Mal à la tête. Mal au cœur. J’ai impérativement besoin d’air … et d’un Doliprane. Réglons d’abord ce mal de tête carabiné, le reste viendra après. Légèrement nauséeux, je me dirige vers ma chambre comme un automate sans accorder au monde qui m’entoure la moindre attention. Comme d’habitude me diriez-vous. Enfin bon, arriver à ma chambre, je fonce directement vers la salle d’eau, enfin foncer est un bien grand mot, disons plutôt que je m’y traine de toute mes forces. Là, avisant près du lavabo la boite de médocs je m’en saisi avant d’en avaler quelques uns. Un soupire de soulagement m’échappe et je glisse sans grâce le long du lavabo pour me retrouver allonger sur le sol dur, la joue contre les carreaux froids. Petit à petit les médicaments commencent à faire effet et mon esprit s’éclaircit.
Ça ne peut pas continuer comme ça, ce n’est pas possible, je ne peux pas me retrouver dans cet état à chaque fois que je la vois. Il faut que je me fasse une raison, elle ne guérira pas, tout ces traitements expérimentaux ni feront rien, ils ont beau améliorer sa condition, jamais ils ne la guériront tout simplement parce qu’on en guéri pas. Ce n’est pourtant pas la première fois que je vais la voir, mais je n’arrive pas à m’y faire. Toujours cet espoir, l’espoir que tout soit de nouveau comme avant et qu’aujourd’hui elle se souvienne de mon nom. Mais non, rien ne change, je ne suis encore aujourd’hui qu’un étranger. Et je ne peux pas m’en empêcher, à chaque fois j’espère et à chaque fois j’ai mal, comme c’est ironique, à croire que c’est moi qui oublie et non elle.
Je dois prendre l’air. Soupirant une fois encore, je quitte à contre cœur le sol gelé. J’ai la tête qui tourne et ma vision se trouble. Ça m’apprendra à me lever trop vite tient ! Je ne sais pas où aller, le parc ? La plage ? C’est deux idées ne me tente pas trop, trop de monde, trop de rire, trop de joie illusoire. Le toit peut être ? Interdit donc vide, l’idée me tente assez. Sans plus y réfléchir, je m’avance vers la porte qui y mène.
80, 81, 82 … Finalement aller sur le toit c’est une idée affreusement stupide, on pourrait me chopper, et je me ferais renvoyer, vu mon état ça ne m’étonnera même pas si tout d’un coup je tombe dans les pommes avant d’arriver en haut des marches. Plus que 40 marches, il serait bête de s’arrêter en si bon chemin quand même, et puis une quarantaine de marche ce n’est pas la mort n’es-ce pas ?
Enfin arriver ! Je m’arrête un instant pour reprendre mon souffle avant de pousser la porte. Un sourire commence doucement à fleurir sur mes lèvres. Je ne comprends vraiment pas pourquoi je ne suis jamais venu ici avant, le spectacle est tout simplement magnifique, époustouflant. Une brise légère me fouette le visage et emmêle mes cheveux. Je respire un grand coup. Ma respiration se bloque quand j’aperçois une silhouette. Heureusement pour moi ce n’est pas un prof mais une jeune fille assise sur la rambarde, les pieds dans le vide. Une fille est sur mon toit. Oh, la garce ! Je fronce les sourcils sous la colère. Un sourire pervers déforme mais traits. Dommage que je n’ai pas pensé à être plus discret en arrivant, j’aurais pu ainsi me glisser furtivement derrière elle et lui murmurer à l’oreille un « Bouh » qui aurait marqué la fin de sa courte vie.
Chassant toute expression négative de mon visage et accessoirement de mon esprit, je me compose un visage neutre et bienveillant. Il n’est plus temps de penser à mes soucis, le monde ne s’arrête pas de tourner pour moi et il faut continuer à jouer le Jeu quoi qu’il se passe. Une fois prêt, je m’avance vers la jeune fille, signalant ma présence en alourdissant mes pas, plus question de la pousser par-dessus bord. Non, il faut la mettre en confiance, la piéger et peut être même qu’elle choisira un jour d’enjamber cette rambarde sans l’aide de personne. Je suis horrible. Mais je n’y peux rien, c’est comme un système d’auto défense chez moi, chez tout le monde d’ailleurs, blesser pour éviter d’être blesser. Comme dit le proverbe : « la meilleure défense c’est encore l’attaque ». Inutile de vous dire à quel point j’affectionne ce proverbe. Mais trêve de digression voila que j’arrive au niveau de l’inconnue. Sans un mot j’enjambe à mon tour la rambarde et m’assoie à un mètre d’elle fixant un point invisible dans le lointain. Je souris, y’à pas à dire le paysage est vraiment magnifique.