du couloir. Parfois je vérifie si nous sommes suivit ou non. On va bientôt être cerné. À moins d’atteindre la porte d’entrée… Mais je suis sûre qu’il y a au moins un surveillant là-bas. Je ne réussirais pas à parvenir jusqu’à ma caisse. Et puis, tout le monde a eu le temps de voir me visage et celui de la fille. On nous retrouvera. Ça ne sert à rien d’agir comme des gamins.
Alors que j’allais brutalement arrêté cette course insensée, mon regard se pose sur une porte au loin. C’est peut-être une issue de secours. Une planque. Plus je m’approche, plus je la fixe. J’arrive à sa hauteur et observe un instant la pancarte. C’est un local à balais ! Ça ne fait qu’un tour dans ma tête. « Attends ! » Je crie ça à la lycéenne. Sans réfléchir si c’est une bonne idée ou pas. Je me contente d’ouvrir la porte et entre. Je souffle et respire la poussière. Ok, ça craint comme planque. Je me retourne et regarde où est passé l’autre fille. Je sais que lui proposer de venir, peut mener à un refus. Je sais également que si elle se fait choper et pas moi car je suis caché, équivaudra à une peine de mort. Une lapidation en place publique. Et si elle entre dans ce placard, elle m’y tuera aussi. Donc, je n’ai pas énormément de choix. Enfin, aucun qui mène à une fin heureux. Et la seule chose que j’ai trouvé à lui dire et un simple « Attends ! » C’est minable.
Advienne que pourra.

Il lance lui-même la guillotine qui va lui couper la gorge. Il est con ou il le fait exprès? Je ne réagis pas, je lui saute dessus. Mes mains s'agripent vers ses épaules et je commence à le frapper alors que nous tombons sur une table, son dos doit prendre cher, tant pis, il le mérite, il me pousse à bout. Je le gifle et je commence à lui envoyer des poings serrés alors qu'il se débat. Merde, je suis en train de me battre, lors de mon premier jour. Ce, devant tout le monde. Bravo pour la discrétion et pour ma couverture. Est-ce que je vais tout foutre en l'air? J'en sais rien et mon jumeau n'est pas là pour me calmer ! Merde. Je ne me contrôle pas et je commence à grogner alors que les coups resurgissent. Entre deux eaux, je réalise ce qu'il vient de me dire. Il se fout de ma gueule là, il me provoque encore? Non mais bon sang !! Ce type me sort par les yeux, j'ai envie de le tuer !! Bientôt on finit par être encerclé par des étudiants, personne n'ose s'interposer. Il vaut mieux, sinon je me fais toute la salle, rien à foutre.

Non, il faut à tout prix que je me calme, pour ma couverture. Vite !

Je finis par lui donner un dernier coup avant de me reculer et de faire joindre mes pieds au sol. Je passe le dos de ma main sur mes lèvres et je le regarde comme si je voulais le tuer. Le voir m'énerve, tout simplement.

« Pourquoi devrais-je avoir une raison particulière pour être méchante? Tu ne t'ai même pas excusé enfoiré! »

Malgré mon esprit encore sous le feu de la colère, je devais bien avouer que lui foutre sur la gueule m'avait fait du bien. Cette armoire à glace était un bon cobaye d'entraînement. Il encaissait plutôt bien les coups ou alors mes travaux sur ma force n'avaient aucune finalité...? Bref, j'en savais rien et sur le moment, ma colère envahissait encore trop mes veines pour que je pense à autre chose. Il me provoquait avec ces autographes à la con là aussi, il pouvait pas tout simplement fermer sa gueule? Bon. Aller. On essaie de se calmer.

Soudain, j'entends des surveillants nous interpeller. Merde, on va se faire choper. Ni une ni deux, je prends la fuite, je me mets à courir dans le sens inverse, quittant le centre de la cafétéria pour le reste de l'école. Je n'ai pas envie qu'on me vire de cette école moi ! Si lui il veut se faire prendre, c'est son soucis, mais le miens. J'ai des choses à faire ici personnellement ! De plus, je ne m'inquiète pas sur les autres élèves qui pourraient dire qui s'est battu, ils auraient trop peur que je me mette après leurs fesses. Je suis en train de courir, essayant d'éviter de me faire prendre, quand je réalise que le garçon me court après. Est-ce qu'il fuit aussi? Putain, on est en train de se faire courser et je ne connais pas l'école moi ! Il faut à tout prix que j'échappe à cette horde ! Putain de merde, journée pourrie !

Ce qui qui reçoit le regard le plus assassin de la planète ? C’est moi ! Je suis un heureux gagnant ! Je suis tombé sur la fille la plus mal lunée de tout le lycée ! Et pour couronner le tout elle grogne. Déjà qu’écoute le groupe de mon père n’est pas une qualité… Alors si en plus mademoiselle est de mauvaise humeur ! Elle doit avoir ses règles. Ou un truc dans le genre. Un taux hormonal qui la rend anormalement agressive. Ou bien c’est naturel. Mais dans ce cas je plains son entourage. Ok. Ce recevoir un plateau repas en pleine figure ce n’est pas extrêmement agréable. J’en suis désormais conscience. Maintenant que ses petits légumes dégoulinent sur mon corps. J’ai une carotte dans l’oreille. Je ne l’enlève pas. Je suis quasiment certain que si je lève la main pour la retirer, cette fille pensera que mon geste est mal intentionné. Elle croit que je me moque d’elle. Pas du tout… Elle sur-réagit c’est tout. Tout semble beaucoup plus énorme. C’est bon, ça arrive à tout le monde d’être maladroit !

« Vous n'avez pas aut' chose à foutre?! » Pour le coup je suis d’accord avec elle. Pour la première fois. Les gens focalisés sur nous me mettent assez mal à l’aise. C’est comme si je me promené à poils dans les couloirs. Tout le monde me dévisage, m’analyse, chuchote dans mon dos. Vous n’avez jamais fait ce cauchemar ? Ça m’arrivait lors de ma première année de lycée… Je crois que ça a traumatisé mes nuits. Bref. Oublions. « Ouais ! Bouffer, y a des tas de trucs beaucoup plus passionnant. » Je secoue la tête et m’écarte de la tornade. C’est une furie. Un monstre. Un félin prêt à me sauter à la gorge. J’enlève ce qu’elle m’a mis sur le corps. J’ai envie de lui renvoyer l’appareil mais je me retiens. Je dois rester calme. Ne pas la frapper. Ne pas réagir disproportionnellement. Ne pas me montrer sous un moins bon jour. Rester poli et souriant. Comme avec toutes les autres. « Tu crois vraiment que c’est en montrant les crocs que tu vas me faire peur ? Mais vas-y, frappe-moi ! Défoule-toi ! C’pas comme si tu avais qu’un seul t-shirt ! Alors quoi ? Ton mec t’a larguée du coup la moindre erreur est gravissime. C’est bon ! J’ai pas fait exprès ! » Je secoue la tête. C’est bon je m’emporte. « J’t’en refilerai un t-shirt ! J’en ai une collection chez moi ! Et puis pendant qu’on y ait je t’offre un autographe d’un des quarantenaires du groupe ! Youhouuu on va s’éclater ! » Je sais pertinemment que je viens de me mettre dans la merde. Que je vais récolter encore plus que ce que j’ai semé. Mais parler de mon père me rend toujours à bout de nerfs. Comment des gens peuvent aimer sa musique ? Comment cette gamine peut l’écouter. Lui, le mec qui a abandonné son fils pour une nana de dix ans de plus. Il a dû la plaquer elle aussi, pour une autre groupie. Il n’en a pas des centaines, mais ça lui suffit. Il y a toujours des fans. Comme ma mère. Comme cette nana. Putain ! Il faut vraiment qu’il soit partout où je vais ! Je ne tiens pas de lui. Je ne tiendrais jamais de lui. Je ne suis pas lui. Et je me retrouve face à ce qui le représente le mieux. Comment voulez-vous que je garde mon calme ?

Me calmer? Non mais il rêve où il me dit ce que je dois faire? Il ne manque pas de culot celui-là alors, il me balance sa bouffe au visage, m'appelle « ma belle » et me dit comment me conduire? Il veut vraiment que je l'égorge avec ma cuillère, c'est évident. Je grogne pour ne pas lui bondir à la gorge et le faire tomber à la renverse en le ruant de coups. Il me pousse à bout, il rit de moi? Et bien il va prendre cher, c'est moi qui vous le dit ! Je suis estomaqué et je ne tarde pas à le lui dire :

« Tu te fous de moi là? Tu veux que je me calme? Tu as déjà bouffé le repas d'un autre en pleine gueule? »

Voyant que tout ceci l'amusait presque, je fléchis les genoux afin de récupérer un de mes ramequins tombé au sol, je m'empare de son contenu et je viens l'étaler sur le visage de mon nouvel ami. Je lui en tartine bien sur tout le visage et sur les cheveux. Je pose ensuite brutalement le ramequin sur la table la plus proche, ce dernier sous le choc, explose alors, sans me blesser. Heureusement, il manquerait plus que ça pour une journée de merde !

« Alors dis-moi, tu trouves ça comment? »

Je m'apprête à faire demi-tour, alors que tout le monde nous regarde et qu'un silence règne enfin dans ce lieu, avant que je n'entende quelque chose qui me fait tourner les talons. Je le regarde comme une bête curieuse, comme si ce qu'il venait de dire était la chose la plus improbable du monde. Je fais un pas vers lui, je le pointe de mon index -je sais que c'est mal poli maman- et je reprends la parole :

« Tu ris de moi là? Genre tu connais ce groupe? Tu crois que tu serai capable de faire mieux? Vu comment tu m'as l'air doué, ça m'étonnerait Mister Muscle. Alors ferme un peu ta gueule tu veux? »

Elle agressive? Mais nooon, vous vous faîtes des idées !

« Mais qu'est-c'j'en ai à foutre de la laverie, tu es au courant que la sauce tomate ça tâche? Bouffon ! »

Je venais de lever ma main en l'air, comme pour lui montrer mon agacement. Ce mec me mettait hors de moi. Et puis tous ces gens qui me regardaient là, ça commençait à me gaver.

« Vous n'avez pas aut' chose à foutre?! » Leur lançais-je alors comme un rottweiller mal léché.

Premier jour de cours. Ils m’ont inscrit dans une classe tout ce qu’il y a de plus banal. Pas de cours du soir. Il va falloir que j’arrange ça. Le lycée. J’ai l’impression d’entrer dans un nouveau monde. Mais je suis obligé d’être là. Ma mère a bien calculé son coup. Pour elle, un diplôme est nécessaire dans la vie de tout individu. J’aurais aimé lui prouver le contraire. J’ai bien vécu plus de deux ans sans aucun bout de papier prouvant mes capacités scolaires ! Et je me porte très bien ! Mais je ne peux plus discuter de ça. Elle est morte. Et moi, je suis à Miami, dans ce lycée.

Direction la cafétéria. Lieu cruel, puant, bruyant. Je ne me souvenais pas à quel point pouvait être cruel ce lieu. Premier arrivé, premier servi. La loi de la table des plus forts. Les sportifs ensemble. Les geeks ensembles. Les filles assises à côté de leurs partenaires. La nourriture infecte qui vole dans tous les sens. Je sais pourquoi je suis parti ! À peine arrivé, un mal de crâne envahi mon esprit. Je sors la main de mon baggy pour la passer sur mon visage. Comme si ce geste pourrait me redonner un peu de force. J’ose y croire. Je ne connais aucun visage. J’ai au moins deux ans de plus que tout le monde. J’entends déjà les rumeurs circuler à mon sujet. Le gars qui retourne en cours après avoir disparu deux ans. On va m’inventer des histoires bien loin de la réalité. Mais ça m’est égal.

Tout ce qui compte pour l’instant c’est le regard de l’employée qui noie ma tranche de porc dans une sauce orangée. Tomate ? Avec ça, de bon brocolis. Je sens que je vais me régaler ! La gastronomie européenne va me manquer ! C’est maintenant que je m’en rends compte. Maintenant que j’ai mon plateau remplis de choses informes. J’ai pris des légumes, histoire d’éviter les frites.
Je marche à la recherche d’une place. Un endroit discret. Ne pas me faire remarquer dès le premier jour ! Mes yeux passent d’une chaise à l’autre. D’un visage à un autre. Jusqu’à tomber sur un t-shirt. Je connais ce nom… C’est… Le groupe de mon père ! Je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis mes 7 ans. Je sais qu’ils ont réussi à faire une tournée en Amérique. Je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir des fans de leur musique ! Pas au lycée ! Mon père n’est pas tout jeune n’ont plus. Qui peut aimer sa musique ? Comment est-ce que ça peut me suivre jusqu’ici ? Je porte son nom… C’est tout. Rien n’aurait pu…

Je me rapproche du t-shirt. Je ne réfléchis plus. Le t-shirt vire vers moi. Trop rapidement. Je suis hypnotisé. Je ne sais absolument pas ce que je fais. J’arrive plus à me raisonner. Jusqu’à la collision. Inévitable. Voulue ? Sans doute… Dans le fond. Je reste figé. La sauce orange dégouline sur le nom du groupe de rock. Les lettres disparaissent sous le liquide fumant.
Je reviens rapidement sur Terre. Je me rends compte que j’avais fait abstraction de tous les bruits qui m’entourait. Désormais tout était revenu. Les regards curieux qui observent la scène. Et surtout, la voix de la fille qui porte le t-shirt. Je sens sa main venir s’écraser contre mon torse. « Dou… Doucement ma belle… C’bon ! J’pas fait exprès ! Calme-toi.» J’essaye de ne pas bafouiller. Je dois rester calme et surtout ne pas me laisser dépasser par ce petit bout de femme. Instinctivement, une phrase sort de ma bouche. « De toute façon c’pas une grande perte… » Ce n’est qu’un murmure pour moi-même. Je regarde le sol, puis le t-shirt. « Je vais te payer la laverie…»

Mardi 2 Septembre 2012

Premier jour d'école. Quelle merde. Etre parmi tous ces ados prépubers me donne la nausée. Ca crie, ça piaille, ça se maquille, ça se lèche sur tout le visage, bref, c'est une catastrophe. Vivement que mon frère arrive, parce qu'honnêtement, commencer ici toute seule, certes j'en ai les capacités, mais alors niveau je vais faire un massacre, ça sera le pire film d'horreur de l'histoire des USA. Un vrai génocide. J'les supporte pas et l'heure du déjeuner, c'est l’apothéose. Y'a tout ce que je ne supporte pas : la foule, le bruit, le manque d'intimité et les Bimbos rassemblées à leur table. Mon Dieu, donnez moi un fusil, je sauverai le monde. Bon aller, restons calme, professionnelle, ça va le faire. Je n'ai pas le droit à l'erreur ici, je ne dois pas me planter.

J'ai mon sac à dos en bandoulière, qui pendouille de mon épaule. Je porte un jeans trop grand et un tee-shirt d'un groupe indépendant que j'ai déjà été voir en concert une fois. J'avais adoré. Nous y avions été il y a deux trois ans maintenant, c'était tombé le jour de la mort des parents, certes, mais on s'était rendu compte que lorsqu'on faisait quelque chose ce jour là, nous étions moins tristes. Du coup, on a refait ça les années qui ont suivit.

Je fais glisser mon plateau le long de la rambarde, suivant les stands, je passe devant les entrées, il y a des carottes et du céléri, j'en prends deux ramequins chacun et je glisse direct jusqu'aux desserts. Je prends une part de tarte au citron, une petite brique de lait et un bout de pain. Je me tourne et je regarde la salle. Il faut que j'arrive à faire abstraction, c'est surtout ça. Si je me dis qu'il n'y a personne, que c'est calme, silencieux et que j'ai la paix, ça devrait le faire. Bon, okay, j'ai limite envie d'aller manger dehors, je vous l'accorde. Oh bah hein, on va pas s'emmerder, je vais bouffer dehors ! J'tiens toujours mon plateau et je suis déterminée à passer au travers de la cafétéria pour rejoindre les baies vitrée qui donne sur la cour. J'évite ceux qui se lancent de la nourriture et heureusement pour eux qu'ils ne savent pas viser, parce que mon poing aurait lui, très facilement trouver sa cible.

Et là, je ne sais pas comment, je reçois de l'eau et de la sauce -je ne saurai pas dire laquelle- sur le visage et mon tee-shirt. En fait, pardon, je me bouffe le plateau de quelqu'un dans la gueule, voilà qui est plus juste. J'en fais alors tomber le miens et je manque de me casser la gueule à mon tour. Je suis trempé, collante et je porte le repas de cette première journée d'école sur moi. Génial. Mon année commence vraiment bien.

Je jette ce qu'il me reste de plateau entre les mains, sur le sol, en gueulant alors, énervée par cette agression :

« Putain mais c'est pas vrai ?! Tu pouvais pas faire attention ?! Enfoiré ! »

Mon poing vient alors cogner un assez gros biceps. Le gars qui m'a heurté est grand et barraqué mais j'en ai maté des plus féroce que lui. Enfin.. mon frère était là aussi. Je suis remontée comme une horloge, je suis dégueulasse et j'ai la monstrueuse envie de me jeter sur ce connard pour lui faire bouffer les restes qui jonchent le sol et d'une façon pas vraiment catholique.