Love Don't Leave [Trevor]

Vous avez déjà menti pour le bien de quelqu’un ? Vous avez déjà tout faire pour lui faire croire ce qu’il a envie de croire ? C’était ce que Willow s’apprêtait à faire. Elle se mordait toujours l’intérieur de sa bouche. Elle avait mal. Terriblement. Mais obstinée, elle se refusait de lâcher. Elle commençait à saigner. Une souffrance qui lui ferait peut-être oublier celle de son cœur. Peut-être ? Non. C’était impossible. Elle avait le cœur en ruine et ce n’est pas une mutilation qui changera ça ! Elle avait envie de pleurer. Mais il fallait qu’elle soit forte. Il fallait qu’elle affronte le regard de Trevor jusqu’au bout. Pour en retenir les moindres reflets. La moindre petite étincelle.
Et si tout était fini ? Il reviendra… Peut-être. Mais pas elle. Il voulait l’entendre. Il voulait la convaincre que c’était encore possible de se retrouver. Parce qu’après deux ans, rajouter des mois ça changerait quelque chose ? Vraiment ? Willow n’avait pas changé en deux ans, elle était toujours aussi égoïste, aussi têtue, aussi sportive, aussi déterminée. Mais il voulait du changement. Alors, autant commencer tout de suite. Autant effacer tout ce caractère de battante. Le gommer au maximum pour ne pas résister. Pour ne pas dire non. Pour ne pas faire son cheval fougueux, comme elle aimait bien dire.

Oublier des sentiments. Ne pas l’oublier elle. Ça semblait beau en apparence. Mais tout avait changé. Tout. A partir de ce moment précis, Dylan ne pourrait plus jamais oublier cette conversation. Elle marquait un tournant dans sa vie. Elle comprenait enfin à quel point elle n’avait pensé qu’à elle depuis le début. Elle avait tout fait pour que le monde aille dans son sens. Il fallait qu’elle cède. Il fallait qu’elle se courbe. Qu’elle plie sous le poids du vent. Elle casserait peut-être. Certainement. Elle verrait ça dans quelques minutes. Se soigner ? Pourquoi faire ?

Ne pas être égoïste. Laisser Trevor vivre sa vie. Ne pas le retenir. Tout tenait en un mot. Un seul. Rien qu’un. Un putain de mot ! Il fallait qu’elle le dise. Qu’elle le lance. Qu’elle le trouve au fin fond de son ventre et qu’elle arrive à l’extraire. Il fallait que sa gorge se desserre un peu. Et surtout, surtout, qu’elle ne pleure pas. Sinon, Trevor n’y croirait pas.

« Promis. »

C’était fait. Elle venait de détruire Willow Seyton. Elle n’existait plus. Elle n’était plus qu’un petit animal à la merci de tous les prédateurs. Le plus dangereux se trouvait au Michigan. Elle allait l’affronter. Sa carapace venait de réduire en miette. Elle y perdrait des plumes. Mais ce n’était plus ce qui comptait. Elle venait de s’auto-détruire alors qui aurait-il de mieux à faire que de demander un peu d’aide pour finir le travail ?
Et contrairement à ce qu’il pensait Trevor n’était pas le prédateur numéro un. Au contraire, il avait tellement fait pour elle… C’était le moment d’agir autrement. Cet instant marquait la fin. La fin de Willow. Définitivement. La fin de leur trio. La fin du duo de cousin. La fin des sourires, des espoirs, des illusions.

Elle avait réussi sa mission. Elle avait tué ses désirs. Dylan les avait étouffés. Ainsi, il y aurait de la place pour Trevor. Elle le laissera croire qu’elle n’a jamais rien ressenti à ce moment-là. Elle lui fera penser ce qu’il a envie. Elle lui dira ce qu’il lui demande de dire.

Tourner les talons. Acheter un billet d’avion. Ne pas pleurer.

Spoiler:

► La jeune femme le regardait. Sans un mot. Toute la peine du monde pouvait se lire dans ses yeux. Trevor ne savait pas comment lui expliquer sans la blesser qu’il voulait juste oublier l’amour qu’il avait pour elle. Mais l’amour… avec un grand A. Pas l’amour d’un cousin pour sa cousine. Ça, c’était impossible, jamais il ne cesserait de l’aimer. Il devait juste être capable de ne plus la considérer comme la femme de sa vie. Et pour ça, il savait qu’il devait commencer à sortir avec des filles pour de bon. Pour se changer les esprits. On dit souvent que le meilleur moyen d’oublier une fille était de se remettre en selle. Lui allait simplement commencer par se mettre en selle, tout court. On verrait bien après, il aviserait. Peut-être que s’il réussissait à tomber amoureux d’une autre fille, sans la comparer à sa Willow, peut-être qu’alors, il oublierait cette façon de la considérer. Les choses redeviendraient normales. Non… elles le deviendraient pour de bon. Lui l’avait toujours aimée d’amour. Arriverait-il à se faire à leur nouvelle relation, une fois qu’il l’aurait oubliée ? Oui, il voulait y croire. « Peut-être… Tu… Tu as sans doute raison. » fit-elle. Sa voix trahissait sa peine, sa rancœur, ses remords… Cette simple phrase écrasa les dernières miettes d’espoir qu’il restait au jeune homme. Elle ne luttait pas. Elle lui accordait qu’il était mieux pour lui de l’oublier. Elle ne partageait pas ses sentiments. Il le savait, mais l’information venait de prendre toute son ampleur. Elle répandait ses dernières gouttes de souffrance en lui. Anéanti. Oui, sans doute. Mais il était fort. Il s’en remettrait. Il s’en était toujours remis, de toute façon. Il le fallait. Trevor était trop positif pour se laisser dépérir.
Il entoura le visage de Willow de ses mains et plongea ses yeux dans les siens. « Hé… Je reviendrai, Willy. On a tenu le coup pendant deux ans, on supportera encore quelques mois de ne pas se voir, non ? Tu es forte, tu as… Alistair. Ce n’est pas toi que je veux oublier. C’est juste… mes sentiments. Maintenant, je veux que tu oublies tout ce que je t’ai dit tout à l’heure. J’avais besoin d’en parler à quelqu’un, mais oublie ça. Je ne veux pas que tu penses que c’est de ta faute. Tu me le promets… ? » demanda-t-il à la jeune femme. Tout du long, il n’avait pas baissé les yeux. Il n’avait cessé de la regarder. Les yeux dans les yeux. Une dernière fois avant un bon moment…

HRP :

Trevor s’éloigna. Sa main quitta la nuque de la brunette et partit se cacher dans la poche de son pantalon. Tout était déjà fini. La réponse n’allait pas être la même que celle d’Alistair. C’était bien ce qu’elle voulait, non ? Elle ne savait plus. Willow pensait un coup blanc puis la minute d’après elle était plus pour le noir. C’était compliqué. Mais rien n’était encore terminé, si ? La fin d’un commencement ou le début d’une fin ? Non ça ne voulait strictement rien dire ça !
A l’instant même où son « cousin » ouvrit la bouche, elle savait presque ce qu’il allait dire. Tout était dans son regard. Tout était là. Tout. Sa voix calme était sans doute la pire des choses. Dylan se mordit l’intérieur de la joue. Il ne fallait pas qu’elle recommence à pleurer. Il ne fallait pas qu’elle parle. Elle allait dire une connerie. Il en avait rêvé. Elle n’avait rien vu. Il l’avait aimé. Elle n’avait rien senti. Il l’avait idéalisée. Elle l’avait regardé. Pourquoi n’avait-elle pas eu le déclic ? Comment se faisait-il qu’elle n’avait pas vu les signes ? C’était-elle forcée à ne rien voir ? Le mur de la famille s’était imposé entre eux. Trevor l’avait démoli, il l’avait creusé, il avait fabriqué un trou un truc pour les relier… Et elle… Elle s’était obstinée à le reconstruire. Un peu plus fort chaque jour. Ce n’était que des illusions.
En s’éloignant, Trevor serait le deuxième cousin qu’elle perdrait. Après Chase… Là, c’était certes différent mais c’était aussi douloureux qu’un décès. Peut-être même plus. Elle ne savait pas trop. Partir. Il voulait s’éloigner. Willow partirait. C’était peut-être mieux qu’elle retourne dans le Michigan. Ou bien à New-York. Ou quelque chose dans le genre… Elle retrouverait bien une école qui offre des bourses pour l’athlétisme. Elle venait de battre son chrono et gagner toutes les compétitions ces temps-ci… C’était peut-être le moment de tout recommencer ailleurs. Pour Trevor, pour Alistair et les autres… Elle ferait moins de dégâts ainsi. Elle les reverrait pour les fêtes et prendrait de leurs nouvelles sur internet. C’était sans doute une bonne chose.

« Peut-être… Tu… Tu as sans doute raison. »

Sa voix était beaucoup moins posée que celle du jeune homme. Du regret ? Et comment ! Un océan de remords, de peines, d’envies cachées, de tristesse, de haine envers soit même. Elle commencerait par acheter un billet pour Détroit. Là-bas, elle résoudrait les plus gros problèmes. Et même si ce n’était pas ce que Trevor et Ali souhaitaient, elle le ferait. Ensuite… Ensuite elle agirait en fonction de ce qu’il se passe. Elle disparaîtrait. C’était mieux que de vouloir se tuer par désespoir.
Fuir. C’était lâche. Mais sans doute nécessaire. Elle aurait dû faire ça au bon moment. Elle revenait en arrière. Tant pis. C’était décidé. Elle partirait dans la semaine.

► Elle ne comprenait pas. Il le lisait dans ses yeux. Willow perdait ses mots. Son latin lui échappait. Trevor, quant à lui, avait la gorge nouée. Il était curieusement très calme. Cet instant, il en avait rêvé... Toutes ces années, il se l'était imaginé. Mais pas une seule fois, son scénario ne ressemblait à celui-ci. Dans ses rêveries, Willow l'aimait en retour. Ils étaient heureux, simplement. Alistair était leur ami. Et c'est tout. Or, la réalité était toute autre. Alistair aimait Willow, comme elle devait probablement l'aimer. Lui n'était que le cousin. Le pauvre cousin envoyé en maison de redressement. Le vilain cousin, revenu changé de deux ans à apprendre à faire la guerre. " Tu ? " commença-t-elle, mais les mots moururent sur ses lèvres pâles. Trevor ne dit rien, préférant attendre une réaction plus fournie.
" C’est ce que tu ressens ? Vraiment ? " demande alors celle qu'il n'arrive pas à voir comme sa cousine, et uniquement comme telle. Doucement, il hoche la tête. Une larme, éphémère, unique, esseulée, roule sur la joue de la jeune femme. Il délace ses doigts de na nuque fine et soupire, tout en fourrant ses mains dans ses poches. " Tu sais... ça fait des années que j'imaginais ce moment. Mais jamais je n'aurais pensé te dire que c'était mieux pour toi et moi si on arrêtait de se voir pendant un moment. " lui répondit-il. Calme. Très calme... presque trop. Pourtant, aucune trace de haine dans sa voix. Non... Plutôt de la résignation. L'envie d'oublier. De tirer un trait sur tout ça, par tous les moyens. De retrouver sa cousine, une bonne fois pour toute. Celle avec qui il a grandi, celle qu'il n'aurait jamais dû aimer comme ça, mais d'un amour fraternel. Point, à la ligne.

Son château de carte. Il fallait des bases solides. Willow n’arrêtait pas de s’obstiner dans cette idée. Mais peut-être aurait-elle dû construire avec du solide. Tout aurait été bien plus simple ainsi… Au lieu de persister dans l’idée de bâtir un idéal qui finira par tomber. Les trois petits cochons… Sa maison de paille va s’enflammer. Ou peut-être tiendra-t-elle. Tout dépend de ce que Trevor lui dit. Le grand méchant loup. Le garçon n’était en rien méchant. Il était juste… Dangereux. Pour son état d’esprit. Et elle ? Qu’était-elle ? Elle n’était pas aussi inoffensive que les jambonneaux. Peut-être qu’elle était le Loup. Déguisait. Montre patte blanche Willy… Prouve que tu es la bonne personne que tu montres en apparences… Difficile. Trop difficile. Toutes ces pensées s’embrouillaient. Pourquoi pensait-elle aux frères Grimm ? Quel était le rapport avec tout ça ? Aucune idée… Elle devenait folle peut-être. Elle perdait la tête.

Leur contact visuel devait la rendre folle. Son regard clair lui faisait toujours un petit quelque chose. Comme si cette clarté prouvait une lucidité, comme si elle permettait de voir d’une autre façon. Elle avait cette impression qu’il pouvait lire en elle. Elle essayait d’en faire autant. Willy désirait comprendre ce que représentait cette étincelle dans ces yeux. Il y a quelque chose de plus viril, de plus mature en lui. Il a un sorte de recule sur la vie. Mais devait sans doute être aussi perdu qu’elle.

Il ne lâcha pas un mot. Pas un seul. Rien. Pourquoi ? C’était simple. Il n’avait qu’à dire clairement ce qu’il pensait. Il n’avait qu’à poser des mots sur ce qu’il venait de faire en partant. Mais il n’en fit rien. A la place, Trevor s’approcha d’elle. Il posa doucement sa main sur la joue de Willow qui accompagna ce geste du regard. Son regard sombre revint vers son cousin immédiatement. Il était redevenu presque calme alors que des larmes avaient brouillé ses yeux peu de temps avant. Elle le questionnait, silencieusement. Elle ne savait plus. Elle ne…

Willow arrêta de réfléchir. Il le fallait. Sinon elle risquait la surchauffe, le court-circuit. Alors elle se contenta de vivre l’instant présent. Pas de le subir. Il participa sans pour autant penser à ses propres actions et à celles de son cousin.
Il s’approchait. Il la touchait. Il remit toujours avec cette grande bienveillance une mèche de cheveux. Ce qui fit frissonner la jeune fille. Elle sentit une autre main glisser contre la peau de son cou. Tout était plus lent. Un univers se créait. Simple, tendre et mystérieux. Une bulle qui n’abritait plus que Trevor et Willow. Un endroit qu’eux seuls pouvaient connaître, voir et comprendre. Les mains de la brunette commencèrent à devenir moites, tandis que son souffle s’accélérait. Il se mêlait progressivement à celui du garçon qui rapprocha son visage. Willy ne loupait pas une miette. Elle était au premier rang d’un spectacle qu’elle n’aurait jamais pensé voir. C’était l’actrice principale. Et Trevor. Son regard, toujours présent. Toujours si gris aux reflets bleutés. Cette étrange magie qui vous ensorcèle et vous envahit.

Plutôt que des mots, il choisit l’action. Avec la plus grande prudence il déposa un baiser sur ses lèvres. Quelques secondes. Pas plus. Ce fut assez pour la destabilliser. Elle revivait le même scénario qu’avec Alistair. Une conversation à avoir. Des cheveux mouillaient. Un soudain rapprochement. Un baiser, court. De la timidité. Et puis… Et puis, un regard qui vient vous demander ce que vous en penser. Qu’avait-elle sur le cœur ? Que pensait-elle de tout ça ? Que pouvait-elle dire ? Comment trouver les mots ? Étaient-ils seulement nécessaire ?
Elle avait embrassé Alistair en retour. Elle avait été débordée par les sentiments qui l’avaient envahie sur le moment. Et là ? C’était troublant. Jamais elle n’avait pu imaginer Trevor dans ce genre de rôle. Elle l’aimait. Mais c’était son cousin. Willow s’était toujours fixée cette barrière. Comme elle s’était bloquée au fait qu’Alistair soit son meilleur ami. Des rôles qui n’auraient jamais dû être changé ! Pourquoi les sentiments venaient-ils compliquer la chose ? Pourquoi les deux amours de sa vie venaient jouer des rôles d’amis, de frères, de confidents, de pères et d’ennemis en même ? Pourquoi venaient-ils tous les deux lui déclarer l’amour qu’ils portent pour elle ? Pourquoi devait-elle faire un choix ? Pourquoi avait-elle ce désir d’embrasser à nouveau Trevor ? Pour comparer ? Pour comprendre ? Pour mettre un sens ? Mais ça ne ferait que troubler la situation encore plus.
Willy aurait aimé faire demi-tour. Tout aurait été plus simple si elle avait rembobiné la cassette ! Pourquoi ? Voilà… C’était le seul mot qui revenait en boucle.

« Tu ? »

Évidemment, elle ne trouvait plus ces mots. Elle n’avait pas le droit d’utiliser les mêmes que pour Alistair. « Pourquoi est-ce que t’as fait ça ?» Elle se l’interdisait. Parce que la brunette ne pouvait pas utiliser le scénario deux fois d’affiler. C’était inconcevable ! Même si la question lui brûlait les lèvres. Encore une fois, elle avait une idée de la réponse. Entendre à nouveau un « Parce que je t’aime » serait trop dur à supporter.
C’était égoïste. Elle était égoïste.

« C’est ce que tu ressens ? Vraiment ?»

Une larme orpheline roula sur sa joue. Elle ne l’avait pas vu venir. Willow ne savait pas trop si c’était du bonheur ou de la tristesse. Peut-être un joyeux mélange des deux.

► Il ne pensait pas qu'elle essayerait de le retenir. Trevor ferma les yeux, tandis que Willow lui criait après. " Je veux pas te laisser partir comme ça après deux ans Trevor ! " lança-t-elle. Il respira profondément. Se frotta rapidement les yeux et se retourna pour la regarder. Il ne voulait pas qu'elle le voit comme ça, même si le mal était déjà fait. Il l'observa, de loin. Elle était debout, droite comme un i, et son visage peiné affichait sa détermination. Il ne bougea pas, ne dit rien. Sa cousine se chargea de combler le fossé entre eux. " Dis-moi clairement ce que tu veux. Et je le ferais. " ordonna-t-elle, une fois face à lui. Ses grands yeux marrons plantés dans les siens... Ils ne se ressemblaient pas du tout, tous les deux. Peut-être, au fond de lui, avait-il toujours su qu'ils n'étaient pas de la même famille ?
Il s'approcha encore un peu d'elle et posa une main sur sa joue. Ses yeux, rougis par les larmes, ne manquaient pas une miette du visage de Willow. Après deux années loin d'elle, il aurait pu en retracer le contours les yeux fermés. Elle n'avait pas changé. Chacun de ses traits étaient les même, en plus mature, plus... il ne savait trop dire ce qui avait rendu sa cousine aussi belle. Mais elle l'était. Encore plus à ses yeux. Doucement, il laissa glissa sa paume vers l'oreille de la jeune fille et y rangea sagement une mèche qui dépassait du chignon. Son autre main vint se caler avec délicatesse au creux de sa nuque. Il plongea ses yeux dans les siens, intensément. Il avait l'impression de s'embraser, aussi proche d'elle... Elle voulait qu'il lui dise ce qu'il voulait ? Il allait plutôt le lui montrer.
Avec une infinie prudence, un mélange de timidité et de retenue, il approcha son visage à quelques centimètres du sien. Leurs souffles se mélangèrent. Jamais ils n'avaient été aussi proches qu'à cet instant. Ses lèvres se posèrent avec douceur sur celles de Willow. Ce contact lui brisa le coeur. Était-ce qu'il voulait ? Il n'en savait rien lui même. Tout était tellement... étrange. Leur étreinte labiale ne dura qu'un instant. Trevor libéra rapidement sa cousine, ne voulant pas la retenir contre son gré. Et il attendit, les mains toujours dans sa nuque, ses yeux toujours rivés aux siens.

C’était difficile de parler à un dos. D’autant plus dans cette situation. Cependant les mots qu’elle prononça attirèrent l’attention de Trevor. Il se retourna. Il la regardait. Il était là. Il lui disait qu’il l’aimait encore. Comment ? Comment pouvait-il ? Impardonnable. Peut-être que c’était plus fort ? Plus grand. Plus important que tout ce bordel qui les entourait. L’amour est plus fort. C’était sans doute ça. Willow n’en était pas plus soulagée. Elle n’était pas heureuse. Comment aurait-elle pu l’être ? Elle découvrait simplement que son cousin tenait réellement à elle. Sincèrement. Ce n’était pas forcément une révélation. Mais la puissance de ce sentiment avait pris une envergure qu’elle n’avait pas imaginée jusque-là. Pour elle, tout était trop tard… Alors que là, Trevor laissait apparaître une lueur d’espoir. Un petit truc. Pas grand-chose. Il fallait simplement la saisir. Mais à quel prix ? Willow hésitait. Elle ne savait plus comment agir. Il y a une minute, elle était encore persuadée que tout abandonner était la meilleure des solutions. Était-ce toujours vrai ? Oui… Peut-être. Y avait-il autre chose ? Oui. Se battre. Jusqu’au bout. Jusqu’à la mort. Payer le prix des erreurs.
Alors quoi ? Il fallait choisir. Faire un pas. Un geste. Agir. Merde ! Ce n’était pas si compliqué ! Et pourtant… La brunette était incapable de faire quoi que ce soit. Elle se sentait mal. Comme si pour la première fois, elle ne pouvait relever le défi. Elle ne trouvait plus la force d’aller dans la bataille et de réfléchir assez vite pour agir. Si bien que lorsque Trevor se leva et lui déposa un baiser sur le front, elle n’eut aucune réaction. Elle ne comprit pas tout à fait ce qu’il se passait.

«Prends soin de toi, d'accord ?» dit-il dans un murmure.

Et c’est tout ? Il partait comme ça. Tout était fini. Tout se réduisait à un « Prends soin de toi. ». Non. Willy n’était pas d’accord. Elle ne voulait plus prendre soin d’elle. Elle l’avait déjà trop fait en deux ans. C’était fini cette période où elle s’occupait uniquement de sa petite personne. De sa soit disant carrière sportive. Non. Ça ne pouvait pas se passer comme ça ! C’était impossible. Inconcevable. 2 ans. Deux années sans lui. Et après quelques explications, ils reprennent leurs distances. Pourquoi était-il venu à Miami ? Pourquoi l’avait-il approché à la fête ? Pourquoi lui avait-il envoyé ce message ? Pour tout arrêter ? Comme ça ? Juste des larmes et… C’est tout.

Trevor partait. Il partait. Définitivement ? Non. C’était à elle de le faire. C’était elle qui devait fuir. Qui devait se faire du mal. Souffrir. Pleurer. Se mutiler… C’était à son cœur qu’elle devait faire endurer tout ça. Pas encore à Trevor ! Non.
Certes, en partant, il n’y aurait pas qu’elle qui en subirait les conséquences. Mais loin de tout elle… Elle épargnerait de nouvelles histoires à Trevor. Elle n’en créerait pas à Alistair. Plus aucun problème.

« Non. »

C’était sorti naturellement. Faiblement. Mais sans réfléchir, Willow le répéta un peu plus fort. Ses jambes se hissèrent. Elle quitta le banc. Elle était raide. Comme un piquet. Ses pieds étaient fixés dans le sol alors que sa tête hochait négativement et obstinément l’air. Têtue. C’était de notoriété publique. Elle n’apprendrait pas ça à son cousin.

« Je veux pas te laisser partir comme ça après deux ans Trevor !»

Ses pieds se décidèrent à avancer en direction de son cousin.

« Dis-moi clairement ce que tu veux. Et je le ferais.»

S’il voulait tout arrêter, elle ne dirait pas non. S’il désirait recommencer, elle accepterait. N’importe quoi. Mais pas partir sans un mot ! Elle ne voulait pas attendre sans savoir. Tout devait être posé clairement. Exprimer. Nettoyer les décombres, reconstruire des nouvelles bases… Voilà ce qu’il fallait.

► Willow l'arrêta d'une parole, au même moment où il se taisait. Ne pas en dire plus... Qu'aurait-il pu ajouter ? Rien. Il fuyait toujours son regard. Elle ne comprenait pas comment il pouvait encore la regarder dans les yeux. Trevor eu envie de rire, de pleurer, de hurler... PARCE QUE JE T'AIME. Mais c'était inutile. Vain. Stupide, qui plus est... Aimer sa cousine, quelle blague. Même s'ils ne partageaient pas le même sang, Tre' savait que c'était la seule chose qu'il n'aurait jamais du faire : tomber amoureux d'elle. Et pourtant, il s'était laissé emporter par les sentiments. Tout lui plaisait, en Willow. Son caractère, cette façon qu'elle avait de toujours relever les défis, son côté obstiné, sa façon d'être avec lui... Si naturelle. Aimante. Ses longs cheveux qu'elle ramenait parfois en chignon lâche, comme aujourd'hui, sur le dessous de sa tête. Ses yeux pétillants, sa bouche rieuse, son corps longiligne, ses jambes sans fin, sportives, qui la portaient de temps en temps à ses côtés, lorsqu'ils allaient faire un jogging tous les deux. Tout. " Je n’peux rien faire ? Je n’peux pas retrouver ton véritable amour ? J’peux pas effacer tout ça… Je peux pas prendre le risque de te faire souffrir encore plus Trevor. J’en ai trop fait. Je sais que je suis pas la fautive directe. Mais quand même. Je suis coupable. " entendit-il derrière lui. Il se retourna et posa son regard rougi par les larmes dans celui de sa cousine. " Tu ne l'as jamais perdu, mon amour, Willy. Jamais. " murmura-t-il. Mais en effet, comme elle le disait si bien, elle était fautive. Alors oui, peut-être que pour le moment, la meilleure solution était de s'éloigner l'un de l'autre pendant quelques temps. Parfois, il se demandait pourquoi il n'était pas parti en Europe, loin d'elle, loin de tout, plutôt que de se précipiter à Miami. Il aurait dû partir, s'éloigner pour oublier. Recommencer une nouvelle vie ailleurs. Mais il était trop tard, à présent. Il avait une nouvelle vie, ici, qu'il arrivait plus ou moins à apprécier. Il ne voulait plus partir. Tout ce qu'il pouvait faire, pour le moment, c'était de l'éviter. Jusqu'à ce qu'il l'oublie. Après, ils pourraient re-devenir cousins. Simplement.
Le jeune homme soupira, se frotta le visage de ses mains. Son corps, tel au automate, se leva. Il posa un baiser sur le front de sa cousine. " Prends soin de toi, d'accord ? " murmura-t-il, avant de s'éloigner. Surtout, ne pas se retourner. Ne pas lui montrer... Une fois de plus, ses larmes roulèrent sur ses joues, cruelles et sans pitié. Mais il ne se retournerait pas. Il ne la verrait plus avant de pouvoir enfin la regarder sans aucune arrière pensée. La pardonner. L'oublier. Telles seraient ses prochaines missions.

Trevor reprit la parole. Il tenta de lui expliquer quelque chose. Il y avait des sous-entendus dans sa voix, dans la tournure de ses phrases. Il parla de plusieurs choses. Ses parents. Sa haine envers elle. L’armée. La maison de redressement. Ce qui se serait passé s’il n’avait pas eu à y aller. Il ne l’aurait pas supporté. Peut-être. Elle le comprenait. Elle n’avait pas réussi à accepter ce qu’il avait eu à subir. Et ne le pourrait jamais. C’était sa faute. Il avait beau dire ce qu’il voulait, elle l’avait mis dans une situation inadmissible. Elle l’avait changé. Elle n’aurait pas dû en avoir le droit. Ce n’était pas juste. Elle avait mal agi. Elle s’en mordait encore les doigts. Rien. Non, rien ne pourra lui enlever ce sentiment. Il l’empêchait même d’être complètement heureuse. Il lui interdisait de se sentir bien. Surtout avec Trevor. Jamais elle ne pourra se sentir en droit de lui reprocher quelque chose.

Le jeune homme lui prit les mains. Elle quitta ainsi le contact avec ses joues mais également son regard. Ils allèrent ensemble sur le banc. C’était sans doute mieux ainsi. Il fallait qu’elle reprenne ses idées. Qu’elle se remette des toute cette soudaine émotions. Et surtout que Trevor lui explique ce qu’il avait sur le fond du cœur. Ça semblait grave. Trop important pour que la situation aille en s’améliorant.

Willow avait envie de pleurer quand Trevor détourna la tête. Il fuyait son regard. Il se cachait. Il se protégeait. Il ne voulait pas se souvenir. Il se forçait pour lui faire clairement comprendre qu’elle en était la cause.

Il reprit tout de même alors que la gorge de la brunette se serrait atrocement. Il lui expliqua pourquoi il la haïssait. Et tous ces souvenirs qui le hantaient, ils venaient par brèves images et sensations à Willy. Elle avait envie de pleurer.

« N’en dis pas plus…»

Elle comprenait déjà. Elle ne voulait pas le forcer à aller plus loin.



Continuer de vivre. De continuer d’aimer. De penser. De vivre. De respirer. De parler. D’aimer. Elle ne méritait rien de tout ça. Elle foutait tout en l’air. Tout. Trevor n'avait pas besoin d'en dire plus. C'était clair. Ce n'était pas simple. Mais voilà. Ce qui s'était passé, il le savait tous les deux maintenant. Plus besoin de se cacher. WIllow en savait peut-être moins. Mais elle imaginait.... Facilement.
Comment se rattraper ?

« Je n’peux rien faire ? Je n’peux pas retrouver ton véritable amour ? J’peux pas effacer tout ça… Je peux pas prendre le risque de te faire souffrir encore plus Trevor. J’en ai trop fait. Je sais que je suis pas la fautive directe. Mais quand même. Je suis coupable. »

Est-ce qu’en s’éloignant de lui il serait plus heureux ? C’était le risque à prendre. La douleur à vivre. Elle voulait le voir heureux. Elle voulait les meilleures choses pour lui. Elle l’aimait. Il comptait. Comme Alistair. Elle souhaitait n’importe quoi pour eux deux. Tout. Tout ce qui était possible sur cette planète. S’éloigner. Partir. Abandonner le combat, pour la première fois… Mais c’était peut-être ça la solution ? Non ?

► Willow aussi pleurait. Ils pleuraient tous les deux, serrés dans les bras l’un de l’autre. Comme dans un mauvais feuilleton à l’eau de rose. « C’est de ma faute. Tu comprends ? Je peux pas t’en vouloir… J’suis nulle ! Tout est d’ma faute ! Pardon Trevor. J’ai été conne. Je veux pas te perdre. J’veux pas qu’tu m’détestes. Je veux pas que tout s’arrête entre nous. T’m’as tellement manqué qu… » bafouilla-t-elle, sans cesser de pleurer toutes les larmes de son corps. Lui non plus n’arrivait pas à se calmer. Parce qu’elle s’excusait. Parce qu’elle ne comprenait pas. Parce qu’il avait mal de se souvenir, parce qu’elle lui manquait. Ou simplement à cause du trop plein d’émotions. Elle le serrait elle aussi dans ses bras, aussi fort qu’elle le pouvait. Puis, elle lâcha son tee-shirt. Doucement, la sportive frotta sa joue. « J’aurais pas dû te laisser subir tout ça… J’avais peur. J’ai pas su quoi faire… Je m’en suis tellement voulu si tu savais ! J’ai tenté de le dire, mais j’ai jamais réussi à aller jusqu’au bout… Je voulais pas que tout ça arrive… Je te promets. Si j’avais su ce qui te serait arrivé, je… » continua-t-elle. Il avait envie de l’arrêter. Parce qu’elle ne savait pas ce qu’il lui était arrivé. Pas encore. Elle pensait savoir. Mais la réalité était tout autre. Trevor ne voulait pas qu’elle soit désolée pour l’armée. Au final, ce n’était pas si horrible que ça. Il avait fini par s’habituer. Par apprécier, même, cette rigueur. Les ordres. Les horaires. Les corvées. Les entrainements. Willow se retira un peu et força le brun à la regarder. Elle posa ses mains fines sur ses joues et essuya ses larmes. « J’ai ruiné ta vie. Je ne suis même pas digne d’être enc… Pardonne-moi. Je ferais n’importe quoi… ». N’importe quoi… L’aimer ? Non. Non, pas comme ça. Parce qu’elle l’aimait. Elle le lui avait dit. Mais pas comme lui l’aimait. Comme une cousine aime son cousin. Ou comme une sœur peut aimer son frère. C’est tout, et c’est tout ce qu’il aurait jamais. Cependant, il fallait qu’il lui dise. Qu’il lui explique. Pourquoi, pourquoi cette rage le submergeait. Avant qu’elle ne revienne.
« Willy… Tu m’as dit que… si tu avais su ce qu’il me serait arrivé, tu… Mais, écoute, tu ne sais pas. L’armée, c’était pas si grave. Ne t’en veux pas pour ça. Je t’ai juste haïe du plus profond de mon cœur à cause… J’aurais pu m’habituer à tout. Je me suis habitué à tout. Et puis, grâce à toi, j’ai compris que je ne pouvais pas vraiment compter sur mes parents adoptifs. Leur réaction… Mais soit, là n’est pas la question. Il faut qu’on parle d’autre chose. Je ne veux pas que tu t’en veuilles pour ça. Pour l’armée, la maison de redressement… Si je n’y avais pas été, ça aurait été toi, et je supporte encore moins cette idée, tu comprends ? » fit-il. Et, comme ses jambes étaient en coton, il lui prit les mains, les enleva de son visage, et entraina Willow vers ce banc, qu’ils avaient quitté un instant plus tôt. Ils s’assirent à nouveau.
« Là-bas, en Virginie, je… » commença-t-il. Le moment d’avouer. La haine qu’il ressentait dans ces moments-là refit elle aussi son entrée. Tre’ se rendit compte qu’il serrait les mains de Willow dans les siennes tellement fort que ses articulations étaient blanches. Il la lâcha et détourna les yeux.

Le monde était flou. Sa vie tombait lamentablement en morceaux. Apocalypse. Une ruine. Willow n’était qu’un tas de ruine à l’intérieur. Elle avait tout fondé sur de fausses idées. Elle avait tenté de reconstruire sur un terrain mouvant. Les sables mouvants ne sont pas bons. Son château de carte avait été bâtit royalement. Le plus beau de tous. Une vie joyeuse, des nouveaux amis, une bourse, vivre de sa passion au sein d’un lycée grandiose. Mais tout ça… Ce n’était que des illusions. Tout cela arrivait à cause de SON mensonge. C’était elle. C’était elle qui avait choisis de construire le tout sur un terrain glissant. Elle n’avait même pas pris le temps de rattraper le coup quand elle s’en était rendu compte. Trevor… Il avait vécu un cauchemar à cause d’elle.
La demoiselle se mordait la joue. Souffrance imposée. Elle se serait bien fait autre chose mais ne pouvait pas faire autrement. Discrétion avant tout ? Peut-être. Cette sentence était tombée toute seule. Et puis, peut-être que ça calmerait ses larmes. Et la ferait décamper. Pourquoi ne bougeait-elle pas ? Pas un seul pas. C’était trop compliqué. Entre ses pensées, ses larmes, son cerveau ne pouvait pas lui lancer un ordre. Ou bien ses jambes ne pouvaient pas répondre.

Il y eut un mouvement dans le monde qui l’entourait. En quelques secondes Willy comprit. Trevor l’avait rejoindre. Il était là. Il ne la tuait pas. Non. Il la retenait contre elle. Fort. Pas assez au goût de la demoiselle qui vint l’enserrer de ses bras tremblant. Sans le voir, Willow comprit qu’il pleurait également. Elle ne l’avait jamais vu dans cet état. Mais sur le moment elle ne se fit aucune remarque. L’entendre pleurer l’enfonça encore plus dans son chagrin. Il fut dès lors impossible pour elle de se calmer. La brunette sentait le corps de son cousin contre elle. Elle était triste. Même plus que ça. Elle avait l’impression d’avoir perdu le sens de sa vie.

«Je suis désolé, Willow, je suis désolé. Je ne veux pas que tu pleures, je suis désolé. Je t'aime, Willow, je suis vraiment désolé de te faire pleurer.»

Il n’arrêtait pas de demander pardon. Willy se sentait plus coupable que lui.

« C’est de ma faute. Tu comprends ? Je peux pas t’en vouloir… J’suis nulle ! Tout est d’ma faute ! Pardon Trevor. J’ai été conne. Je veux pas te perdre. J’veux pas qu’tu m’déteste. Je veux pas que tout s’arrête entre nous. T’m’as tellement manqué qu…»

Ses larmes redoublèrent d’intensité. Pourquoi n’était-elle pas aller le voir en Virginie ? Une simple visite ? Elle avait eu trop peur. Peur qu’il n’accepte pas de la voir. Peur qu’il ne soit plus le même. Peur qu’il la regarde avec un regard plein de souffrance et de haine. Et puis pourquoi n’avait-elle pas eu le cran de se dénoncer ? Elle n’aurait pas eu sa bourse scolaire. Elle se serait fait virée. Elle et Alistair sûrement. Elle aurait ruiné sa vie et la sienne. Mais… De là à laisser Trevor porter le chapeau ? C’était immature et injuste.
Les mots de son cousin résonnaient dans sa tête. Il ne voulait pas la voir pleurer. La demoiselle tenta alors de calmer sa respiration haletante. Sa main quitta le dos du jeune homme et essuya ses joues.

« J’aurais pas dû te laisser subir tout ça… J’avais peur. J’ai pas su quoi faire… Je m’en suis tellement voulu si tu savais ! J’ai tenté de le dire, mais j’ai jamais réussi à aller jusqu’au bout… Je voulais pas que tout ça arrive… Je te promets. Si j’avais su ce qui te serait arrivé, je…»

Willow s’écarta un peu de Trevor pour forcer le garçon à la regarder. Elle avait posé les mains sur les joues de l’étudiant. Après un court silence, elle essuya doucement les larmes qui perlaient sur son visage.

« J’ai ruiné ta vie. Je ne suis même pas digne d’être enc… Pardonne-moi. Je ferais n’importe quoi…»

► Il n'osait pas la regarder. Affronter son regard. Sa peur. Il ne voulait pas qu'elle ait peur de lui. Il voulait juste... qu'elle le prenne dans ses bras, qu'elle lui dise que tout allait bien se passer. Qu'elle le rassure. Au bout d'un long moment sans un bruit, lourd, pesant, elle bafouilla. " Je... " mais rien de plus. Il n'avait pas envie de savoir ce qu'elle en pensait. Déjà, il regrettait ses paroles. Trevor avait cette irrésistible envie de prendre la fuite, mais son corps était collé au banc de bois. Pire, soudé ! Il avait peur. Il crevait littéralement de peur. Peur d'être abandonné. Peur de souffrir. Il se sentait comme... comme un petit écureuil qui traverse une autoroute. Il courre, il courre... les phares approchent, immanquablement. Sa peur est panique, mais elle l'oblige à redoubler d'efforts pour avancer. Lui redoublait d'efforts pour ne pas fuir. Du pareil au même...
Quand Willow sauta sur ses pieds, il se sentit comme ce petit écureuil, atteint par les pneus meurtriers. Écrasé. Le coeur en lambeaux. Ainsi, elle allait fuir ? L'abandonner, là, sur ce banc ? Ne comprenait-elle pas sa détresse ? Sans doute pas, non... Ils avaient tous les deux peur, voilà tout. La désagréable impression que sa cousine était égoïste l'envahit, un quart de seconde, pour s'évaporer quand il entendit sa voix. " Tout est de ma faute. Je suis désolée. Je n’aurais pas dû. Je… Je… Je ne peux pas rester. J'ai tout ruiné... Rien, même mon amour pourra changer ça... Il faut que je... Que je parte. "

Il releva les yeux, et constata qu'elle pleurait. Des larmes, provoquées par lui, par ses paroles, par ses sentiments contradictoires, souillaient ses si jolies joues. Il attendit, le coeur en miettes, qu'elle parte. D'un côté, il le désirait plus que tout au monde. Qu'elle disparaisse, à jamais, de sa vie, de sa tête... Mais d'un autre côté, c'était Willow. Willow, merde ! Ils avaient le même nom de famille, elle était la seule qu'il lui restait, même si elle l'avait trahi plus encore que ses parents adoptifs. Il l'aimait, à en crever, l'avait toujours aimée, mais il y avait la souffrance accumulée pendant ces deux années, là-bas, en Virginie. Déchiré, une fois de plus. Son regard gris-bleu posé sur elle, il attendit. Mais elle ne le quitta pas. Ses pieds restèrent incroyablement fixés au sol. Ses jambes tremblaient presque, de peur, ou autre chose, mais elle resta là, à le regarder en pleurant.
Alors, il ne pu retenir ses propres larmes. Lui, Trevor, l'impassible, le fort, le garçon au coeur de pierre, sentit une perle salée rouler sur sa joue. Puis une autre, suivie d'une troisième. Son corps le propulsait en avant, mais son esprit le retenait, un instant auparavant. L'envie de vengeance, contre l'amour. En quelques secondes, la tendance s'inversa. L'envie de la prendre dans ses bras, contre ses sentiments plein de haine. Il sauta à son tour sur ses pieds, se sentit pantelant un court instant... et attrapa sa cousine. Le brun entoura ses épaules de ses bras. Sa main droite se logea dans la nuque dégagée, la gauche se nicha dans le dos tremblant. Il enfuit son visage dans les cheveux retenus en chignon lâche et se laissa aller. Il pleura, comme un gosse. Cela faisait longtemps que ça ne lui était plus arrivé. " Je suis désolé, Willow, je suis désolé. Je ne veux pas que tu pleures, je suis désolé. Je t'aime, Willow, je suis vraiment désolé de te faire pleurer. " s'entêta-t-il à répéter, à travers ses larmes. Il se sentait minable. Moins qu'un homme. Mais plus il pleurait, et plus la pression accumulée ces dernières années coulait le long de son corps pour enfin disparaitre. Peut-être pas à tout jamais, mais tout du moins le temps de quelques explications...

Il ne répondit pas vraiment. Il se contenta de la suivre. Autant prendre ça pour un oui. Jusqu’à ce qu’ils arrivent sur un banc, aucun des deux ne parla. C’était assez bizarre. Willow se sentait vraiment inconfortable. C’était comme si son instinct lui disait d’être méfiante, d’être plus insistante. A chaque fois qu’elle jetait un coup d’œil à Trevor, il avait le regard perdu dans le vide. Comme s’il était noyé dans ses pensées. Elle ne pouvait pas l’en sortir. Elle ne voulait pas. Peut-être qu’au fond, Willy ne désirait pas savoir ce à quoi il réfléchissait. Peut-être que c’était quelque chose de bien trop dur pour elle. Comme à la soirée… Quand il avait sorti cette soudaine phrase. Ou peut-être que ce n’était rien de tout ça… La sportive adorait Trevor, depuis toujours. Il avait été présent pour elle. Elle aimait passer du temps avec lui. Tout comme avec Alistair. Ils formaient tous les trois, le trio parfait. La demoiselle aimait autant les deux garçons. D’une manière différente peut-être… Tout aurait été différent s’il n’y avait pas eu cette fameuse journée. Cette atmosphère chaude. Brulante. Tout avait changé à partir de ce moment-là. Elle s’en voulait. Elle regrettait. Si elle avait su ! Si seulement… Qu’aurait-elle fait ? Certainement pas grand-chose… On ne peut pas revenir sur le passé. Mais sa relation avec son cousin en avait été changée. A jamais. Il lui avait fait comprendre cela à la fête des Eta Iota. Pendant un instant elle avait cru que ce ne serait pas le cas. Mais elle s’était à parement bercée d’illusions. Que lui voulait Trevor ? Willow avait posé son regard sur le jeune homme. Sa présence était incroyable. Elle avait du mal à détacher ses yeux du visage du garçon. Puis il ouvrit enfin la bouche.

«La seule chose qui m'empêche de me venger pour tout ce que j'ai subi à l'armée, par ta faute... c'est l'amour que j'ai pour toi. Je crois que si je n'étais pas raide dingue de toi, de ce que tu es, depuis des années, je t'aurais déjà tuée, Willow.»

Tout bascula. La tête de la jeune fille tourna dans tous les sens. Elle eut une soudaine envie de vomir. Son ventre s’était tordu. Ou bien était-ce son estomac. Ou encore sa gorge trop serrée. Ou même son cœur qui manquait d’exploser. Elle parvenait à entendre son propre pouls. Sa vision se troubla. Des larmes ? Peut-être… Ou bien faisait-elle un malaise. Était-ce possible dans faire un pour ce genre de choses ? Une mauvaise nouvelle peut-elle vous mettre dans un tel état ? Ce n’était pas que mauvais. Non. Il venait de lui dire qu’il l’aimait. Raide dingue. Mais la mort surpassait tous ces mots. Elle entendait encore et encore la fin de la phrase de Trevor. Comme s’il l’avait crié dans une montagne, ou une immense pièce vide. Il y avait cet horrible écho qui enfonçait peu à peu Willy dans l’obscurité.

« Je… »

Les mots ne venaient pas. Ils ne pouvaient pas. C’était coincé. Juste là. Que voulait-elle dire d’ailleurs ? Ses pensées n’arrivaient plus à trouver un sens. L’aimait-elle aussi ? Aucune idée. Elle n’avait pas arrêté de penser à lui. Longtemps. Très longtemps. Des jours et des nuits. Mais de l’amour. En ressentait-elle ? Et puis… Quand bien même… Elle n’arrêtait pas d’imaginer son cousin en train de l’étrangler. Il aurait été là, son regard presque métallique posé sur elle. Une moue vengeresse aurait déformé son visage tandis que l’air quitterait son corps. Son cousin. C’était son cousin ! Elle… Le trio partait en éclat. Oui. Il n’y aurait plus jamais de trio. Tout ça par sa faute. Elle avait tout ruiné. Plus rien ne serait comme avant entre elle et Alistair. Plus rien ne serait comme avant entre elle et Trevor. Plus rien ne serait comme avant pour Alistair et Trevor à partir du moment où l’un apprendra pour l’autre. Et si elle perdait les deux ? Et s’il l’assassinait ?
Il ne pouvait pas faire ça. Malgré tout ce qu’il avait subi. Les douleurs, les injustices, la honte, la trahison… Trevor n’était pas un homme mauvais. Il avait un bon fond. Willy l’avait toujours su. Il était meilleur qu’elle. Ce n’était qu’une apparence. Pourtant, elle n’arrivait à réfléchir.

Ses jambes se redressèrent et la demoiselle quitta le banc. Elle tenait sur deux morceaux de cotons tandis que le monde tournait. Il allait vite. Terriblement vite. C’était insupportable. Tout comme la pulsation que faisait son cœur.

«Tout est de ma faute. Je suis désolée. Je n’aurais pas dû. Je… Je… Je ne peux pas rester. J'ai tout ruiner... Rien, même mon amour pourra changer ça... Il faut que je... Que je parte.»

Les larmes commencèrent à tomber. Elle ne pouvait pas fuir. Willow n’était jamais partie devant les difficultés. Elle ne bougeait pas. Elle sentait juste qu’elle pourrait tomber au sol à n’importe quelle minute. Pourquoi tout se passait-il ainsi ? Elle avait ruiné la vie de Trevor. Elle ne pourrait jamais le récupérer. Combien même elle avait des sentiments pour lui. Jamais il ne pourrait la regarder dans les yeux sans avoir ce sentiment de haine.

► Willow répondit, presque avec empressement. Elle devait sentir que Trevor n'était pas vraiment dans son état normal. Pourtant, il essayait de le cacher, mais c'était loin d'être évident. Ce qu'il ressentait à l'instant même était déroutant, purement et simplement. Déchirant. Et pour continuer dans les adjectifs en "ant"... Puissant. " J’aurais dû répondre à ton sms. Désolée, j’ai tendance à oublier de faire ça. Mais je ferais des efforts. Tu… Tu voulais me dire un truc en particulier ? " fit-elle, avant de se mettre en mouvement. Elle semblait pressée. Le jeune homme laissa mécaniquement son corps suivre Willow, tandis que son cerveau fonctionnant à 100 à l'heure. Sa cousine n'avait sans doute pas envie d'entendre ce qu'il avait à lui dire. D'ailleurs, lui-même avait-il envie de le lui révéler ? Rien n'était moins sûr. Néanmoins, il devait le faire. Pour la sauvegarde de leur amitié. Pour... elle. Lui, sa tranquillité d'esprit. Parce qu'il en avait assez d'essayer d'étouffer ses sentiments. La rage qui le submergeait. Et tout le reste. De réfléchir sans cesse à tout cela, également. Il s'embrouillait lui-même. Quand il sortit enfin de ses pensées, le brun se rendit compte qu'ils était arrêtés à l'ombre d'un arbre, sur un banc du parc municipal. Quand s'était-il assis ? Il n'en avait même pas le souvenir. Cette histoire le perturbait, il était temps d'y mettre un terme. Positif ou négatif. Il verrait bien. Mais... Comment amener la question ?

" Pour répondre à ta question... Oui, il y a un truc. Si je te le résume, ça donne quelque chose comme... " commença-t-il, au feeling. Il reprit sa respiration, un grand coup, et lâcha : " La seule chose qui m'empêche de me venger pour tout ce que j'ai subi à l'armée, par ta faute... c'est l'amour que j'ai pour toi. Je crois que si je n'étais pas raide dingue de toi, de ce que tu es, depuis des années, je t'aurais déjà tuée, Willow. "

Il avait bien conscience d'avoir l'air effrayant, limite complètement fou. Mais c'était sorti tout seul. Le Rho Kappa avait laissé son coeur parler. Sa haine et son amour, il les avait exprimés, sans détacher une seule seconde son regard de l'horizon, en une seule phrase. Mâchoire serrée, il attendit une réaction de la part de sa cousine. Il en avait peut-être trop dit. Ou peut-être pas assez. Mais au moins... c'était dit. Advienne que pourra.

Trevor s’approcha doucement. Au moins, il bougeait lui ! Et elle, elle restait là, idiote. Les derniers mots du garçon revenaient en mémoire. Ils flottaient là, Willow ne voyait qu’eux. Bizarrement, ses pieds eurent envie de se retourner et d’avancer dans le sens inverse. Ou bien simplement reculer. Mais la marche arrière était trop compliquée pour son esprit. La brunette se souvenait presque de tout ce qu’elle avait fait par la suite. Ça l’avait bouleversée. Et si, c’était pour s’attarder sur ce sujet ? Peut-être qu’il la mettrait à nouveau dans cette situation inconfortable. Mais ici il ne pourrait pas fuir dans la foule. Et elle non plus. Il n’y avait pas non plus les cinq verres de téquila. Cinq ? Peut-être plus. Elle ne se souvenait pas. Il fallait vraiment qu’elle arrête de boire. Pourquoi avait-elle commençait ? Et puis, pourquoi Trevor avait-il changé si subitement ? Etait-il ici pour lui faire regretter ? Voulait-il se venger ? Voulait-il régler ses comptes ? Avait-il des plans ? Avait-il prévu ce qu’il allait dire aujourd’hui ? S’attendait-il à ce qu’elle vienne ? Mince. Elle ne lui avait pas répondu. Son message… Elle ne répond jamais aux sms de toute façon… Pour Alistair, ça avait été la même chose. Mais aujourd’hui, ça semblait différent. Quoi que… Il y avait autant de tentions. Ça tête était aussi embrouillée qu’avec son meilleur ami. Aller voir quelqu’un avec qui on s’est embrouillé, ce n’est jamais simple. Même quand cette personne vous est très proche. C’était même pire ! Willy tenta de cacher ses mains. Elles tremblaient.

Trevor lui lance un simple salut auquel elle répond d’un petit sourire discret. Willow n’arrive jamais à dire bonjour facilement. On utilise quel mot ? Pour quel contexte ? Quand la personne vous l’a dit en premier, on répète ? On dit autre chose ? Elle pourrait lui demander si ça va… Oui… Mais comment amener ça ? De plus, Trevor la perturbait énormément. Il était là, en face d’elle et la fixait droit dans les yeux. Son regard était captivant et déroutant. Il était difficile de comprendre ce qu’il voulait faire passer. La sportive était perdue. Son cousin lui annonça qu’il avait cru que ce moment de silence n’aurait pas lieu. Elle aussi. Elle aurait dû répondre. Mais ce n’est pas un réflexe. Pas accro au portable du tout… Tête en l’air ? Oui. Mais bon… Il se contente d’hausser les épaules. Ça veut dire quoi ? Qu’au fond, il s’en foutait ? C’était bizarre. Il voulait parler mais ne semblait pas presser. Et elle, elle restait là comme une idiote.

«On va s’asseoir ?»

Sa voix n’était pas tout à fait comme d’habitude. La demoiselle avait beau l’avoir perdu pendant deux longues années, elle pouvait toujours reconnaître quand quelque chose ne tournait pas rond. Ça sonnait le faux. Comme si tous les deux jouaient dans une sitcom bidon. Le genre à ne passer que sur les chaînes sans audience.

« J’aurais dû répondre à ton sms. Désolée, j’ai tendance à oublier de faire ça. Mais je ferais des efforts. Tu… Tu voulais me dire un truc en particulier ? »

Elle avait enfin bougé les pieds de la pelouse. Elle cherchait un banc ou un coin tranquille où se poser. Willow avait amené la conversation à son but.

6 mai .12

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Il ne savait pas pourquoi il avait fait ça. Un coup de tête, peut-être ? Mais Tre' avait envoyé un SMS à Willow. Cela faisait un moment qu'ils ne s'étaient pas vus. Depuis la soirée des Eta. Mais ce n'était rien, comparé à ces deux ans et demi où il avait vécu loin d'elle, d'Alistair, de ses parents... Du monde civilisé, si on peut dire ça comme ça. L'armée, c'est un univers à part entière, et il faut composer avec. Trevor avait eu du mal à s'y faire. Surtout que, pendant ces deux années infernales, complètement, il avait entretenu une vieille rancœur à l'égard de sa cousine bien aimée... et elle était devenue l'ennemie publique numéro un, en même temps que la fille dont il était amoureux. Quel dilemme, me direz-vous. Oui, c'en était un. C'était... compliqué. Plus que peut le laisser présumer la situation, à première vue. Soit. Il lui avait donné rendez-vous dans le parc à 14h30. Elle n'avait pas répondu. Néanmoins, le brun avait décidé de s'y rendre quand même. Parce qu'on ne sait jamais. Parce qu'il avait envie de la voir. Même s'il doutait fortement qu'elle vienne, à bien y réfléchir. Après tout... les dernières paroles qu'il lui avait adressées n'étaient pas des plus... sympathiques. Non. Elles sonnaient même carrément comme une menace. Il s'en était beaucoup voulu. Y avait beaucoup pensé. Jusqu'à l'arrivée de Pénélope.

Peny, c'était sa meilleure amie. Celle qui lui avait permis de tenir le coup, à l'armée. Elle l'avait rejoint, à Miami. Même si ça lui avait fait un choc, de la voir, au final, il avait compris pas mal de choses. Sur lui. Sur ses sentiments envers Willow. Et c'est probablement ça, en plus du coup de tête, qui avait fait qu'il avait envoyé un message à sa cousine pour parler. Le truc bateau par excellence. En plus, il ne saurait probablement pas quoi lui dire, si ce n'est qu'il était amoureux d'elle et qu'il était désolé de lui avoir mal parlé. Devait-il lui faire part du premier point ? Il se le demandait. Plus il s'approchait du parc, et plus il en doutait. Alors, il y pensait, pesait le pour et le contre... et se disait que oui, il devait lui dire. Mais il ne voulait pas non plus lui imposer son amour, parce qu'il n'était pas égoïste à ce point-là. Il savait qu'elle ne partagerait jamais ça. Il était son cousin. Presque un frère. Ses espoirs étaient... réduits à néant, à peu de choses près. Compliqué, quoi. En fait, il avait presque déjà renoncé. Il commençait doucement à se faire à l'idée... Mais c'était plus fort que lui. Incontrôlable. Cette haine... cet amour... Le tout mélangé. Ingérable.

Il attendait, debout dans le parc, depuis un moment déjà. Ses pensées s'embrouillaient de plus en plus. Trevor était sur le point de renoncer quand il la vit. Jeans, baskets, débardeur... Simplicité incarnée. Tout elle. Il sourit. Son coeur était tiraillé. L'envie de la poursuivre avec un couteau (comment ça, psychopathe, mon Trevor ?!) et celle de la serrer dans ses bras. Il serra juste les poings, pour commencer, et s'approcha. Doucement. Tout en réfléchissant à ce qu'il pourrait bien lui dire. Finalement, il fit simple. " Salut. " Bon début. Il se posa devant elle et planta ses yeux dans les siens. Son regard devait refléter la complexité de ses sentiments... " J'ai cru que tu ne viendrais pas... " fit-il en haussant les épaules. Se contrôler, en permanence. Il se rendit compte que c'était encore plus dur, quand il n'avait pas bu d'alcool. " On va s'asseoir ? " proposa-t-il en essayant de garder un ton neutre. Essayer.

On était dimanche. Willow ne faisait rien de particulier. Enfin, si, elle s’entrainait. Hier à la compétition elle était arrivée seconde. Honteux. Ce n’était pas digne de ses courses habituelles. Mais la brunette savait ce qui avait fauté. Elle le savait très bien. Pendant deux secondes avant de partir, elle avait regardé Alistair. Tout avait changé entre eux depuis ce jour de pluie. Ils s’étaient retrouvés. Il avait fallu ce rendez-vous pour qu’il y ait enfin des explications. Fini la Willow bourrée qui pleure à la soirée des Eta Iota, celle qui annonça que personne ne l’aime. Tout ça à cause de son meilleur ami et de son cousin… Non. Ce jour pluvieux amena la sportive dans le bâtiment des Khi. Et là… Là… La belle s’en souvenait encore. Ils avaient joué aux cons jusqu’à ce moment précis. Alistair l’avait embrassé. Il l’aimait. Il avait prononcé ces trois petits mots. C’était tellement libérateur ! Mais ça n’arrangeait pas tout. Il y avait toujours un détail qui venait gâcher le tableau. Comme si Willy ne pouvait y voir clair. Trevor. Lui aussi, il lui manqué. C’était comme sa période de froid avec Ali. C’était horrible. Elle savait qu’il était là, ce n’est pas comme avant quand elle savait qu’il était occupé en Virginie. Non. Il était là. Il traversait les mêmes couloirs qu’elle, il mangeait la même nourriture qu’elle, il dormait dans le même interna qu’elle. C’était insupportable. Elle voulait le retrouver mais s’en empêchait. Trevor lui avait fait peur. Il avait disparu d’un seul coup. Et il l’avait fait souffrir. Tous les mauvais souvenirs étaient remontés à la surface. Willow s’était même dit qu’elle pourrait retourner dans le Michigan. Mais c’était sans doute trop tard. Le mal était fait. Il ne pourra jamais s’effacer. Trevor avait subit. Mais elle aussi. Elle avait souffert en silence. Elle s’était rongée de l’intérieur. Et c’était encore pire dorénavant. Elle n’arrivait plus à s’imaginer vivre sans rire lui dire, sans se faire pardonner, sans avoir son contact.

L’entrainement continua jusque tard dans la matinée, elle mangea rapidement un peu de riz et une banane. Puis elle y retourna. Il n’y avait pas grand monde sur la piste d’athlétisme ce dimanche. Les gens partaient voir leurs parents ou se reposaient. Pas Willow. Il fallait qu’elle extériorise. Et qu’elle s’occupe. Le sport. Il n’y avait que ça. Alors qu’elle buvait une longue gorgée d’eau, elle regarda l’heure sur son portable. Elle l’avait laissé dans sa veste depuis le début. La brunette fut surprise de voir qu’elle avait reçu un message. Cette surprise s’accentua quand elle lu le nom. Trevor. Le cœur de la demoiselle accéléra quand elle prit la décision de lire le petit texte. Il lui donnait rendez-vous au parc. Il avait utilisé les mêmes mots qu’Alistair un peu plus tôt. « Il faut qu’on parle. » Et lui aussi lui donner un lieu et une heure. A croire que ce n’était jamais Willy qui prenait les décisions.

Il était déjà 14h passé. Et elle était pleine de sueur. Elle ne pouvait pas y aller comme ça. Willow qui pense à son apparence… Plutôt étrange ! C’est de la faute à Sateen qui s’évertue de la faire devenir féminine. Et aussi des garçons… Bizarrement, elle voulait être plus présentable. Surtout pour parler à Trevor. Ne pas déranger par une odeur désagréable.
La lycéenne courut. Un sprint en direction de sa chambre. Là, toujours aussi rapidement, elle se déshabilla est pris la direction des douches, une serviette sous les bras. Tout était chronométré. Des gestes rapides. Pas le temps de s’attarder sous l’eau chaude. C’est pourquoi elle mit le robinet à la température minimum. C’était glacé mais ça réveillait ! Elle retourna enfiler des vêtements. Un jean, un débardeur, des petites chaussures en toile. Ses cheveux mouillés furent enroulés et fixés sur son crâne par un chignon. L’heure du rendez-vous venait tout juste d’être dépassée.

« Shit ! »

L’idée lui vint à l’esprit. Peut-être ne devrait-elle ne pas y aller du tout. Mais quinze secondes plus tars, la jeune fille était en train de fermer sa chambre à clé. Les escaliers furent descendus en vitesse, le hall également. Puis le parc. Il était gigantesque. Trop grand pour y voir du premier coup Trevor.

« Où as-tu bien pu te cacher…»

La demoiselle marmonnait. Elle était à cran, son cœur battait trop vite, sa respiration était saccadée et le soleil venait l’éblouir. Ses pieds la menaient un peu partout dans l’herbe du parc, sa main droite vint servir de visière pour soutenir son regard. Trevor avait peut-être abandonné. Il était peut-être parti.
Willow restait ainsi, telle une statue bordée de lumière. C’est là qu’elle remarque son cousin en contre jour. Elle ne distinguait pas son visage mais elle savait que c’était lui. C’était comme ça. Il a des gens qu’on n’a pas besoin de voir pour sentir leurs présences. Elle ne bougeait toujours pas. C’était un mélange d’appréhension, de stress et de peur qui la paralysait. Qu’allait-il pouvoir se passer ?