Il avait passé tout son après-midi à la plage. Cela n'était pas étonnant, mais habituellement, il faisait en sorte de rentrer avant le couché du soleil. Absorbé par Shakespeare, il n'avait pas vu l'astre lumineux décliner dans un ciel aux jolies teintes roses. Avec un livre à la main, Camillo était comme coupé du monde. Comme si une bulle s'était formée autour de lui et que plus rien n'avait de signification à part son livre. La lecture vécue comme une drogue douce. Pour le jeune homme, cette engouement n'avait que des conséquences positives. Au moins, il ne pensait plus ! Car même le simple fait de penser devenait douloureux. Heureusement qu'il avait Leelah, une jeune femme si fragile qu'il ne pouvait s'empêcher de protéger. Il ressentait également un sentiment beaucoup plus fort, mais il préférait ne pas la brusquer. Ainsi, il prenait son temps et analysait correctement la situation. Une légère mise au point...
Camillo réalisa qu'il était tard quand il n'y eut plus de lumière pour éclairer l'objet de sa lecture. Il s'étira et consulta sa montre. 21h38. En se relevant précipitamment, il trébucha dans le sable et s'étala de tout son long. Le jeune homme sourit et se releva. Il se savait maladroit, mais à ce point, il se considérait comme perdu ! Il longea la plage entièrement vide, faiblement éclairée par quelques lampadaires. Il pouvait encore entendre le bruit des vagues et distinguer cette légère odeur iodée qui flottait dans l'air. Il marcha quelques minutes et s'arrêta instinctivement devant le bar. Il y passait régulièrement et connaissait le barman, Bill. Celui-ci ne lui avait d'ailleurs jamais demandé sa pièce d'identité, pensant que Camillo avait environ 25 ans. Là était l'avantage que de paraître plus vieux. Il pénétra dans ce repère d'alcooliques et se dirigea directement au comptoir, saluant le barman au passage, comme il avait l'habitude de faire.
"Bonsoir Bill.
- Salut Cam'. Qu'est ce que je te sers ? Comme d'habitude ?
- Haha, tu me connais si bien !"
Bill disparu par la porte de la remise, laissant le jeune homme seul au comptoir. Enfin, pas tout à fait seul. Camillo tourna la tête et découvrit à sa droite une jeune fille blonde, qui ressemblait étrangement à ...
"Julieta..."
Il avait à peine murmuré ce prénom qu'il s'en voulait déjà. Confondre son amie avec Julieta n'était pas bon signe. Leighton était une personne qu'il affectionnait beaucoup, pour une raison qui, il y a quelques minutes, lui était complètement inconnue. Elle ressemblait étrangement à sa Julieta... Camillo secoua la tête pour chasser cette découverte de ses pensées et se concentra de nouveau sur la blonde. Que faisait-elle là d'ailleurs ? Elle n'avait pas l'âge requit pour se noyer dans l'alcool. Il l'observa d'un peu plus près et découvrit son amie avec un visage effacé et triste.
"Leighton, que fais-tu ici ? Tu sais que la meilleure solution quand tu ne vas pas bien c'est de venir me voir, pas d'aller boire..."
Camillo posa avec douceur sa main sur celle de la jeune fille et l'observa. Il savait qu'il avait vu juste et que son amie n'essayerait pas de nier. Il la connaissait presque par coeur. Mais plus important encore, il n'aimait pas la voir triste et se sentait capable de faire n'importe quoi pour la rendre heureuse. N'importe quoi. Cette pensée l'étonna : habituellement, il ne se disait ça qu'en présence de Leelah. Que lui arrivait-il ?