Même hors compétition on se crêpe le chignon

J’ai haussé un sourcil avant de me lever. Cette situation devenait risible tellement elle était ridicule à mourir.

« Bien, tout ça à cause d’un feeling ? Pitoyable, c’est tout ce que j’ai à dire. »

Je n’avais pas envie de prendre des pincettes, juste être sincère et franche s’il le fallait. J’étais bien gentille mais poussée dans mes retranchements je pouvais également griffer et c’est ce qu’elle me forçait à faire. La regardant de haut, je cherchais à comprendre ce que j’avais pu faire de mal le jour de notre rencontre, à part gagner la compétition et descendre tout de même pour la féliciter, lui disant qu’elle avait du talent. Peut-être avait-elle pris cela pour une marque de moquerie, alors que ce n’était pas mon style ?

En y réfléchissant, elle ne me connaissait pas à cette époque et moi non plus. J’avais toujours été franche et naturelle mais je ne m’étais jamais dit que cela ne passerait pas auprès de tout le monde. Sans plus attendre ni un regard pour elle je suis retournée vers la plage.

« L’océan est assez grand pour deux il me semble, pas la peine qu’on se colle au train non plus. »

Je suis descendue rapidement pour retrouver le sable sous mes pieds. Retournant auprès de mes affaires, je les ai déposée près de ma serviette avant de retourner dans l’eau. Elle me semblait pus froide que tout à l’heure mais j’avais besoin d’un petit temps d’adaptation. J’étais légèrement mal à l’aide car je savais le regard de ma rivale dans mon dos. A moins que je ne me fasse un film.

La réponse ne tarda pas à venir, cinglante également pour sa part. Notre petite conversation agitée commençait à attirer l’attention de plusieurs personnes qui nous observaient du coin de l’œil. Normal j’avais envie de dire, les gens avaient tous appréciés les combats de filles que ce soit dans la boue ou dans la rue. Mais bien évidemment, lorsque deux filles se battaient, personne n’osait intervenir, personne n’était assez fou pour cela.

« Bien. Je voulais juste être certaine que tout soit bien clair. Je ne voudrais pas qu’il y ai le moindre mal entendu entre nous. »

Ai-je complété d’un ton légèrement hautain. Pourquoi est-ce que je ne parvenais pas à dire les choses en douceur ? Secouant légèrement la tête comme si j’étais contrarié, j’ai fini par laisser tomber. Je n’allais pas me prendre la tête pour si peu. Soudain, je fis quelque chose qui me surpris moi-même, sans attendre son aval ou une quelconque réaction, je me suis assise face à elle avant de décarer d’une traite.

« Pourquoi on se déteste ainsi ? D’où vient cette fichue rancœur ? »

Il fallait jouer cartes sur tabes et tout mettre à plat, même si je me doutais que j’allais subir un rejet sans précédent, j’aurais au moins essayé et je n’aurais plus cette rivalité sur la conscience, ou je saurais au moins le pourquoi du comment.

« Alors ? Une explication Chelsea ? Ou quelque soit la manière dont tu te fais appeler… »

Les rayons du soleil frappaient directement sur notre table, réchauffant lentement le bois, ainsi que nos deux corps par la même occasion. Pour ma part, je savourais la douce caresse de l’astre tandis q’une légère brise fit voler le sable sur la plage, ramenant de ce fait plein de sable sur ma serviette. Je respirais lentement, profitant de chaque bouffée d’air comme si elle était la dernière, profitant des douces odeurs de ce paysage et des multiples sont qui l’accompagnaient. Je me suis promise de revenir ici dans l’après midi pour faire des photos, de toute façon, j’aurais plus que certainement besoin de me détendre après cette… altercation avec cette jeune femme.

A ma première phrase, je sus immédiatement que mes paroles ne lui avaient pas plut. Son visage se ferma encore plus quand elle fronça ses sourcils parfaitement dessinés. Lorsqu’elle me répondit, je m’attendais à quelque chose de purement agressif, je m’attendais à ce que le ton monte et à ce que nous en venions à nous crêper stupidement le chignon mais non. Un calme surprenant l’envahissait qu’elle me répondit. Elle était même trop calme pour que ce soir crédible, il y avait quelque chose de « louche » derrière cela. Cette fois ci ce fut à mon tour de faire une mimique et j’ai haussé un sourcil perplexe. A quoi jouait elle

Affirmant ensuite qu’elle n’était pas venue pour moi, le contraire m’aurait plus que surprise. Je la regardais à présent, tentant de percer à jour sa réelle humeur et ses pensées. Elle semblait si calme et sereine mais ce n’était pas logique, c’était même totalement surréaliste qu’elle soit calme ainsi. Paradoxalement, moi qui en toutes circonstance était difficilement ébranlable, je commençais presque à bouillir sur place. Ressortant ma bouteille d’eau pour donner une occupation à mes mains, je regardais à dessus d’elle à présent et plus précisément la plage ainsi que mes affaires.

L’une de nous deux devait se montrer la plus mature car nous allions devoir nous supporter pour au moins un an déjà, et cette chose qui était déjà difficile ne serait peut pas insurmontable si nous faisions de… efforts ? Moi faire des efforts pour elle ? Mais d’où me venait cette idée farfelue ? Alors que je voulais lui parler avec le calme et douceur qui m’étaient propre, ce furent des propos plus sec que je prononçais.

« Evites de t’approcher de moi au lycée compris ? Déjà que tu savoir dans le même lycée c’est dur, essayes de ne pas en rajouter une couche ma biche, ce serait super. »

Même le ma biche venant de ma bouche n’était pas très aimable. Je ne comprenais pas ce qui se passait, ou plutôt je l’ai compris ensuite. Toute ma frustration et le poids que j’avais accumulé sur mes épaules ces derniers mois se dissipaient, au fur et à mesure que je lui parlais. Elle était en quelque sorte mon punching-ball verbal et j’ai eu honte de le penser, mais cela me faisait du bien.

Aucune de nous deux ne bougeais, comme si nous ne parvenions pas à réaliser l’effet de cette bombe que l’on venait de nous lâcher. Nous ne pouvions déjà pas nous supporter sur la même plage pendant deux heures alors être dans le même lycée serait tout simplement invivable, aussi bien pour moi que pour elle.

Aucune de nous deux ne se décidait à vouloir briser la glace et pourtant c’est ce qu’elle fit. Sa remarque me laissa un arrière-gout amer dans la gorge. Retrouvant soudainement ma mobilité, comme si on venait de me délivrer de la charge de Titan, j’ai fait un pas dans sa direction, lui répondant sur le même ton condescendant.

« Excuse moi de ne pas faire partie de ta court d’admirateur et d’être au courant de tes moindres faits et gestes dans ta vie. »

Pour une des rares fois de ma vie, je venais de parler avec une légère agressivité. Habituellement j’étais si calme mais là, face à elle je perdais tous mes moyens et mes réactions n’étaient pas controlables. Pourtant nous étions si semblables, blondes toutes les deux, des yeux clairs et profonds comme l’océan, et la même passion pour le surf. Comment les choses avaient-elles pu tourner ainsi ? Je ne parvenais ni à comprendre ni à me faire une raison à cela, pour moi, il y avait quelque chose cette étrange réaction que nous avions l’une envers l’autre. Je ne pouvais pas croire que nous n’avions pas des « atomes crochus » pour nous entendre.

« Je ne pense pas que tu sois venue pour me regarder dévisager ainsi… J’aimerais bien que tu arrêtes cela merci. »

Qu’elle blague, je la dévisageais autant qu’elle le faisait. Et je savais très bien que je ne pourrais pas être concentrée sur ma planche à présent, maintenant que je la savais dans le coin. Surtout que je regarderais ses prouesses sur les vagues tandis que distraite comme pas deux, je ne serais pas capable de grand-chose.

Refermant doucement ma bouteille, et masquant de mon mieux les tremblements de mes mains, je l’ai rangée dans le sac avant de croiser mes bras sous ma poitrine, mon regard bleu azur posé sur elle.

 

Une fois ma barre terminée, j’ai remis l’emballage vide dans mon sac, cherchant cette fois ci ma bouteille d’eau. Impossible de mettre la main dessus, pourtant je me revoyais clairement la remplir pour ensuite la mettre… sur la table et oublier lamentablement de la prendre avec moi. Soupirant en me maudissant intérieurement j’ai saisi mon sac et je me suis levée, laissant ma planche et ma serviette sur le sable.

Je me dirigeais d’un pas rêveur vers la buvette de la plage, pour acheter à boire ainsi qu’un nouveau truc à manger. Sortant un élastique de mon sac j’en ai profité pour nouer mes cheveux d’un geste rapide en une sorte de chignon éclaté. Il y avait plusieurs Roh Kappa non loin qui jouaient au volley avec des Pi Sigma, ils étaient facilement reconnaissables, tous des playboy qui mettaient en valeurs leur musculature et jouaient des pectoraux, bien qu’il n’y ai que peu de filles à séduire. J’aimais bien les regarder faire les coqs, même si je n’étais jamais leur cible, allez savoir pourquoi, je devais certainement être trop… innocente et peu intéressante, ça devait être ça.

Mes pieds rencontrèrent une autre surface, du bois cette fois ci, j’étais arrivée. Me dirgeant vers le comptoir, j’ai patienté le temps que les deux autres personnes devant moi ne passent leur commande. Quand vint enfin mon tour, j’ai souris aimablement à la serveuse.

« Bonjour, j’aimerais bien avoir une bouteille d’eau s’il vous plait, et deux paquets de gateaux… oui ceux là… C’est ça merci. »

Sortant mes billets pour payer, j’ai récupéré mes achats que j’ai mis dans le sac à l’exception de la bouteille que j’ai ouverte pour boire. Soudain, quelque chose ou plutôt quelqu’un attira mon attention. Restant bouche bée, je l’ai regardé avec un mélange de stupeur et d’incompréhension.

« Chelsea ?... »

Mon visage se décomposa immédiatement totalement dépitée de me retrouver face à ma rivale de planche. Que faisait-elle ici ? Etait-elle dans le même lycée que moi et je ne m’en étais pas rendue compte ? Après tout, Whs était tellement grand, la probabilité pour que je la retrouve était très mince. Surtout que nous avions très bien pu passer l’une à côté de l’autre sans nous voir ou simplement nous capter

A présent, j’étais là sans bouger, je ne savais pas ce que j’attendais à rester planté la comme une cruche mais mes jambes refusaient de bouger. Pourquoi étais-je tétanisée par cette simple fille ? Je ne comprenais pas pourquoi ma réaction était si excessive, je ne me comprenais plus depuis un bon bout de temps. Je n’avais plus qu’une envie à présent, retourner dans l’eau le plus vite possible.

Aujourd’hui, le soleil rayonnait déjà avec une ardeur peu habituelle pour un début de saison. Mais je n’allais pas m’en offusquer, bien loin de la. Pour la première fois depuis longtemps j’étais heureuse et je ressentais un sentiment de liberté que je me devais d’assouvir dans les plus brefs délais. Quoi de mieux pour cela que de surfer paisiblement, m’entrainant au passage pour les compétitions à venir ? Je n’avais qu’une hâte, remonter sur ma planche. Repoussant mes draps dans un froissement de tissu discret, j’ai attrapé des affaires à la volée, une jupe blanche à volant qui m’arrivait au-dessus des genoux et un petit haut simple vert émeraude.

Je n’avais pas besoin d’être un canon de beauté, je voulais juste me sentir à l’aise sur le chemin de l’aller et de retour et être présentable. Farfouillant dans mes tiroirs, j’ai mis la main sur un bikini noir et rose de style rock girly que j’avais acheté il y a peu de temps. Me tournant vers Johnny qui dormait encore, je suis sortie discrètement, mes vêtements sur le dos, un sac contenant à manger et des serviettes sur l’épaule ainsi que ma planche sous le bras.

J’étais impatiente de recommencer à surfer, de ne faire qu’un avec l’océan. J’ai effectué le chemin jusqu’à la mer rapidement, plus vite que dans mes souvenirs même. Laissant mes affaires sur la plage déserte, j’ai rapidement testé la température de l’eau avant de me jeter dans cette dernière avec ma planche. Combien de temps ai-je passé dans les vagues ? Je ne pourrais le dire. Le cri des oiseaux maritimes ainsi que celui des vagues venant caresser le sable avant de reculer pour recommencer avec plus de puissance m’emplissait de bonheur. Toutes ces sensations m’avaient affreusement manquées et c’est avec un plaisir non feint que je les redécouvrais. Le soleil de dix heures éclairait largement à présent et sans aucun doute, j’allais rester ici toute la journée.

Le surf était un moyen d’évasion pour moi, un moyen de me vider totalement la tête et de ne plus penser aux derniers évènements. Pour commencer, je n’avais déjà plus de nouvelles d’Alec. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé mais depuis qu’il était parti je ne sais où, impossible de le joindre sur son portable, mes mails restaient sans réponse et mes lettres revenaient toujours car le destinataire n’existait pas. Je m’inquiétais pour lui mais que pouvais-je bien faire ?

Enchainant à présent des figures plus complexes dans l’eau, j’ai perdu l’équilibre et j’ai plongé. Mes dernières chutes étaient bien moins gracieuses que celles-ci mais au moins je découvrais avec plaisir que je reprenais mes vieilles habitudes avec joie. Je repensais avec un certaine mélancolie à la dernière fois que j’avais pris ma planche, au printemps dernier. Il y avait beaucoup plus de personnes que je connaissais de présente, beaucoup plus de personnes auxquelles je tenais mais qui avaient toutes disparues du jour au lendemain. Sortant de l’eau, je me suis dirigée vers mes affaires, constatant que la plage avait commencé à se remplir depuis le temps. Sortant une serviette pour m’affaler dessus, j’ai cherché un barre énergétique à manger sans quitter l’océan du regard. Une sonnerie me tira de mes pensées et j’ai cherché mon portable. L’éteignant sans regarder de qui provenait l’appel je l’ai remis tout au fond de mon sac. Une chose était sûre, aujourd’hui je ne laisserais personne me distraire. Personne ne viendra me perturber en m’annonçant une mauvaise nouvelle. Ma journée serait placée sous le signe du sport et de ma passion pour la mer, enfin je l’espérais.